Vous vivez dans un monde imprégné de Dieu (John Piper)

Une invitation

Jésus a dit de regarder les oiseaux du ciel, car Dieu les nourrit (Mt 6.26), et de considérer les lys des champs, car Dieu les habille (Mt 6.28‑30). Il n’avait pas pour objectif des considérations esthétiques. Son but était de libérer son peuple de l’inquiétude. Il était persuadé de la validité de son argument : si notre Père céleste nourrit les oiseaux et pare les lys, à plus forte raison nourrira-t-il et vêtira-t-il ses enfants.

C’est tout simplement stupéfiant ! Le raisonnement n’est valable que dans la mesure où Dieu est effectivement celui qui voit à ce que les oiseaux trouvent leurs vers et que les lys s’habillent de leurs fleurs. S’ils n’y arrivent qu’à cause des lois naturelles, sans intervention divine, alors Jésus ne fait que jouer avec les mots. Mais ce n’est pas ce qu’il fait ! Il sait que la main de Dieu est réellement à l’œuvre dans les plus petits détails des processus naturels. C’est d’autant plus clair plus loin, dans le chapitre 10 de cet Évangile selon Matthieu, versets 29 à 31 :

Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père. Et même vos cheveux sont tous comptés. Ne craignez donc point : vous valez plus que beaucoup de passereaux.

Dieu ne se contente pas de nourrir les oiseaux et parer les lys ; c’est lui qui décide du moment où chaque oiseau (des millions chaque jour) mourra et tombera à terre. Son argument est le même qu’au chapitre 6 : « Il est votre Père. À ses yeux, vous êtes plus précieux que des oiseaux. C’est pourquoi, ne craignez pas. » Cette sorte de providence omniprésente, ajoutée à ses soins paternels, a pour résultat qu’il peut s’occuper de vous et qu’il le fera. Alors, cherchez premièrement le royaume de Dieu, avec un abandon absolu, et ne soyez pas inquiets (Mt 6.33).

Rempli de la grandeur de Dieu

Cette perception d’un monde imprégné de Dieu n’était pas étrangère à Jésus. Le psalmiste chante au Seigneur sur les tendres soins qu’il prodigue à ses créatures :

Tous ces animaux espèrent en toi, pour que tu leur donnes la nourriture en son temps. Tu la leur donnes, et ils la recueillent ; tu ouvres ta main, et ils se rassasient de biens. Tu caches ta face : ils sont tremblants ; tu leur retires le souffle : ils expirent, et retournent dans leur poussière. Tu envoies ton Esprit : ils sont créés, et tu renouvelles la face de la terre (Ps 104.27-30).

L’implication de Dieu dans la nature est réelle – à tel point tangible que les auteurs bibliques se sont exprimés ainsi : « Il fait germer l’herbe sur les montagnes » (Ps 147.8) ; « L’Éternel fit venir un grand poisson pour engloutir Jonas » (Jo 2.1) ; « L’Éternel fit croître un ricin » (Jo 4.6) ; « Dieu fit venir un ver qui rongea le ricin » (Jo 4.7) ; « Il tire le vent de ses trésors » (Ps 135.7) ; « Il fait monter les nuages des extrémités de la terre, il produit les éclairs et la pluie » (Ps 135.7) ; « … il menaça le vent et les flots » (Lu 8.24). Il n’est pas question ici de prose pour magnifier des processus naturels indépendants de Dieu. C’est plutôt la providence pratique de Dieu.

Il ne veut pas que nous nous percevions nous-mêmes, ou quelque autre élément du monde, comme les simples rouages d’un mécanisme impersonnel. L’univers n’est pas une machine qu’il a conçue pour qu’elle tourne toute seule. C’est une peinture, une sculpture, une pièce de théâtre. Le Fils de Dieu le soutient par sa parole puissante (Co 1.17 ; Hé 1.3). Gerard Manley Hopkins l’exprime de manière inoubliable dans son sonnet, Grandeur de Dieu :

L’univers est chargé de la grandeur de Dieu.

Elle doit jaillir tels les feux d’or qu’on froisse.

Elle s’amoncelle à force, comme l’huile comprimée, gicle.

Pourquoi donc les hommes font-ils fi de son fouet ?

Les générations ont piétiné, piétiné, piétiné.

Tout est flétri par le négoce ;

Par le labeur brouillé, souillé,

Porte la crasse de l’homme, suinte l’odeur de l’homme ;

Le sol est nu maintenant, et le pied ne peut le sentir étant chaussé.

N’importe ! la nature n’est jamais épuisée ;

La plus tendre fraîcheur vit au fin fond des choses ;

Et bien que l’ultime lueur ait sombré à l’ouest sombre,

Au bord brun de l’Orient, oh ! jaillit le matin –

Parce que le Saint-Esprit couve le courbe monde de la chaleur

De son sein et de la lumière ah ! de ses ailes[1].

Voir l’aube se lever

Je serai toujours reconnaissant d’avoir eu Clyde Kilby comme l’un de mes professeurs de littérature à l’université. Un jour, il a donné un cours sur l’éveil de l’émerveillement devant la gloire insolite des choses ordinaires. Il a terminé son allocution en partageant dix résolutions en vue de ce qu’il disait être la « santé mentale[2] ». Je vous en cite deux :

J’ouvrirai mes yeux et mes oreilles. Une fois par jour, je fixerai simplement du regard un arbre, une fleur, un nuage ou une personne. Je ne m’attarderai pas à analyser ce qu’ils sont, je me contenterai d’être heureux qu’ils existent. Je leur concèderai volontiers le mystère de ce que [C. S.] Lewis appelle leur existence « divine, magique, terrifiante et enchanteresse ».

Même s’il advient que je sois dans l’erreur, je parierai ma vie sur le principe selon lequel ce monde n’est ni stupide, ni gouverné par un propriétaire absent, mais au contraire, aujourd’hui même un trait est brossé sur la toile cosmique, ajout que je reconnaitrai, avec le temps, comme étant le geste même de l’architecte qui se nomme l’Alpha et l’Oméga.


Dieu ne veut pas que nous nous considérions, ou que nous considérions toute partie du monde, comme des rouages d’un mécanisme impersonnel.


Grâce à l’influence significative de Kilby, et à ce que je découvre aujourd’hui dans la Bible concernant l’omniprésence de la providence divine qui embrasse tout, je vis de manière plus consciente dans un monde imprégné de Dieu. Je perçois la réalité autrement. À titre d’exemple, autrefois, lorsqu’en faisant mon jogging j’admirais le lever du soleil, je me faisais simplement la réflexion que Dieu a créé un monde magnifique. Par la suite, en devenant plus précis, plus personnel, je me disais : « Chaque matin, Dieu peint une aube nouvelle. » Il ne se lasse jamais de le faire, encore et encore. Puis, j’ai été frappé par la pensée suivante : non, il ne le fait pas encore et encore, mais plutôt, il ne s’arrête jamais de l’accomplir ! Le soleil est toujours en train de se lever quelque part dans le monde. Dieu le dirige 24 heures sur 24, tous les jours, et peint des levers de soleil à chaque instant, siècle après siècle, sans une seule seconde de répit. Il n’est jamais lassé ou moins ravi de l’œuvre de ses mains. Il continue de brosser des aurores spectaculaires, même lorsque les nuages les couvrent et qu’elles restent cachées pour l’homme.

Dieu ne désire pas que l’on regarde avec indifférence le monde qu’il a créé. Quand le psalmiste s’exclame : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ! » (Ps 19.1), il ne le fait pas simplement par souci de clarification théologique. Il le dit pour l’exaltation de notre âme. Cela saute aux yeux dans les versets qui suivent :

[Dans les cieux,] il a dressé une tente pour le soleil.

Et le soleil, semblable à un époux qui sort de sa chambre,

S’élance dans la course avec la joie d’un héros (Ps 19.5,6).

Pourquoi s’exprimer ainsi ? Lorsque nous contemplons l’œuvre de Dieu dans la création, nous devrions être saisis d’une allégresse comparable à celle d’un jeune marié sortant de sa chambre, ou à celle d’Eric Liddell, courant tête en arrière, cheveux au vent et sourire éclatant, savourant d’être dans le plaisir même de Dieu, tel qu’on le voit dans le film Les Chariots de Feu.

Je vous invite à entrer dans un monde imprégné de Dieu. Il n’est pas question d’être aveugle aux misères dévoilées à chaque aurore. Peut-être serez-vous choqué par ce qu’implique l’omniprésente providence de Dieu par rapport à la souffrance et la mort dans ce monde. L’Éternel donne, et l’Éternel reprend (Job 1.21). Le soleil exaltant se lève chaque matin sur 150 000 cadavres ; voilà le nombre de personnes qui meurent chaque jour. Dans un monde qui renferme à la fois autant de beauté divine et d’horreurs sous la gouverne de Dieu, le commandement biblique de se réjouir avec ceux qui se réjouissent, et de pleurer avec ceux qui pleurent (Ro 12.15), laisse voir que nous serons continuellement « attristés, et pourtant toujours joyeux » (2 Co 6.10).

Notes :

[1] Gérard Manley Hopkins, Grandeur de Dieu et autres poèmes, (1876-1889), Paris, Granit, collection du Miroir, MCMLXXX, 1980.

[2] Vous pouvez tous les lire [en anglais] ici : John Piper, « 10 Resolutions of Mental Health », Desiring God, December 31, 2007, https://www.desiringgod.org/articles/10-resolutions-for-mental-health. Lorsque Kilby parle de « santé mentale », il s’exprime de manière générale et non pas clinique. Il ne fait pas allusion ici aux maladies mentales cliniquement diagnostiquables.


Cet article est adapté du livre : « La providence de Dieu » de John Piper