Un merveilleux échange (Sinclair Ferguson)

Note de l’éditeur : Ceci est le sixième et dernier article d’une série pascale. Pour lire le cinquième article, c’est par ici

« Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation. Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même en n’imputant point aux hommes leurs offenses, et il a mis en nous la parole de la réconciliation.

Nous faisons donc les fonctions d’ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous ; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Corinthiens 5:17-21).

Réconciliation

La réconciliation nous est obtenue en Jésus-Christ :

« Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même » (2 Corinthiens 5:19).

Comment cela s’est-il fait ? Paul l’explique :

« Celui [Christ] qui n’a point connu le péché, il [Dieu] l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (v.21).

Remarquons que Paul ne dit pas que Dieu a réconcilié le monde avec lui-même par l’incarnation de Jésus. Nous ne sommes pas réconciliés par Noël. L’incarnation est essentielle, mais elle ne marque que le début de l’histoire. Dieu a réconcilié le monde avec lui-même en faisant devenir Jésus péché pour nous.

Ces paroles sont au cœur de l’Évangile. Elles décrivent non seulement comment Dieu a fait devenir son Fils péché pour nous, mais également comment ceux qui croient en son Fils deviennent justice de Dieu. C’est là vraiment une permutation inattendue — un échange mystérieux et merveilleux :

  • Jésus-Christ, qui n’a pas connu le péché, devint péché pour nous.
  • Nous, qui ne connaissions pas la justice, devenons, en Christ, justice de Dieu.

Le mot grec katallage, que le Nouveau Testament traduit par « réconciliation », vient d’une racine signifiant « faire un échange ». On l’utilisait dans l’Antiquité à propos d’échange d’argent : une personne donne à quelqu’un de l’argent ayant cours dans son pays et reçoit en échange de l’argent ayant cours dans le pays de l’autre. Cette action est au cœur de l’Évangile : Dieu a procédé à un échange unique en Jésus-Christ. Il l’a fait devenir péché pour nous, et il nous crédite de la justice de Christ.

Les sacrifices dans l’Ancien Testament

Dans l’Ancien Testament, lorsqu’un homme avait péché, il amenait un animal au sacrificateur pour l’offrir en sacrifice. Le coupable confessait son péché en posant les mains sur la tête de l’animal, transférant ainsi symboliquement ses fautes sur lui. L’animal « devenait péché » pour lui, bien que n’ayant commis aucun péché. Il était ensuite égorgé et offert en sacrifice. C’était un symbole visible fort pour représenter le prix du pardon et de la réconciliation avec Dieu. Il nous est difficile de saisir l’impact de ces sacrifices sur les Israélites. Mais ils devaient certainement les toucher profondément. Les gens pouvaient voir et toucher les animaux. Le bruit de leur mise à mort, la vue du sang répandu et l’odeur qui remplissait l’air devaient laisser une impression indélébile sur celui qui offrait un sacrifice.

Il y avait évidemment des degrés dans les sacrifices. Une fois par an, une journée spéciale était réservée au sacrifice ; c’était le Yom Kippour, le grand jour de l’expiation. Ce jour-là, on offrait le sacrifice pour les péchés de tout le peuple. Lévitique 16 décrit en détail le rituel précis que devait scrupuleusement suivre le souverain sacrificateur. Mais les sacrifices obéissaient tous au même principe. Les péchés du peuple étaient échangés contre le sacrifice d’un animal innocent qui était traité comme s’il était responsable des péchés des enfants d’Israël : il subissait la peine capitale que méritaient les gens à cause de leurs péchés. En retour, Dieu traitait les Israélites comme s’ils étaient justes.

Bouc émissaire

Paul comprit que la mort de Christ sur la croix accomplissait ce transfert : « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous. » Christ subit le jugement porté contre notre péché, et il nous libère ainsi de son châtiment. Désormais, Dieu ne nous traite pas seulement comme des innocents, mais vraiment comme des justes.

Jusque dans ses détails, le rituel pratiqué le grand jour de l’expiation annuelle préfigurait ce que Christ accomplirait. Ce jour-là, on choisissait deux boucs et on tirait au sort le rôle attribué à chacun d’eux.

On égorgeait un des boucs en sacrifice pour le péché. Puis, le souverain sacrificateur posait les mains sur la tête de l’autre bouc et confessait les péchés du peuple, les plaçant ainsi « sur la tête du bouc » (Lévitique 16:21). On chassait ensuite l’animal dans le désert, « dans une terre désolée » (v.22), sans espoir de retour.

Ensemble, ces deux boucs brossent un portrait vivant du sens de l’expression : Christ est « devenu péché » pour nous.

Une double agonie

Jésus est mort pour notre péché. Mais son expérience comporte une dimension d’obscurité et de solitude. Pendant sa crucifixion, il se trouvait dans un désert qui sépare le ciel de la terre. Rejeté par l’humanité, il connut le sentiment d’abandon de son Père, ce qui le pousse à ce cri poignant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthieu 27:46) Il goûta à la fois au jugement de Dieu contre le péché et à l’abandon divin qui l’accompagne. Il devint sacrifice et bouc émissaire.

« Amour généreux ! Il combattit l’ennemi
En Homme et pour l’homme,
Et dut subir la double agonie
En Homme et à la place de l’homme. »

Il est indispensable de bien saisir l’enseignement de Paul ici, que vous soyez encore en marge de la foi chrétienne ou un croyant affermi de longue date. Vous n’avez pas gagné votre salut, vous ne le gagnez pas et vous ne pourrez jamais le gagner. Vous ne pouvez y contribuer en rien ni d’aucune manière. Vous ne l’acquérez pas par vos œuvres, votre mérite, votre foi, votre niveau de sanctification, votre fidélité ou par votre service chrétien.

La réconciliation est un pur don de la grâce, de A à Z.

Christ a déjà accompli tout ce qu’il faut pour se charger de vos péchés et pour vous communiquer sa justice.

Des sacrifices insuffisants

Clairement, les sacrifices de l’Ancien Testament n’ôtaient pas vraiment les péchés. Ils n’étaient que des illustrations, rien de plus.

Les gens de cette époque le savaient. Après avoir présenté leur sacrifice un jour, ils savaient qu’ils devraient en offrir d’autres le lendemain, le surlendemain et tous les jours suivants. Indéfiniment. Même le sacrifice offert au grand jour de l’expiation devait être renouvelé chaque année.

Il ne fallait pas faire preuve d’une logique particulière pour comprendre que dans ces conditions, aucun des sacrifices offerts ne pouvait efficacement et durablement ôter les péchés et la culpabilité de l’homme.

De plus, les croyants vétérotestamentaires devaient se rendre compte que le sacrifice d’un animal ne peut jamais constituer une rançon appropriée et suffisante pour les péchés d’un être humain. Seul un homme peut se substituer de manière valable à un homme pécheur.

Les sacrifices animaux faisaient comprendre la nécessité que quelqu’un vienne et meure à la place des pécheurs, mais il fallait que ce personnage n’ait pas besoin d’offrir de sacrifice pour lui-même, c’est-à-dire qu’il lui fallait être sans péché.

Où trouver un homme qui soit innocent, pur et juste au point de ne pas avoir besoin de mourir pour ses propres péchés ? Un tel individu n’a jamais existé, « car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Romains 3:23).

Dieu pourvoit la solution

Dieu a donc résolu le dilemme en venant lui-même, dans la personne de son Fils. Il prit notre nature en s’incarnant afin de porter notre péché sur la croix. En essence, il a changé de place avec nous :

« Supportant la honte et les moqueries cruelles
À ma place il a été condamné ;
De son sang, mon pardon il a scellé.
Alléluia ! Quel Sauveur exceptionnel ! »

Il est cependant aussi une personne divine, si bien que son sacrifice revêt une valeur et une dignité infinies. Ce sacrifice a la valeur de celui qui l’offre, celle du Fils de Dieu. Il n’est donc pas suffisant pour les péchés d’un individu seulement (« œil pour œil, dent pour dent », Exode 21:24), mais également pour quiconque s’approche de Christ par la foi et confesse : « Tu es capable de me sauver ; je me repens de tous mes péchés qui t’ont contraint à aller sur la croix à ma place ; je crois que tu es mon Sauveur et mon Seigneur. »

C’est ainsi que la réconciliation obtenue pour nous en Jésus-Christ devient nôtre. Quel échange vraiment merveilleux !


Cet article est tiré du livre : Sola Gratia de Sinclair Ferguson