Le secret derrière la croix (Sinclair Ferguson)

Note de l’éditeur : Ceci est le cinquième article d’une série pascale. Pour lire le quatrième article, c’est par ici.  

Le déroulement du drame réserve une autre surprise. 

À la croix

La crucifixion était un châtiment atroce, une mort cruelle à petit feu et prolongée. Les condamnés finissaient par mourir asphyxiés. Avec la diminution progressive de leurs forces, ils ne parvenaient plus à se soulever assez pour respirer. Il est pourtant écrit que Jésus cria d’une voix forte (Luc 23:46). N’était-ce qu’un dernier effort suprême de sa part ?

Jésus meurt manifestement beaucoup plus tôt qu’on pouvait s’y attendre (Jean 19:31-33). Luc attire-t-il notre attention sur le fait que Jésus décide du moment de sa mort — que, dans un sens très particulier, il meurt délibérément, souverainement et activement ? Il semble avoir décidé de l’instant avec une autorité suprême et royale, disant d’une voix forte : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Luc 23:46), avant d’incliner sa tête royale et de rendre le dernier souffle.

Dans le récit que Luc donne de la crucifixion, il est frappant de noter la fréquence d’utilisation du verbe sauver. « Il a sauvé les autres ; qu’il se sauve lui-même » ; « Sauve-toi toi-même ! » ; « Sauve-toi toi-même, et sauve-nous ! » (Luc 23:35-39)

Un tableau hors de l’ordinaire

Luc n’a pas vu les événements qu’il rapporte. Il ne se convertit que plus tard à la foi chrétienne. Mais il déclare avoir tout fait pour s’enquérir des faits auprès des témoins oculaires (1:1-4). Il est une sorte de reporter enquêteur, qui note ce que les témoins lui rapportent. En les écoutant, il commence à voir se former un tableau étrange et étonnant. À la croix, le mot qui revient le plus souvent sur les lèvres des gens, même dans leurs déclarations les plus hostiles, est la clé de tout ce qui se produit. Celui qu’on méprise comme Prophète, comme Sacrificateur et comme Roi, est véritablement le Prophète, le Sacrificateur et le Roi voulu par Dieu, le Christ, le Sauveur. Il est précisément en train d’accomplir ce que les gens lui demandent avec cynisme de faire. Ils parlent cependant dans leur ignorance, sans comprendre que pour sauver les autres, il lui est impossible de se sauver lui-même.

C’est là que réside le mystère de la croix, tout son secret. [1]

Le témoignage d’un criminel

Très peu de gens ont percé ce secret. L’un d’eux est un malfaiteur juif qui reconnut que ce Jésus crucifié n’est autre que le Roi : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne ! », dit-il. Que peut donc faire ce criminel pour participer à son salut ? Strictement rien, car il est totalement démuni. Mais c’est suffisant si ce dénuement total amène à Jésus, le Prophète, Sacrificateur et Roi, le Sauveur mort sur la croix pour nos péchés.

« Il y a une source où le sang
Coule des veines d’Emmanuel ;
Les pécheurs qui plongent dans ce torrent
Sont purifiés de leurs péchés réels.

Le larron se réjouit en mourant
De voir cette source de son temps ;
C’est là que moi, tout aussi souillé,
J’ai été lavé de tous mes péchés. »

Près du criminel juif qui discerne le Roi en Jésus se tient un officier de l’armée romaine. S’est-il, peu avant, associé aux quolibets de ses subordonnés ? C’est possible, puisqu’il est dit que “les soldats aussi se moquaient de lui” (Luc 23:36). Mais il finit par reconnaître que Jésus est le Juste (23:47). Pourquoi ce juste doit-il subir ce châtiment ? La question nous est posée par le récit que Luc développe. Nous sommes amenés à comprendre que ce juste doit souffrir à cause de l’injustice des autres. De qui ?

Cet officier romain aurait-il pu adopter ces paroles ?

« Contemple l’homme sur la croix.
Il porte sur ses épaules mes péchés.
Honteux, j’entends nettement ma voix
Se mêler à celle des autres insensés.

C’est mon péché qui l’a cloué sur le bois
Jusqu’au moment où tout fut accompli.
Son dernier souffle me procure la vie.
Je sais que désormais, tout est bien pour moi. »

Blasphème et trahison

Les deux accusations portées contre Jésus sont celle de blasphème (il s’est fait l’égal de Dieu) et celle de trahison (il a rejeté l’autorité légalement établie).

Pourquoi ces deux accusations sont-elles si importantes ? Parce que ce sont d’elles que chacun de nous aura à répondre devant le tribunal de Dieu.

Devant ce tribunal, je suis coupable de blasphème parce que j’ai écarté Dieu pour prendre sa place au centre de l’univers.

Je suis aussi coupable de trahison, car j’ai cherché à renverser son autorité, légitime et empreinte de grâce, sur ma vie.

Le blasphème et la trahison sont déjà les crimes d’Adam. Ce sont les crimes séculaires dont nous nous sommes tous rendus coupables – jeunes et moins jeunes, riches et pauvres, sages et rustres, célèbres et anonymes. Nous sommes tous sur le même registre d’écrou. Nous sommes tous coupables.

Mais Jésus est venu !

« Chef couvert de blessures,
Meurtri par nous pécheurs,
Chef accablé d’injures,
D’opprobres, de douleurs,
Des splendeurs éternelles
Naguère environné,
C’est d’épines cruelles
Qu’on te voit couronné !

C’est ainsi que tu paies
Le prix de ma rançon.
Tes langueurs et tes plaies,
Voilà ma guérison…

Pour quel péché, Jésus, pour quelle offense
A-t-on sur toi prononcé la sentence ?
Ah ! qu’as-tu fait, innocente victime ?
Quel est ton crime ?

Qui peut t’avoir attiré ce supplice ?
C’est moi, Seigneur ! oui, c’est mon injustice.
De ces tourments où ton amour t’expose,
Je suis la cause. »

Christ est mort pour nous

Les paroles d’un autre cantique l’expriment bien :

« Au tribunal, Jésus se tient droit,
À notre place, il est accusé ;
Il subit les cruels coups de fouet,
Condamné à être cloué sur la croix.
Il est accusé de trahison, notre Roi ;
Notre Dieu est frappé pour avoir blasphémé ! »

Jésus est venu et a subi tous ces tourments pour prendre notre place, subir notre châtiment, triompher de notre péché et nous sauver. Tout cela transparaît dans la manière complexe dont Luc tisse sa tapisserie de la passion de Jésus. Le motif central apparaît enfin clairement : Jésus est mort pour des pécheurs, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu (1 Pierre 3:18).

Le message retentit de la croix :

« Alors que nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous » (Romains 5:8)

Il prend ma place. Je saisis sa grâce. Il devient mon Sauveur. Est-ce vrai de vous ?

« Cela ne vient pas de ma perfection
Car je n’en ai point, cela est certain.
Mais c’est à cause de sa compassion
Que l’Oint de Dieu, Fils unique et divin,
Souffrit sur le bois infâme de la croix,
Crucifié avec de vils criminels.
Immense a été sa grâce envers moi,
Qui ne suis qu’un misérable rebelle. »

Pouvez-vous chanter ?

« Immense a été sa grâce envers moi,
Qui ne suis qu’un vulgaire rebelle. »

[1] Voir «La croix est un scandale», Don Carson, éditions Europresse, Chalon-sur-Saône, 2012.

Cet article est tiré du livre : Sola Gratia de Sinclair Ferguson