Pourquoi les Africains ont-ils tant souffert ? (John Piper)

Dieu déteste-t-il l’Afrique ? C’est une question brutale, et elle nous vient de l’intérieur du continent. 

Pasteur John, bonjour ! Je m’appelle Jason et je viens de Kampala, la capitale de l’Ouganda. Tout d’abord, je vous remercie pour votre ministère incessant. Il a été une énorme bénédiction dans ma vie. Ma question est la suivante : Dieu se soucie-t-il des Africains ? La Providence a un long passé ici. Tout au long de l’histoire, nous avons été une race bestiale, déplorable, exploitable par l’esclavage – constamment criblée de maladies, de famines et de souffrances. Comment ne pas en déduire que nous sommes la race la moins appréciée par Dieu ? Chaque jour est un pur combat pour la plupart des Ougandais. Je sais que Dieu promet de s’occuper de tous les peuples, mais je me demande quand même pourquoi il semble tant détester l’Afrique.

Je ressens une urgence particulière face à cette question. Il serait facile pour nous de l’ignorer, mais la raison pour laquelle je ressens une urgence particulière n’est pas seulement parce qu’elle vient avec un sérieux si sincère et si douloureux de la propre expérience de Jason et de son amour pour son peuple en Ouganda (sans parler de toute l’Afrique), mais aussi parce que j’ai écrit un gros livre sur la providence.

C’est pourquoi je me sens tenu de rendre compte de sa déclaration : « La providence a un long passé ici » – ce qui signifie que la providence de Dieu a été dure sur le continent africain. Aucun d’entre nous ne peut se contenter de dire aveuglément qu’il croit en la providence de Dieu, qui est omnisciente, universelle, omniprésente et souveraine, puis s’abstenir de répondre à de telles questions. Cela ne marchera pas. Ça ne marchera tout simplement pas.

J’ai quatre observations sur lesquelles j’ai prié et réfléchi et qui, je l’espère, éclaireront la question de Jason, son esprit, alors qu’il se débat avec cette question en Ouganda. Il a demandé : « Comment ne pas en déduire que nous sommes la race la moins appréciée par Dieu ? » Quelle question explosive. Il ne parle pas seulement du continent africain, il parle de la condition noire. C’est national, géographique et racial. Quelle est la providence de Dieu par rapport à tout cela ? C’est la question qui lui tient à cœur. Je doute qu’il soit le seul à se poser cette question.

1. Le confort et les difficultés peuvent nous amener à Dieu.

Tout d’abord, je voudrais faire une observation biblique absolument cruciale : tous les êtres humains, partout dans le monde, à tout moment de l’histoire, sont déchus, pécheurs, et (pour reprendre les termes d’Éphésiens 2.2-3) « fils de la rébellion » et « par nature des enfants de colère ». Ou, comme le dit Romains 5.12 : « C’est pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, de même la mort a atteint tous les hommes parce que tous ont péché. »

Or, en appelant tous les êtres humains – de toute race, de toute nationalité, de tout âge, de tout sexe, de toute ethnie – « enfants de colère », la Bible enseigne que chaque jour qui n’est pas passé en enfer sous la pleine colère de Dieu est un sursis. Quelle que soit l’épreuve que nous subissons dans ce monde, c’est un sursis. Le jugement complet de Dieu sur nous pour notre péché est reporté aussi longtemps que nous sommes en vie.

Aucun de nous ne mérite de vivre en présence de Dieu, devant Dieu, en relation avec Dieu. Par conséquent, aucun de nous ne mérite de vivre bien devant Dieu, en relation avec Dieu. Personne, où que ce soit dans le monde, quelles que soient ses difficultés, n’est lésé par le Dieu juste et tout-puissant. Si nous pensons, par exemple, que le taux de mortalité infantile massif dans le monde pendant des milliers d’années constitue un acte d’accusation contre la justice de Dieu, ce n’est pas le cas, car la mort est un jugement sur les communautés et les familles ainsi que sur les individus, et tous les nourrissons non responsables entrent dans la gloire.

Maintenant, au vu de ce péché universel, tous les êtres humains étant sous la juste condamnation de Dieu, voici la question : quelle est la condition la plus désavantageuse dans laquelle ces personnes condamnées peuvent vivre ? Une vie de facilité, alors qu’ils se dirigent vers le lac de feu dans l’Occident prospère ? Ou des vies difficiles, alors qu’ils se dirigent vers le lac de feu ailleurs ? Quelle condition est conçue comme étant probablement la plus efficace pour éveiller les gens à leur besoin de miséricorde et de salut ?

Certaines nations vivent dans le confort et la prospérité tout en se détournant de Dieu. D’autres nations vivent dans la misère et la pauvreté tout en se détournant de Dieu. La Bible enseigne que les deux ont un dessein qui peut conduire à la repentance. Romains 2.4 parle de la bonté de Dieu qui conduit les gens à la repentance. Apocalypse 16.11 parle de la douleur et de la maladie qui amènent les gens à se repentir. Devons-nous dire que l’un de ces desseins est haineux ? Ou ne devrions-nous pas plutôt – où que nous vivions, quels que soient les difficultés ou le confort – voir la main de Dieu nous inviter à nous tourner vers lui ? C’est ma première observation.

2. Nous ne pouvons pas quantifier la faveur de Dieu.

Ma deuxième observation, par conséquent, est que je ne sais pas si l’Afrique, tout bien considéré, a été moins favorisée que l’Inde, ou les îles des mers du Sud, ou les peuples indigènes d’Amérique du Nord et du Sud, ou les hordes germaniques d’Europe, pendant tous ces milliers et milliers d’années – ou tout autre endroit.  Je ne sais pas. Paul dit dans Actes 14.16-17 :

Dans les générations passées, il a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies. Pourtant, il n’a pas cessé de rendre témoignage à ce qu’il est par le bien qu’il fait : il vous envoie du ciel les pluies et les saisons fertiles, il vous comble de nourriture et remplit votre cœur de joie.

Je ne sais pas si, pendant des milliers d’années, cela a été moins vrai pour l’Afrique que pour ces autres lieux et peuples. C’est ma deuxième observation : Je ne sais pas. Ce n’est pas évident à mes yeux.

3. La Providence défie notre compréhension.

Troisième observation :  Dieu ne traite tout simplement pas tous les individus de la même manière, ni toutes les familles de la même manière, ni toutes les tribus de la même manière, ni toutes les nations de la même manière, ni tous les continents de la même manière, ni toutes les races de la même manière.

Il est absolument déconcertant, d’un point de vue humain, d’essayer de comprendre pourquoi une famille semble subir épreuve après épreuve, tandis qu’une autre famille, peut-être totalement incrédule et irréligieuse, ne connaît pratiquement aucune adversité. Un père m’a dit, face à face, après la mort de son bébé : « Sommes-nous sous le coup d’une malédiction, Pasteur John ? » Parce que c’était la troisième tragédie d’affilée en quelques années. Je l’ai vu encore et encore dans notre église et au-delà : les méchants prospèrent, les justes souffrent. Il n’y a rien qui s’approche d’une distribution égale de la douleur dans ce monde.

La leçon est la suivante : les voies de Dieu pour accomplir ses desseins sages, justes et miséricordieux ne sont pas nos voies, et ses pensées ne sont pas nos pensées (Ésaïe 55.8). Nous ferions mieux de ne pas regarder de telles iniquités et d’en déduire rapidement que nous savons ce que Dieu fait, parce que nous ne le savons presque certainement pas – du moins pas dans les détails. « Que ses jugements sont insondables et que ses voies sont impénétrables ! » (Romains 11.33). Juste au moment où vous pensez savoir ce que la providence fait en matière de jugement et de miséricorde, tout peut être dramatiquement inversé en une fraction de seconde, et nous sommes renvoyés encore et encore à la confiance totale en Dieu, ce qui est l’un de ses principaux desseins (comme Paul l’a dit dans 2 Corinthiens 1.8-9).

4. L’heure de l’Afrique est peut-être venue.

Voici ma dernière observation :  Pierre dit dans sa deuxième lettre :

Mais s’il y a une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas oublier, c’est qu’aux yeux du Seigneur un jour est comme 1000 ans et 1000 ans sont comme un jour. (2 Pierre 3.8)

Il a dit cela pour nous aider à comprendre les intentions de Dieu dans le report de la seconde venue. Ce que je veux dire ici, c’est que même si les temps de ténèbres peuvent sembler longs, l’heure de l’Afrique est peut-être arrivée aujourd’hui. Au cours du siècle dernier (c’est un dixième d’un de ces jours de mille ans), la population chrétienne de l’Afrique est passée de dix millions de chrétiens au début du vingtième siècle (environ dix pour cent de la population), à près de cinq cents millions de croyants confessants aujourd’hui.

Un chercheur observe : « Dimanche dernier, plus d’anglicans se sont rendus à l’Église au Kenya, en Afrique du Sud, en Tanzanie et en Ouganda que les anglicans de Grande-Bretagne et du Canada et les épiscopaliens des États-Unis réunis. » Le Kenya compte plus de personnes dans les églises chrétiennes le dimanche que tout le Canada. « Dimanche dernier, plus de presbytériens étaient à l’église au Ghana qu’en Écosse » (The New Shape of World Christianity, 20 ; trad. La nouvelle forme du christianisme mondial). Nous parlons de presbytériens parce que ce mouvement est né en Écosse, et il y avait plus de presbytériens à l’église au Ghana qu’en Écosse.

Voilà où nous en sommes : juste au moment où nous pensions avoir compris la providence de Dieu et qu’il était partial envers l’Occident, il change radicalement de cap et fait décoller son Église dans le Sud. Au début du vingtième siècle, 71 % des chrétiens confessant dans le monde vivaient en Europe. À la fin du vingtième siècle, ce chiffre était passé de 71 % à 28 %. Aujourd’hui, 43 % des chrétiens du monde vivent en Amérique latine et en Afrique. De ce point de vue, on pourrait être tenté de demander : « Dieu déteste-t-il l’Europe ? »

Or, je ne pense pas que ce soit une bonne question à poser. J’espère que ce que j’ai montré ici, c’est que la providence n’est pas si facile à lire, et que son œuvre de salut n’est pas encore terminée. Les coups de pinceau sur la toile de l’histoire du monde ne seront pas clairs tant que le chef-d’œuvre ne sera pas terminé.


Cet article est une traduction de l’article anglais « Why Have Africans Suffered So Much? » du ministère Desiring God par Timothée Davi.