Mon Dieu, mon Dieu, où es-tu ? (Gloria Furman)

Je ne pourrais même pas vous dire combien cette expérience a été effrayante. Notre fille aînée avait alors dix-huit mois et a commencé à faire des cauchemars qui la faisaient tomber en bas de son matelas posé sur le sol. Je devais la tenir contre moi pendant qu’elle s’agitait, se retournait d’un côté puis de l’autre, peinant à se rendormir. J’étais enceinte de notre deuxième enfant et une fatigue extrême m’a accablée tout au long de mes deuxième et troisième trimestres. À tout cela s’ajoutait le stress supplémentaire du changement de culture et de l’apprentissage d’une nouvelle langue. Le matin, nous priions pour que la journée passe le plus rapidement possible. Et le soir venu, je regardais mon mari insomniaque faire les cent pas à cause de sa terrible douleur, alors que je restais alitée en raison de mes nausées, priant pour que le matin vienne au plus vite.

Au milieu de ce désert, il m’arrivait d’avoir des moments de clarté spirituelle. Je chantais alors en boucle ce passage d’un cantique très cher à mon cœur :

Mon espoir est construit sur rien de moins

Que le sang et la justice de Jésus ;

Je n’ose pas faire confiance au cadre le plus doux, 

Mais m’appuie entièrement sur le nom de Jésus. 

Sur Christ, le Rocher solide, je me tiens ;

Tout autre sol est du sable mouvant.

Tout autre sol est du sable mouvant.

C’est l’espoir de l’Évangile, et l’Évangile seul, qui nous a permis de tenir à cette époque-là. C’est cet espoir seul qui nous permet de tenir, aujourd’hui encore. Après plusieurs années dans ce pays, nous avons appris à nous adapter et notre condition physique s’est progressivement améliorée. Les douleurs de mon mari n’ont pas disparu pour autant. Mon témoignage de la fidélité de Dieu ne s’achève pas sur un joli : « Ils vécurent heureux et Dieu répondit à toutes leurs prières exactement comme ils l’avaient imaginé. »

Plus de cinq années se sont écoulées, mais je continue à m’occuper seule de notre famille avec trois enfants. À certains moments dans les cinq dernières années, j’étais aussi la seule personne responsable des soins de mon mari. Souvent, après une chirurgie ou lorsque sa douleur nerveuse ressurgit, je dois l’aider à se laver et à s’habiller, ouvrir les portes pour lui, le nourrir, le déposer à ses rendez-vous, lui brosser les dents et lui passer le fil dentaire, porter ses livres, prendre et taper des notes, écarter la couverture pour qu’il puisse se mettre au lit, et ainsi de suite. Une fois, je suis entrée dans la salle de bains et je l’ai découvert affalé sur le sol, une bosse à l’arrière du crâne. Il avait trébuché en sortant de la douche et s’était cogné la tête, faute d’avoir assez de force dans les bras pour se rattraper. Avant cela, il était déjà tombé dans les escaliers. Nous qui avons des bras en bonne santé, nous oublions trop souvent combien ils nous sont utiles pour garder l’équilibre.

Je peux voir la grâce de Dieu à l’œuvre dans ma vie au milieu de tout cela. Pendant des années, j’ai vécu dans l’angoisse que Dave puisse mourir dans un accident qui aurait pu être évité si ses bras avaient été forts. Cela demeure une possibilité, mais avec le temps, la grâce de Dieu m’a appris à ne pas vivre dans la peur de l’inconnu. Mourir à moi-même et servir mon mari n’ont pas été chose facile. Néanmoins, par la grâce de Dieu, ma manière de répondre a changé : lorsque Dave me demande de l’aide, je ne serre plus involontairement les mâchoires en essayant de retenir les larmes amères que m’inspirait autrefois notre sort. Maintenant, je sais que la grâce de Dieu me suffit lorsque j’ai de la difficulté à servir les autres.

Dans nos saisons les plus difficiles, notre quotidien est ponctué de pleurs de bébé et de cris d’enfants. C’est alors le moment ou jamais de chanter à voix haute mon hymne préféré !


Cet article est tiré du livre : À la recherche de la grâce de Gloria Furman