L’homosexualité selon le livre du Lévitique (Kevin DeYoung)

Dans le livre du Lévitique, deux versets abordent directement la question de l’homosexualité.

Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination (18.22).

Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux (20.13).

Rien d’étonnant à ce que ces deux versets aient suscité une controverse importante au cours des dernières années. Il est nécessaire de répondre surtout à deux grandes questions au sujet de ces interdits. Premièrement, quel péché au juste fait l’objet d’un interdit dans Lévitique 18.22 et 20.13 ? Deuxièmement, ces deux commandements lient‑ils encore de nos jours les chrétiens qui ne sont plus tenus d’obéir à la loi de l’alliance mosaïque ?

De quel péché s’agit‑il ?

La sainteté : le thème prédominant du livre du Lévitique

Afin de répondre à cette première question, revenons un peu en arrière pour prendre le temps de bien saisir l’idée d’ensemble du livre du Lévitique. Les mots « saint », « sainte » ou « sainteté » apparaissent quatre‑vingt‑dix‑sept fois dans ce livre. La sainteté en constitue donc le thème prédominant.

La seconde moitié du livre du Lévitique, qui commence au chapitre 17, porte parfois le nom de Code de Sainteté, car elle détaille le mode de vie que les Israélites devaient mener à titre de peuple saint de Dieu. Lévitique 18 ne nous dit pas tout ce qu’il y a à savoir au sujet des rapports sexuels, mais il nous en précise les règles fondamentales : l’inceste est répréhensible (v. 6‑27) ; le fait de prendre plus d’une épouse est répréhensible (v. 18) ; toucher une femme durant son impureté menstruelle est répréhensible (v. 19) ; l’adultère est répréhensible (v. 20) ; l’infanticide est répréhensible (v. 21) ; l’activité homosexuelle est répréhensible (v. 22) et la zoophilie est répréhensible (v. 23). Si le peuple se souillait en adoptant ces comportements, Dieu le chasserait du pays comme il a vomi les nations l’y ayant précédé (v. 24‑30).

Pas de place à la nuance

La question relative au genre d’homosexualité interdit selon le Code de Sainteté est relativement simple. Les autres lois interdisant les péchés sexuels qui apparaissent dans Lévitique 18 ne sont nuancées d’aucune façon. Nous n’y trouvons aucun indice de l’admissibilité de l’inceste s’il avait lieu entre des adultes consentants ou du caractère approprié de la zoophilie si les hommes et les femmes qui la pratiquaient ne rejetaient pas leur identité sexuelle. Il n’existe dans ce passage aucune raison de lever l’interdit concernant l’homosexualité, pas plus qu’il n’en existe de lever celui concernant tout autre péché sexuel. D’ailleurs, le fait que Lévitique 18 insiste tant pour définir précisément quels liens de parenté sont assez proches pour être considérés comme incestueux (v. 6‑17) laisse entendre qu’il n’est nécessaire de faire aucune analyse syntaxique relativement à l’homosexualité puisque cette dernière est frappée d’une condamnation absolue. Là où l’homosexualité est condamnée parmi les Assyriens et les Hittites, elle l’est souvent en termes précis dans le cas d’un acte spécifique (par ex. : un homme viole son fils). Rien ne suggère néanmoins dans le livre du Lévitique que l’on y parle uniquement d’un genre restreint de comportement homosexuel.

Un retour à la Genèse

De façon tout aussi cruciale, le péché décrit dans Lévitique 18.22 et 20.13 est présenté de manière à nous ramener à l’ordre de la création. Ce passage ne dit rien au sujet d’un homme plus vieux avec un jeune. Il emploie le mot générique « homme » (NEG) au sens de « mâle » (Darby), stipulant ainsi qu’un homme ne doit pas coucher avec un mâle comme avec une femme. L’expression « comme on couche avec une femme » est chargée de sens. Elle évoque Genèse 2, où Dieu a créé la première femme à partir d’une côte de l’homme afin qu’elle devienne son aide et son complément unique. Si dans la loi mosaïque le comportement homosexuel est interdit, et cela, de façon aussi stricte, c’est que les hommes ont été créés pour avoir des rapports sexuels avec des femmes, et non avec d’autres mâles.

Le plus important à retenir (et la seule chose réellement mentionnée dans ce passage), c’est le sexe de ceux se livrant à une activité sexuelle. Que les participants soient consentants ou adultes n’entre pas en ligne de compte.

Les interdits relatifs au comportement homosexuel ne peuvent être réduits à des catégories de victimes

Après tout, les participants méritaient tous deux la peine capitale. La loi mosaïque ne prescrivait aucun châtiment dans le cas d’une femme qu’un homme aurait prise de force (De 22.25,26). S’il s’agissait d’un viol homosexuel (aux mains d’un maître, d’une armée conquérante ou d’une foule violente), seul l’agresseur devait être puni de mort. Le livre du Lévitique va plus loin qu’interdire un comportement sexuel indésirable entre gens du même sexe.

Le peuple d’Israël était tenu d’être saint parce que Yahvé est saint. À titre de nation sainte, le peuple de Dieu devait se distinguer des peuples et des cultures qui l’entouraient – ce qui exigeait de lui le respect d’une éthique sexuelle totalement différente des leurs. Or, cela signifiait pour lui l’interdiction formelle de se livrer à un comportement homosexuel d’une quelconque sorte.

Est‑ce encore une question pertinente ?

Qu’importe si le livre du Lévitique déclare que les pratiques homosexuelles sont répréhensibles ? Ce livre biblique fait beaucoup d’affirmations étonnantes. Que dire de manger du bacon ? Que dire d’avoir des rapports sexuels avec sa femme durant ses menstruations ? Ne nous rendons‑nous pas coupables de choisir quels commandements sont encore valables ? En quoi deux petits versets, issus d’un livre rempli de commandements dont nous faisons constamment fi, peuvent‑ils revêtir la moindre pertinence pour l’Église contemporaine ?

6 raisons pour lesquelles il nous est impossible de faire abstraction de Lévitique 18.22 et 20.13

1)  Aucun disciple de Jésus ne devrait présumer d’emblée que les commandements de la loi mosaïque sont en grande partie dénués de pertinence

Jésus a lui‑même insisté sur le fait qu’il n’est pas venu pour abolir un seul iota de la loi (Mt 5.17,18). Il a parlé d’accomplir les Écritures (l’Ancien Testament), mais jamais de les écarter du revers de la main. Il ne fait aucun doute qu’être disciple sous la nouvelle alliance diffère de la vie sous l’ancienne alliance. Tous les aliments ont été déclarés purs ; les jours saints sont devenus facultatifs ; le système sacrificiel relatif au Temple, aux sacrificateurs et aux sacrifices a été supplanté. Jésus amène les Écritures à leur complétude, à leur point culminant, à leur but. Cela est toutefois bien différent du fait de présumer que l’on doit automatiquement mettre de côté les passages méconnus du livre du Lévitique. Au sens le plus strict du terme, rien dans l’Ancien Testament ne devrait être écarté.

Toute Écriture est inspirée de Dieu et est utile au chrétien (2 Ti 3.16,17). Même l’ancien système sacrificiel nous enseigne encore des leçons au sujet de la nature de l’adoration spirituelle et de la vie de disciple (Ro 12.1,2). Chacune des lois de l’Ancien Testament nous révèle quelque chose au sujet des attributs de Dieu et de la nature de notre obéissance. Si le principe sous‑jacent de Lévitique 18.22 et 20.13 est autre que « Dieu désapprouve le comportement homosexuel », il faut en trouver la preuve dans la Bible, et non simplement l’affirmer en nous fondant sur le rejet nonchalant des préceptes de l’Ancien Testament.

2) Rien n’indique dans le Nouveau Testament que le livre du Lévitique doive être traité comme étant particulièrement obscur ou secondaire

Bien au contraire. Jésus a fait référence à Lévitique 19.18 (« Tu aimeras ton prochain comme toi‑même ») plus souvent qu’à tout autre verset de l’Ancien Testament, et le Nouveau Testament y fait référence à dix reprises. De même, Pierre et Paul citent tous les deux le livre du Lévitique comme faisant partie intégrante de leurs sermons portant sur la sainteté. Les auteurs néotestamentaires n’ont pas hésité à se tourner vers le livre du Lévitique, ce livre des Écritures portant essentiellement sur la sainteté, pour y trouver des instructions et des exhortations à transmettre au peuple en matière de vie pieuse. Dans 1 Corinthiens 5, Paul évoque directement la loi mosaïque – Lévitique 18.8 ; Deutéronome 22.30 ; 27.20 – afin d’établir le caractère répréhensible de l’inceste (ce qu’il refait dans 1 Corinthiens 6 par rapport à l’homosexualité). Paul a trouvé dans le livre du Lévitique des obligations morales qui lient encore tous les chrétiens. L’éthique sexuelle prescrite dans l’Ancien Testament n’a pas été abrogée comme cela a été le cas du système sacrificiel, mais transmise à l’Église primitive. La loi est bonne tant que l’on en fait un usage légitime (1 Ti 1.8).

3) Le terme que Paul utilise pour désigner les hommes qui pratiquent l’homosexualité (1 Co 6.10 ; 1 Ti 1.10) est dérivé des deux mots – arsên (homme) et koitê (lit) – qui se trouvent dans Lévitique 18.22 et 20.13 (Septante)

Avant que Paul n’emploie le mot grec arsenokoitai, celui‑ci ne se trouvait nulle part. De nombreux érudits révisionnistes s’entendent même pour dire que Paul a forgé ce terme en s’inspirant du livre du Lévitique. Par ailleurs, il est possible de discerner une allusion au verdict de Lévitique 20.13 (« ils ont fait tous deux une chose abominable ») dans Romains 1.24 (« Dieu les a livrés à l’impureté […] ; ainsi ils déshonorent eux‑mêmes leurs propres corps »).

4) Le livre du Lévitique emploie des mots chargés de sens pour dénoncer le comportement homosexuel, disant à son sujet qu’il s’agit d’une « abomination »

En‑dehors du livre du Lévitique, le mot hébreu to‘ebah apparaît quarante‑trois fois dans Ézéchiel et soixante‑huit fois dans le reste de l’Ancien Testament, concernant en général des péchés d’une gravité particulière. Il est impossible de réduire le sens de to‘ebah à un simple tabou social ou à une simple impureté rituelle. Ce mot désigne généralement quelque chose que le Seigneur méprise, comme le déclarent les Proverbes : « Il y a six choses que hait l’Éternel, et même sept qu’il a en horreur » (6.16 ; voir aussi De 12.31). Comme les auteurs révisionnistes s’empressent de le signaler, tous les péchés sexuels mentionnés dans Lévitique 18 sont englobés dans le terme « abominations », mais seule l’activité sexuelle entre hommes (mâles) est présentée comme étant une abomination distincte. En fait, il s’agit du seul acte interdit décrit en ces termes dans tout le Code de Sainteté. La peine de mort, réservée aux deux fautifs, révèle également la gravité de l’offense aux yeux de Dieu.

5) L’allusion aux menstruations d’une femme ne devrait pas nous faire douter de la validité du reste de l’éthique sexuelle décrite dans Lévitique 18 et 20

Pour commencer, on remarque dans ces deux chapitres une nette aggravation du péché sexuel quant au degré de son éloignement des desseins divins relatifs à la monogamie homme‑femme. Dans Lévitique 18.19‑23, les offenses passent des rapports sexuels avec une femme indisposée à ceux avec la femme de son prochain, puis à ceux avec un autre homme et ensuite à ceux avec un animal. Chaque nouvelle offense écarte le fautif encore plus de la volonté de Dieu. De même, dans Lévitique 20.10‑16, les offenses passent des rapports sexuels avec la femme de son prochain à ceux avec un proche, à ceux avec un proche d’une génération plus jeune, à ceux avec un autre homme, à ceux avec plus d’un ou d’une partenaire, à ceux avec un animal, au fait pour une femme de faire jouer le rôle d’un homme à un animal en ayant des rapports sexuels avec ce dernier. Avoir des rapports sexuels avec une femme rendue impure par ses menstruations vient au rang le plus faible de la descente décrite dans le chapitre 18 et ne fait d’ailleurs pas partie de celle décrite dans le chapitre 20.

Par ailleurs, il nous faut comprendre ce que l’Ancien Testament entend par « impureté ». Lévitique 18.19 interdit au mari d’avoir des rapports sexuels avec sa femme durant ses saignements, car ceux‑ci le rendraient impur à son tour. La question est donc de savoir si les menstruations rendent encore une femme impure. Les menstruations n’étaient pas un péché (aucun sacrifice n’était requis pour les expier). Il s’agissait d’une impureté rituelle. Toutefois, avec la venue de Christ – et donc l’élimination du système sacrificiel, du cérémonial du Temple et du sacerdoce lévitique –, tout le système qui exigeait la pureté rituelle a été aboli.

La leçon à tirer de Lévitique 18.19 ne consiste pas à « tirer un trait sur tout le chapitre », mais plutôt à « éviter de nous livrer à toute activité sexuelle susceptible de nous rendre impurs ».

6) Mise à part la question relative aux rapports sexuels durant les menstruations, l’éthique sexuelle de Lévitique 18 et 20 est pleinement réaffirmée dans le Nouveau Testament

L’adultère demeure un péché (Mt 5.27‑30). L’inceste demeure un péché (1 Co 5.1‑13). Même la polygamie est plus nettement rejetée (1 Co 7.2 ; 1 Ti 3.2). Il serait curieux que l’interdit de toute pratique homosexuelle soit mis à l’écart alors que le reste de l’éthique sexuelle ne l’est pas, surtout si l’on considère à quel point le rejet du comportement homosexuel est enraciné dans l’ordre de la création.

Les arguments en défaveur de l’importance du contenu du livre du Lévitique semblent irréfutables de prime abord, mais ceux‑ci finissent souvent par n’être à peine plus que des slogans. Le livre du Lévitique faisait partie de la Bible que Jésus a lue, en laquelle il a cru et qu’il a refusé d’abolir. Nous devons donc prendre au sérieux le fait que le Code de Sainteté nous révèle la sainteté de Dieu et la nation sainte que nous sommes censés constituer. Même de ce côté‑ci de la croix, les commandements du Lévitique ont encore leur importance.


Cet article est tiré du livre : Qu’enseigne réellement la Bible au sujet de l’homosexualité?