Les mots « existence » et « subsistance » (R. C. Sproul)

Le mot «existence» est dérivé du préfixe ex qui signifie «hors de» et de la racine sisto, verbe grec qui signifie «se tenir». Donc «exister» signifie littéralement «se tenir hors de quelque chose». Ce terme décrit une position ou une posture. Je pense que l’idée sous-jacente est qu’une personne a un pied dans l’être et l’autre dans le non-être. Elle se tient donc hors de l’être, mais aussi hors du non-être. Elle se trouve entre l’être pur et le néant. Tout cela ramène au domaine du devenir ou de l’existence. Ainsi, quand l’Église a exposé la doctrine de la Trinité, elle n’a pas dit que Dieu est un en essence et trois en existences. Au lieu de cela, elle a dit que Dieu est trois en personne.

J’ai un jour donné une conférence dans laquelle j’ai publiquement nié l’existence de Dieu. J’ai déclaré : «Je veux affirmer avec insistance aujourd’hui que Dieu n’existe pas. En réalité, s’il existait, j’arrêterais de croire en lui.» Si quelque chose a déjà ressemblé à une déclaration absurde, c’était bien celle-là. Je voulais simplement dire que Dieu n’est pas dans un état de devenir. Il est dans un état d’être pur. S’il était dans un état d’existence, il changerait, du moins selon la façon dont ce terme est compris en philosophie. Il ne serait pas immuable. Il ne serait pas le Dieu auquel nous croyons.

Les trois catégories de Platon

Quand Platon traite de ces concepts, il parle essentiellement de trois catégories : l’être, le devenir et le non-être. Le non-être, bien sûr, est un synonyme de «rien». Qu’est-ce que «rien»? Poser cette question revient à y répondre. Si je dis que «rien» est quelque chose, j’attribue quelque chose au «rien». Je dis que «rien» a un contenu, que «rien» a un être. Mais s’il a un être, alors ce n’est plus rien, c’est quelque chose. Comme vous pouvez le constater, l’un des concepts les plus difficiles à traiter en philosophie est celui du néant pur. Essayez de penser au néant pur; vous n’y arriverez pas. La définition la plus proche du néant que j’ai pu entendre remonte au temps où mon fils était au collège. Quand il revenait de l’école et que je lui demandais : «Qu’avez-vous fait aujourd’hui?» Il me répondait : «Rien.» J’ai donc commencé à penser que je pourrais définir « rien » comme étant ce que mon fils faisait tous les jours à l’école. Mais en réalité, il est impossible de ne rien faire. Si vous le faites, c’est que vous faites quelque chose. Le mot « personne» est équivalent au mot «subsistance». Dans ce mot, nous avons le préfixe sub associé à la même racine sisto. Donc, la subsistance signifie littéralement «se tenir sous». Ainsi, ce mot exprime l’idée que, bien que Dieu soit unique en essence, il y a trois subsistances, trois personnes qui se tiennent sous l’essence. Elles font partie de l’essence. Toutes les trois ont l’essence de la déité.

Distinguer les trois personnes

Néanmoins, nous pouvons faire une distinction entre les trois personnes de la Trinité, parce que chaque membre de la divinité a des attributs uniques. Nous disons que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu et que le Saint-Esprit est Dieu, mais nous ne disons pas que le Père est le Fils, que le Fils est le Saint-Esprit ou que le Saint-Esprit est le Père. Il y a des distinctions entre eux, mais ces distinctions ne sont pas essentielles; elles n’émanent pas de l’essence. Elles sont réelles, mais elles ne perturbent pas l’essence de la déité. Les distinctions au sein de la divinité sont, si on veut, des sous-distinctions au sein de l’essence de Dieu. Il est une essence, et trois subsistances. C’est à peu près ce que nous pouvons exprimer de mieux pour formuler la doctrine historique de la Trinité.


Cet article est tiré du livre : Qu’est-ce que la Trinité ? de R. C. Sproul