Les défis à Corinthe (Steven J. Lawson)

Paul a dû faire face à de nombreuses difficultés à Corinthe. D’une manière ou d’une autre, chacune était due à ce choc avec la culture grecque. Sous ces problèmes se cachaient les attentes non satisfaites de la congrégation corinthienne. Lorsque l’apôtre a proclamé l’Évangile pour la première fois à Corinthe, un groupe considérable a répondu par la foi en Jésus-Christ (Ac 18.8.11). Mais peu après son départ, l’attitude de beaucoup de personnes dans l’Église à l’égard de Paul a commencé à s’aigrir. Le problème central tournait autour de la substance et du style de la prédication de l’apôtre.

C’est un orateur que nous voulons !

Selon les normes d’élite de l’art oratoire antique, Paul n’était guère une figure imposante. Les Corinthiens étaient habitués à l’euglottia, le « beau discours », de leurs orateurs. Par exemple, on disait d’un orateur populaire, Favorinus, que son éloquence était à la fois sophos (« sage ») et potiuos (« douce, agréable »). Apparemment, il séduisait son auditoire par l’intonation et l’inflexion de sa voix. Il le captivait par son regard et par le rythme de son discours. Il fallait un orateur très habile pour impressionner ces Corinthiens éclairés.

Toutefois, Paul était loin de correspondre aux aspirations des Corinthiens. L’apôtre n’avait pas le dynamisme qui alimente un style convaincant. Il n’avait pas les phrases irrésistibles de l’éloquence grecque typique. Il était déficient dans le choix de mots sophistiqués auxquels les Corinthiens étaient habitués. Paul n’avait pas la diction et l’intonation appropriées pour émouvoir une foule gréco-romaine aux larmes ou la faire rire. Il semblait manquer de charme personnel et d’attrait magnétique.

Même l’apparence physique de Paul, selon eux, n’était pas impressionnante. Il n’était pas très beau à voir. Il n’était tout simplement pas à la hauteur de ce que les Corinthiens voulaient d’un orateur. Pour eux, ce prédicateur itinérant était sous-qualifié pour leur ville sage aux yeux du monde.

Apprécier le beau parleur

Ce qui aggravait ce problème était le fait qu’Apollos, « un homme éloquent » (Ac 18.24), a succédé à Paul dans le ministère pastoral à Corinthe. Au dire de tous, Apollos était beaucoup plus raffiné que Paul dans son style de prédication. En peu de temps, cet orateur avait conquis les coeurs des Corinthiens d’une manière que Paul n’avait pu le faire. Un tel engouement pour Apollos n’a fait que provoquer de nouvelles divisions dans l’Église, puisque beaucoup disaient : « Je suis d’Apollos » (1 Co 1.12). Paul savait que s’il retournait à Corinthe, les gens hésiteraient probablement à le recommander à leurs voisins et amis.

Parce qu’il manquait à Paul ce que les Corinthiens attendaient en matière de communication, ils marginalisaient sa doctrine. Ils ne pouvaient pas supporter son style de présentation sans fioritures et sans détour. Par conséquent, ils n’ont pas pris en considération le contenu de sa prédication. Il en a résulté que les Corinthiens sont restés charnels et spirituellement immatures. Paul déplorait ce fait, disant qu’il ne pouvait leur parler que comme à des « enfants en Christ » (1 Co 3.1,2), c’est-à-dire qu’il ne pouvait pas leur donner la viande de la Parole, mais seulement le lait.

Cela a conduit Paul à aborder le sujet de leur obsession pour les discours raffinés. Cette fixation mondaine freinait leur croissance spirituelle dans la grâce. Ils étaient devenus la proie de la recherche du style plutôt que de la substance, et de la présentation plutôt que de la doctrine. Ainsi, leur développement dans la vraie piété était sévèrement limité. Un plafond bas était suspendu au-dessus de l’Église de Corinthe, empêchant les gens de progresser dans la ressemblance de Christ.

Un problème qui persiste aujourd’hui

Ce défi de taille, que Paul a rencontré à Corinthe, est exactement ce à quoi de nombreux prédicateurs sont confrontés aujourd’hui. Ceux qui se tiennent en chaire subissent des pressions pour se conformer aux attentes des auditeurs obsédés par le divertissement. Ils sont tentés de céder au désir d’être populaires aux yeux du monde. Ils ressentent l’attrait de modifier leur style de présentation et d’adapter leur message afin de se faire accepter dans la culture qui les entoure.

Les prédicateurs doivent plutôt rester fermement engagés à proclamer ce que Dieu a dit dans sa Parole. De plus, ils doivent présenter la vérité de Dieu de la manière que les Écritures leur disent de le faire, indépendamment de ce que leur dicte la culture. Bien qu’il y ait des différences de style d’un prédicateur à l’autre, il existe des limites raisonnables dans lesquelles un enseignant peut s’écarter de la norme acceptable décrite dans la Parole. Quiconque est appelé par Dieu à prêcher doit observer une certaine retenue dans son style de présentation afin de ne pas compromettre le message. Bref, le moyen affecte le message.

Martyn Lloyd-Jones, qui a été pasteur pendant longtemps à Londres, a résisté à toutes pressions visant à le faire adapter sa prédication aux caprices du temps. En réfléchissant à son approche de la chaire, le docteur a utilisé une analogie tirée de sa profession antérieure de médecin. Lorsqu’on l’incitait à être plus compatible avec la pensée moderne, Lloyd-Jones affirmait : « Je ne laisse jamais le patient écrire l’ordonnance(5). » Il voulait dire par là qu’il ne permettait jamais à ses auditeurs de lui dicter ce qu’il devait prêcher ni la manière de le faire.


5. La source de cette citation communément attribuée à Lloyd-Jones est inconnue.


Cet article est tiré du livre : La prédication bénie par Dieu de Steven J. Lawson