Le modalisme et l’adoptianisme (R. C. Sproul)

L’un de ces premiers mouvements hérétiques ayant émergé aux iiie et ive  siècles était le monarchianisme. Peu de gens connaissent ce terme théologique, mais le mot racine est assez connu : monarque. Quand nous pensons à un monarque, nous imaginons un dirigeant d’une nation, un roi ou une reine. Si nous scindons en deux ce mot, nous constatons qu’il est composé du préfixe mono, qui signifie «un», associé au terme arque qui vient du grec arche. Ce mot pourrait signifier « commencement»; il apparaît par exemple dans le prologue de l’Évangile selon Jean, quand celui-ci écrit : «Au commencement était la Parole.» Mais il peut aussi vouloir dire « chef» ou « dirigeant». Donc, un monarque était un seul dirigeant, et une monarchie, un régime dirigé par une personne. Le monarchianisme, quant à lui, a été la tentative de préserver l’unité de Dieu, ou le monothéisme.

Le modalisme

La première grande hérésie à laquelle a été confrontée l’Église concernant le monarchianisme a été appelée le «monarchianisme modaliste» ou tout simplement le «modalisme». L’idée derrière cette appellation était que les trois personnes de la Trinité sont la même personne, mais qu’elles se comportent selon des «modes» uniques à différents moments. Les modalistes soutenaient que Dieu avait été initialement le créateur, puis était devenu le rédempteur, et enfin l’Esprit Saint lors de la Pentecôte. La personne divine qui était venue sur terre en tant que Jésus incarné était la même que celle qui avait créé toutes choses. Une fois retourné au ciel, il avait repris son rôle de Père, et puis était revenu à nouveau sur terre sous la forme du Saint-Esprit. Comme vous pouvez le constater par vous-même, l’idée avancée ici était qu’il y avait un seul Dieu, mais agissant à l’occasion selon différents modes ou différentes expressions.

Le principal partisan du modalisme était un homme du nom de Sabellius. D’après un écrivain antique, Sabellius avait illustré le modalisme en comparant Dieu au soleil. Il avait remarqué que le soleil avait trois modes : sa forme dans le ciel, sa lumière et sa chaleur. Par analogie, avait-il dit, Dieu a différents modes : la forme correspond au Père, la lumière est le Fils et la chaleur est le Saint-Esprit.

L’adoptianisme

La deuxième forme de monarchianisme ayant émergé était appelée «monarchianisme dynamique» ou « adoptianisme». Cette école de pensée était également engagée à préserver le monothéisme, mais ses adhérents voulaient donner l’honneur et une importance centrale à la personne de Christ. Ceux qui propageaient ce point de vue soutenaient qu’au moment de la création, la première chose créée par Dieu avait été le Logos, après quoi le Logos avait créé tout le reste. Le Logos serait ainsi plus élevé que les êtres humains et même les anges. Il serait le créateur et précèderait toutes choses, excepté Dieu. Cependant, il ne serait pas éternel, ayant lui-même été créé par Dieu, et il ne pourrait donc pas être l’égal de Dieu.

Ces points de vue ont donné lieu au premier des conciles œcuméniques, le concile de Nicée, qui s’est réuni en 325 apr. J.-C. Ce concile a donné naissance au symbole de Nicée qui affirme que Christ est «le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles», et qu’il a été «engendré, non pas créé». Plus loin, il déclare qu’il est «Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu… de même nature que le Père». Avec ces affirmations, l’Église déclarait que les termes scripturaires tels que premier-né et engendré ont un rapport avec la place d’honneur du Christ et non avec son origine biologique. L’Église a donc affirmé que Christ est de la même substance, entité et essence que le Père. Ainsi, l’idée a été avancée que Dieu, bien que trois en personne, est un en essence.


Cet article est tiré du livre : Qu’est-ce que la Trinité ? de R. C. Sproul