La prière est une respiration (John Onwuchekwa)

Bien, vous voilà en train de lire un autre article sur la prière. Peut-être que le dernier ne vous a pas fait sentir assez coupable et que vous êtes avides de châtiments. Mais à quoi sert un article sur la prière s’il ne commence pas par une citation qui révèle vos faiblesses en tant que « prieur » ? Donc, sans plus attendre, la voici :

« Être un chrétien sans prier n’est pas plus possible qu’être en vie sans respirer [1] ! »

Blague à part, c’est sans doute là l’affirmation la plus puissante que j’aie lue au sujet de la prière, mais aussi celle qui représente le plus grand défi. La respiration, utilisée comme métaphore de la prière chrétienne, rend bien ce que la prière devrait être. Elle nous rappelle que la prière est essentielle à notre existence. Respirer est nécessaire dans tout ce que nous faisons. Cela rend possible toute activité. De la même manière, la prière est fondamentale et vitale. Elle est liée à la fois à notre existence présente et à notre endurance perpétuelle. Prier, c’est respirer. Il n’existe pas de meilleure métaphore de ce que la prière devrait être pour le chrétien.

C’est pourquoi le fait que de nombreux chrétiens rencontrent des difficultés avec la prière est si déconcertant. N’est-il pas étrange que de nombreux chrétiens adhèrent à cette vérité en principe, alors que si peu d’Églises la ratifient dans la pratique ?

Le vrai problème : trop peu de prière

Notre problème n’est pas la façon dont nous parlons de la prière. Nous en parlons avec toute la ferveur et l’éloquence qu’elle mérite. Notre problème réside dans la manière dont nous traitons la prière. Notre pratique n’est pas en accord avec ce que nous proclamons, ce qui est toujours le signe que quelque chose ne va pas (voir Jacques 2).

Une absence totale de prière dans l’Église n’est pas un problème probable. Peut-être qu’il existe une Église quelque part où l’on ne prie jamais, mais je suppose que ce n’est pas le cas dans la vôtre. Je ne connais pas votre Église, mais je parie qu’à certains moments, vous vous retrouvez pour prier. Il se peut que cela arrive rarement ou sporadiquement, mais cela arrive. 

Et c’est cela qui constitue, à mon avis, le plus grand problème : non pas une absence totale de prière, mais trop peu de prières. Voici une autre citation qui révèle d’autres insécurités liées à la prière :

« Nous en arrivons à l’un des maux les plus flagrants de notre époque, et peut-être de tous les temps : la rareté ou l’absence de prière. De ces deux maux, la rareté de la prière est peut-être pire que son absence totale. Un peu de prières, c’est une façade, une action pour se soulager la conscience, une mascarade et une illusion. Le peu de crédit que nous accordons à la prière est mis en évidence par le peu le temps que nous y accordons [2] ».

Le danger du manque de prière

Quand la prière est rare et sporadique, qu’elle existe juste assez pour apaiser la conscience, et pas beaucoup plus, nous avons un problème. Nous avons tous fait partie d’Églises dans lesquelles la prière était présente, mais ni délibérée ni puissante. Malheureusement, les prières que nous faisons dans l’Église s’apparentent trop souvent à une prière faite avant le repas : obligatoire et respectable, mais personne n’en retire vraiment grand-chose. Nos prières dans l’Église sont réduites à un instrument de transition entre deux activités. Que tout le monde ferme les yeux et baisse la tête, pour que l’entrée sur scène ou la sortie de l’équipe de louange ne soit pas trop embarrassante.

Voyez-vous le danger dans le manque de prière ? Là où la prière est présente, elle dit quelque chose : elle parle, elle crie. Elle enseigne à l’Église que nous avons vraiment besoin du Seigneur. Quand la prière est absente, cela renforce la supposition qu’on va bien sans Dieu. La prière non fréquente enseigne à l’Église que l’on a besoin de Dieu seulement dans des situations particulières, dans certaines circonstances, mais pas dans toutes. Elle dit à l’Église que l’aide de Dieu n’est nécessaire que de manière intermittente, pas constamment. Elle amène l’Église à croire que nous pouvons faire beaucoup de choses sans l’aide de Dieu, et que nous ne devrions le déranger que quand nous rencontrons des situations particulièrement difficiles.

Respiration ou médicament sur ordonnance ?

Penchons-nous un instant sur les tensions raciales générées par les incidents répétés au cours de l’été 2016 aux États-Unis. En une semaine, notre nation a assisté aux décès de Philando Castile, Alton Sterling et de cinq policiers à Dallas. La population a été divisée, et chaque camp avait quelque chose à déplorer. En réaction à cette situation, de nombreuses Églises se sont rassemblées pour prier pour leurs communautés, leurs Églises, leurs dirigeants et leur nation. Certaines Églises se sont réunies avec des Églises d’autres dénominations. Pendant un temps, nos prières ont semblé puissantes, pressantes et intentionnelles. C’était notre façon de crier : « Dieu, nous avons besoin de ton aide ! »

Pourtant, une fois ces crises passées, ce genre de rassemblements ont quasiment pris fin. C’est parlant, n’est-ce pas ? Cela montre que nous considérons la prière comme quelque chose de spécial, destiné à affronter les choses que nous ne pouvons pas gérer par nous-mêmes. Nous ne considérons pas la prière comme une respiration, mais comme un médicament sur ordonnance pour nous débarrasser d’une infection. Avec la disparition de l’infection disparaissent aussi la fréquence et la ferveur de nos prières.

 [1] L’omniscience de Google prend fin ici. Apparemment, Dieu seul sait d’où provient cette citation. Certains disent qu’elle est de Martin Luther, d’autres de Martin Luther King Jr. Étant donné que Martin Luther King a été nommé ainsi en hommage à Martin Luther, je propose de leur attribuer cette citation à tous les deux.
[2]  E. M. Bounds, E. M. Bounds on Prayer [E. M. Bounds sur la prière], trad. libre, Hendrickson, Peabody, Mass., 2006, p. 118.

Cet article est tiré du livre : La prière de John Onwuchekwa