La grande contribution de la Réforme (Michael Reeves)

« Evangelion (que nous appelons l’Évangile) est un mot grec et signifie une bonne, heureuse, gaie, et joyeuse nouvelle, qui réjouit le cœur d’un homme et le fait chanter, danser et sauter de joie. »

C’est ce qu’écrivait William Tyndale dans les premières années de la Réforme. Car le fait que lui, un pécheur défaillant, ait été parfaitement aimé par un Dieu de grâce et revêtu de la justice même de Christ, a procuré à Tyndale un bonheur éblouissant. Et il n’était pas seul : quelques années plus tôt, Luther avait écrit qu’il se sentait « complètement né de nouveau », comme s’il était « entré, les portes grandes ouvertes, dans le paradis même ».

C’est l’effet de la théologie de la Réforme sur ceux qui l’ont embrassée : une joie inexprimable. Par la justification par la grâce seule, par la foi seule en Christ, Dieu a été glorifié comme tout à fait miséricordieux et bon, comme suprêmement saint et compatissant – et les gens pouvaient donc trouver en lui leur réconfort et leur joie. En s’unissant à Christ, les croyants pouvaient jouir d’une position ferme devant Dieu, le connaissant avec joie comme leur « Abba » (Romains 8.15), confiants qu’il était capable de sauver et de garder jusqu’au bout.

La gloire de Dieu et trouver son bonheur en lui – ces deux vérités inséparables et jumelles ont été les lumières qui ont guidé la Réforme et ont constitué son grand héritage. Les réformateurs considéraient que, grâce à toutes les doctrines pour lesquelles ils s’étaient battus et qu’ils avaient défendues, Dieu était glorifié et que les gens recevaient confort et joie. Et grâce à ces vérités, des vies peuvent encore s’épanouir et fleurir sous la lumière joyeuse de la gloire de Dieu.

Peu de gloire, peu de joie

La Réforme a commencé en octobre 1517 par une querelle portant sur l’idée du purgatoire. Le purgatoire était la solution catholique romaine au problème selon lequel personne ne mourrait assez vertueux pour avoir mérité pleinement le salut. On disait que c’était l’endroit où les âmes chrétiennes allaient après la mort pour se faire lentement purger de tous leurs péchés – pour que ce processus consistant à devenir juste ou vertueux soit achevé.

Mais pour les réformateurs, le purgatoire en est rapidement venu à symboliser tout ce qui n’allait pas dans la vision catholique du salut. Jean Calvin a écrit :

Le purgatoire est une fiction pernicieuse de Satan, qui fait un opprobre trop grand à la miséricorde de Dieu, anéantit la croix de Christ, dissipe et subvertit notre foi. Car qu’est-ce que leur est ce purgatoire, sinon une peine que souffrent les âmes des trépassés [eux-mêmes] en satisfaction de leurs péchés ? . . . Or . . . il est fait plus que manifeste que le sang de Christ est une seule expiation, oblation, et satisfaction pour les péchés des fidèles, que reste-t-il de plus, sinon que le purgatoire soit un pur et horrible blasphème contre Jésus-Christ ?  

Sa logique est simple : le purgatoire dépouille Christ de sa gloire de Sauveur miséricordieux et pleinement suffisant ; il détruit aussi toute joie confiante en nous. Pas de joie pour nous, pas de gloire pour Christ. Cela va totalement à l’encontre de la pensée de la Réforme, qui se souciait si passionnément de ces deux prix.

La théologie heureuse du Dieu heureux

Luther lui-même ne connaissait que trop bien les effets de sa théologie d’avant la Réforme. La nécessité d’avoir des mérites personnels devant Dieu l’avait laissé vide de joie et plein de haine pour Dieu. Le jeune Luther ne pouvait pas se réjouir. C’étaient les retombées inévitables d’une théologie où le péché était quelque chose que nous pouvions surmonter nous-mêmes, et donc, où Christ était un petit ou seulement un demi-sauveur.

Et cela reste le cas dans d’autres traditions chrétiennes comme l’Église orthodoxe et le catholicisme romain : Dieu n’est pas aussi glorifié que dans l’enseignement de la Réforme. Le péché est un moindre problème, et Christ est donc un moindre sauveur. Il y a, tout simplement, moins de gloire dont on peut se réjouir. Sans connaître la sécurité de l’acceptation, on ne peut avoir une telle joie en Dieu.

Sans savoir que dans son pur plaisir, Dieu a envoyé son Fils comme notre Sauveur tout puissant pour nous sauver par la grâce seule, on ne peut avoir une telle joie. On ne voit pas en lui une telle profondeur de gloire. La profondeur de notre problème et l’ampleur de la grâce et du sacrifice de Christ nous montrent la beauté et la magnificence de la gloire de Dieu.

Ce que les réformateurs ont vu, en particulier à travers le message de la justification par la foi seule, était la révélation d’un Dieu heureux de façon exubérante qui se glorifie en partageant son bonheur. Pas avare ou utilitaire, mais un Dieu qui se glorifie d’être gracieux. C’est pourquoi la foi qui dépend de lui le glorifie (Romains 4.20). Voler sa gloire en nous attribuant un quelconque mérite ne ferait que voler notre propre joie en un Dieu si merveilleux.

Le fil d’Ariane de la justification

La justification par la foi seule était au cœur de la Réforme.  Mais ce fut le début d’un fil d’Ariane de la grâce, nous conduisant du pardon offert dans l’Évangile au Pardonneur et à l’Auteur de l’Évangile. Ainsi, les doctrines de la Réforme vont au-delà d’elles-mêmes. Les chrétiens ne remercient pas seulement Dieu pour la grâce qu’il nous a accordée, mais nous commençons aussi à le louer pour la grâce qu’il nous accorde, et car il se révèle être merveilleusement bon et miséricordieux sur la croix.

Dans l’Évangile, les réformateurs n’ont pas seulement vu la Bonne Nouvelle du salut pour nous ; ils ont vu un Dieu qui aime d’abord les pécheurs – et non pas un Dieu qui se contente d’approuver ceux qui se sont mis en règle (Romains 5.6). La gloire de ce Dieu est devenue la racine de la véritable satisfaction et de la joie des croyants – elle est devenue leur guide et leur but ultime. Considérons, par exemple, comment Luther – l’homme qui a dit un jour qu’il haïssait Dieu – a pu en venir à parler de Dieu dans sa gloire et son amour :

L’amour de Dieu ne trouve pas, mais crée, ce qui lui est agréable. . . . L’amour de Dieu aime les pécheurs, les personnes mauvaises, les fous et les faibles afin de les rendre justes, bons, sages et forts. Plutôt que de chercher son propre bien, l’amour de Dieu se répand et accorde le bien. Par conséquent, les pécheurs sont « attirants » parce qu’ils sont aimés ; ils ne sont pas aimés parce qu’ils sont « attirants ».

Trouver le bonheur

Les réformateurs se préoccupaient de la gloire de Dieu et de la joie des saints qui en résultait. Cela a tellement pénétré le sang protestant que le compositeur luthérien Jean-Sébastien Bach, lorsqu’il était satisfait de ses compositions, écrivait sur elles « S.D.G. » pour Soli Deo Gloria (« Gloire à Dieu seul »). Car à travers sa musique, il voulait faire résonner la beauté et la gloire de Dieu, si agréables à Dieu et aux hommes. La gloire de Dieu, croyait Bach, résonne gratuitement dans toute la création, apportant la joie partout où elle est appréciée. Et cela vaut la peine d’être vécu et promu.

En fait, a écrit Calvin, c’est le secret du bonheur et le secret de la vie. « Il faut, disait-il, que nous sortions de nous-mêmes pour trouver le bonheur. Le principal bien de l’homme n’est rien d’autre que l’union avec Dieu ».

Contre tout ce qu’on nous dit aujourd’hui, le bonheur ne se trouve pas en nous-mêmes, dans l’appréciation de notre propre beauté ou dans le fait de s’en convaincre. Le bonheur profond, durable et satisfaisant se trouve dans le Dieu glorieux. Tout cela n’est en fait qu’une autre façon de dire avec le « petit catéchisme de Westminster » de la Réforme :

Quel est le but principal de la vie de l’homme ?

Le but principal de la vie de l’homme est de glorifier Dieu et de trouver en lui son bonheur éternel. 


Cet article est une traduction de l’article anglais « The Great Contribution of the Reformation » du ministère Desiring God par Timothée Davi.