Une réponse chrétienne au bouddhisme (Irving Hexham)

Aujourd’hui, le bouddhisme attire beaucoup de gens parce qu’il est perçu comme la seule religion véritablement pacifique. Or, cela pose un grand problème aux chrétiens, car depuis les Lumières, on présente le christianisme comme ayant une histoire violente « baignant dans le sang ». On dit du bouddhisme qu’il est unique en ce sens qu’il prône un pacifisme authentique. Cette perspective s’inscrit dans une apologétique populaire provenant de bouddhistes théosophiques, comme Henry Steel Olcott (1832‑1907), qui cherchaient à rendre le bouddhisme plus attrayant pour l’Occident.

Jusqu’à tout récemment, le seul moyen de répondre à cet argument consistait à évoquer les actions des bouddhistes au cours de l’Histoire et de groupes comme les samouraïs, qui constituaient une force militaire redoutable. Il reste que peu de gens en savent long sur l’histoire de l’Asie, et que presque personne n’a accordé la moindre importance à de tels arguments.

Puis Brian Victoria, un bouddhiste pratiquant et un prêtre ordonné, a publié une série d’articles portant sur le zen et le rôle de D. T. Suzuki, célèbre pratiquant et défenseur du zen. Dans ces articles, il a fait remarquer qu’avant la Seconde Guerre mondiale, Suzuki prônait le zen à titre de crédo militaire capable de créer et de soutenir l’Empire japonais. Dans son livre subséquent intitulé Le zen en guerre, il a exposé la participation de bouddhistes japonais à la Seconde Guerre mondiale et les aspects martiaux enchâssés dans la tradition bouddhiste. Plus tard, et bien indépendamment de Victoria, des érudits comme Karla Poewe ont découvert des liens entre l’Allemagne nazie et diverses idées bouddhistes et hindoues.

Il est primordial que les chrétiens et les communautés ecclésiales démontrent la véracité de leur foi en la vivant de manière à améliorer le sort des autres. N’allez toutefois pas croire que la tâche soit facile. C’est l’affaire de toute une vie.

On peut trouver au bouddhisme une réponse chrétienne différente, mais quelque peu connexe, dans l’ouvrage de Paul Williams. Pendant plus de trente ans, ce dernier a compté parmi les principaux convertis britanniques au bouddhisme et a été un érudit très respecté du bouddhisme de tradition mahayana. Puis il a stupéfié ses collègues et d’autres personnes en leur annonçant sa conversion au christianisme. Les raisons qu’il en a données, documentées dans son livre intitulé The Unexpected Way, sont des plus instructives.

Après avoir étudié le bouddhisme depuis le milieu de l’adolescence, Williams en est devenu l’un des spécialistes les plus réputés au monde. Par la suite, tandis qu’il enseignait le bouddhisme à la faculté de théologie et d’études religieuses à la University of Bristol, il s’est retrouvé au sein d’un groupe d’érudits chrétiens. Or, ces chrétiens pieux ont pris ses idées au sérieux et se sont montrés désireux de lui communiquer leurs croyances tout en l’écoutant leur expliquer les raisons l’ayant fait adhérer au bouddhisme. Au fil du temps, leur approche rationnelle et leur présentation bien avisée du christianisme l’ont amené à se convertir à Christ.

Deux choses ont joué un rôle clé dans cette transformation. Premièrement, son étude des textes bouddhistes l’a conduit à conclure qu’en dépit de toute la rhétorique, rien n’affirmait clairement qu’il était possible d’être sauvé, c’est‑à‑dire d’être délivré des liens infinis de l’existence. On avait beau s’acharner, on n’avait que l’expectative d’un cycle éternel de renaissances sans espoir de changement. Autrement dit, il se pouvait que le fait d’adhérer aux voies bouddhiques pour l’éternité ne change absolument rien. Alors à quoi bon ?

Deuxièmement, il a surtout acquis la conviction que la résurrection de Jésus était un fait historique qui démontrait tant l’existence de Dieu que la réalité de son amour pour les êtres humains. Selon lui, le bouddhisme ne remplissait pas la double condition de la vérité et du vécu, alors que le christianisme la respectait.

Ce que l’histoire de Williams démontre, c’est que, si les chrétiens sont prêts à écouter les bouddhistes et à entretenir des discussions significatives durant lesquelles les deux parties prenantes communiquent leur foi avec honnêteté et ouverture d’esprit, il est alors possible de convaincre quelqu’un, même dans le cas d’un spécialiste de renom maîtrisant à fond l’histoire et la philosophie bouddhistes. Il faut pour cela user de patience, car les conversions de ce genre exigent de nombreuses années et une solide amitié, dans laquelle les gens sont prêts à baisser leur garde ainsi qu’à discuter de leurs croyances et de leur vécu avec franchise et ouverture.

Tout cela nous ramène à l’importance de la personne. Le christianisme est unique parmi les religions en ce sens qu’il accorde une valeur unique à chaque individu du fait que Dieu aime tout le monde. Il est primordial que les chrétiens et les communautés ecclésiales démontrent la véracité de leur foi en la vivant de manière à améliorer le sort des autres. N’allez toutefois pas croire que la tâche soit facile. C’est l’affaire de toute une vie.


Cet article est adapté du livre : À la rencontre des religions du monde de Irving Hexham.