Une grâce irrésistible ? (R.C. Sproul)

La plupart des chrétiens s’entendent pour dire que l’œuvre divine de la régénération est une œuvre de grâce. La question qui nous divise est à savoir si cette grâce est ou non irrésistible. Est-il possible de recevoir la grâce de la régénération sans pour autant venir à la foi ?

Le calviniste est fermement convaincu que non, mais pas parce qu’il croit que la grâce salvatrice de Dieu est littéralement irrésistible. 

Le terme grâce irrésistible est trompeur. Les calvinistes croient tous que les hommes peuvent résister à la grâce de Dieu et le font. La question à se poser est la suivante : « La grâce régénératrice peut-elle faillir à sa tâche ? » Rappelons-nous que les gens spirituellement morts sont quand même biologiquement vivants. Ils ont encore une volonté qui les rend hésitants envers Dieu. Ils feront tout en leur pouvoir afin de résister à la grâce divine. L’histoire d’Israël est celle d’un peuple au cœur dur et au cou raide qui n’ont cessé de résister à la grâce divine.

La grâce divine est résistible en ce sens que nous pouvons y résister et le faisons. Elle est irrésistible en ce sens qu’elle accomplit sa raison d’être. Elle réalise l’effet que Dieu désire avoir. Je lui préfère donc le terme grâce opérante (Effectual grace au lieu de Irresistible grace).

La grâce régénératrice

Nous parlons de la grâce régénératrice. N’oublions pas que, par la régénération, Dieu crée en nous le désir de lui. Cependant, lorsque ce désir nous est insufflé, nous continuons de fonctionner comme nous l’avons toujours fait, en faisant des choix selon la plus forte motivation du moment. Si Dieu nous fait désirer Christ, nous agirons conformément à ce désir. Nous choisirons très certainement l’objet de ce désir, en choisissant Christ. Lorsque Dieu nous rend spirituellement vivants, nous devenons spirituellement vivants. Dieu ne se contente pas de créer en nous la possibilité de devenir spirituellement vivants. Il crée la vie spirituelle en nous. Lorsqu’il appelle quelque chose à exister, cela existe.

L’appel intérieur de Dieu

Nous en parlons comme de l’appel intérieur de Dieu. Cet appel intérieur est aussi puissant et efficace que son appel à la création du monde. Dieu n’a pas invité le monde à exister. Par mandat divin, il a décrété que « la lumière soit ». Et la lumière fut. Il n’aurait pu en être autrement. La lumière devait commencer à briller.

Lazare aurait-il pu rester dans le tombeau lorsque Jésus l’a appelé à en sortir ? Jésus s’est écrié : « Lazare, sors ! » (Jn 11.43,44.) L’homme a alors quitté son vêtement sépulcral et est sorti du tombeau. Lorsque Dieu crée, il exerce un pouvoir que Dieu seul possède. Lui seul a le pouvoir de créer quelque chose à partir de rien et la vie à partir de la mort.

Une grande confusion entoure cette question. Je me souviens du premier cours magistral de John Gerstner auquel j’ai assisté. Il portait sur le sujet de la prédestination. Peu après que Gerstner a eu commencé son cours, un étudiant l’a interrompu en agitant sa main dans les airs. Gerstner a aussitôt donné la parole à cet étudiant, qui lui a demandé : « Professeur Gerstner, peut-on présumer que vous êtes un calviniste ? » À cela, Gerstner a répondu par l’affirmative et est retourné à ses moutons. Quelques instants après, un éclair lui ayant traversé le regard, Gerstner s’est arrêté de parler en plein milieu d’une phrase et a demandé au même étudiant : « Quelle est votre définition du calviniste ? »

L’étudiant lui a répondu : « Le calviniste est quelqu’un qui croit que Dieu oblige certaines personnes à choisir Christ et qui en empêche d’autres de choisir Christ. » Horrifié, Gerstner lui a indiqué : « Si c’est là votre définition du calviniste, je vous assure que je n’en suis pas un. »

La conception erronée que cet étudiant entretenait de la grâce irrésistible est répandue. J’ai entendu un jour le président d’un séminaire presbytérien déclarer : « Je ne suis pas calviniste parce que je ne crois pas que Dieu fasse entrer les gens à contrecœur dans le royaume, tout en en excluant d’autres qui désirent désespérément faire partie du royaume. »

J’étais sonné d’entendre de pareils propos. Je ne croyais pas possible que le président d’un séminaire presbytérien entretienne une conception aussi fausse de la théologie de sa propre Église. Il traçait une caricature ne pouvant être plus loin du calvinisme que cela.

Le calvinisme n’enseigne pas et n’a jamais enseigné que Dieu fait entrer les gens dans le royaume à leur corps défendant ni qu’il en a déjà exclu toute personne désireuse d’en faire partie. Rappelons-nous que le point central de la doctrine réformée de la prédestination repose sur l’enseignement biblique relatif à la mort spirituelle de l’homme. L’homme naturel ne veut pas Christ. Il ne voudra Christ que si Dieu met dans son cœur le désir de Christ. Une fois que ce désir y est, ceux qui viennent à Christ n’y viennent pas contre leur volonté. Ils viennent à lui parce qu’ils le veulent. Ils désirent désormais Jésus. Ils accourent auprès du Sauveur.

Tout le concept de la grâce irrésistible laisse entendre que la renaissance amène une personne à la vie spirituelle en l’amenant à voir désormais Jésus dans sa douceur irrésistible. Jésus est irrésistible pour ceux qui sont rendus vivants aux choses de Dieu. L’âme de quiconque dont le cœur bat au diapason de celui de Dieu désire le Christ vivant. Tous ceux que le Père donne à Christ viennent à Christ (voir Jn 6.37).


Cet article est tiré du livre : Choisis par Dieu de R. C. Sproul