Sommes-nous en guerre ou en paix avec le Dieu saint ? (R.C. Sproul)

La lutte que nous avons avec un Dieu saint tire ses racines du conflit entre la justice de Dieu et notre injustice. Il est juste et nous sommes injustes. Cette tension engendre en nous peur, hostilité et colère à l’endroit de Dieu. La personne injuste ne désire pas être en compagnie d’un juste juge. Nous devenons donc des fugitifs, qui fuient la présence de celui dont la gloire peut nous aveugler et dont la justice peut nous condamner. Nous sommes en guerre avec lui à moins que et jusqu’à ce que nous soyons justifiés. Seule la personne justifiée peut se sentir à l’aise en présence d’un Dieu saint.

L’apôtre Paul en expose les avantages immédiats : les fruits de la justification. Dans l’épître aux Romains, il explique ce qui nous arrive au moment de notre justification, lorsque Christ nous couvre de sa justice, au moyen de la foi :

« Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus‑Christ, à qui nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu » (Romains 5.1-2).

Le premier fruit de la justification : la paix avec Dieu

Notre justification produit donc comme premier fruit la paix avec Dieu. Pour les Juifs de l’Antiquité, la paix était une chose précieuse, mais fugace. Le chaos qui règne de nos jours au Moyen‑Orient semble être un rappel de celui qui régnait dans l’Antiquité. Depuis l’époque de la conquête de Canaan jusqu’à celle de l’occupation romaine dans les temps néotestamentaires, il n’y a eu que quelques années où Israël n’a pas été en guerre. La Palestine d’alors constituait un corridor entre l’Afrique et l’Asie s’avérant stratégique non seulement sur le plan commercial, mais aussi sur le plan militaire. La petite terre d’Israël se trouvait souvent prise entre des puissances rivales, qui s’en servaient comme d’une balle de ping‑pong.

Les Juifs aspiraient à la paix. Ils désiraient ardemment voir les gens battre les épées pour en faire des socs. Ils attendaient le jour où le Prince de la paix viendrait mettre fin aux hostilités incessantes. Par ailleurs, les Juifs accordaient une telle importance à leur quête de paix qu’ils ont fait du mot paix une salutation. Au lieu de dire salut ou au revoir, les Juifs disent simplement shalom. Encore aujourd’hui, la salutation shalom demeure partie intégrante de la langue hébraïque.

Une paix durable

Le mot paix désignait principalement la cessation d’un conflit militaire. Les Juifs lui donnaient toutefois aussi une autre signification, plus profonde, celle de la paix intérieure. Nous avons d’ailleurs un concept similaire en tête lorsque nous parlons de « tranquillité d’esprit ».

Nous apprenons tout jeune à ne pas trop compter sur la paix. La guerre s’impose trop vite, trop facilement. Il n’en reste pas moins que nous aspirons à connaître une paix durable. Voilà précisément le genre de paix que prône l’apôtre Paul dans son épître aux Romains.

Lorsque notre guerre sainte avec Dieu prend fin ; lorsque, comme Luther, nous franchissons les portes du paradis ; lorsque nous sommes justifiés par la foi, la guerre prend fin à tout jamais. Grâce à la purification du péché et à la déclaration du pardon divin, nous concluons avec Dieu un accord éternel de paix. Notre justification a pour prémisse la paix avec Dieu. Cette paix est une paix sainte, immaculée et transcendante. Il s’agit d’une paix perpétuelle.

Lorsque Dieu signe un accord de paix, il le fait pour toujours. La guerre est terminée, à tout jamais. Bien entendu, nous ne cessons pas pour autant de pécher ; de nous rebeller ; de nous montrer hostiles envers Dieu. Celui‑ci ne nous rend cependant pas la pareille. Il ne se laisse pas attirer dans une guerre avec nous. Nous avons un avocat auprès du Père. Nous avons un médiateur qui préserve la paix. Il règne sur la paix parce qu’il est à la fois le Prince de la paix et notre paix.

Enfants de Dieu

Nous sommes maintenant appelés enfants de Dieu, un titre que Dieu accorde en bénédiction à ceux qui se font artisans de paix. C’est maintenant un Père qui élimine nos péchés, et non un commandant d’armée. Nous avons la paix. C’est notre bien, que Christ a scellé et garanti pour nous. Notre paix avec Dieu n’est pas fragile ; elle est stable. Lorsque nous péchons, cela déplaît à Dieu, et il ne manquera pas de nous corriger et de nous reconnaître coupables. Par contre, il ne nous déclare pas la guerre. Son arc n’est plus tendu et les flèches de sa colère n’ont plus notre cœur pour cible. Il ne brandit plus son épée chaque fois que nous violons l’accord.

Une paix intérieure

La paix dont s’accompagne la justification n’est pas seulement extérieure. Notre plus profond désir de paix intérieure se réalise aussi en Christ. C’est Augustin qui a prié ainsi un jour : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi. » Nous savons tous ce que c’est que l’agitation intérieure. Nous connaissons le sentiment de vide et de culpabilité qui nous ronge quand nous nous éloignons de Dieu. Dès l’instant où notre paix s’établit, ce terrible vide en nous se comble et notre cœur peut s’apaiser.

Le Nouveau Testament dit de cette paix qu’elle surpasse toute intelligence. Il s’agit d’une paix sainte, d’une paix « autre » que la paix terrestre ordinaire. C’est le genre de paix que seul Christ peut donner. C’est le genre de paix que Christ possède lui‑même. L’Évangile nous révèle que Jésus avait peu de biens dans ce monde. Il n’avait pas de maison ; il n’avait nulle part où poser sa tête. Il ne détenait aucune action en bourse ou dans une entreprise. Il n’avait d’autre bien que sa tunique, ce précieux vêtement que lui ont dérobé ceux que l’on avait chargés de l’exécuter. On dirait donc qu’il est mort sans le sou, sans legs à faire à ses héritiers.

Héritiers de Christ

Nous sommes les héritiers de Christ. À première vue, nous semblons être des héritiers dépourvus d’héritage. La Bible nous indique toutefois clairement que Dieu a eu plaisir à remettre son royaume à son Fils bien‑aimé. Jésus avait hérité de son Père et il nous a transmis cet héritage. Il a promis qu’un jour, nous entendrions cette parole :

« Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde » (Matthieu 25.34).

Nous n’avons pas le royaume de Dieu pour seul héritage. Selon ses dernières volontés, Jésus a légué autre chose à ses héritiers, quelque chose de très particulier :

« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble point, et ne s’alarme point » (Jean 14.27).

Voilà donc le legs de Christ, à savoir la paix. C’est sa paix qui constitue notre héritage. Il nous en fait don différemment de la façon de faire du monde. Il donne sans arrière‑pensée ni condition drastique. Il ne nous donne pas sa paix pour son propre bien, mais pour le nôtre. C’est un don hors du commun qui nous est fait de manière hors du commun. Il nous reste pour toujours. 

Un autre fruit de la justification : l’accès

La paix n’est qu’un seul des fruits immédiats de la justification. S’ajoute autre chose à cette paix sainte : l’accès. Le mot accès revêt une importance capitale pour quiconque a déjà lutté avec un Dieu saint. Nous voyons des panneaux d’accès tout autour de nous. On peut lire sur l’un d’eux : « Accès interdit », et sur un autre : « Accès restreint ». Il fut un temps où il y avait un panneau « Accès interdit » sur les portes du paradis. Il était même interdit au commun des mortels d’accéder au trône de Dieu dans le temple de l’Ancien Testament. Même le souverain sacrificateur y avait un accès « restreint » une seule fois par année, et cela, dans des circonstances très précises. Un voile épais séparait le lieu très saint du reste du temple. On ne pouvait aller au‑delà, dans ce lieu d’accès restreint. Les simples croyants n’étaient pas autorisés à y pénétrer.

Le voile déchiré

Au moment où Jésus a été exécuté, où le Juste est mort pour les injustes, le voile du Temple s’est déchiré en deux. C’est ainsi que nous avons pu avoir accès à la présence de Dieu. Pour les chrétiens, Dieu a retiré le panneau « Accès interdit » des portes du paradis. Nous pouvons donc marcher librement sur un sol saint. Nous avons accès à sa grâce, mais plus encore, nous avons accès auprès de lui. Les gens justifiés n’ont plus besoin de dire au Saint : « Seigneur, retire‑toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. » Nous pouvons maintenant nous sentir les bienvenus en présence d’un Dieu saint. Nous pouvons lui poser nos questions. Il n’est pas trop loin pour ne pas entendre nos cris. Nous nous présentons à lui en tant que pécheurs que Christ couvre de sa justice. Je le répète : Nous pouvons nous sentir les bienvenus en présence de Dieu. Il ne fait aucun doute que nous venons encore à lui avec émerveillement, dans un esprit de révérence et d’adoration, mais la nouvelle extraordinaire reste que nous pouvons venir à lui :

« Ainsi, puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, demeurons fermes dans la foi que nous professons. Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses ; au contraire, il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché. Approchons‑nous donc avec assurance du trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être secourus dans nos besoins » (Hébreux 4.14‑16).

La guerre est terminée

La Bible nous invite à nous approcher du trône de la grâce avec assurance. D’autres traducteurs utilisent le mot courage. En tant que personnes justifiées, nous pouvons user de courage en nous approchant de Dieu. Il est nécessaire de ne pas confondre le courage ou l’assurance avec l’arrogance ou la désinvolture. Uzza s’est montré plus que courageux, il a manifesté de l’arrogance. Nadab et Abihu sont allés au‑delà de l’assurance en insultant la majesté de Dieu. Nous devons venir en sa présence avec courage et assurance. Nul besoin de nous retirer de lui ni d’accéder auprès de lui avec hésitation. En venant à lui, nous devons toutefois nous rappeler deux choses : 1) qui il est ; 2) qui nous sommes.

Pour le chrétien, la guerre sainte est terminée ; la paix a été établie. Nous avons maintenant accès auprès du Père. Nous devons encore nous présenter devant lui avec tremblements. Il demeure saint. Nos tremblements illustrent notre admiration et notre vénération ; ce ne sont pas ceux du lâche ou du païen qui craint le bruissement d’une feuille. Voici comment Luther a expliqué cette réalité : Nous devons craindre Dieu non pas avec une peur servile comme celle d’un prisonnier devant son persécuteur, mais comme des enfants qui désirent ne pas déplaire à leur Père bien‑aimé. Nous venons à lui avec assurance ; nous venons à lui avec courage ; nous avons ainsi accès auprès de lui. Nous jouissons d’une paix sainte.


Cet article est tiré du livre : La sainteté de Dieu de R.C. Sproul