Qu’est-ce que l’adoration biblique ?

Chaque jour du Seigneur, juste avant le début de nos cultes du matin et du soir, notre Église prend quelques instants pour se préparer à adorer Dieu. Durant ce bref moment, on nous encourage à chasser de notre esprit les questions ordinaires de la semaine (par ex. : les échéances professionnelles, les divertissements, les événements sportifs, les travaux scolaires), et à concentrer notre cœur ainsi que notre pensée notamment sur la nature et les œuvres profondément singulières du Dieu trinitaire.

Ce court temps de préparation bénéficiera cependant peu à la personne qui n’entretient pas de vision biblique de l’adoration ou qui ne s’est pas préparée à adorer Dieu tout au long de la semaine. La prochaine section vise à mettre plus en lumière la véritable nature biblique de l’adoration chrétienne et à explorer certains des moyens pour les chrétiens de bien se préparer du lundi au samedi à adorer Dieu le jour du Seigneur.

Ce qu’est et n’est pas l’adoration

Avant de pouvoir bien préparer notre cœur à l’adoration en public, nous devons d’abord comprendre ce qu’est l’adoration. Malheureusement, les Églises actuelles sont en proie à la confusion en la matière, ce qui a conduit à beaucoup de discorde et de division dans les Églises et les familles, de même qu’entre amis. L’adoration devrait unir les chrétiens, et non les désunir (voir Ro 15.6 ; Ép 5.19‑21).

Le problème tient en grande partie au fait que les chrétiens croisent le fer relativement à leurs styles ou à leurs préférences en matière d’adoration plutôt que d’explorer honnêtement et soigneusement ce qui constitue l’adoration biblique agréable à Dieu. Il n’est pas rare d’entendre des croyants dire quelque chose de ce genre : « Adore comme tu veux, et j’adorerai comme je veux… Pourvu qu’on soit sincère, ça n’a pas vraiment d’importance. » Cette affirmation est non seulement audacieusement relativiste, mais aussi théologiquement insouciante. Dieu ne nous a pas laissés sans directives au sujet de l’activité la plus importante et sublime de l’Église. Au contraire, comme j’espère le démontrer dans les pages qui suivent, Dieu nous a donné des instructions claires sur la façon dont son peuple doit (et ne doit pas) l’adorer. Voici quelques points ayant contribué à façonner ma pensée concernant la nature et la pratique de l’adoration chrétienne.

  1. L’adoration biblique est biblique

Oui, je sais… une vraie redondance. Je la crois néanmoins nécessaire. En effet, parmi de nombreux croyants, l’adoration biblique n’incarne pas tant ce que la Bible nous commande que ce qui rend heureux les croyants ou qui met à l’aise ceux qui sont à la recherche de Dieu. L’adoration doit, cependant, par sa forme et son contenu, s’enraciner dans la Parole de Dieu, qui fait autorité. La théologie, et non une philosophie pragmatique favorisant la croissance de l’Église ou la quête hebdomadaire d’une expérience exaltante avec Dieu, doit diriger l’adoration.

Dans la tradition réformée, les chrétiens s’en tiennent généralement à ce que l’on appelle le principe régulateur de l’adoration. Ce principe stipule que les chrétiens ne doivent rien faire d’autre en matière d’adoration que ce que la Bible prescrit ou commande. Non seulement ce principe souligne le fait que Dieu a révélé dans sa Parole la manière dont il désire se faire adorer, mais aussi qu’il protège merveilleusement l’adoration contre les innovations de l’humanité impie. Calvin a fait remarquer un jour que notre esprit est une usine d’idoles, qui invente constamment de nouveaux objets d’adoration et qui imagine de nouvelles façons d’adorer Dieu. Ce principe régulateur prend très au sérieux la véracité de la Parole de Dieu et le caractère trompeur du cœur de l’homme.

Lévitique 10.1‑11 nous enseigne une leçon qui prête à réflexion au sujet du sérieux avec lequel Dieu considère l’adoration. Nadab et Abihu, les fils d’Aaron et sacrificateurs ordonnés, ont mis du feu étranger (interdit)dansleurs brasiers devant l’Éternel, du feu « qu’il ne leur avait point ordonné » (v. 1). Par conséquent, « le feu sortit de devant l’Éternel et les consuma : ils moururent devant l’Éternel » (v. 2).

Pour nous éviter de croire que Dieu considérait ces questions différemment dans l’Ancien Testament, l’auteur de l’épître aux Hébreux nous rappelle que Dieu nous commande encore de l’adorer d’une manière qui lui plaît (inspirée de la Bible) dans le Nouveau Testament, quand il affirme : « C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, montrons notre reconnaissance en rendant à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec piété et avec crainte, car notre Dieu est aussi un feu dévorant » (Hé 12.28,29). En commentant ce passage, John Owen, puritain anglais du xviie siècle, indique que « c’est une adoration religieuse, tant sous la forme extérieure d’une institution divine que sous la forme intérieure de la foi et de la grâce, que Dieu exige » (An Exposition of the Epistle to the Hebrews, tome VII, p. 378, trad. libre). Autrement dit, Dieu requiert une adoration qui se conforme à la Bible tant par sa forme extérieure que par la sincérité de la foi dans le cœur.

En plus de ces passages instructifs, le deuxième commandement renforce le principe régulateur de l’adoration. Selon lui, Dieu affirme : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point ; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux » (Ex 20.4,5a). Qu’est-ce que Dieu garde plus jalousement que tout le reste ? Sa propre gloire. En effet, adorer Dieu d’une manière que sa Parole n’a pas prescrite revient à miner son autorité divine et à lui ravir la gloire due à son nom. En commentant le deuxième commandement, l’assemblée des théologiens de Westminster a écrit que les péchés interdits sont : « concevoir, conseiller, commander, utiliser et approuver de quelque manière que ce soit tout culte religieux qui n’a pas été institué par Dieu lui‑même » (Grand catéchisme de Westminster, réponse à la question no 109). Autrement dit, Dieu doit réguler ce que nous faisons au cours de notre adoration selon sa Parole inspirée – rien de plus ni rien de moins. Personne ne devrait avoir la conscience liée durant un culte d’adoration par quoi que ce soit de plus ou de moins que ce que Dieu exige dans l’Écriture. Ainsi, le fait d’inclure dans la liturgie, par exemple, une pièce de théâtre, l’allumage de bougies de l’Avent ou des chants patriotiques, revient à demander aux adorateurs de participer à des éléments d’adoration que Dieu ne prescrit pas dans sa Parole.

Certains lecteurs pourraient se dire : Tout ça me semble un peu rigide ; je croyais avoir la liberté en Christ. Nous sommes bel et bien libres en Christ (affranchis des liens du péché et de la condamnation de la Loi), mais nous ne sommes pas libres d’adorer Dieu à notre guise. Imaginez un match de foot lors duquel chaque joueur serait autorisé à créer ses propres règles. Il n’en résulterait que le chaos ! Ce qui contribue à faire du foot le jeu préféré du monde entier, c’est le fait que les joueurs évoluent à l’intérieur de la structure et des lignes directrices que l’organe directeur international leur impose. Sans structure, ce jeu perdrait son caractère merveilleux. Ces mêmes principes ne s’appliquent‑ils pas à plus forte raison à l’adoration chrétienne ? L’adoration chrétienne authentique, quand on l’accomplit selon ce que Dieu (l’autorité ultime) a institué dans sa Parole, constitue le contexte dans lequel le peuple de Dieu l’honore et s’épanouit.

  • L’adoration biblique est centrée sur Dieu, et non sur l’homme

Imaginez un instant que Moïse ait passé outre aux directives de Dieu relativement à l’adoration en se fiant plutôt à un sondage d’opinion effectué parmi les nations païennes environnantes. Ou encore, imaginez l’apôtre Paul frappant aux portes d’Éphèse pour demander aux non‑croyants en quoi l’Église pourrait rendre l’adoration plus attrayante. Bien entendu, ce sont là des notions absurdes. Il n’en reste pas moins que, dans une certaine mesure, c’est ce qui se produit aujourd’hui dans de nombreux milieux évangéliques, entraînant ainsi une grande confusion quant à l’objet et au but de l’adoration. En effet, les Églises soi‑disant sensibles à ceux qui cherchent Dieu, si bien intentionnées qu’elles soient, s’intéressent davantage à ce que l’homme (non‑croyant ou croyant) retirera d’un culte d’adoration qu’à ce que Dieu en retirera. Il va de soi que nous devons nous montrer sensibles au chercheur lorsque nous concevons et réalisons l’adoration, mais selon la Bible, Dieu (et non l’homme) est le chercheur envers qui nous devons nous montrer sensibles. Dans le quatrième chapitre de l’Évangile selon Jean, Christ dit à la Samaritaine : « Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité » (Jn 4.23,24).

Moïse a adressé des sermons d’adieu aux Israélites qui se préparaient, sous la direction militaire de Josué, à entrer dans le pays de Canaan. Il les a exhortés à ne pas adorer Dieu selon la sagesse et les méthodes des nations étrangères qu’ils allaient conquérir sous peu :

Lorsque l’Éternel, ton Dieu, aura exterminé les nations que tu vas chasser devant toi, lorsque tu les auras chassées et que tu te seras établi dans leur pays, garde‑toi de te laisser prendre au piège en les imitant, après qu’elles auront été détruites devant toi. Garde‑toi de t’informer de leurs dieux et de dire : Comment ces nations servaient‑elles leurs dieux ? Moi aussi, je veux faire de même (De 12.29,30).

Sous la nouvelle alliance, comme l’ancienne, les chrétiens sont appelés à adorer Dieu de la manière qu’il a prescrite, et non selon les désirs changeants et les modes éphémères des non‑croyants.

Si nous adorons Dieu selon son Esprit et sa vérité, Dieu sera forcément lui‑même l’objet de notre adoration. Autrement dit, celle‑ci sera centrée sur Dieu. Par conséquent, le fait de centrer notre adoration sur autre chose que Dieu revient, en un mot, à nous livrer à l’idolâtrie.

Cela ne veut pas dire que l’adoration centrée sur Dieu et biblique n’a rien d’évangélique. Au contraire, étant donné que Dieu a promis par son Saint‑Esprit d’attirer ses élus à lui au moyen de sa Parole transformatrice, le culte d’adoration riche en lectures et en prédications bibliques ne devrait‑il pas procurer aux non‑croyants une bonne occasion de venir à Christ ? L’apôtre Paul déclare que « la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ » (Ro 10.17). Pierre attire aussi l’attention sur l’emploi que Dieu fait de sa Parole pour sauver son peuple : « [Puisque] vous avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu […] cette parole est celle qui vous a été annoncée par l’Évangile » (1 Pi 1.23,25b). Voici l’idée : si nous croyons véritablement que le Dieu souverain attire les élus à lui – de toute tribu, de toute langue et de toute nation – en les unissant à Christ au moyen de sa Parole, qui procure la vie, alors les cultes d’adoration centrés sur Dieu, fidèles à la Parole et exaltant Christ non seulement glorifieront Dieu en en faisant le point central, mais ils deviendront aussi le moyen par lequel les élus se convertiront glorieusement. William Tyndale, réformateur et érudit anglais, a exprimé cette même idée en écrivant ceci :

Quand Christ est […] prêché et que les promesses [c.‑à‑d. les sacrements] sont remémorées […] alors la généreuse miséricorde de Dieu et la bonté de Christ émeuvent et attendrissent ceux qu’il s’est choisis. Car lorsque l’evangelion est prêché, l’Esprit agit en ceux que Dieu a destinés à la vie éternelle en ouvrant les yeux de leur cœur et en leur procurant la foi (cité dans Carl Trueman, The Wages of Spin, p. 54, trad. libre).

La beauté de l’adoration centrée sur Dieu, contrairement à celle centrée sur l’homme, réside dans le fait que, non seulement elle honore et glorifie par‑dessus tout le Dieu trinitaire – faisant ainsi du Père, du Fils et du Saint‑Esprit le principal objet de nos louanges, de notre gratitude et de notre affection –, mais encore elle nourrit le troupeau et convertit le pécheur du même coup.

  • L’adoration biblique est dialogique

En quelques mots, l’adoration biblique constitue un saint dialogue entre Dieu et son peuple racheté. Il ne s’agit pas d’une conversation à sens unique. Au cours de la célébration d’une liturgie bien planifiée, Dieu s’adresse, par sa Parole, à ses enfants réunis lors de l’appel à l’adorer, ainsi que par l’assurance du pardon, la lecture de la Bible, les sacrements et la bénédiction. Ceux‑ci répondent à Dieu par la prière (l’invocation, la confession des péchés, la prière pastorale), la dîme et les offrandes, le chant de psaumes et de cantiques, ainsi que la profession de foi. Il convient de préciser également que les meilleures réponses de l’Église évoquent beaucoup les Écritures. Par conséquent, la vérité divine se réverbère dans l’adoration chrétienne, dans un glorieux écho entre ciel et terre, c’est‑à‑dire entre Dieu et son peuple. Si un chrétien ou une chrétienne participe activement et intentionnellement à un culte d’adoration dialogique et profondément inspiré de la Bible, il ou elle glorifiera Dieu et recevra une riche nourriture spirituelle. Voilà pourquoi Hughes Oliphant Old affirme que « l’adoration constitue l’atelier où Dieu nous transforme à son image. Ainsi transformés, nous reflétons sa gloire » (Worship: Reformed According to Scripture, p. 8, trad. libre).

La prépondérance accordée à la musique et aux chants dans les modes d’adoration les plus récents s’avère troublante. De nombreux cultes contemporains abondent en longs segments de musique et de chants tout en négligeant la lecture de la Bible, la prière, la confession et les sacrements. Dans ce contexte, au mieux on minimise la dimension dialogique de l’adoration et au pire on l’abandonne. Une chose est certaine : le fait de chanter des louanges à Dieu constitue un élément non négociable de l’adoration chrétienne. Même alors, l’adoration ne se résume pas à de simples chants. L’adoration réunit tous les éléments de la liturgie, depuis l’appel à adorer Dieu jusqu’à la bénédiction. Sur le plan pratique, cela signifie que, lorsque l’Église participe collectivement à une profession de foi, à l’écoute d’un sermon par exposition ou au repas du Seigneur, elle adore Dieu tout autant que lorsqu’elle chante le premier vers de Quel repos céleste.

Pour terminer, en plus de prêter l’attention qu’il se doit à chaque élément de l’adoration, la liturgie dialogique renforce la dimension relationnelle de la vie chrétienne. En effet, la vie chrétienne consiste non seulement à recevoir l’amour divin, mais aussi à y répondre par des louanges, une confession, de la gratitude et une obéissance empreintes de foi.

  • L’adoration biblique est simple

Sous l’ancienne alliance, l’adoration était tout, sauf simple. Le livre du Lévitique montre que l’adoration renfermait un vaste éventail d’offrandes sacrificielles, de rituels de purification et de jours saints. Pour qu’en tant que médiateurs de l’alliance les Lévites s’acquittent correctement de leur devoir devant Dieu dans le temple, ils étaient tenus de se rappeler un grand nombre d’instructions détaillées (voir Lé 1 – 16). Il n’en va pas de même de la nouvelle alliance, où la loi cérémonielle de Moïse – riche en types et en ombres désignant le Messie promis – trouve son accomplissement en Jésus‑Christ. L’adoration typologique de l’ancienne alliance est effectivement devenue obsolète en Christ, une réalité sur laquelle revient souvent l’auteur de l’épître aux Hébreux (voir surtout Hé 8.1 – 10.39).

Sous la nouvelle alliance, l’adoration est énormément simplifiée. Le livre des Actes nous apprend que les premiers chrétiens « persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans les prières » (Ac 2.42). On présente ici les moyens ordinaires de la Parole, des sacrements et de la prière comme les principaux outils que Dieu a promis d’employer tant pour communiquer l’Évangile que pour transformer son peuple. En effet, « [les] moyens extérieurs et ordinaires par lesquels le Christ nous communique les bienfais de la rédemption sont ses ordonnances, spécialement sa Parole, les sacrements et la prière, qui sont toutes efficaces pour le salut des élus » (Petit catéchisme de Westminster, réponse à la question no 88).

Sur le plan historique, les liturgies protestantes et réformées ont été écrites de manière à ressembler à l’adoration simple de l’Église néotestamentaire, en accordant la priorité à la lecture et à la prédication de la Bible, à la prière et aux sacrements. Contrairement au faste et au cérémonial de l’Église catholique romaine ainsi qu’aux productions sophistiquées des cultes contemporains hautement technologiques, la simplicité de l’adoration réformée incite l’adorateur à s’axer révérencieusement sur le Christ crucifié. À ce sujet, D. G. Hart déclare :

À l’ère du Saint‑Esprit, l’adoration n’est ni tape‑à‑l’œil ni impressionnante, mais d’une telle simplicité qu’elle semble inconséquente. Il n’en reste pas moins que l’Esprit transforme ces simples moyens [la Parole, la prière et les sacrements] en armes efficaces manifestant la gloire et la puissance de Dieu, tant par la conversion des pécheurs que par la louange et l’adoration de son peuple (Recovering Mother Kirk, p. 98, trad. libre).

Un de mes anciens professeurs a fait remarquer une fois que nos cultes d’adoration doivent être suffisamment simples pour réussir à ce qu’il appelle le test des catacombes. Ce test permet de déterminer s’il serait ou non possible de réaliser notre adoration dans les catacombes si, un jour, la persécution devait éclater comme cela a été le cas à Rome au ier siècle. Sans quoi notre adoration risque de s’apparenter de loin à l’adoration simple propre au Nouveau Testament.

  • L’adoration biblique s’exprime dans toutes les sphères de la vie ET à des moments sacrés

Dans Romains 12.1, l’apôtre Paul exhorte les chrétiens de partout à « offrir [leurs] corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de [leur] part un culte raisonnable ». L’adoration mentionnée dans ce verset désigne celle qui s’exerce dans toutes les activités de la vie. Que le chrétien ou la chrétienne travaille au bureau, joue au golf, jardine ou prenne un repas, il ou elle, dans un sens tout à fait réel, adore Dieu, à condition qu’il ou elle marche dans l’Esprit. « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Co 10.31 ; voir aussi la réponse à la première question du Petit catéchisme de Westminster).

Cette large définition de l’adoration n’annule toutefois pas une définition plus étroite, car la Bible enseigne les deux. Les chrétiens sont appelés à adorer Dieu dans tous les domaines de leur vie et à des moments particuliers et sacrés. En effet, la Bible nous enseigne que Dieu emploie les choses ordinaires à des fins extraordinaires. C’est Dieu lui‑même qui a instauré un jour saint (Ex 20.8 ; Mc 2.27,28 ; Ap 1.10), où sa nation sainte (1 Pi 2.9,10) se réunirait dans un lieu saint (Ex 3.4,5 ; Hé 9.1‑3) pour se consacrer à une adoration sainte (Hé 10.23‑25 ; 1 Co 11.17‑34). Au fil d’une adoration communautaire, le peuple de Dieu reçoit, par la foi, tant la Parole sainte (2 Ti 3.16 ; 1 Pi 1.23 – 2.2) qu’une nourriture sainte (Jn 6.52‑58 ; 1 Co 10.16,17) de la part d’hommes affectés à des fonctions saintes (Hé 8.2 ; 1 Ti 3.1‑7 ; 5.17). Autrement dit, conformément à ses prérogatives souveraines, Dieu a réservé des objets, des moments et des lieux particuliers à l’adoration.

Certains ont tenté de justifier leur absence lors du culte dominical en attirant l’attention sur le principe de l’adoration dans chaque sphère de la vie. Ils disent pouvoir adorer Dieu le jour du Seigneur aussi bien au match de baseball de leur fils qu’à l’église. Ce type d’affirmation ne se fonde toutefois pas sur la Bible, mais sur leur désir de servir Dieu à leur guise. De plus, ceux qui entretiennent de telles pensées méprisent les principaux moyens par lesquels Dieu promet de faire connaître son Fils à son peuple, notamment par la Parole et les sacrements, dans le contexte de l’Église rassemblée.

L’adoration dans chaque sphère de la vie découle de celle réglée sur la Bible le jour du Seigneur, et non l’inverse. Lorsque nous nous réunissons devant notre Roi crucifié, ressuscité et exalté le jour du Seigneur, nous répondons à sa Parole transformatrice et aux sacrements par des louanges sincères, des actions de grâces et le désir ardent de vivre dans une humble soumission à sa Parole. Notre réponse empreinte de gratitude à l’amour divin et à la vérité divine ne se termine cependant pas avec la bénédiction. Au contraire, notre adoration se poursuit dans chaque dimension de notre vie.

  • L’adoration biblique est empreinte de révérence

On sonde les Écritures en vain pour y trouver le genre d’adoration désinvolte et informelle à laquelle s’adonnent bon nombre d’Églises actuelles. Bien qu’elle ait été presque inexistante avant la dernière partie du xxe siècle, cette forme d’adoration extrêmement informelle est si courante de nos jours que l’on considère souvent un culte sérieux et révérencieux comme inutilement formel et guindé. On observe néanmoins une attitude entièrement différente dans la Bible. Depuis l’adoration selon l’alliance renouvelée se trouvant dans Exode 19 – 20 jusqu’à l’adoration céleste que l’apôtre Jean a prophétisée dans Apocalypse 4 – 5, le peuple de Dieu a toujours été appelé à l’adorer « avec piété et avec crainte, car notre Dieu est aussi un feu dévorant » (Hé 12.28,29). À ce sujet, D. G. Hart affirme :

Bien qu’il y ait un côté thérapeutique au fait de considérer que l’adoration revient à entrer dans un bar dont Dieu est le serveur amical, toujours prêt à entendre ce que nous avons à dire et à essuyer nos dégâts, le Dieu révélé dans la Bible est un Roi assis sur le trône de gloire, attentif aux paroles, aux pensées et aux émotions de ses sujets assemblés devant lui. Ce Roi est assurément aussi notre Père, mais à la lumière du cinquième commandement et de ce que l’apôtre Paul dit au sujet du respect et de la crainte que les enfants devraient avoir envers leurs parents, l’image de Dieu comme notre Père ne permet pas nécessairement le recours à la nonchalance durant l’adoration (Recovering Mother Kirk, p. 79, trad. libre).

Il est écrit : « Servez l’Éternel avec crainte, et réjouissez‑vous avec tremblement » (Ps 2.11). Pour certains, les mots crainte et réjouir sont mutuellement exclusifs. Ceux qui connaissent, aiment et révèrent Dieu en la Personne et l’œuvre rédemptrice de Jésus‑Christ se réjouissent néanmoins d’une joie profonde. En raison de leur relation avec Dieu, les chrétiens peuvent s’approcher de lui avec joie, sans redouter la condamnation (voir Ro 8.1).

D’où vient aux gens l’idée que les cultes d’adoration doivent être gais et amusants, plutôt que saints et révérencieux ? Bien entendu, cela n’empêche pas certains incidents de la vie d’être parfois humoristiques, et de susciter des rires à l’occasion et à juste titre, même lors d’un culte d’adoration. Il reste que nous devrions toujours user de révérence et de respect durant les cultes. À ce sujet, voici ce que Donald S. Whitney déclare :

Ma révérence envers Dieu me fait prendre l’adoration au sérieux. Cela ne signifie pas pour autant que je sois sombre ou morne, bien au contraire, mais que je ne suis pas frivole. Je ne rencontre pas un comédien ou un clown. Comme je suis l’enfant de mon Père céleste, je peux être à l’aise en sa présence empreinte d’amour et d’acceptation. Je n’oublie toutefois jamais que je rencontre Dieu – celui qui m’a créé, mon Juge, mon Roi (cité dans Ryken, Thomas et Duncan, éd., Give Praise to God, p. 312, trad. libre).

  • L’adoration biblique est trinitaire

Le Grand catéchisme de Westminster pose la question no 8 : « Y a‑t‑il plus d’un seul Dieu » à laquelle il donne pour réponse : « Il n’y a qu’un seul Dieu, le Dieu vivant et vrai » (voir aussi De 6.4 ; 1 Co 8.4,6 ; És 45.21). La question suivante est celle‑ci : « Combien y a‑t‑il de personnes en Dieu ? » à laquelle il donne pour réponse : « Il y a trois personnes en Dieu : le Père, le Fils et le Saint‑Esprit ; et les trois sont un seul Dieu, d’une même substance, égales en puissance et en gloire » (voir aussi Mt 3.16,17 ; 28.19,20 ; 2 Co 13.13).

Dans la Bible, la révélation de Dieu en trois Personnes exige que notre adoration et notre liturgie reflètent cette mystérieuse réalité. En effet, nous devons toujours axer notre adoration sur le Père, par la médiation du Fils et la puissance du Saint‑Esprit. T. F. Torrance explique que, « si la conception chrétienne de Dieu et de toute son activité envers nous dans la Création et la Rédemption est essentiellement trinitaire, alors nous devons permettre à la perspective trinitaire d’imprégner toute l’adoration et la pratique chrétiennes, toute interprétation des Saintes Écritures et toute proclamation de l’Évangile, de même que nous devons lui accorder un rôle régulateur dans la structure dynamique de toute pensée et toute action chrétienne » (The Christian Doctrine of God: Three Persons, One Being, p. 31, trad. libre). Autrement dit, être chrétien revient fondamentalement à voir Dieu comme la Trinité et à l’adorer en tant que tel. Nier ou déformer cette doctrine chrétienne fondamentale revient à trahir le christianisme en tout point.

Malheureusement, beaucoup d’expressions contemporaines d’adoration ne sont pas de nature distinctement trinitaire. Au lieu d’accorder l’attention qu’il se doit à chacune des trois Personnes de la Trinité, on axe les chants, les prières et les prédications entièrement sur une seule Personne, ce qui conduit à une forme de modalisme moderne. Pour toutes sortes de raisons théologiques que nous ne sommes pas libres d’aborder ici, différentes traditions semblent prêter davantage attention à une certaine Personne de la Trinité qu’aux autres. Par exemple, les pentecôtistes peuvent être tentés d’accorder une attention exagérée au Saint‑Esprit alors que les évangéliques au sens large peuvent être plus enclins à diriger toute leur adoration vers Jésus, ce qui les pousse dans chaque cas à interagir avec Dieu de manière non orthodoxe.

Malheureusement, beaucoup d’expressions contemporaines d’adoration ne sont pas de nature distinctement trinitaire. Au lieu d’accorder l’attention qu’il se doit à chacune des trois Personnes de la Trinité, on axe les chants, les prières et les prédications entièrement sur une seule Personne, ce qui conduit à une forme de modalisme moderne. Pour toutes sortes de raisons théologiques que nous ne sommes pas libres d’aborder ici, différentes traditions semblent prêter davantage attention à une certaine Personne de la Trinité qu’aux autres. Par exemple, les pentecôtistes peuvent être tentés d’accorder une attention exagérée au Saint‑Esprit alors que les évangéliques au sens large peuvent être plus enclins à diriger toute leur adoration vers Jésus, ce qui les pousse dans chaque cas à interagir avec Dieu de manière non orthodoxe.

La question demeure la même : Comment protéger, prôner et pratiquer l’adoration communautaire de façon expressément trinitaire ? La réponse est en partie la suivante : au moyen d’une liturgie soigneusement préparée qui prend l’Église par la main pour l’amener à adorer Dieu de manière à prêter au Père, au Fils et au Saint‑Esprit l’attention qu’ils méritent. Quels éléments soutiennent une liturgie n’excluant aucune des trois Personnes de la Trinité éternelle ?

  1. La lecture et la prédication systématiques de la Parole de Dieu : En lisant et en prêchant « tout le conseil de Dieu » lors de l’adoration en public, nous renforçons constamment les actions créatives et rédemptrices du Père, du Fils et du Saint‑Esprit.
  2. La confession des péchés et l’assurance du pardon : Si nous les réalisons bien, ces deux éléments liturgiques rappelleront à l’Église la sainteté de Dieu, le sacrifice propitiatoire du Fils et la puissance sanctificatrice du Saint‑Esprit.
  3. Le chant de psaumes et de cantiques : Le fait de nous inspirer d’un bon psautier et de chanter des cantiques nous assure que l’Église exprimera son amour et sa consécration par des chants adressés aux trois Personnes de la Sainte Trinité.
  4. La profession de foi : Le fait de réciter les credo œcuméniques, comme celui des apôtres et celui de Nicée, ne manquera pas de nous aider à amener les chrétiens à adorer le Dieu trinitaire.
  5. La prière pastorale : Quand le pasteur dirige l’Église dans la prière, chaque Personne de la Trinité doit être exaltée pour le rôle qu’elle a joué dans la Création et la Rédemption. Par ailleurs, toute prière, faite en public ou en privé, devrait être adressée au Père par le Fils et dans l’Esprit.
  6. La bénédiction : De nombreuses bénédictions de la Bible sont clairement trinitaires. Par exemple, Paul dit à l’Église de Corinthe : « Que la grâce du Seigneur Jésus‑Christ, l’amour de Dieu, et la communion du Saint‑Esprit, soient avec vous tous ! » (2 Co 13.13.)

L’adoration en public expressément trinitaire non seulement glorifie Dieu, mais encore elle amène les chrétiens à interagir avec lui d’une manière indubitablement biblique, tant à l’église qu’à la maison. Wilhemus a’ Brakel, pasteur hollandais du xviie siècle, rappelle aux chrétiens les formidables bénédictions et bienfaits que comporte le fait de comprendre Dieu en son sens notamment trinitaire :

Voici, ne devez‑vous pas admettre que la foi dans la Sainte Trinité est avantageuse ? Ne constitue‑t‑elle pas le fondement d’une vie véritablement pieuse et la source de toute consolation ? Par conséquent, considérez Dieu comme étant d’une seule et même essence et comme existant en trois Personnes. Remarquez le rôle que joue chaque Personne dans l’administration de l’alliance de grâce, surtout telle qu’elle s’exerce en vous. Pour entretenir les pensées qui conviennent, faire des remarques à‑propos et être adéquatement exercé par rapport à chaque Personne de la Trinité, vous devez progresser considérablement et constamment dans la piété. En considérant chacune de ces Personnes, ainsi qu’en contemplant l’unicité de la Trinité, vous bénéficierez d’une illumination relative à cette unicité. Si nous pouvons tirer autant de lumière, de consolation, de joie et de sainteté du fait de percevoir ce qui n’est qu’une simple lueur de la Trinité, à combien plus forte raison notre âme sera‑t‑elle touchée quand nous contemplerons la face de Dieu dans sa justice et être rassasiés de son image (Ps 17.15) ! Ainsi, nous marcherons par la vue (2 Co 5.7) et nous le verrons tel qu’il est (1 Jn 3.2). Heureuse la nation dont l’Éternel est le Dieu ! Heureux le peuple qu’il choisit pour son héritage ! (Ps 33.12). (Cité dans Wilhemus a’ Brakel, The Christian’s Reasonable Service, tome 1, p. 191, trad. libre.)

Cher lecteur chrétien, puisse notre adoration tant privée que communautaire être intentionnellement trinitaire, qu’elle nous amène à louer et à glorifier Dieu le Père, le Fils et le Saint‑Esprit, ainsi qu’à lui rendre grâces. Ce faisant, non seulement nous aurons l’assurance d’adorer Dieu de manière véritablement biblique, mais aussi nous en viendrons à le connaître, à l’aimer et à lui obéir davantage, ce à quoi aspire tout vrai croyant.

  1. L’adoration biblique met en valeur la Personne et l’œuvre rédemptrice de Jésus‑Christ

Dernièrement, j’ai suivi sur Internet un culte d’adoration que dirigeait l’un des prédicateurs évangéliques les plus prisés en Amérique. Chaque semaine, pas moins de vingt millions de personnes écoutent en ligne les prédications de ce pasteur et plus de quarante mille fréquentent son église de Houston. Ce culte abondait en musique enlevante et en témoignages émouvants. Celui‑ci comportait aussi un sermon positif et édifiant. Il y manquait cependant toute référence au salut et au jugement grâce à la vie, à la mort et à la résurrection de Christ. L’essence de la foi chrétienne était donc curieusement absente de la liturgie.

Christ et son œuvre rédemptrice se situent forcément au centre de toute liturgie réellement biblique. Manquer à cette règle revient à négliger celui par qui nous avons accès à Dieu en premier lieu. L’enseignement selon lequel toute adoration n’est acceptable qu’au moyen de la foi dans le Fils réside au cœur même du christianisme orthodoxe (Jn 14.6). En effet, Christ est notre Souverain Sacrificateur (voir Hé 4.14‑16), le seul médiateur entre Dieu et les hommes (voir 1 Ti 2.5).

Toute adoration biblique a Jésus pour centre, tant dans les types et les ombres de l’ancienne alliance, qui désignent Christ (Lu 24.25‑27,44), que dans la réalisation des promesses divines en Christ de la nouvelle (2 Co 1.20 ; Ép 1.3‑14). Par conséquent, tout culte d’adoration n’accordant pas une place centrale à l’Évangile de Jésus‑Christ est non seulement grotesque, mais aussi un affront à la gloire et à la majesté de Christ.

Bien qu’elles soient mues par de bonnes intentions en cherchant à attirer les gens à l’église, beaucoup d’Églises négocient les principes fondamentaux de la foi chrétienne historique. Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, en favorisant une liturgie bien ancrée dans les Écritures, nous nous assurerons chaque jour du Seigneur de glorifier Jésus‑Christ – le Roi des rois et Seigneur des seigneurs hautement exalté – au moyen de la Parole et des sacrements.

La préparation quotidienne en vue d’adorer Dieu le jour du Seigneur

Comme mentionné plus tôt, le fait de se préparer brièvement avant l’appel à adorer Dieu ne bénéficiera guère à ceux qui ne s’y seront pas préparés tout au long de la semaine. Cette fidèle préparation du lundi au samedi nourrit le cœur aspirant à l’adoration, nous aidant ainsi à offrir à Dieu le meilleur de nous‑mêmes le jour du Seigneur venu.

À l’époque où je jouais au football pour la Clemson University au début des années 1990, notre entraîneur veillait toujours à ce que les matchs d’avant‑saison soient intensifs et rigoureux. Même s’il nous arrivait parfois de nous plaindre de nos trois entraînements par jour en raison de la chaleur étouffante de la mi‑août en Caroline du Sud, nous savions toutefois pertinemment que nous devions nous préparer en vue de la saison à venir et, en particulier, à disputer des matchs dans l’ACC. De même, tout au long de la saison régulière, ce que faisait notre équipe au cours de la semaine influençait beaucoup son attitude et ses performances les jours de match. De façon similaire, ce que font les chrétiens (ou ne font pas) en semaine influence profondément leur état spirituel durant le culte dominical. L’adoration en famille et l’adoration en privé constituent indubitablement deux des meilleurs moyens de préparer chaque jour notre cœur et notre esprit à l’adoration communautaire le jour du Seigneur.


Cet article est extrait du livre : «La splendeur de la sainteté» de Jon D. Payne