L’incapacité morale de l’homme (R.C. Sproul)

Photo by Maruxa Lomoljo Koren on Pexels.com

Lorsque Augustin a analysé le caractère pécheur de l’être humain, il a remarqué que Dieu avait créé Adam et Ève posse peccare, ce qui signifie qu’ils avaient la capacité de pécher ; peccare signifie « pécher ». Quelque chose de pur est appelé « impeccable » et un péché insignifiant est parfois qualifié de « peccadille ». Ces deux mots proviennent du latin peccare. Augustin a dit qu’Adam et Ève n’avaient pas été créés pécheurs, mais qu’ils avaient le pouvoir de pécher. Nous savons que c’était vrai parce qu’ils ont bel et bien péché. Ils n’ont pas réalisé l’impossible ; ils ont fait ce qu’ils avaient de toute évidence le pouvoir de faire. Cependant, dit Augustin, Adam et Ève ont également été créés posse non peccare, ce qui signifie qu’ils avaient la capacité de ne pas pécher. Dieu leur a donné le commandement de ne pas manger du fruit de l’arbre défendu et ils avaient la capacité morale d’obéir à Dieu. Ils avaient donc à la fois la capacité de pécher et celle de ne pas pécher.

Augustin a expliqué qu’à la chute, la race humaine a perdu le posse non peccare et notre position est devenue non posse non peccare, ce qui signifie que nous n’avons plus la capacité de ne pas pécher. En d’autres termes, le pouvoir du péché est si profondément enraciné dans le cœur et l’âme des mortels qu’il nous est impossible de ne pas pécher. Nous sommes tellement pécheurs par nature que nous ne rencontrerons jamais quelqu’un qui ne pèche pas ; la seule personne qui ait jamais accompli une vie sans péché fut Jésus-Christ. Notre incapacité à ne pas pécher s’appelle « l’incapacité morale des êtres humains ».

Cela ne signifie pas que nous ne pouvons rien faire qui soit extérieurement conforme à la loi de Dieu. Nous pouvons accidentellement garder la loi. À titre d’illustration, imaginez un homme qui aime conduire sa voiture à 90 km/h. Sa voiture fonctionne bien à cette vitesse et il se sent en sécurité et à l’aise même si d’autres sur l’autoroute le dépassent à 100 ou 110 km/h. Un jour, un policier l’arrête pour faire l’éloge de sa prudence et l’homme reçoit un prix pour sa conduite. Il continue son chemin et retourne sur l’autoroute ; finalement, il se rend dans une zone scolaire où la limite de vitesse est fixée à 30 km/h, mais il continue de rouler à 90 km/h, car c’est la vitesse à laquelle il aime conduire. Son désir n’a jamais été d’obéir à la loi : qu’il l’ait fait n’était qu’une circonstance fortuite, que les théologiens appellent la « vertu civique ».

Nous obéissons parfois à la loi de Dieu simplement parce qu’elle sert nos intérêts personnels. Nous pourrions ne pas voler parce que nous avons constaté que le crime ne paye pas. Nous pourrions accomplir des gestes nobles pour être applaudis des hommes, parce que nous nous portons candidats pour une élection, ou pour tout autre motif, mais l’homme déchu n’a aucune motivation d’obéir à la loi par pur amour pour Dieu. Jésus a dit : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22.37-39). Martin Luther disait que la plus grande transgression est la violation du plus grand commandement, mais nous ne pensons pas en ces termes. Personne n’aime Dieu parfaitement, de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa pensée.

C’est aussi pourquoi nous commettons des erreurs théologiques. Nous attribuons nos mauvaises interprétations à la Bible elle-même, affirmant qu’elle est trop difficile à comprendre ou ambiguë. Pourtant, Dieu n’est pas l’auteur de la confusion. En réalité, Dieu s’est révélé clairement, mais nous venons au texte avec des préjugés qui interfèrent avec la lumière de la Parole de Dieu. Il y a beaucoup de choses enseignées dans les Écritures que nous ne voulons tout simplement pas entendre, trouvant donc des moyens de déformer la Bible afin d’échapper au jugement qu’elle porte à notre conscience.

En essayant d’interpréter les Écritures, nous commettons parfois une prétendue erreur innocente. Cela peut arriver lorsque nous utilisons une traduction défectueuse ou lorsque nous ne maîtrisons pas suffisamment la structure de la grammaire grecque ou hébraïque. Pourtant, si nous aimions Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos pensées, notre maîtrise de sa Parole ne serait-elle pas différente ? Nous passons tellement de temps à remplir notre esprit d’autres choses que la connaissance de sa Parole. Nous sommes paresseux et nous ne sommes pas diligents dans notre quête de sa vérité. De telles choses contribuent aux déformations que nous créons.


Cet article est adapté du livre : Nous sommes tous des théologiens – R. C. Sproul