Les implantations d’Églises tuent-elles les Églises qui les envoient ? (Brad Walker)

Photo by Fillipe Gomes on Pexels.com

Ai-je tué l’Église qui m’a envoyé ? C’est une question compliquée, à laquelle on peut difficilement répondre par un simple « oui » ou « non ». Avant de s’y atteler et de présenter les quelques leçons que nous avons tirées de notre expérience, laissez-moi vous exposer le contexte.

À l’automne 2013, je suis devenu pasteur exécutif d’une Église implantée trois ans auparavant dans le sud de l’Indiana, aux États-Unis. Peu après, cette Église était prête, à son tour, à soutenir l’implantation de deux nouvelles Églises locales – et nous ignorions alors qu’il y aurait une troisième implantation plus tard.

En avril 2015, quelques circonstances ont été souverainement réunies par Dieu afin de concrétiser notre projet d’implanter une Église dans un quartier résidentiel du centre-ville. Nous avions vu qu’il y avait un besoin à ce niveau et nous voulions saisir l’occasion qui se présentait à nous. Cependant, il nous manquait encore un pasteur-implanteur. Après de longues recherches (c’est là le rôle d’un pasteur exécutif), enrichies de nombreuses prières et consultations, il devenait indéniable que je dirigerais moi-même cette nouvelle Église. Le prochain défi consistait alors à placer ce projet dans notre calendrier. Puisqu’une Église avait déjà été formée en avril et que la suivante était attendue pour septembre, nous avons décidé que notre implantation aurait lieu en octobre 2015.

En seulement cinq ans, cette Église du sud de l’Indiana avait déjà implanté trois autres Églises. Malheureusement, en août 2017, elle dut se résigner à fermer ses portes.

Le coup a été rude pour les membres qui sont restés, ainsi que pour le pasteur et les Églises qui avaient été fidèlement implantées. Aussi, la question demeure : avons-nous tué notre congrégation en voulant implanter de nouvelles Églises trop rapidement ? Cette interrogation m’a tourmenté ces derniers mois.

En toute franchise, je pense que la réponse est… « oui et non ».

OUI

L’Église s’était déjà préparée à envoyer deux groupes en 2015, mais elle n’avait pas vu venir notre nouvelle implantation. Nous ne l’avions pas vue venir, vous en rendez-vous compte ! Malheureusement, être une Église d’envoi implique souvent d’envoyer des membres et des responsables parmi les plus dévoués dans les Églises implantées, et nous n’avons pas fait exception. Au fil de mes conversations avec d’autres responsables d’Églises, j’ai constaté que cette réalité est souvent la raison pour laquelle plusieurs grandes Églises hésitent à démarrer des implantations. Je suis reconnaissant pour l’Église qui nous a envoyés en mission. Elle était consciente du risque, mais a saisi l’occasion pour que l’Évangile soit proclamé dans une partie délaissée de la ville, même si cela impliquait de réduire ses propres effectifs. À cet égard, nous pouvons donc dire que notre implantation a apporté sa pierre à l’édifice, mais…

NON

L’Église comportait encore suffisamment de membres en son sein quand nous avons été envoyés en mission (seulement six adultes nous ont accompagnés). De plus, elle était stratégiquement située là où aucune autre congrégation ne prêchait bibliquement l’Évangile. Il y avait donc beaucoup de raisons de croire que cette Église continuerait à proclamer la vie merveilleuse, la mort et la résurrection de Christ dans cette ville.

En considérant tout cela avec le pasteur principal – un ami très proche encore aujourd’hui –, lui-même a reconnu que d’autres faux pas se sont produits dans les deux ans qui ont suivi le lancement de notre Église. Selon lui, la plupart des difficultés rencontrées au sein de l’assemblée provenaient de ses propres manquements en matière de discipline spirituelle. Cela l’avait conduit, ainsi que d’autres, à compter chaque dimanche sur ses propres forces, plutôt que de se confier au Seigneur. Par la grâce de Dieu, aucune faute morale n’était à déplorer, mais l’épuisement pastoral avait fini par faire une énième victime, entraînant la disparition d’une autre expression locale du corps de Christ. Hélas, des centaines d’assemblées ferment leurs portes chaque année pour les mêmes raisons.

POUR ALLER PLUS LOIN

La fermeture de l’Église qui nous a envoyés nous a amenés à réfléchir sérieusement à la manière et au jour où nous choisirons d’être nous-mêmes une Église d’envoi. Bien que nous soyons encore en train d’étudier les conclusions de notre expérience, voici quelques leçons que nous avons retenues jusqu’à présent :

1. Avancer par petits pas.

Nous avons récemment décidé de mettre en place une première implantation d’Église, ce qui constitue un petit pas en avant pour notre assemblée. Nous l’avons mise en relation avec nos propres réseaux, nous avons prié pour elle lors de nos cultes du dimanche et de nos réunions de membres, et nous lui avons offert nos conseils. Cependant, nous n’avons, à ce stade, engagé aucune personne ni aucun financement dans ce projet. Par conséquent, nous pouvons prendre part à cette nouvelle œuvre missionnaire sans risquer d’y laisser trop de plumes, considérant que nous sommes encore à un stade précoce de notre vie d’assemblée. Nous avons également pris conscience qu’une communication claire et continue entre l’Église implantée, nos responsables et notre congrégation s’avère fructueuse dans le cadre de ce processus.

2. Le jeu en vaut la chandelle.

Il est risqué de se départir des membres et des responsables les plus dévoués de notre assemblée, mais Jésus ne nous appelle pas à rester bien confortablement installés dans nos royaumes privés, attendant sagement son retour. Suivre Jésus n’est pas une mince affaire (Jn 15.18), mais la proclamation de l’Évangile et la gloire de Dieu valent bien le risque de mettre en péril tous les empires terrestres que nous pourrions nous bâtir.

3. L’Église ne nous appartient pas.

Comme je l’ai évoqué un peu plus haut, cette malheureuse expérience nous a rappelé une vérité importante : c’est Jésus qui bâtit son Église, et les portes du séjour des morts ne prévalent point contre elle (Mt 16.18). Nous ne sommes que des sous-bergers, de simples administrateurs de ce dont le Seigneur consent à nous laisser la charge.

4. La proclamation de l’Évangile s’accroît dans nos faiblesses.

« Car, lorsque nous étions encore sans force, Christ, au temps marqué, est mort pour des impies » (Ro 5.6). C’est par notre faiblesse que la « puissance de Christ » se fait connaître au milieu de nos communautés (2 Co 12). Par conséquent, il serait facile de se laisser décourager par la fermeture d’une Église… à moins que nous soyons témoins de la puissance glorieuse de la Bonne Nouvelle à l’œuvre dans l’héritage de cette même Église.

Réjouissons-nous non pas de la fermeture d’une Église, mais de l’implantation de trois nouvelles Églises.

Réjouissons-nous du fait que des personnes ont été amenées à la foi et à la repentance par la prédication de l’Évangile, sachant que la plupart d’entre elles n’auraient autrement jamais été atteintes par cette seule petite congrégation.

Obéir fidèlement au grand mandat missionnaire est une entreprise dangereuse. Cet appel n’est pas pour les gens sans conviction, mais pour ceux qui ont les yeux fixés sur le Dieu glorieux, celui qui est digne d’être annoncé aux nations afin que leur joie et leurs désirs soient comblés dans la personne et l’œuvre de Jésus.


Brad Walker est un ancien de l’Église Southpoint Church, dans le sud de l’Indiana. Il est marié à Starla et père de cinq enfants.