Les idoles : un développement secondaire ? (David Powlison)

Lorsque des chrétiens adoptent les structures conceptuelles de la psychologie humaniste, ils perdent de vue les éléments fondamentaux à la base de la motivation humaine qui tentent de se substituer à Dieu. Par exemple, plusieurs conseillers chrétiens donnent un caractère absolu au besoin ou désir d’amour. En fins observateurs de la nature humaine, ils perçoivent avec justesse que des êtres déchus et condamnés sont poussés à rechercher la stabilité, l’amour, l’acceptation et l’affirmation. Ils admettent que nous cherchons ces bénédictions dans de vaines idoles. Puisqu’ils sont des chrétiens engagés, ils souhaitent la plupart du temps amener les gens à faire confiance à Jésus-Christ plutôt qu’à leurs idoles. Cependant, ils ont tort d’utiliser l’a priori du besoin relationnel universel, la notion du désir inné et du réservoir d’amour qui est vide pour décrire la réalité d’un cœur partagé entre la foi et l’idolâtrie.

Ils nomment ce « besoin » et prétendent qu’il a été créé par Dieu. L’idolâtrie devient ainsi une manière inappropriée de répondre à un besoin légitime, et notre incapacité à aimer les autres est perçue comme le résultat de besoins inassouvis. L’Évangile de Christ est redéfini comme étant la façon adéquate de répondre à ce besoin. Par conséquent, selon cette théorie, l’idolâtrie ne constitue qu’un développement secondaire : nos idoles sont un moyen inapproprié de répondre à des besoins légitimes. Se repentir de l’idolâtrie devient également secondaire, puisqu’elle sert à la satisfaction de nos besoins. Cette satisfaction est interprétée comme étant le contenu principal de la bonne nouvelle de Dieu en Christ.

L’idolâtrie : le facteur principal de la motivation

La Bible affirme cependant que l’idolâtrie constitue le facteur principal de la motivation. Nous ne parvenons pas à aimer les gens parce que nous sommes des idolâtres qui n’aiment ni Dieu ni leur prochain. À vrai dire, notre sentiment d’insécurité vient du fait que nous demeurons sous la malédiction de Dieu et que les autres sont tout aussi égocentriques que nous le sommes. Nous sommes déconnectés à la fois de Dieu et des autres, et nous créons nous-mêmes cette séparation. L’amour de Dieu nous enseigne néanmoins à nous repentir de notre « besoin d’amour » et à le considérer comme de la convoitise. Il nous invite à recevoir l’amour véritable et miséricordieux, et à apprendre comment aimer plutôt que d’être consumés par notre désir d’être aimés.

Les humains éprouvent de la convoitise à l’égard de toutes sortes de faux dieux et même à l’égard de bonnes choses, comme l’amour. Ils tentent ainsi d’échapper à la domination de Dieu. Les divers domaines de la psychologie axés sur le besoin d’amour conservent intact le jardin secret de l’idolâtrie qui se situe au fond du cœur. Dans les faits, la logique qui sous-tend la notion du besoin d’amour est analogue aux faux « évangiles de la santé et de la prospérité », où Jésus comble vos aspirations profondes sans remettre en question ces aspirations.

Il n’est pas étonnant de constater que la psychologie centrée sur le besoin d’amour n’attire qu’un certain type d’individus parmi ceux qui sont en recherche de counseling. À l’évidence, ces individus sont particulièrement branchés sur ce qu’on pourrait appeler les idoles de l’intimité. 

En réalité, de telles théories perdent leur attrait et leur efficacité dans un cadre « transculturel », auprès de gens pour qui les idoles dominantes ne sont pas celles de l’intimité, mais plutôt des idoles du pouvoir, du statut social, des plaisirs sensuels, de la réussite ou de l’argent, par exemple. Un système axé sur le besoin d’amour doit interpréter de telles idoles de façon réductionniste. Il les considérera comme des versions indirectes et compensatoires du « vrai besoin » qui motive les gens. 

Le thème biblique de l’idolâtrie

La Bible est plus simple. En effet, toute idole peut exercer une emprise indépendante sur le cœur de l’homme. Les idoles peuvent également se fondre en partie l’une dans l’autre. Par exemple, un homme aux prises avec un problème tenace de pornographie et d’impudicité peut expérimenter une délivrance s’il admet avec repentance que sa convoitise exprime sa colère et sa frustration concernant son célibat. Il n’avait jamais vu le désir de se marier comme idolâtre. À vrai dire, les idoles peuvent être composées d’un amalgame d’idoles. Toutefois, la convoitise sexuelle dans son existence première est elle-même une idole.

L’interprétation biblique du thème de l’idolâtrie permet de comprendre pourquoi les modèles axés sur les besoins semblent plausibles. Elle repense aussi complètement ce modèle. Selon la réalité biblique (autrement dit, selon la réalité tout court !), il n’y a rien à l’origine de la motivation humaine qui se rapproche de cet a priori, de ce besoin neutre et normal d’amour.

Le thème biblique de l’idolâtrie fournit un outil pénétrant pour comprendre à la fois les sources du comportement pécheur et ce qui l’alimente. Il est possible de comprendre en profondeur les causes de certains péchés quand on les considère du point de vue de l’idolâtrie : les pulsions biologiques, les forces psychodynamiques provenant de l’intérieur, le conditionnement socioculturel, ou les tentations et les attaques démoniaques. Cette compréhension prépare le terrain pour que le counseling chrétien devienne chrétien tant dans sa pratique que de nom. Ainsi, le counseling devient le ministère aux multiples facettes de la bonne nouvelle de Jésus-Christ.


Cet article est tiré du livre : Les idoles du cœur et la foire aux vanités de David Powlison