La sainteté de Dieu nous effraie (R.C. Sproul)

Dans l’étude que Rudolf Otto (un érudit allemand a fait une étude intéressante et peu ordinaire sur ce qui est saint au début du XXe siècle — il a tenté d’étudier le saint de manière scientifique) a faite de l’expérience humaine du saint, il a découvert que la sensation la plus nette que l’être humain a par rapport au saint correspond au sentiment irrésistible d’avoir été créé. C’est‑à‑dire que, lorsque nous sommes conscients de la présence de Dieu, nous prenons davantage conscience d’être des créatures. Lorsque nous rencontrons l’Absolu, nous savons immédiatement ne pas être absolus. Lorsque nous rencontrons l’Infini, nous devenons cruellement conscients d’être finis. Lorsque nous rencontrons l’Éternel, nous savons être temporels. La rencontre de Dieu constitue une étude de contrastes frappants.

L’exemple de Jérémie

Notre contraste avec « l’Autre » est bouleversant. Remémorons-nous le prophète Jérémie et la plainte qu’il a adressée à Dieu :

« Tu m’as persuadé, Éternel, et je me suis laissé persuader ; tu m’as saisi, tu m’as vaincu » (Jérémie 20.7)

On dirait ici que Jérémie est atteint d’un cas grave de bégaiement. Normalement, la Bible s’exprime avec brièveté, par souci d’économie de mots. Or, Jérémie ne respecte pas cette règle en prenant le temps d’énoncer l’évidence même. Il dit : « Tu m’as persuadé, Éternel, et je me suis laissé persuader. » La dernière proposition est donc superflue. Il va de soi que Jérémie est persuadé. Si Dieu l’a persuadé, comment pourrait‑il faire autrement qu’être persuadé ? Si Dieu l’a saisi, comment pourrait‑il faire autrement qu’être vaincu ?

Il se peut toutefois que Jérémie désire simplement s’assurer que Dieu l’a bien compris lorsqu’il lui a adressé sa plainte. Peut‑être a‑t‑il recours à la méthode hébraïque de la répétition pour mettre l’accent sur son propos. Dieu a persuadé et vaincu Jérémie. Le prophète se sent démuni et impuissant devant le pouvoir absolu de Dieu. À cet instant, Jérémie est tout à fait conscient de son état de créature.

Or, il n’est pas toujours agréable de se faire rappeler que l’on est une créature. Les paroles que Satan a prononcées lors de la tentation originelle, « vous serez comme Dieu » (Ge 3.5), sont difficiles à effacer de notre mémoire. Ce funèbre mensonge de Satan en est un que nous aimerions tant pouvoir croire. Si nous pouvions être comme Dieu, nous serions immortels, infaillibles et irrésistibles. Nous détiendrions tout un éventail d’autres pouvoirs que nous ne possédons pas actuellement et que nous ne pouvons posséder.

Créatures mortelles effrayées

Il arrive souvent que la mort nous effraie. Lorsque nous voyons une personne mourir, ce décès nous rappelle que nous sommes aussi mortels, qu’un jour la mort se présentera à nous. Or, il s’agit d’une pensée que nous nous efforçons de repousser. Lorsqu’un décès survient brutalement dans notre entourage et qu’il nous rappelle que notre tour viendra un jour, cela crée en nous un malaise. La mort nous rappelle que nous sommes des créatures. Il n’en reste pas moins qu’aussi redoutable que la mort puisse être, elle n’est rien comparée à la rencontre avec un Dieu saint. Lorsque nous le rencontrons, la totalité de notre nature d’êtres créés nous submerge et fait voler en éclats le mythe que nous avons cru à notre propre sujet, celui selon lequel nous serions des demi‑dieux, des apprentis divinités qui s’efforceront de vivre éternellement.

En tant que créatures mortelles, nous sommes exposés à toutes sortes de craintes. Nous sommes des êtres anxieux, portés aux phobies. Il y a des gens qui ont peur des chats, d’autres des serpents, et d’autres encore des lieux bondés ou des hauteurs. Ces phobies nous rongent et troublent notre paix intérieure.

Notre crainte face à la sainteté de Dieu

Il y a un genre de phobie particulier auquel personne n’échappe. Il s’agit de la xénophobie. La xénophobie est une peur (et parfois une haine) des inconnus ou des étrangers ou de tout ce qui nous est inconnu ou étranger. Dieu est l’objet ultime de notre xénophobie. C’est l’inconnu suprême. C’est l’étranger suprême. Il est saint, et nous ne le sommes pas.

Nous craignons Dieu parce qu’il est saint. Notre crainte n’a rien à voir avec la crainte saine que la Bible nous encourage à entretenir. La nôtre est une crainte servile, une crainte née de la terreur. Dieu est trop grand pour nous ; il est trop magnifique. Il se montre exigeant envers nous. C’est le mystérieux Étranger qui menace notre sécurité. En sa présence, nous tremblons. Il se peut que notre rencontre personnelle avec lui constitue notre plus grand traumatisme.


Cet article est tiré du livre : La sainteté de Dieu de R.C. Sproul