Jésus vécut une solitude incomparable (Sinclair Ferguson)

Note de l’éditeur : Ceci est le premier article d’une série pascale.  

« Cela ne vient pas de ma perfection car je n’en ai point, cela est certain. Mais c’est à cause de sa compassion que l’Oint de Dieu, Fils unique et divin, souffrit sur le bois infâme de la croix, crucifié avec de vils criminels. Immense a été sa grâce envers moi, qui ne suis qu’un misérable rebelle. » (Adaptation du cantique d’Emmanuel Sibomana)

« Et si vous invoquez comme Père celui qui juge selon l’œuvre de chacun, sans favoritisme, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre séjour sur la terre ; vous savez que ce n’est pas par des choses périssables, par de l’argent ou de l’or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache ; prédestiné avant la fondation du monde, il fut manifesté à la fin des temps, à cause de vous ; par lui, vous croyez en Dieu qui l’a ressuscité des morts et lui a donné la gloire, en sorte que votre foi et votre espérance reposent sur Dieu » (1 Pierre 1:17-21).

Le cantique d’Emmanuel Sibomana nous conduit pas à pas à travers les diverses dimensions de la grâce divine pour le salut. La troisième strophe nous amène au thème de cette série d’articles : le salut a coûté très cher à Dieu.

Le coût du salut

Il y a quelques années, j’ai entendu Jonathan Aitken, un ministre du gouvernement britannique de l’époque, parler en privé et en public de la solitude qu’il avait connue après avoir été arrêté pour parjure, jugé, condamné, emprisonné et — peut-être la pire des humiliations — dépouillé publiquement de sa réputation d’homme politique influent digne d’accéder au poste de Premier ministre de Grande-Bretagne.

Par la grâce de Dieu, Aitken est devenu chrétien par la suite. Il serait le premier aujourd’hui à dire que sa solitude, sa souffrance et la perte de sa réputation, bien qu’il ait pu les ressentir très vivement, n’étaient rien comparées à la profondeur de la solitude et à l’intensité des souffrances de Jésus lors de son arrestation, de son procès et de sa condamnation, injustes dans son cas. Les auteurs des évangiles (plus particulièrement Luc, qui semble avoir fait preuve d’une sensibilité inhabituelle dans ce domaine) soulignent le coût du salut dans leur description des dernières vingt-quatre heures de la vie terrestre de Jésus. La signification de sa passion est étroitement tissée dans la trame du récit. Ces heures nous accompagnent depuis le repas de la Pâque qu’il partagea avec ses disciples dans la chambre haute jusqu’au moment où, inclinant sereinement la tête sur la croix de Golgotha, il remit son esprit entre les mains de son Père céleste.

La descente dans la solitude

Toute l’histoire de la passion, de l’arrestation, du procès, des souffrances et de l’exécution publique de Jésus est celle d’une solitude et d’un isolement effroyables acceptés volontairement pour rétablir notre communion avec Dieu.

Après le repas dans la chambre haute, Jésus se rendit au jardin de Gethsémané. Là, il rechercha la consolation de son Père et l’encouragement de ses disciples. Il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean (le cercle de ses amis intimes), les distinguant des autres disciples du groupe. Puis il s’éloigna lui-même de ces trois et se retrouva complètement seul.

Dans les heures qui suivirent, cette plongée dans l’isolement se poursuivit et s’intensifia. Il fut coupé de ses disciples, amis et membres de la famille — même si certains vinrent courageusement se tenir à ses côtés lors de son exécution. C’est sans doute cette heure que le vieux Siméon avait prédite en disant à la jeune Marie : « Une épée te transpercera l’âme » (Luc 2:35).

Depuis son arrestation jusqu’au moment où Simon de Cyrène fut réquisitionné pour l’aider à porter sa croix, Jésus ne bénéficia d’aucun contact humain proche. Qui plus est, son dernier regard vers Simon Pierre fut pour voir des malédictions sortir de la bouche du disciple (Matthieu 26:74 ; Luc 22:61). Jésus sentit-il aussi une épée lui transpercer l’âme en entendant les paroles : « Je ne connais pas cet homme ! » ? C’est seulement une fois sur la croix que Jésus eut à nouveau des contacts avec ceux qui l’avaient le mieux connu et le plus aimé.

Il y avait cependant une solitude plus effroyable. Jésus se sentit abandonné de Dieu, et il s’écrie sur la croix :

« Mon Dieu mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthieu 27:46)

Deux volets à l’histoire de Jésus

À la manière dont Luc raconte l’histoire, le procès de Jésus comporta deux volets, l’un religieux, l’autre civil ou séculier. Les chefs religieux se moquèrent de lui, comme le firent les soldats romains. Les gens supposés s’occuper des choses célestes conspirèrent avec ceux qui ne songeaient qu’aux choses de la terre pour aboutir à l’exécution et à la destruction de Jésus de Nazareth.

Luc éclaire sa présentation du complot par une série de questions concernant Jésus et par les réponses données lors du déroulement des événements. Elles ponctuent tout le récit de la passion (22:47-23:56). De diverses manières, les réponses gravitent autour de la question : « Que se passe-t-il vraiment dans cette erreur judiciaire flagrante ? » Luc construit son récit avec grand soin. Il choisit les scènes et les paroles pour que le lecteur discerne le vrai enjeu. Il montre que ces événements en apparence dénués de sens en ont tout de même un qui s’impose à partir du moment où le récit commence à se focaliser sur l’identité de Jésus.

La suite demain…


Cet article est tiré du livre : Sola Gratia de Sinclair Ferguson