Il est avec nous (David Powlison)

Dans les strophes 2 à 6 du cantique « Quel solide fondement ! », nous lisons et chantons les paroles, mais notre Dieu lui-même s’adresse à nous :

Ne crains rien, car je suis avec toi, ne promène pas des regards inquiets,

Car je suis ton Dieu et je t’aiderai quoi qu’il arrive.

Je te fortifie, je viens à ton secours et tu ne seras pas ébranlé.

Je te soutiens de ma droite triomphante et omnipotente.

Je relèverai deux idées exprimées par l’auteur.

1- Les réactions à éviter

Cette strophe décrit nos réactions profondes devant l’épreuve. De quelle manière réagissons-nous à une grande souffrance ? La crainte et l’inquiétude résument avec justesse nos sentiments intérieurs. Soyons honnêtes… Nous nous sentons ébranlés, dépassés, préoccupés, désorientés, irrités, menacés. Sans parler des luttes incessantes ; un véritable combat se livre en notre for intérieur lorsque nous sommes aux prises avec une difficulté. Si nous ne ressentions pas la pression ou la précarité de la situation, si nous restions de marbre, nous ne serions pas humains. Les êtres humains faits à l’image de Dieu ne sont pas insensibles.

Dans une certaine mesure, la crainte et le désarroi sont des réactions normales, mais la situation s’aggrave lorsque Dieu ne fait pas partie du processus. L’inquiétude naturelle de la foi se transforme en irritation, dans laquelle Dieu n’occupe aucune place. Plus la difficulté subsiste, plus elle exerce d’emprise sur les pensées, les conversations, les émotions, l’avenir et la foi. Elle nous garde éveillés la nuit jusqu’à ce que nous tombions finalement endormis et revient nous hanter dès le réveil. Le désarroi couvre un vaste éventail de tentations : du simple trouble à la perte de la raison, de la déception au désespoir, de l’inquiétude à la panique, de la frustration à la rage.

Certaines réactions manquent d’intégrité et visent à réduire au silence le désarroi causé par les difficultés de la vie. Certains refusent de voir la réalité en face et se livrent à une véritable gymnastique mentale pour se distancier de la souffrance. Or, les Écritures ne prônent jamais le stoïcisme. D’autres deviennent cyniques, endurcis, cruels et invulnérables ; le type de personnes qui ne liraient probablement pas un livre traitant de la souffrance. Cependant, les Écritures ne prônent jamais le cynisme. D’autres s’isolent. Leur crainte d’être blessés est telle qu’ils s’entourent d’un mur de protection à toute épreuve. Il est normal de vouloir éviter de souffrir, mais les Écritures ne prônent jamais l’isolement comme moyen de défense. D’autres enfin fuient la douleur en cherchant un refuge trompeur mais euphorique, dans les plaisirs, les loisirs, la nourriture, l’alcool et la drogue. Or, les Écritures ne prônent jamais la dépendance pour apaiser la souffrance.

La Bible nous encourage à faire face à la réalité

Les Écritures nous encouragent à regarder la faiblesse et la douleur en face, avec réalisme, à l’instar de Jésus et des psalmistes, dans un souci d’intégrité et dans le but d’aimer ceux qui souffrent autour de nous. L’honnêteté nous permet de sentir le poids des événements troublants et terrifiants, et personne n’est à l’abri de ces situations difficiles. Puisque les épreuves nous donnent de bonnes raisons de nous inquiéter, Dieu nous donne de meilleures raisons de lui faire confiance.

Le problème n’est pas que nous nous sentions troublés par les difficultés ou affligés par les afflictions. De toute évidence, la douleur fait mal. Le problème est que la notion même de Dieu devient de moins en moins pertinente lorsque la souffrance nous obsède ou que nous tentons de l’éviter de manière compulsive. L’idée de Dieu n’occupe plus la première place dans nos pensées ; elle devient vague et lointaine à mesure que l’affliction exerce son emprise sur nous. Ou encore nous nous façonnons un dieu qui saura tout arranger, comme par magie, si seulement nous parvenons à attirer son attention. La douleur provoque forcément un flot d’appréhension, de malheur et de détresse et, en raison de la perversion du cœur, elle déclenche également de mauvaises réactions, liées à l’incrédulité et à l’idolâtrie, à moins que nous nous souvenions des paroles de la deuxième strophe de notre cantique.

2- Des promesses à prendre au sérieux

Notons ce que dit Dieu par la suite… Certes, nous avons de bonnes raisons d’éprouver de la crainte. Toutefois, Dieu nous donne une foule de raisons encore plus convaincantes pour réagir de la meilleure manière dont il est humainement possible de le faire. Ces raisons sont inspirées de la lucidité, des motifs, des émotions, des paroles et des actions de Jésus lui-même lorsqu’il a supporté sa propre grande souffrance.

Dans la deuxième strophe, Dieu donne sept promesses touchant à la crainte et au désarroi. L’auteur ne les a pas inventées. En les lisant, on reconnaît un texte du prophète Ésaïe (41.10). Le cantique cite fidèlement les paroles prononcées par Dieu, puis il les renforce de manière à garder le rythme et la rime. Dans la transcription suivante, les paroles exactes du Seigneur sont en italique et le renforcement entre crochets :

Ne crains rien, car je suis avec toi ;

Ne promène pas des regards inquiets,

car je suis ton Dieu ;

[et je t’aiderai quoi qu’il arrive].

Je te fortifie, je viens à ton secours,

[et tu ne seras pas ébranlé].

Je te soutiens de ma droite triomphante [et omnipotente].

Jésus, qui suscite la foi et la mène à la perfection, a entendu ces paroles et elles l’ont touché. Il les redit aujourd’hui à chacun de nous.

Sommes-nous à l’écoute ?

Nous avons peut-être du mal à ralentir suffisamment pour écouter ou nous ne voulons tout simplement pas écouter. Nous sommes sans doute occupés à écouter les milliers d’autres voix autour de nous, y compris la nôtre. Ou encore nous nous sentons las et trop découragés pour écouter. Cependant, quelle que soit notre situation particulière, nous sommes sourds à la voix de Dieu ; c’est là notre principal problème. Le petit monde de nos expériences, de nos pensées, de nos émotions et de nos opinions personnelles nous accapare complètement.

Une expression frappante en latin décrit avec justesse le fait que le péché, en raison de sa nature, est tourné sur lui-même : incurvatus in se. On se replie sur soi et, à cause du péché, on se détourne ouvertement de Dieu. Cette forte tendance à être centrés sur nous-mêmes s’observe autant dans notre cœur que chez les autres lorsque le malheur frappe. Notre égocentrisme prend vite le dessus.

Notre tendance au repli sur soi peut être renversée

Pourtant, Dieu parle sans se lasser. Écoutons à quel point il est tout près de nous dans ce cantique ; celui qui donne la vie nous donne des oreilles pour entendre. La tendance au repli sur soi peut être renversée, les Écritures elles-mêmes le démontrent. Les auteurs des Psaumes crient à Dieu au lieu de se centrer sur eux-mêmes. Jésus en est l’enseignant par excellence. Au plus fort de son agonie, il ne vivait pas incurvatus in se. Il a écouté la voix de Dieu et il s’est souvenu. Dans son état de faiblesse et de besoin, il s’est tourné vers Dieu avec générosité et confiance : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. », « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Mt 27.46 ; Lu 23.34,46). Il s’est tourné vers les autres et leur a témoigné un amour concret : « Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis », « Femme, voilà ton fils […] Voilà ta mère » (Lu 23.43 ; Jn 19.26,27). Il a exprimé avec honnêteté la douleur de son agonie : « J’ai soif […] Tout est accompli » (Jn 19.28,30).

Voilà le Jésus en qui nous avons trouvé refuge. Il est bon, il écoute avec attention, il nous a précédés. Il est patient en dépit de notre ignorance et de notre entêtement. Il marche avec nous et il connaît notre tendance à oublier, à être préoccupés et négligents. Il s’attaque d’abord au problème le plus important. C’est la raison pour laquelle ce cantique est écrit à la première personne. Les paroles de la vie nouvelle nous donnent, avant tout, des oreilles pour entendre.

Dieu parle. Ses brebis entendent sa voix même dans la vallée de l’ombre de la mort.

Sommes-nous à l’écoute ?

Le point de départ de ce couplet est crucial : « Je suis avec toi. » Cette promesse incarne l’essence même des Écritures et c’est la première promesse que nous souhaitons communiquer à ceux qui souffrent en exerçant un ministère pastoral. Pourquoi David peut-il affirmer : « Je ne crains aucun mal » devant le danger et les menaces de mort ? Parce que Dieu est avec lui (Ps 23.4). Quoi qu’il arrive, nous ne sommes, ni seuls, ni abandonnés, ni méprisés. Cette promesse ne se trouve pas par hasard au cœur de la Bible, elle constitue la seule espérance des pécheurs et de ceux qui souffrent. C’est la seule chose que Moïse désirait véritablement. Sans la présence de Dieu, la prétendue Terre promise ne représentait qu’une parcelle de terrain sans valeur. C’est la principale raison pour laquelle la vie de David a prospéré. Et le tout a culminé en Emmanuel. Lorsque Dieu vient vers nous en personne et qu’il vit parmi nous, toutes ses promesses deviennent « oui » et « amen » (2 Co 1.19,20).

« Je suis avec toi » est également une réalité que nous personnifions les uns envers les autres. Bien que la présence d’un frère ou d’une sœur en Christ ne remplace pas celle de Dieu, le contact avec un autre croyant s’avère un moyen privilégié par lequel Dieu nous donne sa grâce. La grâce de Jésus-Christ s’incarne en nous et dans nos relations interpersonnelles. Dieu nous apporte sa consolation dans les moments d’affliction par l’entremise des autres.


Cet article est tiré du livre : La grâce de Dieu dans la souffrance de David Powlison