Est-il possible de prêcher d’une manière textuelle parmi les pauvres et les personnes sans instruction ? (Mez McConnell)

On entend de plus en plus (dans certains milieux) cet argument soutenant que les soi-disant « modernes » du siècle dernier répondaient bien aux messages bibliques plus « concrets » (concernant, par exemple, des passages dans les Épîtres), mais que les gens de l’ère postmoderne, eux, répondent mieux à une approche narrative de la prédication biblique. Certains pensent aussi que les gens vivant dans les projets d’hébergement (secteurs défavorisés) n’ont pas la concentration nécessaire pour écouter un message qui dure plus de 10 minutes, sauf si celui-ci est accompagné d’extraits vidéo ou d’une présentation visuelle dynamique. Nous vivons dans « l’ère du visuel ». C’est, du moins, ce qu’on me dit. Pourtant, j’utilise très peu de vidéos, et pas beaucoup plus de présentations PowerPoint. Il faut dire que je n’ai pas beaucoup de talents dans ce domaine et que mes diaporamas sont aussi beaux que s’ils avaient été préparés par le chat de mon voisin ! Je me fie donc seulement à la Bible et au pouvoir des mots. Je prêche avec conviction et j’essaie d’utiliser le langage de tous les jours pour mes illustrations et mes applications. Je le fais systématiquement et, la plupart du temps, de manière textuelle. Savez-vous quoi ? Les gens restent pour écouter mes messages. Vous seriez surpris de voir certaines des personnes qui restent et qui prennent même des notes.

Cela dit, la prédication textuelle est critiquée par plusieurs personnes (pas toutes) qui préfèrent essayer de nous convaincre du bien-fondé de la justice sociale ou des ministères de compassion. Selon ces personnes, la prédication textuelle serait trop unidimensionnelle et elle ne serait pas pertinente dans une culture comme la nôtre, où les gens ne lisent pas. Tous les grands orateurs et les experts sont d’accord pour dire que les gens pauvres écoutent plus attentivement lorsque nous « racontons » l’histoire de la Bible. De plus, selon eux, les prédicateurs ne devraient pas utiliser une seule approche lorsqu’ils prêchent depuis la tribune. En fait, ils ne devraient même pas être derrière une tribune ! Ils devraient plutôt se mêler à l’assistance pour favoriser le dialogue. Il est vrai que nous ne voyons pas de modèle établi concernant la prédication dans le Nouveau Testament. L’idée d’une prédication sous la forme d’un « monologue depuis la tribune » a peu de fondements bibliques. La Bible est aussi remplie d’histoires vraies (j’explique à mes filles la différence entre une histoire biblique et celle de Cendrillon, par exemple – l’une est fictive et a été écrite pour nous divertir ; l’autre est vraie et a été écrite pour notre croissance spirituelle). Devrions-nous donc intégrer plus de récits bibliques dans nos prédications et préférer une approche plus interactive dans les endroits défavorisés ?  En un mot, non. Voici pourquoi.

1) Mon ministère ne s’articule pas autour de ce que les gens veulent entendre, mais autour de ce que la Parole de Dieu veut nous enseigner. Je peux débattre avec les gens de mon assemblée pendant toute la semaine, mais je veux que le temps où je suis derrière la tribune, chaque dimanche, soit réservé pour proclamer haut et fort la Parole de Dieu. Il arrive souvent que les gens me disent : « On m’a dit que tu as prêché pendant quarante minutes dimanche dernier. Comment les gens de ton assemblée peuvent-ils endurer cela ? » Qu’insinuent-ils exactement ? Je finis habituellement par hausser les épaules en disant : « Ils s’en portent très bien. Merci. » Ce n’est pas parce que je prêche dans une communauté pauvre, comme ici à Niddrie, que cela veut dire que je m’adresse à des singes ! J’en ai assez de ces idioties condescendantes qui semblent suggérer que parce qu’une personne n’a pas terminé ses études, elle n’est pas capable de bien écouter. J’ai entendu toutes les histoires et lu tous les rapports des spécialistes qui parlent de la différence entre la stimulation visuelle et physique, etc. Les gens d’ici sont plus intelligents que nous ne le croyons. En fait, dans mon assemblée, la plupart des nouveaux croyants, y compris ceux qui ont de la difficulté à lire et qui n’ont même jamais terminé un livre avant leur conversion, lisent plus que les membres instruits qui appartiennent à la classe moyenne. Trouvez l’erreur !

2) J’invite tous ceux qui pensent que les modèles de prédication basés sur l’interaction et le dialogue sont efficaces dans les milieux comme le nôtre, ici à Niddrie, à venir me montrer comment je devrais m’y prendre. Voici une règle d’or (sur laquelle la plupart des prédicateurs invités trébuchent) : les questions rhétoriques sont prises au pied de la lettre. Cette technique de prédication ne fonctionne pas souvent dans un milieu comme le nôtre. Si vous demandez : « Vous êtes-vous déjà réveillé un matin en vous disant que vous aimeriez mieux rester chez vous et ne pas vous rendre au travail ? », vous allez entendre les gens crier toutes sortes de réponses. Certains vont argumenter en disant qu’ils se lèvent plutôt l’après-midi. D’autres vont dire qu’ils doivent plutôt aller à la pharmacie pour renouveler leur ordonnance. Les chrétiens qui connaissent ce procédé littéraire resteront silencieux (et amusés). Il devient alors très difficile de faire avancer le sujet sans avoir à être très ferme et à dire aux gens de se taire. À ce stade-ci, habituellement, vous perdez le fil du point vers lequel vous vouliez conduire (intelligemment) vos gens. Je ne dis pas que vous ne devriez pas poser de questions rhétoriques, mais la forme déclarative fonctionne beaucoup mieux que toute forme d’enquête chez nous. Pour la grande majorité, nos membres pensent de manière littérale.

3) L’enseignement de la Parole est semblable à un plateau de nourriture. L’approche narrative représente un groupe alimentaire. Toutefois, la Bible revêt différents genres pour les passages théologiques, doctrinaux, poétiques, de sagesse, historiques, littéraux et métaphoriques. Par conséquent, et parce que je désire que les gens de mon assemblée aient une alimentation saine, nutritive et équilibrée, je cherche à éduquer leur palais progressivement pendant l’année en leur faisant découvrir toutes les saveurs de la Parole de Dieu. Je fais cela, car je crois que la fascination pour un type de littérature spécifique conduit inévitablement à la malnutrition spirituelle. Raconter des histoires n’est pas mauvais en soi, mais la Bible a tellement de choses à dire ! Je peux raconter des histoires pour illustrer les points de ma prédication, mais j’aime mieux offrir une bonne salade à mes auditeurs plutôt que des frites chaque semaine. Les frites sont bonnes de temps en temps, mais on les apprécie moins lorsqu’on en mange trop souvent, sans parler des dommages qu’elles infligent au corps.

Selon mon expérience, lorsqu’on ouvre la Parole, l’Esprit de Dieu fait en sorte qu’elle agit dans la vie des gens. La Bible est la Parole de Dieu. Elle est vivante et plus tranchante qu’une épée à deux tranchants. Le problème est qu’elle est souvent utilisée par des imbéciles qui ne savent pas faire la différence entre une épée et une saucisse. Le problème ne provient pas (habituellement) de la longueur du message, mais de la personne qui prêche. Il y a beaucoup trop de jeunes hommes qui sortent des instituts bibliques en pensant que s’ils sont capables de prêcher devant une classe d’étudiants en théologie, ou devant une assemblée pleine de croyants poussiéreux, ils devraient pouvoir s’en sortir dans des endroits plus difficiles comme chez nous. Toutefois, une bonne exégèse ne sert à rien si nous sommes incapables de créer un lien avec les gens. La prédication textuelle n’est pas le vrai problème. Le problème est souvent que nos tribunes sont remplies d’un côté de prédicateurs qui prêchent textuellement sans être pertinents, et d’un autre côté de prédicateurs « émergents » au tempérament un peu trop mou.

À Niddrie, les gens sont capables d’écouter et de retenir beaucoup plus que ce que nous pourrions penser. Il est vrai qu’ils oublieront beaucoup de choses. Cependant, une bonne prédication systématique et textuelle devrait former notre assemblée non seulement à bien lire les Écritures, mais aussi à bien écouter. Nous ne pouvons pas nous tromper si nous prêchons tout le conseil de Dieu à nos membres. Ça pourrait faire mal au début, un peu comme un muscle qui n’a pas été utilisé depuis un moment. Toutefois, nous sommes des créatures qui s’adaptent remarquablement, et ce ne sera pas long avant que cela devienne une sorte de seconde nature pour nous.

Peu importe le contexte, une implantation d’Église en bonne santé est caractérisée (du moins, dans les Églises qui prennent les Écritures au sérieux) par une prédication textuelle qui est solide, applicable, et qui combine tous ses genres dans le but d’amener les auditeurs à creuser eux-mêmes la Parole. Évidemment, ce n’est pas la prédication textuelle à elle seule qui permettra de sauver nos quartiers défavorisés. Il faut être réaliste. Nous avons d’abord besoin d’hommes et de femmes qui seront prêts à emménager dans ces secteurs pour propager la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Ensuite, nous avons besoin que Dieu, dans sa miséricorde et par le Saint-Esprit, sauve des vies pour que nous puissions commencer le processus laborieux qui nous amène à faire des disciples, puis à nous consacrer à l’enseignement et à la prédication. Même si la prédication n’est pas la première chose que nous sommes appelés à faire lorsque nous déménageons dans un quartier défavorisé (ce serait un bon sujet pour un prochain article), elle devrait constamment occuper notre esprit et être au centre de notre stratégie lorsque nous pensons à cette question : « Quel genre d’Église voulons-nous implanter ici ? »


(Cet article est une traduction de l’article anglais « Can you preach expositional sermons in poor, uneducated areas of the world? » du ministère Practical Shepherding. Traduit par David Cadotte.)