Écouter la ligne mélodique (David Helm)

Écouter attentivement un texte jusqu’à ce que l’on sache comment il s’intègre dans le message global du livre.

Les meilleurs prédicateurs sont généralement les meilleurs auditeurs. Ils entament leur étude en restant à l’écoute. Si tel est notre rôle, nous avons tout à gagner en apprenant à faire l’exégèse avec nos oreilles aussi bien qu’avec notre pensée ! Chaque bon exégète que je connais cherche à entendre les choses uniques que Dieu déclare dans le livre faisant l’objet de son étude.

Une ligne mélodique est une courte séquence de notes musicales formant la partie distinctive d’une chanson. Elle peut faire partie de la mélodie principale qui se répète et se transforme. Les livres de la Bible fonctionnent de la même façon. Chaque livre a une ligne mélodique, une caractéristique qui nous éclaire sur le thème du livre. Chaque passage du livre enrichit donc la ligne mélodique à sa manière. On peut se l’imaginer comme un fil tissé à travers tous les morceaux de tissu qui constituent le texte biblique. On peut aussi se l’imaginer comme une tringle à rideaux sur laquelle vient s’accrocher chaque passage du livre. Ainsi, en préparant sa prédication, on peut se demander : Quelle est l’essence même de mon livre ? De quelle façon mon texte met-il en lumière ou est-il lui-même éclairé par le cœur du message de mon livre ?

L’avantage de cette méthode pour les prédicateurs n’est pas négligeable : quand nous connaissons le message central du livre, nous pouvons mieux comprendre chaque passage individuel. Cette approche recèle aussi un deuxième avantage de taille. Quand nous avons recours à la ligne mélodique dans notre prédication, les gens de notre assemblée apprennent progressivement quel est le thème du livre, même s’ils ne se souviennent pas de chaque sermon en particulier.

Comment peut-on trouver la ligne mélodique d’un livre ? Permettez-moi de vous dire comment je m’y prenais au lycée. À plusieurs occasions, on m’a demandé de lire un gros ouvrage ou un roman. Inévitablement, mes professeurs m’informaient que le prochain examen porterait sur ce livre. Habitué à prendre des raccourcis, je me débrouillais toujours pour trouver rapidement le thème majeur du livre. Tout d’abord, je cherchais quelque part dans l’introduction un paragraphe offrant une sorte d’énoncé de la raison d’être ou de la thèse du livre. Puis, j’en lisais les premiers et les derniers chapitres. Enfin, je revenais à la table des matières et, en fonction de ce que j’avais lu, je tentais de trouver le lien entre les titres des chapitres.

J’utilisais intuitivement différentes stratégies pour trouver l’essence du livre : la lecture du livre de bout en bout, la lecture et la relecture du début et de la fin, la recherche de répétitions de mots importants, de concepts et d’expressions, ainsi que la traque d’un énoncé d’intention.

Ces mêmes outils peuvent vous aider à trouver la ligne mélodique d’un livre de la Bible. J’ai découvert l’avantage d’ajouter cet élément à ma préparation du sermon, il y a quelques années de cela. Je voulais prêcher sur le petit livre de Jude. J’ai fini par donner plusieurs prédications à partir de ce livre, et j’ai bien aimé cette expérience. Néanmoins, trouver la ligne mélodique de ce livre a exigé de réels efforts de ma part.

Du début à la fin

Bien avant d’entamer la série sur Jude, j’ai intégré cette épître dans mon plan personnel de lecture simplement en la lisant du début à la fin, ce qui n’est pas trop difficile quand un livre ne compte que vingt-cinq versets ! Je vous suggère d’en faire autant pour n’importe quel livre sur lequel vous allez prêcher. En fait, il est toujours bon de parcourir le livre d’un seul trait, car vous commencerez alors à bien le connaître. Vous profiterez beaucoup de vous être familiarisé avec lui et de l’avoir écouté attentivement quand viendra le moment de l’exposer.

Lire le début et la fin

Un compositeur commence et termine souvent un morceau de musique par une ligne mélodique, même s’il la développe tout au long du morceau. Il en va de même pour les livres de la Bible. Quand j’ai su que j’allais prêcher sur Jude, j’ai consacré du temps à lire et à relire le début et la fin du livre. Un son unique a commencé à émerger : gardés. Au verset 1, Jude dit qu’il s’adresse à ceux qui sont « gardés pour Jésus-Christ ». Au verset 24, il fait allusion à « celui qui peut vous préserver de toute chute » ou « vous garder de toute chute » (S21). À ce stade de ma préparation, je me suis senti prêt à faire une proposition initiale sur le thème de Jude : nous sommes gardés par Dieu pour Christ.

Répétitions de mots, de concepts, d’expressions

J’étais maintenant prêt à tester ma proposition initiale en m’appliquant à écouter le contenu de la lettre. L’idée d’être gardés par Dieu pour Christ jouait-elle un rôle majeur dans la formation du corps de la lettre ? J’ai trouvé que c’était le cas. Le même mot utilisé pour gardés au verset 1 (dont préserver au verset 24 est un synonyme) est répété quatre autres fois : deux fois au verset 6 (la première fois, il est traduit par « réservé »), une fois au verset 13 (traduit par « réservée ») et une nouvelle fois comme un impératif (« maintenez-vous ») au verset 21. Si passionnante qu’ait été ma découverte, cette répétition de mots bousculait ma ligne mélodique initiale ! Ceux qui sont gardés pour Jésus au début et à la fin de Jude sont invités, dans le corps de la lettre, à se garder dans l’amour de Dieu, contrairement aux anges déchus et aux faux docteurs qui ne se sont pas gardés eux-mêmes et qui sont donc « gardés » pour le jugement. À ce stade, si quelqu’un m’avait demandé le thème de Jude, j’aurais répondu : Ceux qui sont gardés par Dieu pour Jésus ont la responsabilité de se garder dans l’amour de Dieu.

L’énoncé d’intention

Enfin, j’ai relu la lettre dans l’espoir d’entendre un énoncé d’intention1. J’en ai rapidement trouvé un. Jude 3 a retenu mon attention : « Bien-aimés, alors que je désirais vivement vous écrire au sujet de notre salut commun, je me suis senti obligé de vous envoyer cette lettre pour vous exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes. » Cette déclaration m’a permis d’entendre la qualité tonale de Jude. La ligne mélodique devait nécessairement renfermer un sentiment d’urgence. La santé et la sainteté de l’Église étaient en jeu, rien de moins !

Jude ne ressemble en rien à une symphonie théologique ennuyante qui explorerait les thématiques de garder et d’être gardé dans le contexte de la relation entre la souveraineté divine et la responsabilité humaine. Loin de là. Cette lettre concise et puissante est une partition musicale passionnée. Ma ligne mélodique avait besoin d’être ajustée une troisième fois : Étant donné les risques et périls de l’ époque, la santé et la sainteté de l’Église exigeaient de ceux qui étaient gardés par Dieu pour Jésus qu’ ils combattent pour la foi en se gardant dans l’amour de Dieu.

À présent, j’avais une ligne mélodique. J’avais également appris deux leçons importantes au cours de cette étape de ma préparation. D’une part, je prêcherai toujours mieux sur un passage en particulier si je sais comment ce passage se rapporte au message global du livre. Et d’autre part, chaque stratégie d’écoute employée dans cette partie du processus exégétique joue un rôle important dans ma compréhension globale du livre. Se limiter à un seul outil pour découvrir la ligne mélodique d’un livre ne suffit tout simplement pas.


1. Dans la plupart des épîtres, les déclarations d’intention sont incluses dans la forme. Luc 1.1.4 et Jean 20.30,31 servent également d’exemples utiles de déclarations d’intention.


Cet article est tiré du livre : La prédication textuelle de David Helm