Comment faire appel à la conscience du musulman ? (Bassam Chedid)

Réjouissons-nous d’abord de savoir l’homme créé à l’image de Dieu et doté d’une conscience. Lorsque celle-ci est correctement informée, elle appuie le message de l’Évangile et se conduit en alliée pour lui. Cornelius Van Til déclare :

« Tout homme a le sentiment inné de la divinité. Tout être humain possède en lui-même une usine dans laquelle Dieu accomplit d’innombrables opérations. C’est la révélation intérieure. On peut l’appeler subjective parce qu’elle se communique par la constitution même de l’homme. Elle n’en est pas moins objective pour l’homme en tant que créature de Dieu moralement responsable. Dans sa réaction éthique à la révélation de Dieu, l’être humain doit se considérer comme fait par Dieu pour reconnaître qu’il vient de Dieu et qu’il lui doit toute sa louange. »

La conscience n’est pas toujours fiable

Mais la conscience n’est pas toujours fiable. En plus de la loi divine écrite sur le cœur humain, elle est avant tout façonnée par des facteurs culturels déterminants. Compte tenu de cette imprégnation par des valeurs culturelles, il est parfois même dangereux de s’y fier. Avant sa conversion, l’apôtre Paul lui-même n’était pas troublé par sa conscience quand il participait à la lapidation d’Étienne et persécutait l’Église de Jésus-Christ. Il était l’exemple typique du pharisien, convaincu dans son cœur et sa conscience que la loi cérémonielle et la tradition des anciens étaient méritoires et constituaient le seul moyen d’atteindre la justice. Jésus qualifie les pharisiens d’aveugles (Matthieu 23:16,17,19).

À cause de cette imprégnation de leur cœur et de leur esprit par une morale faite par l’homme, leur conscience mal renseignée était conditionnée pour justifier leurs actions, même quand ils harcelaient le Seigneur et décidèrent de le faire mourir. S’ils étaient sincères, ils étaient sincèrement dans l’erreur. Ils faisaient face à un dilemme moral qu’ils refusaient de reconnaître : au lieu de laisser leur culpabilité les pousser vers Dieu, ils se révoltèrent contre lui.

L’homme est justifié uniquement par sa foi dans l’œuvre parfaite de Christ

Après avoir été délivré de façon spectaculaire des liens paralysants du légalisme, l’apôtre Paul reconnut qu’une justice fondée sur les œuvres exclut la justification obtenue uniquement par la grâce au moyen de la foi en Jésus-Christ. Dans sa lettre aux Galates, il met ses destinataires en garde contre l’enseignement dangereux des judaïsants, fondé sur le légalisme. En réaction à cet enseignement, Paul insiste sur le fait que l’homme est justifié uniquement par sa foi dans l’œuvre parfaite de Christ (Galates 2:110). Son message suscita une violente opposition. Ses adversaires estimaient leur doctrine supérieure à l’Évangile de Jésus qu’il proclamait. Paul la qualifie d’« autre évangile » tout en affirmant qu’il n’existe pas « un autre évangile » (Galates 1:6,7).

Le message de Paul s’applique à l’évangélisation des musulmans

Un rapide coup d’œil à l’islam, si réfractaire à l’Évangile et dans lequel la loi représente « l’épitomé de la pensée islamique, la manifestation la plus typique du style de vie islamique, l’âme et le cœur de l’islam », montre à quel point le message de Paul s’applique à l’évangélisation des musulmans.

Le pouvoir de la tradition

L’apôtre comprenait le pouvoir de la tradition pour influencer les gens ; c’est un pouvoir effrayant, surtout quand il égare un chrétien de l’envergure de l’apôtre Pierre (cf. Galates 2:11-21). « Barnabas même fut entraîné » par l’attitude de Pierre (Galates 2:13). En Actes 10:9-23, Dieu dut intervenir dans une vision pour corriger les idées fausses de Pierre à l’égard des païens, et en même temps affranchir sa conscience de l’observance profondément ancrée des lois relatives au pur et à l’impur. Ses scrupules concernant les règles quant aux aliments purs et impurs exerçaient une telle emprise sur sa conscience qu’il s’opposa même à l’ordre divin :

« Non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur » (Actes 10:14).

Pierre fit l’expérience d’un changement transculturel radical qui le libéra pour communiquer efficacement l’Évangile aux non-Juifs. Si certaines valeurs culturelles apprises peuvent provoquer une crise de conscience chez des croyants matures et faire obstacle à l’efficacité du message de l’Évangile, à combien plus forte raison chez l’incroyant qui n’a pas été éclairé, notamment l’adepte de la religion musulmane dont l’éthique repose sur une doctrine de justification conçue de manière extérieure et grossière.

L’importance de considérer le lien entre la conscience, la culture et l’Évangile dans l’œuvre chrétienne transculturelle

Certes, la compréhension du fonctionnement de la conscience dans n’importe quel groupe humain ciblé n’est pas chose aisée, en particulier chez les musulmans, mais le chrétien est constamment confronté à des tâches de cette nature. Il fait souvent face à cette difficulté, même dans une culture qui, à bien des égards, ressemble à la sienne et se situe dans le même contexte chrétien. Le problème se complique dès qu’il se rend dans une culture très différente de la sienne à tous égards et qui a façonné et développé autrement la conscience des gens (par exemple les musulmans arabes de culture sunnite). Tout cela montre combien il est important de considérer le lien entre la conscience, la culture et l’Évangile dans l’œuvre chrétienne transculturelle.

Le sentiment de culpabilité est universel

Il convient de savoir avant tout que le sentiment de culpabilité est universel. Les gens se sentent coupables lorsqu’ils violent les valeurs qu’ils ont intériorisées. Leur conscience leur fait alors éprouver des sentiments de détresse, leur fait des reproches, les condamne, les angoisse ou fait naître le remords. Mais il arrive aussi que la prise de conscience d’une culpabilité réelle et objective soit déformée en rattachant les sentiments subjectifs de culpabilité à quelque chose d’autre que leur vraie cause. Il convient de se méfier de la déviation du sentiment de culpabilité. Beaucoup de sentiments de culpabilité se ramènent à une préoccupation obsessionnelle d’un type de responsabilité comme moyen défensif permettant de ne pas devoir faire face à des problèmes plus profonds et même plus menaçants. Comme ces sentiments sont pénibles, les forces vengeresses intérieures de la personnalité sont satisfaites, mais au prix de l’étouffement du vrai conflit.

La soumission à un système légaliste ne peut jamais apaiser la conscience ni supprimer la culpabilité

Comme pour le cas de Paul et de Pierre, et le témoignage de musulmans convertis, la soumission à un système légaliste ne peut jamais apaiser la conscience ni supprimer la culpabilité objective. La Parole de Dieu met d’ailleurs en garde contre le légalisme des pharisiens et des judaïsants qui cherchaient servilement à satisfaire les conditions extérieures de la loi et passaient complètement à côté de son vrai but. Il en résultait une obéissance rigide à des commandements, des prescriptions et des règles, ainsi qu’un respect de certains jours et certaines fêtes. L’auteur de la lettre aux Hébreux est formel : Ces gestes « ne peuvent rendre parfait sous le rapport de la conscience celui qui rend ce culte ; ils étaient avec les aliments, les boissons et les diverses ablutions, des ordonnances charnelles imposées seulement jusqu’à une époque de réformation » (9:9,10).

La plus grande négligence dont l’Église fait preuve dans ses efforts pour communiquer l’Évangile aux musulmans est peut-être de ne pas s’appuyer sur leur conscience. La cause du sentiment de culpabilité déplacé chez le musulman réside dans sa confiance mal placée. Si nous nous présentons devant Dieu en revendiquant une justice de notre propre fabrication que nous estimons capable de supprimer notre péché et notre culpabilité, nous remplaçons la foi en Dieu par une foi en notre propre justice.

Une notion biblique juste quant au lien entre péché, conscience et culpabilité est essentielle

En renouant ce lien, nous poursuivons simultanément deux objectifs. Nous faisons d’abord appel au sentiment profond et réel de besoin qu’éprouve le musulman (la culpabilité, l’insécurité et le manque d’assurance du salut). Ensuite, le plan de la rédemption et le sens de la mort substitutive de Christ sur la croix qui, depuis des siècles, constituent la pierre d’achoppement dans l’évangélisation des musulmans, peuvent acquérir une acceptabilité comme unique remède pour une conscience coupable.

On peut tracer de nombreux parallèles entre les arguments avancés par l’épître aux Hébreux et les objections musulmanes au christianisme. Pour encourager ses lecteurs à ne pas abandonner leur foi en Christ, et pour les empêcher de retourner à l’ancien système légal judaïque, l’auteur de la lettre démontre avec brio la supériorité de la foi en Christ. Il exhorte ses lecteurs à pratiquer leur religion, non par la vue ni par les œuvres, mais par la foi en Jésus-Christ. Il les incite à lever les yeux au-delà des choses visibles et terrestres auxquelles ils sont habitués, et à les fixer sur Jésus glorifié.

Pour apprécier la forte pression exercée par le judaïsme sur les chrétiens qui étaient Juifs autrefois, il faut se rappeler que le christianisme n’offrait aucun parallèle à tous les rites extérieurs auxquels ils avaient été habitués. L’auteur s’efforce de rassurer ses lecteurs en leur expliquant que la supériorité de la foi chrétienne compense largement la perte de la gloire des rites. Il souligne également une autre caractéristique, à savoir que le culte est une affaire de conscience. La conscience renseigne la personne sur elle-même et lui fait découvrir sa responsabilité devant Dieu. Elle fait peser sur l’individu le sentiment de sa culpabilité. Lorsqu’elle est endurcie ou écrasée de culpabilité, le vrai culte est impossible.


Cet article est tiré du livre : Islam – ce que tout chrétien devrait savoir de Bassam Chedid