Priez pour voir l’Église comme Dieu la voit (Scott Hubbard)

Il est facile de critiquer l’Église, surtout à une époque comme la nôtre. Bien que beaucoup d’entre nous soient conscients des dangers du christianisme consumériste, peu d’entre nous échappent entièrement à son influence. Je suis conscient que je peux parfois me retrouver à adopter une attitude de critique détachée, à évaluer les prédications, la musique et les groupes de maison comme si je passais en revue un mixeur sur Amazon.

Parallèlement à notre consumérisme, nous vivons à une époque où la critique de l’Église est à la mode.  Un subtil mépris, même dans certains cercles chrétiens, gagne le respect. Nous sommes les blasés et les désillusionnés, ceux qui, intérieurement, roulent les yeux face aux clichés chrétiens et à tout ce qui sent la rigueur religieuse. Lorsque les non-croyants partagent leurs griefs envers la « religion organisée », nous n’offrons parfois guère plus qu’un signe de tête sympathique.

Qu’il soit le fruit du consumérisme ou du cynisme, un tel esprit critique envers l’Église de Dieu n’apparaît cependant nulle part dans le Nouveau Testament.

Portraits divins du peuple de Dieu

« Ah », mais quelqu’un pourrait dire : « l’Église du Nouveau Testament était tout à fait différente de ce que nous trouvons aujourd’hui. Si seulement nous pouvions revenir au Nouveau Testament ! » Il est vrai que vingt siècles ont passé depuis l’ère apostolique. Mais les Églises du premier siècle n’étaient pas les havres spirituels que nous imaginons parfois.

Les Églises du Nouveau Testament étaient composées de saints-pécheurs, tout comme les nôtres. Elles étaient tentées par la frustration, l’impatience et la division, tout comme nous (Éphésiens 4.1-3). Ils avaient eux aussi besoin qu’on leur dise de ne pas « se mépriser » et de ne pas « se juger » les uns les autres (Romains 14.3). Ils étaient parfois tellement en désaccord qu’ils ne pouvaient plus être partenaires dans le ministère (Actes 15.36-41).

Pourtant, Pierre et Paul, Jacques et Jean n’ont jamais fait preuve de l’esprit de critique qui nous caractérise si souvent. Bien que n’ayant pas peur d’exhorter et même de réprimander leurs compagnons chrétiens, les apôtres se sont efforcés de voir (et de nous aider à voir) l’Église telle qu’elle est aux yeux de Dieu : la famille de Dieu, le corps du Seigneur, le temple de l’Esprit, l’Épouse de Christ.

La famille de Dieu

Qui sont ces gens qui se réunissent avec nous le dimanche matin : ce père de quatre enfants qui chante faux, celui qui sert la Sainte Cène avec sa chemise mal ajustée, cette jeune femme au rire inhabituellement bruyant ? S’ils sont en Christ, ce sont des « enfants bien-aimés » du Dieu Très-Haut (Éphésiens 5.1).

Nous prions souvent « notre Père » et pourtant nous traitons l’amour fraternel avec une certaine désinvolture. Mais pour les apôtres (et pour nous dans nos meilleurs moments), le fait que Dieu nous appelle des enfants suffisait à susciter leur émerveillement pour l’éternité (1 Jean 3.1). À moins que Jésus lui-même ne l’ait dit, qui oserait imaginer que ceux qui le suivent sont son « frère, sa sœur et sa mère » (Marc 3.33-35) – et qui plus est, qu’il n’a pas honte d’une telle famille (Hébreux 2.11) ?

Et pourtant, il en est ainsi. Ces chrétiens qui chantent avec nous, prient pour nous, nous parlent de l’Écriture, et parfois nous frustrent sans cesse, sont des frères du même Sauveur, destinés à habiter avec nous dans la maison de notre Père (Jean 14.2). Ils sont « encore plus étranges que ce que vous auriez pu croire et valent bien plus que ce que nous aurions pu imaginer », comme le dit C.S. Lewis (The Four Loves, 37 ; trad. Les quatre amours). Ils sont notre famille en Christ.

Le corps du Seigneur

Nous sommes non seulement frères et sœurs dans la même famille, mais aussi des parties du même corps. Paul fait remarquer : « En effet, de même que nous avons plusieurs membres dans un seul corps et que tous les membres n’ont pas la même fonction, de même, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres, chacun pour sa part. » (Romains 12.4-5). Nous pouvons paraître aussi différents les uns des autres qu’une rotule d’un nez, mais nous sommes liés par des tendons éternels et des os immortels, avec Christ lui-même comme notre tête.

Paul tient pour acquis que certaines parties du corps « paraissent être plus faibles », « moins honorables », voire « moins décents » (1 Corinthiens 12.22-23). Nous pouvons être tentés de dire de certains membres du corps – peut-être juste en murmurant – « Je n’ai pas besoin de toi » (1 Corinthiens 12.21). Et pourtant, cette pensée trahit une ignorance fondamentale de ce qu’est l’Église : non pas un ensemble d’individus, mais un corps de membres. Il n’existe pas de christianisme solitaire – seulement des yeux, des mains, des oreilles et des membres, qui ne survivent que lorsqu’ils sont attachés au corps.

Le temple de l’Esprit

Lors de la crucifixion de Jésus, le voile couvrant l’entrée du lieu très saint du temple « se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas » (Marc 15.38). La sainte présence de Dieu, qui trônait autrefois au-dessus des chérubins (Psaume 80.2 ; 99.1), allait cesser de demeurer dans le temple de Jérusalem pour s’installer dans l’Église.

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » demande Paul aux Corinthiens (1 Corinthiens 3.16). Ne ratez pas le caractère-choc de cette question. Paul dit que là où se trouve la véritable Église, même si elle est aussi défectueuse que les Corinthiens eux-mêmes, se trouve Dieu. L’apôtre Jean, conscient de cette merveille, écrit : « Personne n’a jamais vu Dieu. » Et pourtant : « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour est parfait en nous. » (1 Jean 4.12). Le Dieu invisible demeure, par excellence, dans la communauté visible de la véritable Église.

Bien sûr, Dieu est omniprésent ; nous ne pourrions pas lui échapper même si nous le voulions (Psaume 139.7-12). Mais si vous cherchez à rencontrer la sainte présence de Dieu, là où Dieu habite dans la gloire et la grâce, alors ne faites pas de randonnée au sommet d’une montagne, ne courez pas après des expériences extatiques, et ne cherchez pas au plus profond de vous-même. Rassemblez-vous plutôt avec l’humble et ordinaire communauté des saints, et sachez qu’il s’agit d’un « temple saint dans le Seigneur », qui « êtes édifiés avec eux pour former une habitation de Dieu en Esprit » (Éphésiens 2.21-22).

L’Épouse de Christ

Lorsque nous arrivons à la fin de l’histoire de la rédemption et que nous apercevons le monde à venir, l’image finale de l’Église que Dieu nous donne n’est pas celle d’une famille, d’un corps ou d’un temple, mais celle d’une épouse. « Puis un des sept anges … vint m’adresser la parole et dit : “Viens, je te montrerai la femme, l’épouse de l’Agneau.” » (Apocalypse 21.9). Ici, l’ancienne prostituée se tient devant l’Époux qui l’a rachetée, enfin « glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irréprochable » (Éphésiens 5.27).

Pour l’instant, la splendeur de l’Église est terne. Des taches gâchent encore la beauté de son visage, des rides parcourent encore sa robe. Mais le feu de la passion de son époux – par rapport à laquelle notre amour le plus féroce est une étincelle – la rendra un jour prête. Elle sera bientôt revêtue de sa propre gloire (Apocalypse 21.2).

Nous ne devons pas fermer les yeux sur les fautes de cette future mariée pour nous consacrer fidèlement à elle maintenant. Avec les yeux de la foi, nous la voyons telle qu’elle sera un jour : une femme sans tache ni ride, « préparée comme une mariée qui s’est faite belle pour son époux » (Apocalypse 21.2). Et puis nous continuons à l’aimer telle qu’elle est.

Le peuple que Dieu aime

Si nous pouvions voir l’Église telle qu’elle est vraiment, peut-être que les neuf dixièmes de nos critiques mourraient. Nous serions émerveillés en silence par cette famille de Dieu, corps du Seigneur, temple de l’Esprit et épouse de Christ – impressionnés non seulement par sa beauté, mais aussi par le fait que nous en fassions partie.

Il est certain que toutes nos critiques ne s’estomperaient pas. Il convient parfois à ceux qui aiment l’Église de lui adresser des paroles dures, comme nous le rappellent Jésus et les apôtres (Apocalypse 3.19 ; 1 Corinthiens 4.14). Mais les critiques que nous partageons ne sont pas du tout les mêmes que celles marquées par un consumérisme enclin à chercher la petite bête ou un mépris glacial. Nos critiques devraient être accompagnées de tristesse, de soupirs et de prières, et nous obliger à donner notre vie pour les personnes que Dieu aime.


Cet article est une traduction de l’article anglais « Pray to See the Church as God Does » du ministère Desiring God par Timothée Davi.