Pourquoi le Seigneur a-t-il institué la cène ? (Jean Calvin)

Puisqu’il a plu à notre bon Dieu de nous recevoir par le baptême dans son Église, qui est sa maison, qu’il veut entretenir et gouverner ; qu’il nous a recueillis, non seulement pour nous avoir comme ses serviteurs, mais comme ses propres enfants ; il reste que, pour faire l’office d’un bon père, il nous nourrisse et nous dote de tout ce qui nous est nécessaire pour vivre. Pour ce qui est de la nourriture physique, puisqu’elle est commune à tous, les mauvais en ayant leur part comme les bons, elle n’est pas propre à sa famille.

Toutefois, il est vrai de dire que nous avons déjà en cela un témoignage de sa bonté paternelle, car il entretient notre corps, puisque nous participons à tous les biens qu’il nous donne avec sa bénédiction. Mais puisque la vie en laquelle il nous a régénérés est spirituelle, il faut aussi que la viande chargée de nous garder et de nous affermir en cette vie soit spirituelle. 

Car nous devons comprendre que, non seulement il nous a appelés à posséder son héritage céleste, mais aussi, qu’en espérance, il nous a déjà pleinement introduits dans cette possession. Non seulement il nous a promis la vie, mais il nous a déjà transférés en celle-ci, nous retirant de la mort. Cela eut lieu quand, en nous adoptant comme ses enfants, il nous a régénérés par la semence de l’immortalité, qui est sa Parole, imprimée en nos cœurs par son Saint-Esprit.

Il n’y a pas de vie ailleurs qu’en Dieu

Aussi, pour nous maintenir en cette vie, il n’est pas question de nourrir nos ventres d’une nourriture corruptible et altérable, mais de nourrir nos âmes d’une pâture meilleure et plus précieuse. Or, toute l’Écriture nous dit que le pain spirituel dont nos âmes sont entretenues est la même Parole que celle par laquelle le Seigneur nous a régénérés ; mais elle y ajoute souvent la raison, d’autant plus qu’en celle-ci, Jésus-Christ, notre unique vie, nous est donné et administré. Car il ne faut pas imaginer qu’il y ait une vie ailleurs qu’en Dieu. 

Nos âmes n’ont d’autre nourriture que Jésus-Christ

Toutefois, puisque Dieu a placé toute plénitude de vie en Jésus, afin de nous la communiquer par lui, il a de même ordonné sa Parole comme instrument par lequel Jésus-Christ, avec toutes ses grâces, nous est dispensé. Cependant, cela demeure toujours vrai que nos âmes n’ont d’autre nourriture que Jésus-Christ. Ainsi, le Père céleste, ayant soin de nous nourrir, ne nous donne pas d’autre nourriture mais nous recommande plutôt de trouver là toute notre satisfaction, comme en un festin pleinement suffisant, duquel nous ne pouvons nous passer et en dehors duquel il ne peut se trouver d’autre nourriture.

Le Seigneur nous mène à communier avec Jésus-Christ par le moyen de la cène

Nous avons déjà vu que Jésus-Christ est la seule nourriture dont nos âmes sont nourries, distribuée par la Parole du Seigneur, destinée à cela comme un instrument. Voilà pourquoi elle est aussi appelée pain et eau. Or, ce qui est dit de la Parole peut aussi être dit du sacrement de la cène, par le moyen duquel le Seigneur nous mène à communier avec Jésus-Christ. En effet, nous sommes si stupides que nous ne pouvons le recevoir en vraie connaissance de cœur quand il nous est présenté simplement par la doctrine et la prédication. Ainsi donc, le Père de miséricorde, ne répugnant pas à s’accommoder à notre infirmité, a bien voulu ajouter un signe visible à sa Parole, par lequel il représenta la substance de ses promesses, pour nous confirmer et nous fortifier en nous délivrant du doute et de l’incertitude. 

Aussi, puisque notre communion au corps et au sang de Jésus-Christ représente pour notre compréhension un vaste mystère, et que nous sommes trop rudes, trop simples pour saisir la moindre chose au sujet de Dieu, il était approprié qu’il nous permette de comprendre selon notre capacité à pouvoir le supporter. 

Le Seigneur a institué sa cène pour 3 raisons

Le Seigneur a donc institué sa cène, et ce pour trois raisons. 

  • Premièrement, afin de signifier et de sceller en nos consciences les promesses contenues dans son Évangile, au sujet de notre participation à son corps et à son sang ; de nous donner certitude et assurance qu’en cela se trouve notre vraie nourriture spirituelle, et qu’ayant un tel gage, nous ayons une ferme assurance du salut. 
  • Deuxièmement, afin de nous inciter à reconnaître sa grande bonté à notre égard, pour la louer et la magnifier pleinement. 
  • Troisièmement, afin de nous exhorter à la sainteté et la pureté, en tant que membres de Jésus-Christ, et en particulier à la communion et l’amour fraternel, puisque cela nous est spécialement recommandé. Quand nous aurons bien noté ces trois raisons, que le Seigneur a considérées en nous ordonnant sa cène, nous commencerons déjà à mieux comprendre quel profit nous revient de ce sacrement et de quelle manière nous pouvons en user.

Cet article est tiré du livre : Petit traité sur la cène de Jean Calvin