Pourquoi l’Ancien Testament chrétien adopte-t-il un ordre différent ? (John Piper)

La Bible chrétienne et la Bible juive

Il est intéressant de noter que l’ordre des livres dans notre Bible est différent de celui de la Bible juive, car il suit l’ordre des livres adopté dans la traduction grecque très répandue de l’Ancien Testament hébreu. Cette traduction est connue sous le nom de Septante ; elle est souvent abrégée en LXX (le nombre romain correspondant à soixante-dix) du fait que, selon la tradition, elle aurait été le résultat du travail de soixante-dix érudits juifs.

Pourquoi est-ce notable ? Si l’ordre des livres de la Bible chrétienne suit effectivement celui de la Septante, notre Bible ne contient toutefois pas tous les livres de l’Ancien Testament présents dans la Septante. Autrement dit, les premiers chrétiens trouvaient la traduction de la Septante utile, mais n’étaient pas d’accord avec elle quant aux livres qui devaient être inclus dans le canon de la Parole de Dieu, celui qui fait autorité. L’Église chrétienne croyait que seule la Bible hébraïque contenait les livres revêtus de l’autorité divine.

Les Apocryphes intertestamentaires

En plus des trente-neuf livres qui figurent aujourd’hui dans l’Ancien Testament (et dans la Bible juive), d’autres livres ont été écrits pendant la période intertestamentaire. Ils incluent :

1 Esdras, 2 Esdras, Tobit, Judith, Ajouts à Esther, Sagesse de Salomon, Ecclésiastique (ou Siracide), Baruch, Épître de Jérémie, Cantique d’Azarias, Suzanne, Bel et le dragon, Prière de Manassé, 1 Maccabées et 2 Maccabées.

Ces livres sont regroupés sous le titre d’« Apocryphes », un terme provenant du grec apokryphos qui signifie « caché », « secret » ou « obscur ». Les Juifs n’ont jamais considéré que les Apocryphes étaient revêtus de l’autorité des livres canoniques – ni à l’époque de Jésus ni à la nôtre. Ainsi, l’une des voix les plus respectées de la communauté juive, le Talmud babylonien (Yomah 9b) déclare : « Après la mort des derniers prophètes Aggée, Zacharie et Malachie, le Saint-Esprit a quitté Israël. » Cela ne signifie pas que le Saint-Esprit n’agissait plus dans le monde, mais que son œuvre spécifique consistant à inspirer des auteurs de l’Écriture était arrivée à son terme.

De même, le livre juif de 1 Maccabées 4.45,46 (écrit vers l’an 100 av. J.-C.) évoque la fin de la prophétie : « On délibéra sur ce qu’on devait faire de l’autel des holocaustes… Ils le démolirent et en déposèrent les pierres sur la montagne de la Demeure en un endroit convenable, en attendant la venue d’un prophète qui se prononcerait à leur sujet » (italiques ajoutés). Un peu plus loin, l’auteur fait état d’une oppression « telle qu’il ne s’en était pas produite de pareille depuis le jour où l’on n’y avait plus vu de prophète » (1 Maccabées 9.27, italiques ajoutés).

Flavius Josèphe et Philon

Josèphe, l’historien juif né vers 37 de notre ère, écrit : « Une histoire complète a été écrite ; elle couvre la période d’Artaxerxès [à la fin de l’époque vétérotestamentaire] jusqu’à nos jours. Cependant, elle n’a pas été jugée digne de recevoir le même mérite que les récits antérieurs à cause de l’absence d’une succession précise de prophètes » (Contre Apion 1.41, italiques ajoutés). Autrement dit, Josèphe connaissait les Apocryphes, mais ne les considérait pas comme canoniques. De même, le mystique juif Philon, mort vers l’an 50 de notre ère, connaissait les Apocryphes, mais ne les plaçait pas sur le même plan que le canon hébreu en ce qui concerne leur autorité.

Par conséquent, si l’Église chrétienne primitive a suivi la Septante pour ce qui est de l’ordre des livres, elle ne l’a pas suivi pour ce qui est de l’inclusion des livres apocryphes dans l’Ancien Testament chrétien.


Cet article est tiré du livre : Une gloire particulière de John Piper