Que penser de l’euthanasie? (R.C. Sproul)

Le profond désir d’être soulagé de sa souffrance réside au cœur même de la question de l’euthanasie. Certains soutiennent que nous sommes plus humains envers les animaux qu’envers nos semblables. Nous tuons nos chevaux et nous faisons euthanasier nos chiens, mais nous prolongeons la vie humaine autant que possible. 

Sur le plan historique, l’Église et le corps médical (tenu au serment d’Hippocrate) ont tous les deux respecté l’obligation de faire tout en leur pouvoir pour maintenir une personne en vie. Cependant, il est maintenant théoriquement possible, grâce aux techniques modernes, de garder des gens en vie même si on ne peut espérer qu’ils se rétablissent. Par conséquent, la technologie actuelle a intégré de graves dilemmes moraux à la question de la mort. 

Il faut dire que Dieu ne nous permet pas de nous suicider. Dans son expression la plus pure, le suicide implique que l’on cède au désespoir. (Cela ne signifie pas pour autant que le suicide soit le péché impardonnable. Les gens dans toutes sortes d’états se suicident pour toutes sortes de raisons. Nous ignorons dans quel état d’esprit ils se trouvaient au moment de passer à l’acte. Nous laissons la question du sort des victimes du suicide à la miséricorde de Dieu.) Quelles que soient les complexités de la souffrance, nous savons ne pas avoir le suicide en option.

Concernant l’euthanasie

Dans le débat entourant l’euthanasie, on fait la distinction entre l’euthanasie active et l’euthanasie passive. Dans l’euthanasie active, on fait le nécessaire pour tuer une personne en souffrance. Cela inclut des procédures comme l’injection létale. Dans l’euthanasie passive, on cesse de maintenir les fonctions vitales au moyen de méthodes extraordinaires. L’euthanasie passive est parfois décrite comme le fait de « débrancher quelqu’un » ou de « permettre à la nature de suivre son cours ». Ici, la question de mourir dans la dignité devient primordiale.

On m’a demandé un jour de m’adresser à un auditoire de huit cents médecins sur la question de « débrancher quelqu’un ». Ces médecins étaient tout à fait conscients des problèmes qu’elle posait. Comment débrancher le patient ? Qui devrait le débrancher ? Quand devrait‑on le faire ?

Si l’on considère les différents moyens par lesquels on peut maintenir une personne en vie artificiellement, il devient clair qu’il existe de nombreuses façons de la « débrancher ». On peut retirer ses intraveineuses, la laissant ainsi mourir de faim. On peut lui retirer son respirateur artificiel. On peut mettre fin à sa médication. Une fois ces étapes franchies,  la ligne entre les présumées euthanasies active et passive devient floue. De même, la différence entre les moyens ordinaires et extraordinaires de maintenir les fonctions vitales n’est pas toujours nette. Les moyens extraordinaires d’hier deviennent les moyens ordinaires d’aujourd’hui.

La question à savoir qui prendra la décision vient compliquer les choses. Le médecin ne souhaite pas jouer à Dieu. Il se peut que la culpabilité entourant cette décision accable la famille. Aucun pasteur ne se sent à la hauteur de cette tâche, et il est terrifiant de laisser aux juristes le soin d’en juger. Il reste que ce genre de décisions se prend chaque jour dans les hôpitaux du monde entier. Ne pas prendre de décision revient à en prendre une.

Je ne détiens pas toutes les réponses à ce dilemme, mais je suis certain de deux choses. D’abord, nous devons décider de ces questions à la lumière du principe fondamental du caractère sacré de la vie humaine. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour garder la personne en vie. Si nous nous trompons, il vaut mieux que ce soit à l’avantage de la vie plutôt que de la dévaloriser d’une manière ou d’une autre. Ensuite, cette décision doit impliquer au moins trois parties prenantes, peut‑être même quatre : les médecins, la famille, le clergé et, si possible, le patient.

Cette question s’inscrit dans la détresse de la souffrance. Il faut éviter à tout prix de prendre ces décisions en désespoir de cause. Nous devons en tout temps garder à l’esprit l’objectif de la rédemption, sans quoi le désespoir engloutira l’espoir.

Christ, le seul moyen d’échapper au désespoir

Comme je l’ai fait remarquer précédemment, le seul moyen d’échapper au désespoir consiste à mettre notre foi en Jésus‑Christ pour le salut que Dieu procure. David a résumé la question ainsi : « Oh ! si je n’étais pas sûr de voir la bonté de l’Éternel sur la terre des vivants ! » (Ps 27.13.) Par ailleurs, l’apôtre Paul, dans la même épître dans laquelle il a dit : « Nous sommes […] dans la détresse, mais non dans le désespoir », a aussi écrit :

Nous ne voulons pas, en effet, vous laisser ignorer, frères, au sujet de l’affliction qui nous est survenue en Asie, que nous avons été excessivement accablés, au‑delà de nos forces, de telle sorte que nous désespérions même de conserver la vie. Et nous regardions comme certain notre arrêt de mort, afin de ne pas placer notre confiance en nous‑mêmes, mais de la placer en Dieu qui ressuscite les morts. C’est lui qui nous a délivrés et qui nous délivrera d’une telle mort, lui de qui nous espérons qu’il nous délivrera encore (2 Co 1.8‑10).

Paul a sombré dans le désespoir, mais seulement jusqu’à un certain point. Ce désespoir n’était pas ultime. Il désespérait de sa vie terrestre. Il était certain de mourir. Paul n’a toutefois pas désespéré de se faire délivrer ultimement de la mort. Il connaissait la promesse divine de victoire sur cette dernière. 


Cet article est adapté du livre : « Surpris par la souffrance » de R.C. Sproul