Les causes de la pauvreté

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Si nous voulons étudier le thème de l’intendance d’un point de vue biblique, il convient tout d’abord d’examiner la vision biblique sur des sujets tels que la richesse et la pauvreté. La Bible a beaucoup à dire sur ces questions. Certains mythes circulent au sujet de ce que dit la Bible dans ces domaines ; par exemple, l’un des versets les plus mal cités de toute l’Écriture est le suivant « L’argent est la racine de tous les maux. » Ce n’est pas ce que dit la Bible. Voilà ce qu’elle déclare : « L’amour de l’argent est une racine de tous les maux » (1 Ti 6.10). Les mauvaises motivations pour s’enrichir peuvent s’avérer dangereuses ; l’avidité, le vol et d’autres maux découlent de telles motivations. La Bible nous met en garde contre la recherche de la richesse pour elle-même, en nous disant : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6.24b). Si l’argent en lui-même est neutre, notre rapport à l’argent, lui, peut être bon ou mauvais.

Comme la Bible lance de nombreux avertissements contre les dangers de la richesse, d’autres mécompréhensions ont continué de circuler au sein de la communauté chrétienne. L’une d’elles consiste à croire qu’être riche est intrinsèquement un péché, ou que seules les personnes pécheresses s’enrichissent. C’est vrai dans le sens où tout le monde est pécheur, cependant nous trouvons dans les Écritures des exemples de personnes qui étaient incroyablement riches, tout en étant vertueuses et fidèles. Abraham, par exemple, père des fidèles, était extrêmement riche. De la même manière, Job était à la fois pieux et riche. Pourtant, Jésus prévient également qu’il est difficile pour ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu (voir Lu 18.25), principalement parce que les personnes qui possèdent des richesses en abondance peuvent avoir tendance à se suffire à elles-mêmes, et donc à ne pas s’en remettre à Dieu et à sa providence pour leurs besoins quotidiens.

Cette compréhension erronée a également engendré un autre mythe selon lequel il existerait une sorte de droiture inhérente au fait d’être pauvre. Au Moyen Âge, un mouvement s’est développé au sein de l’Église, appelé le « mysticisme de la pauvreté », qui associait tellement la droiture à la pauvreté que les gens ont commencé à croire qu’il était possible d’entrer dans le royaume de Dieu par le biais de l’indigence. De nos jours, d’autres mythes abondent encore. Certains disent que quiconque est pauvre est donc béni de Dieu et juste ; d’autres prétendent que quiconque est pauvre l’est parce qu’il est paresseux et refuse de travailler, et sa pauvreté est alors considérée comme un vice plutôt que comme une vertu. Ces deux approches de la pauvreté et de la richesse sont simplistes et ne reflètent pas l’enseignement biblique relatif à cette question. Cependant, tous ces mythes soulèvent une question plus générale : qui sont les « pauvres » dans la Bible (voir Lu 6.20) ?

Lorsque nous analysons les « pauvres » dans les Écritures (tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament), deux choses ressortent immédiatement. Premièrement, la pauvreté est toujours déterminée par rapport à une certaine norme. Lorsqu’il est dit de quelqu’un qu’il est « pauvre », nous devons nous demander « pauvre par rapport à quoi ? » De nos jours en Occident, ceux qui ne dépassent pas ce que les autorités occidentales considèrent comme le seuil de pauvreté jouissent de certains luxes que même les rois n’avaient pas il y a encore quelques centaines d’années – des ampoules électriques au lieu de bougies, par exemple. Ainsi, toute la notion de pauvreté et de richesse repose sur une échelle mobile. Deuxièmement – et plus important encore – lorsque nous examinons les Écritures et que nous nous penchons sur cette catégorie de personnes appelées « les pauvres », nous voyons que Dieu s’intéresse de très près à ces individus. Cette préoccupation diffère, cependant, selon les caractéristiques distinctives des différents types de pauvres qui sont décrits. Nous voyons dans l’Écriture quatre groupes distincts de personnes décrites comme « pauvres », et nous pouvons constater que la réaction de Dieu à l’égard de ces personnes est indissociable des raisons pour lesquelles elles sont pauvres.

Le premier groupe comprend des personnes qui sont devenues pauvres à la suite d’une catastrophe. Le second est constitué de personnes qui sont pauvres parce qu’elles sont opprimées ou exploitées. Le troisième groupe de pauvres dans les Écritures inclut les personnes qui le sont à cause de la paresse. Enfin, le quatrième groupe représente ceux qui sont pauvres, disons, par souci de justice. Examinons ces groupes l’un après l’autre.

Le premier groupe comprend les veuves, les veufs et les orphelins, ceux qui ont perdu un conjoint ou un parent et qui n’ont donc aucun soutien familial pour subvenir à leurs besoins. S’il existe un groupe qui fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’Église chrétienne, c’est bien cette catégorie de pauvres. Jacques nous dit en effet à ce sujet : « La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde » (Ja 1.27). Les diacres ont été établis dans l’Église primitive avec la charge spécifique de s’occuper des pauvres, en particulier des orphelins et des veuves (voir Ac 6.1-7). La priorité qui était accordée à ces personnes à l’époque biblique s’est quelque peu estompée aujourd’hui. Nous comptons sur le gouvernement et d’autres organismes plutôt que sur l’Église pour prendre soin d’eux. Mais l’Église, au fil des siècles, a toujours été appelée à servir ceux qui sont devenus pauvres à la suite d’une catastrophe.

Ce groupe comprend non seulement les veuves, les veufs et les orphelins, mais aussi les personnes qui ont été frappées d’incapacité par une maladie ou un accident – par exemple, les personnes qui sont devenues aveugles ou boiteuses et qui sont donc incapables d’être productives sur un lieu de travail. Ces personnes sont désignées dans les Écritures comme devant faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’Église. C’est le mandat de Dieu pour l’Église de faire son possible pour soutenir ces personnes. Les lois de l’Ancien Testament concernant le glanage, par exemple, sont une disposition que Dieu avait instituée pour prendre soin des nécessiteux qui n’étaient pas en mesure de travailler en vue de percevoir un salaire (voir De 24.19).

Le deuxième groupe de pauvres que nous trouvons dans l’Ancien Testament est constitué de ceux qui sont réduits à la pauvreté à cause de l’oppression ou de l’exploitation. Nous le rencontrons principalement dans le cas de l’esclavage. Le peuple d’Israël, lorsqu’il était esclave des Égyptiens, s’est appauvri parce qu’il était asservi par un gouvernement puissant qui l’utilisait comme main-d’œuvre esclave. Cela soulève une question concernant un autre mythe de notre culture : la seule façon pour une personne de devenir riche est de le faire aux dépens des pauvres. Cela peut être vrai dans une dynamique où une personne gagne au détriment d’une autre. Mais il existe de nombreuses professions et industries dans lesquelles une personne devient riche, et cela, loin de nuire, bénéficie aux pauvres.

Nous pouvons citer l’exemple d’Henry Ford qui a introduit le concept d’automatisation dans la production d’automobiles. Du jour au lendemain, le prix d’une voiture a été radicalement réduit parce qu’il avait trouvé le moyen de fabriquer des automobiles à un coût bien inférieur à ce qui avait été possible auparavant. En produisant des voitures en masse et en augmentant le nombre d’unités produites, il a pu réduire le coût unitaire. L’automobile a donc été démocratisée de sorte que des millions de personnes qui, auparavant, n’avaient pas les moyens d’en acheter une ont pu le faire. Dans le processus, Henry Ford est devenu effectivement très riche. Il existe d’autres exemples de personnes qui, par des moyens justes et honnêtes, se sont enrichies sans appauvrir les autres.

Mais à l’époque vétérotestamentaire en particulier, les gens devenaient souvent pauvres à cause de l’exploitation exercée par le gouvernement. La plupart du temps, les personnes riches dont nous parlons dans l’Ancien Testament étaient des gouverneurs qui avaient amassé des richesses en exploitant le peuple. Ceux qui avaient la capacité d’exploiter les gens pour de l’argent étaient soit ceux qui détenaient le pouvoir politique – gouverneurs, tyrans, rois, etc. – soit des criminels, qui volaient et blessaient les autres dans le but de s’enrichir. Ces personnes qui s’enrichissent en exploitant les autres existent également de nos jours, mais ceux qui s’enrichissent ne sont pas tous des criminels ou des personnes au gouvernement qui exploitent les autres.

Le troisième groupe est fréquemment abordé dans l’Ancien Testament, en particulier dans le livre des Proverbes : ceux qui sont pauvres à cause de leur paresse. Il serait faux de dire que toute personne pauvre l’est parce qu’elle est paresseuse. Cependant, il serait tout aussi inexact de dire que personne n’est pauvre à cause de la paresse. L’Ancien Testament dépeint une éthique du travail instaurée dans le jardin d’Éden et répandue dans tout le reste des Écritures. Certaines des déclarations du Nouveau Testament concernant cette éthique du travail sont presque totalement ignorées dans notre culture, ou bien elles sont traitées avec indignation. Paul, par exemple, en écrivant à l’Église de Thessalonique, a parlé d’un certain groupe de personnes qui ne voulaient pas travailler. Elles étaient oisives et paresseuses, et voulaient vivre de la contribution des autres. Paul a donné ce mandat à l’Église : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3.10b). Cela semble dur et sévère pour notre œil contemporain, mais Paul ne faisait que réitérer l’éthique de travail vétérotestamentaire selon laquelle une personne est responsable, si elle en est physiquement capable, de subvenir à ses besoins et à ceux de son foyer, plutôt que de se contenter d’attendre que la communauté ou le gouvernement subvienne à ses besoins.

Le livre des Proverbes regorge de références aux pauvres paresseux : « Va vers la fourmi, paresseux » (Pr 6.6a) et « La porte tourne sur ses gonds, et le paresseux sur son lit » (Pr 26.14). À l’inverse, l’Ecclésiaste nous dit ceci : « Le sommeil du travailleur est doux » (Ec 5.11a). L’homme qui travaille dur peut poser sa tête sur l’oreiller à la fin d’une journée de travail en sachant qu’il a été assidu et productif durant la journée, alors que le sommeil du paresseux est perturbé. Le jugement divin s’exerce sur ceux qui sont pauvres à cause de la paresse.

La quatrième catégorie de pauvres est constituée de ceux qui sont pauvres pour l’amour de la justice. Ils ont pris la décision en toute conscience de renoncer à l’acquisition de biens matériels et de richesses pour le bien du royaume de Dieu et pour servir les autres. Il s’agit de personnes qui se sont engagées dans des ministères, avec des compétences qui, dans un autre contexte, leur permettraient de mieux gagner leur vie, mais qui sont néanmoins prêtes à renoncer à des entreprises plus lucratives au nom du service. L’exemple suprême de ce type de pauvreté est Christ lui-même, qui n’avait pas d’endroit où poser sa tête, qui a accepté d’abandonner sa réputation et tout le reste pour servir les autres. Lorsque la Bible décrit ce groupe de pauvres, nous constatons que Dieu est extrêmement satisfait d’eux et promet une abondance d’honneur et une richesse ultime à ceux qui investissent leur temps et leur énergie au service du Roi. Ils recevront une grande récompense dans le ciel.

En examinant ces quatre groupes, nous constatons qu’il est très dangereux de les mettre tous dans le même sac et de parler simplement des « pauvres », car il existe de grandes différences entre eux. Il y a les pauvres qui, sans que ce soit leur faute, ont été appauvris par une tragédie qui nécessite l’intervention de l’Église. Il y a ceux qui ont été opprimés et exploités, et Dieu entend leurs cris et leurs gémissements, comme il l’a fait lors de l’exode, en disant à Pharaon : « Laisse aller mon peuple. » Ceux qui sont pauvres par paresse encourent la colère de Dieu et ne devraient pas manger s’ils ne veulent pas travailler. Enfin, ceux qui sont pauvres pour la justice sont bénis dans le royaume de Dieu.


Cet article est extrait du livre : « Que dois-je penser de l’argent ? » de R.C. Sproul