L’élection nous encourage à l’évangélisation (Paulin Bédard)

Or, puisque cette doctrine de l’élection divine, selon le très sage conseil de Dieu, a été prêchée par les Prophètes, Jésus-Christ lui-même et les Apôtres, tant aux époques de l’Ancien que du Nouveau Testament, et ensuite rédigée par écrit dans les saintes Écritures, elle doit, encore aujourd’hui, être publiée dans l’Église de Dieu, à laquelle elle est spécialement destinée, avec un esprit de prudence, religieusement et saintement, en temps et lieu, en écartant toute indiscrète recherche des voies du Dieu souverain ; le tout à la gloire du saint nom de Dieu, et pour la vive consolation de son peuple.

Canons de Dordrecht, article I.14

La doctrine de l’élection est-elle une amie ou une ennemie de l’évangélisation ? Si le décret de l’élection est immuable et si le salut des élus est absolument certain, quel besoin avons-nous de faire connaître l’Évangile ? Si l’on croit en l’élection, cela ne rend-il pas l’évangélisation inutile ?

La doctrine de l’élection décourage-t-elle le peuple de Dieu à témoigner ?

On a même affirmé que la théologie de la prédestination aurait nui au développement de la mission dans l’histoire. Il faut avouer que certains de ceux qui ont nié la grâce souveraine de Dieu ont parfois été plus actifs et zélés dans la mission que ceux qui l’ont affirmée. Dans nos vies personnelles, nous devons aussi admettre que nous nous servons parfois de la souveraineté de Dieu comme excuse à notre inaction. Il est important de bien distinguer entre la façon dont des réformés ont parfois mis en pratique la doctrine de l’élection et la façon dont nous devrions la mettre en pratique. Comment une saine vision biblique de l’élection devrait-elle influencer notre évangélisation ?

L’élection nous encourage à l’action

La meilleure façon de répondre à cette question est de voir comment le plus grand missionnaire de l’Église chrétienne a été influencé par la doctrine de l’élection. S’il y a un missionnaire chrétien qui a fermement cru dans l’élection gratuite de Dieu, c’est bien l’apôtre Paul. Et pourtant, le livre des Actes nous prouve amplement que Paul n’a pas manqué de zèle dans le domaine de l’évangélisation ! Au contraire, sa compréhension de l’élection a grandement inspiré son activité missionnaire.

Par exemple, quand Paul est arrivé à Corinthe, il avait sûrement besoin d’encouragement pour parler de l’Évangile dans cette ville. Pour l’encourager, Jésus s’est révélé à lui et lui a dit : « Ne crains point ; mais parle, et ne te tais point. » Pourquoi Paul devait-il parler sans crainte ? Jésus lui a donné les raisons : « Car je suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal ; parle, car j’ai un peuple nombreux dans cette ville » (Ac 18.9,10). Il y avait beaucoup de gens dans la ville de Corinthe qui appartenaient à Jésus-Christ, même s’ils vivaient encore dans l’incrédulité profonde. Jésus rappelle à Paul l’élection gratuite de Dieu, non pour le rendre paresseux ou le dissuader de prêcher l’Évangile, mais pour l’encourager à l’action : ouvre la bouche et parle ! D’après Jésus-Christ lui-même, l’élection est une très bonne raison de nous inciter à l’évangélisation.

Paul était du même avis, car il se disait « serviteur de Dieu, et apôtre de Jésus-Christ pour la foi des élus de Dieu » (Tit 1.1). Il était motivé à servir Jésus-Christ afin que les élus parviennent à la foi. « C’est pourquoi je supporte tout à cause des élus » (2 Ti 2.10). Comment donc l’élection peut-elle nous inciter à l’évangélisation ?

L’élection nous assure des résultats

Premièrement, l’élection devrait promouvoir l’évangélisation parce qu’elle garantit des résultats. Notre seul espoir de voir des gens se convertir est que Dieu a choisi des pécheurs au salut depuis toute éternité. Si la corruption de l’homme est tellement profonde qu’aucun pécheur ne peut jamais de lui-même se repentir et croire en Jésus, alors tous vont inévitablement périr, à moins que Dieu n’ait choisi d’amener certaines personnes à la repentance. Sans l’élection, la mission serait une activité désespérée, forcément vouée à l’échec.

À Corinthe, Paul aurait eu de bonnes raisons de désespérer. « Seigneur, pourquoi veux-tu que je serve dans cette ville ? Ces gens perdus ne voudront jamais croire en l’Évangile. » S’il y avait une ville à cette époque qui était perdue, c’était bien Corinthe. Mais Jésus a dit : « J’ai un peuple nombreux dans cette ville ! » Quel encouragement pour Paul ! Il est resté dix-huit mois à Corinthe pour prêcher à des oreilles sourdes, présenter Jésus à des yeux aveugles, parler à des gens qui avaient des cœurs de pierre. Mais la grâce souveraine de Dieu lui a donné confiance.

Dieu utilise sa puissance et son Esprit

Dieu est assez puissant pour ouvrir les yeux, déboucher les oreilles et changer le cœur de ses élus. Plusieurs Corinthiens ont cru !

« Nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait prédestinée, pour notre gloire. […] Ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l’homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment. Dieu nous les a révélées par l’Esprit » (1 Co 2.7,9,10).

Paul leur a prêché librement Jésus-Christ crucifié, sans chercher à convaincre par des « trucs » ou des manipulations.

« Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance, afin que votre foi soit fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1 Co 2.4,5).

Cette doctrine procure au croyant beaucoup de courage et enlève de nos épaules bien des fardeaux, par exemple celui de se sentir responsable des « décisions » des autres. À Antioche comme à Corinthe, « tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent » (Ac 13.48). Grâce à l’élection, la prédication de l’Évangile est efficace à cent pour cent pour les élus !

L’élection garde humblement notre attention sur Dieu

Deuxièmement, l’élection garde humblement notre attention sur Dieu dans notre évangélisation. Le succès de Paul à Corinthe l’a conduit à dépendre de plus en plus du plan souverain de Dieu qui avait choisi de sauver précisément certains hommes. Paul a dit aux Corinthiens :

« Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l’a donné à chacun. J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître, en sorte que ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître » (1 Co 3.5-7).

Quand Paul avait beaucoup de « succès », il aurait pu se vanter d’être un grand évangéliste, mais il est resté humble. Quand il n’avait pas les succès espérés, il ne se décourageait pas, il faisait confiance à Dieu. Dans un cas comme dans l’autre, c’est Dieu seul qui a le pouvoir de faire croître. C’est très encourageant pour nous, car nous ne voyons pas toujours de croissance visible. Quand il y en a, rendons gloire à Dieu, et quand il y en a moins, soyons reconnaissants du réconfort que l’élection nous procure même dans nos « échecs ».

L’élection donne un but à notre mission

Troisièmement, l’élection donne un but à notre mission. Quand le Seigneur Jésus a confié à Paul la mission d’être évangéliste, il a expliqué que sa mission découlait de son élection. « Cet homme [Paul] est un instrument que j’ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d’Israël » (Ac 9.15). Dieu l’avait choisi dans le but précis de travailler à la mission (Ac 22.14,15). Paul l’a très bien compris, puisque plus tard il a dit : « Celui qui m’a mis à part dès le sein de ma mère […] a trouvé bon de révéler en moi son Fils pour que je l’annonce parmi les païens » (Ga 1.15,16, Colombe). Pourquoi Paul s’est-il consacré sans relâche à la mission ? Parce qu’il était convaincu que Dieu l’avait choisi depuis toujours pour le faire.

Nous avons tous reçu une « mission prédestinée ». « Vous êtes une race élue […] afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi 2.9). Nous avons été choisis dans un but précis : celui d’annoncer les merveilles de la grâce de Dieu. Sommes-nous convaincus que Dieu nous a choisis avant la fondation du monde pour accomplir aujourd’hui cette mission sur la terre ? Si oui, cela devrait nous amener à nous consacrer tout entier à cette mission et à continuer avec persévérance.

L’élection nécessite l’utilisation de moyens

Enfin, l’élection nous incite à l’évangélisation parce qu’elle implique l’utilisation de moyens. Dieu aurait pu décider de convertir des pécheurs sans utiliser aucun moyen, mais il en a décidé autrement. Il a choisi de se servir de moyens humains pour accomplir son élection. « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ » (Ro 10.17).

« Soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d’une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie » (Ph 2.15,16).

Dieu se sert de nos paroles et de notre exemple pour attirer ses élus au salut.

Si nous croyons dans l’élection, nous allons vivre et communiquer l’Évangile. Si Dieu n’envoie pas sa bénédiction, même les meilleures vies et les meilleures prédications vont rester sans effet. Jésus a prêché et vécu parfaitement ; pourtant, les gens qu’il a rencontrés n’ont pas tous été convertis. Il faut plus que de bons moyens. Il faut l’œuvre de Dieu qui commence par son décret d’élection. Oui, c’est seulement le décret immuable de l’élection qui rend le salut des élus totalement certain. Cette certitude, loin de nous décourager dans nos efforts, est une excellente raison qui nous encourage à prêcher fidèlement l’Évangile aux pécheurs. L’élection ne rend pas l’évangélisation inutile, elle rend l’évangélisation nécessaire et nous remplit d’espérance quant au résultat.


Cet article est tiré du livre : Le solide fondement du salut de Paulin Bédard