L’Ange de la christophanie (Michael Barrett)

L’expression la plus commune pour identifier une christophanie est «l’ange de l’Éternel». Ce titre est aussi le plus instructif en ce qui concerne la nature de la manifestation divine. Il n’apparaît pas dans chaque christophanie, mais on peut affirmer sans grand risque qu’il désigne toujours Christ. L’ange se manifeste le plus souvent dans les circonstances de la vie quotidienne. Parfois, il est question de lui dans des visions prophétiques (notamment celles du prophète Zacharie). D’autres fois, son apparition fait l’objet d’un récit historique. Certaines christophanies «anonymes» correspondent aussi à l’ange de l’Éternel. Prenons l’exemple de Genèse 32.24-30, où Jacob lutte toute la nuit avec un inconnu qu’il finit par identifier comme étant Dieu. Après la lutte, Jacob donne à l’endroit le nom de Peniel, «car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face» (Genèse 32..30). Plus d’un millénaire après, le prophète Osée fait référence à cet épisode historique et identifie clairement l’opposant de Jacob comme étant l’ange de l’Éternel (Genèse 12:5). À la lumière de cette interprétation inspirée, il est possible de conclure qu’il est légitime d’assimiler toutes les christophanies de l’Ancien Testament à l’ange de l’Éternel.

La signification de « l’ange de l’Éternel »

Avant de chercher à savoir ce que l’ange révèle sur la personne de Dieu, il faut comprendre le sens de cette expression. Une des difficultés est que nous assimilons le mot «ange» à la grande multitude d’esprits créés pour servir Dieu et pour accomplir les desseins de sa providence (Hébreux 1.14). Si l’ange de l’Éternel appartient à la même catégorie que Michel, Gabriel, les chérubins et les séraphins, on ne peut pas parler de christophanie, car le Fils de Dieu n’est pas un être créé mais le Créateur divin lui-même. Toutefois, le mot traduit par «ange» dans l’Ancien Testament signifie littéralement «messager». Il n’induit pas forcément une appartenance à l’armée céleste créée pour servir Dieu. Fait intéressant, le mot traduit par «ange» dans le Nouveau Testament a le même sens. Nous le voyons par exemple en Apocalypse 3 et 4, où il est question des serviteurs des sept églises. L’ange de l’Éternel est donc son messager. C’est la fonction ou l’activité qu’il faut retenir quand le mot «ange» s’applique à la christophanie. De la même manière, le Nouveau Testament fait référence à Jésus-Christ comme à l’«apôtre» (Hébreux 3.1). Il va de soi que le Seigneur ne faisait pas partie des Douze, puisque c’est lui qui les a appelés et envoyés. Mais Dieu a appelé et envoyé Christ pour sauver son peuple. Il est l’Apôtre parfait. Avant même son incarnation, Christ est le Messager parfait.

Une autre difficulté d’interprétation porte sur le lien logique entre les mots «ange» et «Éternel». En hébreu, la construction «X de Y» est fréquente mais parfois ambiguë. Certains contextes semblent favoriser l’idée d’un messager provenant de l’Éternel, mais il semble qu’il vaut mieux considérer le mot «Éternel» comme une apposition à «ange» (souvenez-vous que les appositions redéfinissent le nom, souvent en ajoutant des précisions). Il semble que ce soit la meilleure explication du mystère de cette personne. L’ange de l’Éternel est donc l’ange qui est l’Éternel.

Le messager et Christ

Cette identification a un sens profond, car le mot Éternel renvoie à Yahvé, le seul Dieu vivant et vrai. Placer l’ange au même niveau que l’Éternel prouve sans conteste sa divinité. Le nom de Yahvé a de nombreuses significations, mais il est surtout le fondement sur lequel reposent les promesses alliancielles de Dieu pour son peuple. Le messager (ou ange) de l’alliance en Malachie 3.1 et l’ange de l’Éternel ne font donc qu’un. Ce messager est Yahvé lui-même qui, dans sa grâce, conclut une alliance de grâce avec son peuple et se révèle à lui pour son bien. Cette interprétation se réfère aussi de manière spécifique à la deuxième personne de la Trinité. Sa dimension christologique explique pourquoi l’ange de l’Éternel semble parfois distinct de Dieu le Père. Les contextes où l’ange apparaît sont complexes, mais après tout, quoi de plus complexe que la Trinité ? Il est vrai que les auteurs de ces textes dans l’Ancien Testament n’emploient jamais le terme «Trinité» (ni d’ailleurs ceux du Nouveau Testament). Les Écritures sont toutefois claires : l’ange est Christ, et Christ est Dieu.


Cet article est tiré du livre : Commençant par Moïse… de Michael Barrett