La prière et la souveraineté de Dieu (Dan G. McCartney)

Le romancier Peter de Vries a écrit une histoire très touchante au sujet de la perte de la foi, ayant pour titre The Blood of the Lamb1 [Le sang de l’Agneau]. Il exprime de manière insistante le fait que prier Dieu pour la guérison implique qu’il est souverain, et donc que la souffrance doit faire partie de ce qui est sous son contrôle. Mais pour Don Wanderhope, le héros de l’histoire que raconte de Vries (et on peut supposer pour de Vries lui-même), c’est intolérable. Dans l’histoire, Don dit à sa petite amie Rena, qui se meurt de tuberculose :

Tout ce que je dis, c’est que lui demander de te guérir – ou de me guérir, ou n’importe qui d’autre – implique une personne qui nous a fait ce coup-là injustement. La prière se résume alors à lui demander d’avoir du cœur. D’arrêter. Je trouve l’idée repoussante. Je préfère penser que nous sommes victimes du hasard plutôt que de gratifier une telle force d’un nom comme la Providence2.

Bien que la pensée soit « repoussante » pour Don, il n’y a pas d’échappatoire. Don n’a pas tort de supposer que si Dieu peut guérir, il doit aussi être celui qui envoie la souffrance, ou du moins la permet. Don ne peut malheureusement pas voir de but plus grand, ni de plus grand bien que son propre confort, et il pense donc que cette souffrance est gratuite et cruelle. Mais il reconnait qu’à moins que Dieu ait un contrôle souverain sur la souffrance, prier à ce sujet est complètement inutile.

Prier pour les guérisons et le mouvement charismatique

La confusion dans ce domaine a suscité beaucoup de malentendus parmi les chrétiens lorsqu’il s’agit de prier Dieu pour la guérison. D.A. Carson soutient que le manque de confiance des chrétiens en la souveraineté de Dieu au milieu de la souffrance est peut-être le point de départ du mouvement des « signes et miracles » dans le christianisme19. Ces chrétiens enthousiastes cherchent avec raison à voir la puissance de Dieu démontrée dans la victoire sur la maladie, ce que nous voyons dans les Évangiles. La maladie est une œuvre du diable, et Dieu détruit les œuvres du diable par l’intermédiaire de Jésus, y compris la maladie. Mais ce qui manque souvent, c’est une meilleure compréhension du fait que Dieu est aussi puissamment présent dans le contexte de la maladie qu’il est la source de la santé. La protection de Dieu nous entoure pour nous garder de Satan (Job 1.10), et si Dieu retire sa protection, il le fait pour une bonne raison. Si nous ne reconnaissons pas la souveraineté de Dieu dans la souffrance, alors la souffrance devient un mal dénué de toute utilité. Soit Dieu ne s’en est pas encore chargé (ce qui est contraire à l’Évangile), soit il est empêché d’agir par notre manque de foi (ce qui place un fardeau énorme de culpabilité sur celui qui souffre, de la même manière que les amis de Job ont essayé de le culpabiliser). Mais le fait de reconnaitre la souveraineté de Dieu aussi bien dans la souffrance que dans la bonne santé, transforme notre compréhension de la souffrance comme étant une chose qui, bien que tragique, a également un but, un mal qui est d’une certaine manière nécessaire pour notre bien (Romains 8.28). Comme l’a observé un des puritains : « Tout ce qu’il envoie est utile; tout ce qui est utile, il l’envoie. »

Dieu, un bouclier et une forteresse

Comment Dieu peut-il faire référence à lui-même comme étant mon bouclier et ma forteresse s’il ne veut pas, ou ne peut pas, me protéger des humains ou des démons qui, par leur libre choix, cherchent à me faire du mal à moi et à ma famille? Si nous pensons que Satan peut nous faire souffrir alors que Dieu ne l’a pas permis, alors nous ne pouvons plus faire confiance à Dieu. Comment Paul peut-il dire : « mon Dieu pourvoira à tous vos besoins » (Philippiens 4.19), si en réalité il n’intervient pas lorsqu’il doit priver quelqu’un de son « libre choix »? Comment les souffrances peuvent-elles avoir un quelconque objectif, sinon celui de Satan, c’est-à-dire de nous détruire? Faire confiance à Dieu, c’est dire que nous croyons qu’il sait ce qu’il fait. Mais si Dieu ne permet pas volontairement nos souffrances, alors cette situation n’a aucun sens, ni pour vous, ni pour personne d’autre, et nous pourrions aussi bien arrêter d’en parler. Mais la Bible ne cesse d’en parler – il existe toutes sortes de buts et de raisons pour la souffrance, parce que les auteurs bibliques priaient vigoureusement et ne doutaient pas que Dieu exerce son contrôle sur tout.


1. Peter de Vries, The Blood of the Lamb, Boston, Little, Brown & Co., 1969.
2. Ibid, p. 104 [traduction libre].


Cet article est tiré du livre : Pourquoi faut-il souffrir? de Dan G. McCartney.