La création est bonne (Albert M. Wolters)

À sept reprises dans le récit de la création de Genèse 1, Dieu déclare que ses œuvres de création sont bonnes, le point culminant étant le dernier verset avec ces mots : 

« Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. » 

Dieu ne fait pas de la camelote, et nous déshonorons le Créateur si nous avons une mauvaise opinion de l’œuvre de ses mains, alors que lui-même en a une opinion si positive. En fait, il a eu une opinion tellement positive de ce qu’il a créé qu’il a refusé de détruire sa création lorsque l’humanité l’a gâchée, et il a plutôt déterminé, au prix de la vie de son Fils, à la renouveler et à la rendre de nouveau bonne. Dieu ne fait pas de la camelote, et il ne jette pas ce qu’il a fait.

Le gnosticisme dans l’Église primitive

Dans l’Église primitive a existé une hérésie appelée le gnosticisme, qui niait le caractère bon de la création, de manière fondamentale. Elle soutenait que le Créateur de Genèse 1 était une déité malfaisante subordonnée qui s’était rebellée contre le Dieu bon et suprême, et que le monde qu’elle avait fait était un endroit mauvais, une prison de laquelle les gens devaient être sauvés. Les gnostiques considéraient que le salut consistait à échapper à ce monde mauvais, dans le retrait et le détachement, afin d’atteindre une sorte d’union mystique avec le Dieu suprême. 

Une menace importante pour l’Église primitive

Le gnosticisme a constitué une menace importante pour l’Église primitive et a été violemment attaqué par les Pères de l’Église, comme Irénée. Déjà du temps des apôtres, le danger d’une telle hérésie était apparent. C’est ce que Paul semble avoir à l’esprit lorsqu’il écrit à Timothée au sujet d’un message spécial de l’Esprit, concernant un enseignement démoniaque qui apparaîtrait « dans les derniers temps », interdisant le mariage et la consommation de certains types d’aliments. Un tel message, avertit Paul, déprécie les bons dons de Dieu, « que Dieu a créés pour qu’ils soient pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité » (v. 3). Il ajoute ensuite le manifeste vibrant suivant : 

« Car tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne avec actions de grâces, parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière » (1 Ti 4.4,5). 

Toute la création est bonne

Si Timothée expose cela aux croyants, dit Paul, il sera « un bon ministre de Jésus-Christ » (v. 6). Contre le dénigrement gnostique de la création de Dieu (ou de certaines parties), il doit proclamer que toute la création est bonne.

Les implications de cette profession fondamentale sont considérables, particulièrement si nous reconnaissons que la création inclut tout ce qui est forgé par la sagesse de Dieu (y compris des institutions comme le mariage). Elle constitue l’antidote biblique à toutes les visions du monde, à toutes les religions et à toutes les philosophies qui isolent une ou plusieurs caractéristiques de l’ordre créé et leur attribuent la responsabilité du malheur humain, que ce soit le corps, la temporalité, la finitude, l’émotivité, l’autorité, la rationalité, l’individualité, la technologie, la culture, ou tout ce que vous voulez.

Toutes ces choses ont été des boucs émissaires qui ont détourné l’attention de la racine véritable du mal, la mutinerie religieuse humaine contre le Créateur et ses lois pour le monde – une mutinerie qui, de la manière la plus certaine, ne fait pas partie de la création de Dieu et de son caractère bon. La tendance à blâmer, pour la misère de leur condition, certains aspects de la création (et par implication le Créateur) plutôt que leur propre rébellion, est profondément enracinée chez les enfants d’Adam. 

La Bible considère que la loi est la condition de la liberté

Le caractère bon de la création met aussi en relief l’idée que la sujétion à la loi n’est pas une restriction imposée aux créatures de Dieu, particulièrement aux hommes et aux femmes, mais plutôt qu’elle rend possible leur fonctionnement libre et sain. Si la création est fondamentalement constituée par la loi, si elle est dans les faits définie par la corrélation loi-sujet, alors la loi ne peut pas être une catégorie essentiellement négative.

Pour la religion de la Renaissance humaniste qui a façonné le sécularisme de l’Occident, il s’agit d’un blasphème. L’humanisme définit les êtres humains suivant le concept de liberté et définit la liberté comme l’autonomie, c’est-à-dire n’obéir à aucune loi, sauf aux nôtres. La religion biblique affirme que c’est tout le contraire qui est vrai : les gens sont définis par leur service, et le service est défini par l’hétéronomie, c’est-à-dire l’obéissance à la loi du Créateur. L’humanisme considère que la loi est en contradiction avec la liberté ; la Bible considère que la loi est la condition de la liberté.

Le caractère bon du droit positif

Ici, la «  loi » signifie, en premier lieu, la loi créationnelle, l’ordre de la sagesse de Dieu dans le monde entier. Mais elle inclut aussi le « droit positif » — la manière par laquelle les normes créationnelles sont positivées de manières spécifiques dans l’État et dans l’Église, dans la famille et dans le mariage, dans l’art et dans l’industrie. La loi, dans les deux sens du terme, est la condition pour la liberté et la santé, bien que le droit positif, en tant qu’œuvre humaine, soit souvent pécheur et répressif. L’abus du droit positif (essentiellement l’abus d’autorité) ne nie cependant pas le caractère bon du droit positif lui-même (ni celui de l’autorité).

L’illustration la plus frappante du caractère bon du droit positif peut être trouvée dans la loi mosaïque. Il s’agit de la propre expression par Dieu des normes créationnelles pour l’ancien Israël. Les livres de l’Ancien Testament ne se fatiguent jamais de louer son caractère bon et de mettre l’accent sur le fait que la sécurité et la paix (shalom) ne peuvent être trouvées que par un retour à la Torah. Dans ce sens, le psaume le plus long, le psaume 119, constitue un long hymne à la gloire de la loi de Dieu.


Cet article est tiré du livre : La création retrouvée de Albert M. Wolters