Je me sens piégé dans mon travail – Que dois-je faire ? (John Piper)

Une fois de plus, Tim Keller se joint à nous par téléphone depuis New York pour parler de vocation, de travail et de son livre très utile « Chaque bon effort : Relier votre travail à l’œuvre de Dieu ». Mercredi, nous avons parlé des mauvais usages de la vocation, quand nous pensons au travail uniquement en termes d’épanouissement personnel et de réalisation de soi. Nous avons parlé de la façon dont cela écrase lentement une personne. C’est un sujet énorme pour les parents désireux de former de jeunes enfants pour un travail assidu.

Dans le livre, vous écrivez ceci : « Le travail n’est pas entré [dans la création] après un âge d’or du loisir. » C’est bien vrai. Le travail humain est délibérément ancré dans la création dès le début. Alors en parlant aux parents, Tim, comment, en tant que père, puis-je enseigner et former mes jeunes enfants à la valeur divine du travail ?

Évidemment, vous devez transmettre les doctrines de base sur la création, la chute et la rédemption. Il faut les transmettre aux enfants de tous âges, mais il faut les transmettre sous une forme qu’ils peuvent recevoir à cet âge.

Nous avons été créés pour travailler

Je pense que vous devez dire que le travail a été placé dans le jardin d’Éden quand Dieu avait déclaré toutes choses absolument parfaites. Il y avait du travail en Éden. Cela veut dire que même si dans cette vie le travail est souvent difficile, nous avons été créés pour travailler.

Notre corps se dégrade, donc le travail nous épuise. Nos esprits et nos cœurs ne sont pas ce qu’ils devraient être à cause du péché. Nous avons très souvent des difficultés pour faire attention aux choses. Mais en fin de compte, on nous a créés pour travailler, et nous ne sommes heureux que si nous travaillons. Vous pouvez même constater que les gens qui ne travaillent pas ou qui n’ont pas de travail deviennent déprimés à la longue. La raison pour laquelle c’est le cas, c’est parce que nous sommes faits pour travailler. Nous avons été créés pour nous épanouir en travaillant et en étant utiles aux autres dans le travail.

Je pense qu’il y a un moyen de faire comprendre cela aux jeunes enfants, de 11 ans ou même de 7 ans. J’ai élevé des enfants. Vous dites des choses que vous n’êtes pas sûr qu’ils comprennent. Vous découvrez si c’est le cas en leur posant des questions et en écoutant leurs réponses. Elles révéleront dans quelle mesure ils ont compris ce que vous avez dit ou s’ils n’ont pas compris. Ensuite, vous essayez de rendre les choses plus simples jusqu’à ce que vous ayez l’impression d’avoir atteint votre but.

Travailler pour le prestige

C’est tout à fait vrai. Maintenant, l’enfant est grand. C’est un jeune homme ou une jeune femme qui envisage sérieusement un plan de carrière. L’une des choses que vous dites dans votre livre, c’est que vous constatez à New York qu’un certain nombre de jeunes diplômés choisissent une carrière comme forme d’identité. Une carrière devient quelque chose comme une voiture — un marqueur de statut. Pouvez-vous expliquer cela ?

Récemment, beaucoup de superbes livres ont été écrits sur cette idée que nous vivons à une époque de consommation où votre identité se perçoit au travers des produits que vous consommez. Je suis le genre de personne qui porte ce genre de vêtements, possède ces appareils électroniques — ce sont les accessoires que j’utilise. Ainsi, vous obtenez votre identité à partir des marques que vous utilisez.

Je crains que ce qui s’est passé dans ce cas-ci, c’est que les emplois sont comme ça aussi. Il n’y a aucun doute là-dessus. Je vois beaucoup de gens qui prennent des emplois qui ne leur conviennent vraiment pas. Ils ne correspondent pas très bien à leurs talents, et très souvent les emplois ne les comblent pas nécessairement parce qu’ils n’aident pas vraiment beaucoup les gens. Mais les emplois sont de haut niveau, et les gens se disent : « j’ai besoin d’être dans cet emploi pour me sentir bien dans ma peau. » C’est un marqueur d’identité.

Très souvent, les gens ne choisissent pas un emploi en fonction de leur vocation. Ils ne disent pas : « Quels sont mes dons et comment puis-je être utile aux autres dans mon travail ? » Mais plutôt : « Quel travail me donnerait le même sentiment de valeur personnelle que lorsque je conduis une certaine voiture ? »

Travail corrompu

Oui, un message important. Permettez-moi d’insister sur la vocation du point de vue du consommateur et de poser un petit scénario hypothétique. Disons que dans la Babylone antique, il y a un homme qui cultive la paille. Il est bon à cela, il travaille dur, il sert bien son acheteur, il livre toujours à temps et il ne fait jamais trop payer. Sa paille est achetée puis immédiatement utilisée pour créer de solides briques cuites qui sont empilées par d’autres ouvriers dans la construction de la tour de Babel. Tout cela pour demander : à quel moment la vocation du cultivateur de paille est-elle rendue vertueuse ou corrompue par le produit final en aval de la chaîne ?

Eh bien, je pense qu’il faut collaborer très directement avec le mal avant de commencer à le voir comme un péché. Le problème avec l’impulsion puriste, c’est ceci. Si je produis du pain, et je sais qu’il y a des criminels en ville qui le mangent et qui restent en vie grâce à la fabrication de mon pain, dois-je vraiment me sortir de ce travail ? Dois-je dire, « Ok, eh bien, seul un certain pourcentage de criminels en mangent, mais je les aide à vivre, alors dois-je arrêter ? »

Luther rirait de l’idée que vous devriez, par souci de pureté, faire en sorte que votre travail ne serve qu’à des fins pieuses. Luther parle de cela dans son analyse des Psaumes — en particulier des Psaumes 145, 146 et 147 — où il est question de Dieu qui nourrit tout ce qui respire. Il aime tout ce qu’il a créé.

Luther demande : « Comment Dieu nourrit-il tout le monde ? » Il les nourrit par l’intermédiaire du fermier. Il les nourrit par l’intermédiaire de la laitière qui traite la vache. Il les nourrit par l’intermédiaire du chauffeur de camion qui met les produits sur le marché. C’est donc vraiment l’œuvre de Dieu. Si vous n’êtes qu’agriculteurs, vous faites quand même l’œuvre de Dieu. Vous n’avez pas besoin d’être un fermier chrétien pour cela.

Le travail doit être accompli dans une perspective chrétienne

Mais à partir d’un certain point, je crois — parce que je suis réformé, et je crois en la vision du monde et à l’importance de cette vision du monde — que le travail doit aussi être accompli dans une perspective chrétienne. Et je pense aussi que Luther a quelque chose à dire. Tout travail est bon travail s’il est bien fait. Si vous vous dites vraiment « eh bien, ce travail aide en fait quelqu’un qui a des plans malfaisants », vous deviendriez complètement paralysé. Vous ne pourriez rien faire.

Se sentir pris au piège

Tout à fait d’accord. Maintenant, appliquons la logique de Luther un peu plus loin en pensant à ce frère (ou à cette sœur) chrétien dont nous avons parlé la dernière fois, qui se sent piégé dans une vocation qu’il n’aime pas.

Luther donne l’exemple de l’appel de la fermière qui traite les vaches. Même si c’est le seul travail qui lui est offert et qu’elle aimerait aller ailleurs, elle doit voir ce qu’elle fait comme l’appel de Dieu. Elle a besoin de voir que ce n’est pas seulement traire les vaches : c’est sa façon de participer au soin de Dieu pour sa création parce qu’il a décidé que c’est ainsi qu’elle doit le faire.

Il y a un Psaume qui dit que Dieu renforce les verrous de tes portes (Psaume 147.13). En d’autres termes, il nous donne la sécurité. Alors Luther dit :

« Mais comment Dieu renforce les verrous de la porte de la ville ? Il le fait avec de bons gouverneurs, de bons policiers et de bons soldats. »

Tout bon travail bien fait est l’appel de Dieu

Ce que Luther essaie de faire comprendre, c’est que tout bon travail bien fait est l’appel de Dieu. En fait, je pense que la conception calviniste de l’appel, qui consiste à faire l’œuvre de Dieu à partir d’une vision chrétienne du monde, et la conception luthérienne de l’appel, qui consiste simplement à prendre soin de la création et à être utile aux autres au travers de son travail, sont complémentaires. Je le pense vraiment.

Je passe une très grande partie du livre sur ce sujet, pour faire ressortir le fait que je pense qu’ils sont complémentaires. On doit utiliser les deux. Voir votre travail comme une vocation n’est pas un problème, même si vous êtes coincé dans un travail que vous n’aimez pas. Vous devez dire que même en ce moment, c’est toujours l’appel de Dieu et cela vous donne beaucoup de paix. Vous pouvez dire : « Je peux toujours répondre à l’appel de Dieu dans ce travail, même si je cherche un travail qui correspond mieux à mes dons. »


Pasteur John Piper vous répond présente les réponses que le pasteur John Piper donne à des questions théologiques et pastorales difficiles. Ce podcast, créé en partenariat avec Desiring God, vous est offert par Revenir à l’Évangile, un blog et un ministère de Publications Chrétiennes. Pasteur John répondra à deux questions chaque semaine. Vous pourrez entendre ses réponses sur notre blog, Facebook, Youtube, Apple Itunes Store et sur l’appareil que vous utilisez pour écouter des podcasts