Comment votre travail peut vous briser (John Piper)

Cette semaine, le pasteur Tim Keller de New York City est avec nous pour parler de vocation et de son excellent livre « Chaque bon effort : Relier votre travail à l’œuvre de Dieu », un livre très utile. J’ai une poignée de questions à lui poser, certes un peu éparpillées, qui s’adressent aux diplômés, aux parents et aux chrétiens qui se sentent coincés dans leur travail. Laissez-moi d’abord vous demander : pourquoi une vision biblique de la vocation semble-t-elle si peu développée dans la vie de tant de travailleurs chrétiens aujourd’hui ?

Il n’y a pas de consensus sur ce que signifie la vocation

Eh bien, je pense que c’est probablement parce que l’église n’a pas de consensus sur la façon dont ses liens sont censés être construits avec la culture en général. En fait, j’ai écrit un autre livre à ce sujet : l’Église au centre. J’aborde le problème dedans. Je n’aborde pas ce sujet dans le livre « Chaque bon effort. »

Fondamentalement, vous avez des points de vue très différents sur les relations que l’Église devrait entretenir avec la culture, qui dépendent de visions très différentes sur la grâce commune ou sur le rôle de l’Église institutionnelle.

Quand il s’agit de la doctrine de la vocation, tout le monde dit : « Oh, oui, c’est vraiment important. Il est vraiment important que tout travail soit un appel de Dieu et que le travail soit important et que vous deviez mettre votre foi en Dieu au service de votre travail. Oui, c’est important ». Mais le problème est que la doctrine de la vocation est ensuite entraînée dans cette controverse. Il n’y a pas de consensus sur la façon d’établir des relations avec la culture. Il n’y a pas de consensus sur ce que signifie la vocation.

L’individualisme qui brise

C’est vrai. Je vous suis reconnaissant de la façon dont vous dissipez la confusion et vous nous aidez à travailler vers une plus grande clarté. En fait, au début du livre « Chaque bon effort », vous écrivez deux phrases qui résument un thème majeur du livre : « Un travail n’est une vocation que si quelqu’un d’autre vous appelle à le faire, et que vous le faites pour lui plutôt que pour vous-même. Penser le travail principalement comme un moyen d’épanouissement et de réalisation de soi écrase lentement la personne et sape la société elle-même. » C’est puissant ça. D’où vient donc cet individualisme qui brise ?

Eh bien, l’idée séculière de base est qu’il n’y a pas de sens à la vie. Nous sommes ici par accident. Il n’y a pas de sens à la vie. Il n’y a pas d’absolu moral. On n’a pas été mis ici dans un but précis.

Alors, et j’ai vu cela sous de nombreuses formes, la plupart des gens disent : « Eh bien, évidemment qu’il n’y a pas de sens dans la vie. Il faut créer son propre sens ». J’ai vu beaucoup de laïcs et d’athées dire : « Oui, bien sûr qu’il n’y a pas de sens à la vie, mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas vivre une vie féconde et une vie heureuse. Vous créez votre propre sens. »

Il est impossible de créer son propre sens de la vie

En fait, quelqu’un devrait réfléchir à cela à un moment donné. Peut-être que je le ferai, et je dirai : « Il est impossible de créer son propre sens. Si vous créez votre propre sens, vous ne l’avez pas. » Fondamentalement, ce qu’ils veulent dire, c’est « C’est vous qui décidez. Vous décidez de ce qui est bien ou mal pour vous. Tu décides de ce que tu penses être important, et ensuite tu vis en fonction de ça. »

Dans ce cas, il n’y a pas d’appel. Il n’y a aucun sentiment qu’il y a quelque chose de plus élevé que moi qui est plus important que moi. Si vous n’avez pas cela, alors le sacrifice et le service n’existent pas. Vous faites tout par égoïsme.

Il n’y a pas non plus de véritable espoir. Il n’y a aucun espoir réel pour l’avenir. Vous essayez simplement de vous créer un peu de bonheur, avec le peu de temps qu’il vous reste. Mais à la fin, il n’y a rien d’autre que l’obscurité.

Quand vous mettez ensemble ces idées — l’idée de vocation, l’idée d’espoir, l’idée de service et l’idée de sacrifice et de désintéressement — on voit qu’elles nécessitent qu’il y ait quelque chose de plus important que vous, quelque chose qui est déjà là, comme Dieu.

Toute l’idée de vocation a donc disparu, et le travail n’est rien d’autre qu’un moyen d’avancer, et il nous accable, je crois.

Des cœurs changés par l’Évangile

Oui, le sacrifice de soi est au centre de l’idée biblique de la vocation. Je pense que cette idée est un challenge pour beaucoup de chrétiens qui n’aiment pas leur travail. C’est vraiment pratique. Mais si un chrétien se présente au travail le lundi matin et qu’il est irritable envers les autres, qu’est-ce qui ne va pas ?

Dans le livre, je parle du fait que l’évangile s’applique à notre travail de deux manières différentes. L’une d’elles est le cœur. La mauvaise humeur, la colère, ou seulement faire le strict minimum démontre un manque de caractère évangélique.

L’évangile aide à vous rendre reconnaissant, à vous rendre humble, à vous donner la paix intérieure, à vous rendre généreux dans votre esprit. Si vous ne montrez pas toutes ces choses au travail, cela signifie que vous ne laissez pas vraiment l’évangile changer votre cœur comme il se doit.

À long terme, un cœur changé par l’évangile fait généralement de vous un assez bon travailleur. Ça donne envie de travailler avec vous. Ça donne envie aux gens de faire partie de votre équipe. Il rend les employeurs satisfaits de votre travail. À long terme, avoir un cœur changé par l’évangile est assez pratique dans le domaine du travail.

Dieu des options

C’est bien vrai. Ce succès exige aussi un certain niveau de rigueur et de concentration. Je pense que la première fois que j’ai entendu l’expression « Dieu des options » cela venait de Mark Dever, à Washington. Il parlait de jeunes pasteurs qui prennent un pastorat dans une église locale, mais qui n’y sont qu’à moitié investis, qui restent toujours à la recherche d’une meilleure position dans une église différente. Je pense qu’il y a une tentation similaire pour les chrétiens dans le monde du travail qui sont à moitié engagés dans un travail, et tellement attirés par cette idée de « Dieu des options » qu’ils ne sont jamais investis à fond dans un travail particulier, mais toujours à la recherche du prochain, d’un autre poste à venir pour eux. Est-ce que vous faites le même constat ?

Oui. Et je dis un peu oui sur le ton de l’ironie. Mais votre question est bien posée, et je suis d’accord avec elle. Je peux ajouter ceci.

Les gens sont à la recherche du travail le plus satisfaisant

Très souvent, les gens disent : « Vous savez, j’aimerais un travail qui soit un peu plus excitant pour moi. Ce travail est un peu ennuyeux pour moi ». Ou bien ils sont à la recherche d’un emploi mieux rémunéré.

Je pense que la compréhension chrétienne de la vocation est que si vous produisez un produit qui rend la vie des gens meilleure, même si c’est un processus plutôt ennuyeux de le faire, vous faites l’œuvre de Dieu. Vous prenez soin de la création de Dieu. Vous servez les besoins des gens.

Pourquoi faut-il que ce soit si enrichissant quand on sait qu’on fait quelque chose qui aide les gens ? Je pense que cela fait partie de ce que je veux dire quand je dis que nous avons perdu l’idée de l’appel, de la vocation et que nous considérons maintenant le travail comme un moyen de nous réaliser. Et cela vous brise au bout d’un moment. Vous y êtes toujours seulement à moitié, comme vous l’avez dit.


Pasteur John Piper vous répond présente les réponses que le pasteur John Piper donne à des questions théologiques et pastorales difficiles. Ce podcast, créé en partenariat avec Desiring God, vous est offert par Revenir à l’Évangile, un blog et un ministère de Publications Chrétiennes. Pasteur John répondra à deux questions chaque semaine. Vous pourrez entendre ses réponses sur notre blog, Facebook, Youtube, Apple Itunes Store et sur l’appareil que vous utilisez pour écouter des podcasts