Est-il préférable d’utiliser des bibles en papier ? (David Mathis)

Comment les écrans façonnent notre lecture

C’était un cadeau de mes parents en 2001. J’avais attendu pendant des semaines, et il était là, sous le sapin, la veille de Noël, de la part de Maman et Papa : la première édition de la bible « English Standard Version ». Ma première nouvelle Bible après avoir quitté la maison. Ce serait la première Bible que je lirais de bout en bout – et que je continuerais à lire. En fait, elle est encore utilisée quotidiennement aujourd’hui, presque vingt ans plus tard. Les pages sont en lambeaux et déchirées, c’est sûr. Certains vieux marquages sont utiles, d’autres sont distrayants. La couverture s’est détachée à un moment donné. Ma femme a payé pour qu’une nouvelle couverture soit mise en place pour la fête des Pères l’année dernière, et cela lui a donné une nouvelle vie.

À plusieurs reprises, j’ai cru que j’allais la mettre à la retraite. Chaque mois qui passait, le monde devenait plus numérique et je me disais parfois qu’en restant fidèle au papier, c’était peut-être rester figé dans le passé. Pendant des saisons, je me suis essayé à la lecture matinale sur un ordinateur portable ou un iPad. C’est avec un Kindle que j’ai tenu le plus longtemps. Les médias numériques offraient des clics rapides pour étudier les notes et les commentaires, ainsi que la possibilité de faire des copier-coller pour d’autres usages.

Mais mystérieusement, les appareils semblaient finir par me fatiguer avec le temps. Qu’il s’agisse des yeux, du cerveau ou simplement de la sensation du papier, j’avais l’impression de manquer quelque chose avec les pixels. Mon âme ne semblait pas aussi stable, aussi calme et paisible lorsque je regardais un écran. Et j’étais beaucoup plus facilement distrait sur ces appareils. D’une manière ou d’une autre, je continuais à revenir à ma vieille Bible en papier.

Maintenant, je commence peut-être à comprendre pourquoi.

Lire la Bible différemment

Je veux vous inviter, ici au début d’une nouvelle année, à vous joindre à moi pour faire quelque chose de contre-culturel : prenez une Bible en papier et apprenez à la lire différemment de votre téléphone et des autres écrans, et faites des Paroles de Dieu votre rocher dans un monde rempli de mots divers et variés inscrits dans le sable. Vous n’avez pas besoin d’une vieille Bible en lambeaux, déchirée, marquée et bénéficiant d’une nouvelle couverture comme la mienne. Vous pourriez cependant vous demander si le papier pourrait faire une différence dans votre temps seul avec Dieu. Il existe des études dont il faut tenir compte, et pas seulement mon expérience.

Je ne prétendrai pas que cette invitation est pour tout le monde.  Si vous êtes satisfait de votre écran, et que vous ne tombez pas dans les pièges de la distraction numérique et de la réduction de la capacité d’attention, tant mieux. Ce n’est pas une nouvelle loi. Juste une missive des marges du monde numérique. Rien de plus qu’un petit coup de pouce.

La lecture profonde et la lecture superficielle

Cela fait dix ans maintenant que Nicholas Carr a sonné l’alarme dans son livre « Les bas-fonds : ce que l’internet fait à nos cerveaux ». « Calme, concentré, sans distraction, l’esprit linéaire est mis à l’écart par un nouveau type d’esprit qui veut et a besoin d’assimiler et de distribuer des informations par rafales courtes, disjointes et souvent superposées – plus c’est rapide, mieux c’est ». Chaque année, de plus en plus de voix soulèvent des questions et rejoignent le chœur.

Certains parlent aujourd’hui de nos cerveaux « bi-alphabétisés ». Nous avons désormais appris à développer deux types de lecture, associés à des supports particuliers. L’une, sur support papier, est plus linéaire, plus lente, plus profonde, délibérée, logique, cohérente, soutenue et sur papier. L’autre, sur support numérique, plus non linéaire, rapide, dispersée, disjointe et moins profonde, on parcourt et on scanne, les yeux sautillent ou se promènent sur la page.

De précieuses millisecondes

Selon Maryanne Wolf, directrice du Center for Reading and Language Research de l’université Tufts, l’augmentation de notre vitesse de lecture ne constitue pas un simple gain net.

Nous devons comprendre la valeur de ce que nous pouvons perdre lorsque nous parcourons un texte si rapidement que nous sautons les précieuses millisecondes des processus de lecture profonds. Car c’est dans ces moments – et ces processus dans notre cerveau – que nous sommes susceptibles d’atteindre nos propres idées et percées importantes.

Et s’il serait naïf de prendre à la légère la perte de ces « précieuses millisecondes » dans le cadre de notre lecture en général, combien plus avec la Parole de Dieu ? Si l’une de nos lectures méritait plus de soin, plus de patience, plus de diligence, plus de délibération, ne serait-ce pas la prise en compte des paroles de Dieu dans l’Écriture ?

La question revêt une importance particulière pour les chrétiens, pour les lecteurs de la Bible, pour le « peuple du livre » que l’Église est depuis des siècles. Pas plus tard que l’année dernière, Karen Swallow Prior, professeur d’anglais au Southeastern Seminary, écrivant pour les chrétiens sur la façon dont les écrans changent la façon dont nous lisons l’Écriture, a noté que « la lecture sur des appareils numériques ne crée pas le même type de circuits cérébraux que la lecture profonde » et a mis en garde contre « l’habitude de la compréhension superficielle développée dans la lecture numérique ».

Elle conclut par une affirmation forte qui pourrait surprendre de nombreux lecteurs : « En tant que “peuple du livre”, les chrétiens sont appelés à préserver et à promouvoir le don de la lecture approfondie de Bibles physiques. »

La méditation, pas le médium

La principale réalité que je veux recommander ici est la méditation, pas le médium – comment vous lisez, et non pas si c’est du papier ou des pixels.  La Bible est le genre de livre, entre tous les livres, conçu pour être lu lentement, profondément, de manière réfléchie, de manière répétée.

Les textes anciens, en particulier le texte biblique, n’étaient pas écrits comme une grande partie de notre contenu l’est aujourd’hui – rapidement, pour une publication rapide, et pour une lecture rapide. Au contraire, comme l’observe Alastair Roberts, « lorsque les livres étaient rares et coûteux, les textes avaient tendance à être beaucoup plus denses de sens, récompensant des formes de lecture attentive peu courantes à notre époque ». La Bible est un livre comme ça. Ancienne. Écrit lentement, sans précipitation. Copié avec soin. Conçu pour une lecture lente, réfléchie et attentive – et des lectures multiples. Et c’est là que je veux pousser à contre-courant aujourd’hui : je veux jouir des récompenses offertes par « des formes de lecture attentive peu communes à notre époque ». Le papier m’aide à aller dans ce sens.

Je ne plaide pas en faveur d’une lecture lente, uniquement sur papier et non sur support numérique. Le numérique est devenu incontournable. Nous ne pouvons pas l’éviter. Nous lirons au format numérique. Et c’est un don immense. Il est presque certain que vous lisez ces mots mêmes sous forme numérique. C’est très bien. Je ne sais pas si le numérique est en train de nous ruiner. Mais si nous perdons la capacité de lire en profondeur, ce serait une grande perte.

Et cette perte ne serait nulle part plus ressentie que dans les pages de l’Écriture. Dans un monde inondé par le numérique, où il faut de l’intentionnalité pour que la lecture soit diversifiée entre le papier et le plasma, et que tout ne soit pas simplement sur écran, il peut être sage de ne pas se passer complètement de papier, surtout lorsqu’il s’agit des Paroles de Dieu.

Ralentissez, lisez en profondeur

En fin de compte, bien sûr, le problème n’est pas le médium, mais la méditation. Lecture lente. Lecture profonde. Se plonger dans les paroles de Dieu plutôt que de les parcourir. Ralentir suffisamment pour laisser le texte vous parler vraiment, vous façonner, vous lire, vous détruire, plutôt que de parcourir les paragraphes à la recherche de données correspondant à des idées préconçues.

Les Psaumes célèbrent fréquemment le type de vie formé et rempli en méditant les paroles de Dieu jour et nuit (Psaume 1.2 ; 63.7 ; 119.97). Une telle méditation se fait en ralentissant, en fixant nos yeux (Psaume 119.15) sur Dieu et ses œuvres merveilleuses (Psaume 119.27 ; 145.5), en le méditant (Psaume 77.13 ; 143.5) dans nos cœurs (Psaume 19.15 ; 49.4 ; 77.7).

Si vous êtes honnête, est-ce quelque chose que vous expérimentez régulièrement lorsque vous lisez sur un écran ? C’est le cas pour certains. Et certains d’entre nous semblent être aidés par le papier. Pour des raisons énigmatiques, j’ai trouvé que ma vieille Bible en papier m’aide à ralentir et à lire en profondeur.

Je vous invite donc à nouveau à vous joindre à moi. Mais qu’il s’agisse de papier ou non, apprenez à lire la Bible différemment de votre téléphone et des autres écrans. Ce sont les paroles de Dieu. Ralentissez. Mâchez. Accordez-vous ces « précieuses millisecondes », et demandez à Dieu de les prolonger en précieuses minutes de méditation supplémentaires pendant que vous vous arrêtez pour apprécier Dieu lui-même dans sa Parole.


Cet article est une traduction de l’article anglais « Are Paper Bibles Better? » du ministère Desiring God par Timothée Davi.