Dixième siècle : Le Moyen Âge

« L’histoire se répète », dit-on parfois. En effet, la situation de l’Église au Xe siècle était très similaire à celle d’aujourd’hui. D’abord, celle-ci déclinait sur le plan théologique mais pas sur les plans culturel et politique. Cette période, le Moyen Âge, est aussi appelée « Âge sombre », et cette appellation est juste sur certains points. Les empires et royaumes autrefois puissants menaçaient à cette époque de s’écrouler. Au même moment, l’Église gagnait du pouvoir et les limites territoriales fluctuaient.

Le christianisme nominal constitue une autre similarité entre l’Église d’aujourd’hui et celle de l’époque. La soif de pouvoir à l’extérieur de cette dernière était telle qu’on négligeait de cultiver la foi à l’intérieur. Les gains de pouvoir de l’Église tendaient à corrompre ses dirigeants. L’éducation chrétienne avait perdu son importance ; beaucoup d’enseignants de la Bible en ignoraient le contenu. Comment un tel ministère, dénué de la puissance de l’Évangile, aurait-il pu mettre un frein à la déchéance morale de la société ? De plus, de nouvelles puissances politiques du Nord (les Vikings ou les Normands) ainsi que du Sud et de l’Est (les musulmans) ont surgi, contestant le pouvoir terrestre de l’Église. Celle-ci ne fournissait alors pratiquement aucune direction spirituelle à ses membres.

Cependant, un groupe de moines bénédictins de Cluny, à l’est de la France, font exception. Ils ne sont pas restés inactifs devant la déchéance spirituelle généralisée : ils se sont consacrés à l’étude de la Bible et à l’adoration de Dieu, tout en menant une vie marquée par la simplicité et les disciplines spirituelles. Ils ont constaté que, globalement, l’Église avait perdu son ardeur pour connaître Dieu et vivre pour lui ; ses dirigeants s’étaient désintéressés des choses spirituelles pour se tourner vers celles de la terre. La réforme de Cluny a été l’un des mouvements spirituels du Moyen Âge, mais il a fini par être gagné par la corruption et sombrer dans la mondanité. D’autres réformes seraient nécessaires dans les siècles à venir.

Vers la fin du Xe siècle, le christianisme s’est répandu en Russie, avec le baptême du prince Vladimir et de ses douze fils à Kiev en 988. Vladimir a embrassé le christianisme en recevant le rapport de ses ambassadeurs à Constantinople. Ceux-ci lui avaient brossé un portrait favorable de la foi et du culte dans cette grande ville, où ils avaient été émerveillés par la splendeur de la basilique Sainte-Sophie bâtie par Justinien. Cyrille et Méthode, pionniers chrétiens auprès des Slaves du Sud, avaient préparé le terrain en produisant la liturgie en slavon ainsi que d’autres ouvrages chrétiens. La majorité des citoyens de Kiev ont suivi l’exemple de leur prince, et des milliers d’entre eux ont été baptisés dans le fleuve Dnieper. C’est ainsi que l’Église orthodoxe russe a vu le jour.

Au tournant du premier millénaire de l’ère chrétienne, l’Église se trouvait dans une position dominante sur le plan culturel, du moins à l’intérieur des frontières de l’Empire romain. De plus, elle avait réussi à survivre aux invasions barbares et à convertir les envahisseurs.

Tout comme l’Empire, qui battait en retraite devant les envahisseurs barbares, l’Église était divisée : l’Est d’un côté, l’Ouest de l’autre. Les empereurs romains, régnant alors depuis Constantinople, protégeaient l’Église orientale, qui a énormément souffert des ingérences impériales. L’Église occidentale, quant à elle, devait faire cavalier seul et combler le vide laissé par le transfert du siège de l’Empire. Les papes de Rome étaient en mesure de se saisir du pouvoir, ce qu’ils ont fait, sans avoir de comptes à rendre à personne. Ils régnaient sur d’immenses portions de l’Italie et possédaient de nombreuses terres, dont les revenus finançaient leurs efforts de conquête : ils cherchaient à s’établir souverains sur l’Église dans son ensemble, ainsi que sur les dirigeants des royaumes et principautés sous leur emprise.

Le monde d’aujourd’hui et celui du Xe siècle ne sont pas si différents. L’Église lutte encore contre le paganisme et la tentation du succès temporel. Comme au Moyen Âge, notre société est aux prises avec une obscurité spirituelle et morale, au sein de laquelle l’Église doit briller avec la lumière de l’Évangile. Alors que son témoignage est parfois étouffé par des préoccupations mondaines, l’Église doit chercher à croître dans sa connaissance de la Parole de Dieu, à se fortifier dans l’adoration du Seigneur et à s’offrir elle-même à Jésus-Christ, simplement, au quotidien. En vivant pour Christ et en annonçant l’Évangile, nous pouvons faire briller une lumière indispensable dans les ténèbres.


Cet article est tiré du livre : ABC de l’histoire de l’Église de Sinclair Ferguson, Joel Beeke, et Michael Haykin