Huitième siècle : La controverse des icônes

On ne peut comprendre l’histoire de l’Église sans d’abord appréhender les deux traditions et deux langues dominantes au sein de l’Église de cette époque. D’un côté, se trouvait l’Église occidentale, dont Rome était le centre ; on y écrivait en latin, qui était également la langue liturgique. De l’autre côté, il y avait l’Église orientale, où la langue d’usage était le grec. Ces langues différentes illustrent les chemins différents qu’ont empruntés les traditions ecclésiales. À la suite du déclin de l’Empire romain, ces traditions ont perdu contact l’une avec l’autre et ont évolué indépendamment.

Au VIIIe siècle, a surgi une controverse qui a mis en évidence leurs divergences. On ne s’entendait pas. Les icônes (représentations de Jésus, de Marie, des saints, de la Trinité, etc.) avaient-elles leur place dans le culte ? L’Église orientale en était venue à leur accorder une importance particulière. Ceux en faveur des icônes avançaient qu’elles étaient des « livres pour les ignorants » en ce qu’elles communiquaient les vérités bibliques aux personnes non scolarisées ou analphabètes, les aidant à adorer Dieu comme il se doit. L’objet de vénération était la personne divine ou humaine représentée, non l’icône ou l’image elle-même.

Toutefois, beaucoup de chrétiens en Orient croyaient que ces images étaient sacrées et que Dieu leur parlait et les bénissait par leur entremise. Ils se prosternaient devant elles ou les embrassaient ; parfois, ils allumaient des cierges ou brûlaient de l’encens pour elle. Ce faisant, ils manifestaient leur désir d’obtenir la faveur du Père éternel par l’intercession de la personne représentée.

Ces pratiques ont causé une grande division dans l’Église du VIIIe siècle entre, d’un côté, les iconodoules (« serviteurs des icônes »), et de l’autre, les iconoclastes (« briseurs d’icônes »). La controverse a atteint son point culminant en 787, lors du deuxième concile de Nicée. L’Église a finalement permis l’usage des icônes, en insistant sur le fait qu’elles servaient uniquement à instruire les fidèles et à honorer les personnes représentées, non à leur rendre un culte. Cependant, cette distinction a fini par se brouiller dans les siècles suivants, et les icônes ont gagné en importance dans le culte public et personnel. Rappelons que Dieu a interdit la fabrication et l’adoration de telles images dans le deuxième commandement. Mais, comme toujours, les hommes tentent d’être plus sages que Dieu.

L’étude de la controverse des icônes devrait nous amener à nous rappeler les « images » ou « aides visuelles » dont l’Église dispose pour bien comprendre l’Évangile. Selon le Nouveau Testament, il y en a deux, qu’on nomme « sacrements » : le baptême et le repas du Seigneur. Le texte biblique encourage les chrétiens à méditer régulièrement sur leur importance. Selon le Petit catéchisme de Westminster, « un sacrement est une sainte institution établie par le Christ, dans laquelle Christ et les bienfaits de la nouvelle alliance sont représentés, scellés et appliqués aux croyants, au moyen de signes visibles » (question 92). Bien qu’il convienne de critiquer l’emploi d’icônes dans l’Église, nous devons être conscients du peu d’attention que nous portons nous-mêmes aux « signes visibles » que Jésus nous a donnés.

À chaque période de l’Église, tandis que les conciles et synodes s’occupent de conflits internes, certains tournent leur regard vers l’extérieur, vers l’immense besoin du monde. Il en fut ainsi au VIIIe siècle, comme le montre la vie de deux hommes. Le premier, Boniface, est connu comme « l’apôtre de la Germanie ». Né à la fin du VIIsiècle à Crediton, dans le Devon, il s’est consacré au service de Christ et de l’Église et a passé sa vie à évangéliser diverses parties du monde, dont la Frise, la Thuringe et la Bavière. Partout, il a lutté contre la culture païenne avec la puissance de l’Évangile. Il est mort en martyr pour Christ en 754.

Le deuxième se nomme Alopen (ou Aluoben). À l’aube du XVIIe siècle, au nord-ouest de la Chine, des missionnaires catholiques romains ont découvert la stèle de Si-ngan-fou. Sur celle-ci, étaient gravées des inscriptions relatant l’avènement du christianisme en Chine, quelque cent cinquante ans avant l’érection de la stèle elle-même, c’est-à-dire vers 780. On y lisait le récit de l’œuvre d’Alopen, missionnaire perse qui se rendit en Chine pour y annoncer l’Évangile. Au VIIIe siècle, les empereurs chinois persécutaient déjà les chrétiens et s’efforçaient d’éteindre la flamme de l’Évangile en Chine. À leur grand étonnement, les missionnaires qui ont découvert la stèle mille ans plus tard ont pris connaissance des sacrifices que les chrétiens chinois du VIIe et du VIIIsiècles avaient été prêts à faire pour Jésus-Christ.


Cet article est tiré du livre : ABC de l’histoire de l’Église de Sinclair Ferguson, Joel Beeke, et Michael Haykin