Comprendre la psychologie de l’athéisme

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Les athées du xixe siècle ont soutenu que la religion résulte de l’imagination créative d’êtres humains qui manquent simplement de courage moral pour faire face à la réalité froide et dure de l’absence absolue de sens de la vie humaine. Autrement dit, le besoin psychologique d’échapper à la triste réalité pousse les gens à s’imaginer qu’avec un peu de chance un Dieu donnera un sens à leur vie. Telle était leur réponse à la question : s’il n’existe pas de Dieu, pourquoi y a-t-il des théistes ? Pourtant, la question inverse pourrait être retournée aux sceptiques : si Dieu existe, pourquoi y a-t-il des gens qui nient son existence ?

Comment est-il possible que certains des penseurs les plus brillants de l’histoire aboutissent à des conclusions aussi divergentes sur l’existence de Dieu ? Même si je suis en désaccord total avec Jean-Paul Sartre quant à sa compréhension de la réalité, il était sans contredit l’un des penseurs les plus perspicaces, intéressants et lucides de l’époque moderne. John Stuart Mill était également un géant en matière de puissance intellectuelle, tout comme Emmanuel Kant, David Hume, Ludwig Feuerbach, Friedrich Nietzsche et bien d’autres.

Parallèlement, il existe de grands penseurs tels que Thomas d’Aquin, Augustin d’Hippone, Anselme de Cantorbéry et d’autres géants qui ont défendu les arguments théistes. Il est donc évident qu’il ne s’agit pas simplement d’une question de supériorité intellectuelle ; le facteur psychologique doit absolument être intégré dans ce débat. Nous devons convenir dès le départ que la question de l’existence de Dieu est chargée d’un bagage psychologique.

La réalité de l’existence de Dieu ne peut être déterminée en fonction de ce que les gens veulent comme vérité. Les détracteurs de Kant ont raison à cet égard : le simple fait que la vie n’a pas de sens sans Dieu ne constitue pas une raison suffisante pour plaider en faveur de son existence. L’insignifiance de la vie sans Dieu révèle l’état de notre subjectivité et de nos désirs, mais ne prouve pas l’existence de Dieu.

Cependant, il faut aussi reconnaître que tous ceux qui participent à une discussion sur l’existence de Dieu possèdent un bagage psychologique, même ceux qui argumentent contre son existence. Ceux qui nient l’existence de Dieu ont un intérêt particulier à le faire ; en effet, Dieu représente le plus grand obstacle à leur propre autonomie. Si nous voulons vivre en toute impunité, notre plus grand obstacle est un Dieu éternel, autoexistant, qui est juste et équitable. Pour les pécheurs impénitents, le pire qui puisse leur arriver est de tomber entre les mains du Dieu vivant. Par conséquent, il leur est indispensable de nier Dieu pour vivre dans l’impunité. Ils mettront tout en œuvre pour nier leur culpabilité, au point même de nier qu’ils doivent rendre compte de leur existence.

Une théorie psychologique en faveur de Dieu ne prouve pas son existence, tout comme une théorie psychologique contre Dieu ne la réfute pas non plus. Les arguments en faveur de l’existence de Dieu doivent être établis sur une base objective, et non sur la base de préférences subjectives. De plus, l’accusation selon laquelle les chrétiens croient en Dieu uniquement pour assouvir un désir psychologique n’est pas à sens unique ; l’athée possède autant le désir psychologique de nier l’existence de Dieu que le théiste a celui d’affirmer son existence.

La Bible aborde directement et clairement cette question. L’Écriture enseigne que l’homme déchu, dans son péché, ne pensera pas à Dieu de façon innée. Notre condition naturelle de mortel signifie que nous possédons un esprit réprouvé qui a été obscurci par les préjugés à un tel point que nous ne voulons pas laisser le moindre rayon de la révélation de Dieu illuminer nos pensées. Nous savons ce qui est en jeu et nous savons que nous sommes dans le pétrin si nous adhérons à cette connaissance.

L’apôtre Paul développe cette idée dans sa lettre à l’Église de Rome. Dans Romains 1, il soutient que les choses invisibles de Dieu peuvent être connues à travers l’univers créé. Cette affirmation contredit le scepticisme et l’agnosticisme d’Emmanuel Kant parce que selon Paul, non seulement nous pouvons voir Dieu à travers la nature, mais en fait, nous connaissons Dieu à travers la nature.

Paul rejette l’idée que les non-théistes choisissent cette voie soit parce qu’ils ont un problème intellectuel avec l’existence de Dieu, parce qu’ils manquent d’informations ou parce que la manifestation de Dieu a été obscurcie. Leur problème n’est pas d’ordre intellectuel, mais moral. Il ne réside pas dans le fait que les non-théistes ne peuvent pas connaître Dieu, mais dans le fait qu’ils ne veulent pas de lui. Telle est la conclusion de Paul, et c’est pourquoi il dit : « La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive » (Ro 1.18).

Cette phrase fait réagir beaucoup de gens, car la dernière chose en laquelle ils veulent croire est un Dieu de colère. Bon nombre de théistes qui attestent l’existence de Dieu nient cependant que le Dieu qu’ils proclament puisse éprouver de la colère. Pourtant, le terme employé par Paul est très fort et dénote une explosion de rage. Paul affirme que Dieu n’est pas seulement en colère, il est furieux.

Dans ce texte, Dieu n’est pas en colère contre les justes ou les innocents. Sa colère se révèle du ciel contre l’injustice et l’impiété. Cette construction grammaticale appelée hendiadys consiste à utiliser deux mots différents pour désigner la même chose. L’apôtre affirme qu’un péché en particulier fait exploser la colère de Dieu, et ce péché peut être décrit à la fois comme de l’injustice et de l’impiété. Paul parle ici d’une mauvaise répression de la vérité, c’est-à-dire l’étouffement de la vérité par l’injustice.

Dieu est en colère parce qu’il a donné à l’humanité une connaissance qui n’est ni vague ni obscure. Dieu s’est manifesté de façon visible à chaque être humain. Paul déclare de façon radicale que chaque personne sait que Dieu existe parce que Dieu s’est manifesté clairement par ses œuvres. Mais par nature, les humains étouffent cette connaissance et essaient de la faire disparaître.

Plus loin dans ce texte, l’apôtre Paul dit : « eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen ! » (Ro 1.25.) Paul fait de cette activité de l’esprit humain l’acte fondateur du mal commis par les êtres humains déchus : échanger la vérité contre un mensonge, ce qui constitue de l’idolâtrie.

L’apôtre a affirmé qu’il existe une psychologie de l’athéisme. Ce que nous craignons plus que la nature, plus que l’absence de sens, est le fait d’avoir des comptes à rendre à un Dieu qui est saint, parce qu’en présence de la sainteté, notre état de pécheur est immédiatement exposé. Le Dieu des Écritures est un Dieu omniscient qui sait tout de nous. Il est un Dieu omnipotent, c’est-à-dire tout-puissant. Il est un Dieu parfaitement saint.

Pire encore, c’est un Dieu immuable. Il est impossible qu’un jour il s’affaiblisse et perde sa toute-puissance, qu’il cesse de connaître toutes nos actions ou qu’il compromette sa justice ou sa sainteté parce qu’il est immuablement saint, immuablement omnipotent et immuablement omniscient.

Toutes ces choses sont révélées à travers la nature, et nous les connaissons par la nature. Ce fait est terrifiant, et notre tendance naturelle en tant que créatures déchues est de vouloir fuir, tout comme Adam et Ève ont fui le jardin pour aller cacher leur nudité et leur honte. C’est le plus grand obstacle auquel les êtres humains se heurtent quand ils veulent comprendre Dieu pleinement. La question de l’existence de Dieu n’est pas une question confinée à la sphère intellectuelle. La vraie raison pour laquelle quiconque nie l’existence de Dieu est simple : nous aussi sommes nus, et nous le savons.


Cet article est extrait du livre : « Dieu existe-t-il ? » de R.C. Sproul