À quel moment l’Église devrait-elle pratiquer la discipline d’Église ? (Jonathan Leeman)

En bref, l’Église devrait pratiquer la discipline ecclésiale lorsque l’un de ses membres pèche. Les membres de l’Église devraient apprendre l’art de faire face au péché en privé et avec tendresse. Cela ne veut pas dire qu’on doit prendre un marteau et frapper son frère chaque fois qu’il commet la moindre infraction. Bien souvent, il est préférable de ne rien dire. Toutefois, quand on dit quelque chose, il est indiqué de commencer par poser des questions, en veillant à établir les faits et en accordant à la personne le bénéfice du doute. Cela dit, les Églises devraient cultiver le genre de relations où la correction informelle est invitée et reçue comme un acte d’amour.

La discipline officielle de l’Église en tant qu’assemblée est réservée au péché dont l’importance est telle que l’Église n’est plus en mesure de valider la profession de foi du coupable. Bien que ce dernier continue à se dire chrétien et représentant de Christ, ses paroles et ses actes ne sont plus crédibles en raison de la nature de son péché.

Disons‑le ainsi : il y a quelque part une limite qui sépare les péchés et les habitudes pécheresses auxquels on s’attend des chrétiens, et les péchés et les habitudes pécheresses qui laissent croire que quelqu’un n’est pas chrétien. La discipline d’Église est justifiée quand une personne franchit cette limite. Il ne s’agit pas de laisser libre cours à son irritation personnelle, mais d’inviter l’Église à examiner et à reconnaître qu’une certaine pratique est compromettante. Les paroles du coupable et sa profession de foi ne sont plus crédibles. Il peut prétendre être « contrit », ou « bien aller » ou avoir l’impression « de ne pas désobéir à ce point », mais pour une raison quelconque, l’Église ne peut plus le croire. L’Église lui retire donc sa validation publique en lui interdisant de prendre part à la sainte cène. Cela revient à lui retirer son passeport et à déclarer qu’elle ne peut plus ratifier sa citoyenneté dans le royaume de Christ.

On pourrait dire, par exemple, qu’il y a une différence entre un mensonge occasionnel dont on se repent et un mensonge sur lequel on construit sa vie et auquel on refuse de renoncer.

Cela signifie-t-il que les Églises doivent connaître le coeur des gens ? Bien sûr que non. Dieu ne nous a pas donné une vision radiographique. Toutefois, Dieu appelle les Églises à considérer le fruit que portent ses adhérents et à en juger (Paul utilise précisément ce terme : 1 Co 5.12 ; voir Mt 3.8 ; 7.16-20 ; 12.33 ; 21.43).

Peut-on dire quelque chose de plus concret concernant cette limite ? Je pense pouvoir affirmer que la discipline officielle de l’Église est nécessaire en cas de péché manifeste et grave, dont la personne ne se repent pas. Tout d’abord, un péché doit se manifester. Les Églises ne doivent pas agiter le drapeau rouge chaque fois qu’elles soupçonnent l’avidité ou l’orgueil dans le coeur d’un de ses membres. Il faut le voir de ses yeux ou l’entendre de ses oreilles.

Deuxièmement, un péché doit être grave. On ne doit pas imposer la discipline pour tous les péchés. L’Église doit permettre à l’amour de couvrir « une multitude de péchés » (1 Pi 4.8). Heureusement que Dieu ne nous discipline pas chaque fois que nous péchons !

Enfin, la personne doit être impénitente. On a présenté les exhortations de l’Écriture à la personne impliquée, mais elle a refusé d’abandonner son péché. De toute évidence, la personne aime son péché plus que Dieu.

Il y a cependant certains cas où une personne peut présenter des excuses et prétendre s’être repentie, mais où l’Église peut légitimement décider de persévérer dans la discipline. Je crois que cela est acceptable lorsque, pour une raison ou pour une autre, l’Église ne peut tout simplement pas croire les paroles du fautif. Peut-être que le mensonge caractérise cette personne. Peut-être que le coupable a commis des péchés de façon si délibérée (p. ex. : des sévices à répétition ou un meurtre prémédité) ou que ses fautes étaient si odieuses (p. ex. : un viol) que l’Église refusera de croire les excuses qu’il balbutiera rapidement. Ce n’est pas que de tels péchés ne peuvent être pardonnés, c’est que l’Église a besoin de temps pour constater le fruit de la repentance avant de pouvoir pardonner au coupable de façon responsable (voir l’exemple dans Actes 8.17-24). En revanche, quand l’Église a acquis la conviction qu’une personne s’est vraiment repentie, elle ne devrait pas poursuivre la discipline à proprement parler (et je ne peux pas penser à une seule exception à ce principe).


Cet article est tiré du livre : Être membre d’une église locale de Jonathan Leeman