À Lady Kenmure : consolations dans la souffrance (Samuel Rutherford)

Anwoth, 26 juin 1630

Madame,

Que la grâce, la paix et la miséricorde vous soient abondamment multipliées. Votre lettre respire en parfum de communauté avec les souffrances du fils de Dieu. Vous ne pouvez et ne devez pas avoir une condition plus facile que celle de l’Auteur du salut.

Dieu, demanderez-vous, ne pourrait-il pas nous conduire au ciel par une route douce et aisée ? Sans aucun doute, mais dans sa sagesse infinie Il a décrété le contraire. Le motif en est sage, bien que nous ne le connaissions pas. Nos yeux n’ont jamais vu notre âme, cependant nous avons une âme. Nous apercevons beaucoup de rivières, mais leur source où est-elle ? Quelle fontaine les alimente ? Cependant il n’en est pas une qui n’ait la sienne.

Quand vous serez de l’autre côté du fleuve, Madame, quand vous aurez abordé au port éternel et que vous vous prendrez à considérer le fatigant voyage que vous venez d’accomplir, et la gloire sans borne qui se puise dans la sagesse divine, vous serez forcée de vous écrier : « Si Dieu en avait agi autrement, je n’aurais jamais porté cette couronne immortelle. » Votre œuvre actuelle est de croire, de souffrir, d’espérer et d’attendre. Je proteste en présence de l’œil qui sonde tout, qui voit ce que je pense et ce que j’écris, que je n’aurais pas besoin de faire la douce expérience des consolations de Dieu si je n’avais connu l’amertume des afflictions.

Qu’importe qu’Il apporte une verge ou une couronne, s’Il vient Lui-même ? Ô Jésus ! Ô toi qui es toujours le bienvenu, quand nous t’apercevons nous n’avons plus de souhaits à former. La maladie nous est douce si Christ, écartant le rideau du lit, vient nous dire Lui-même : « Courage, je te sauverai. » Vaudrait-il mieux jouir de la santé et de la force, mais être privé de la présence du Seigneur ? Chère Madame, combattez avec l’aide de Christ, remportez la victoire ; seule aujourd’hui, demain vous aurez peut-être l’appui du Père, du Fils et du Saint-Esprit. J’aime à croire qu’Il est vôtre. Il est vrai que vous êtes privée des secours d’un ministre fidèle. Israël captif était dans la même position, et voyez quelle promesse lui était faite : « Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : Quoique je les aie exilés parmi les pays, je leur ferai comme un petit sanctuaire dans le pays où ils sont allés » (Éz 11.16).

Un sanctuaire, est-il dit, et quel sanctuaire ? Dieu lui-même à la place du temple de Jérusalem ! J’espère que Dieu mettra ce temple en vous et que vous verrez la beauté de Jéhova dans sa maison…

Après une longue et douloureuse maladie qui a duré près de treize mois, ma femme a quitté cette vie. Le Seigneur l’a voulu, que son nom soit béni. Quant à moi, depuis trois mois je suis brisé par la fièvre, si souffrant et si affaibli que ce n’est qu’avec beaucoup de peine que je prêche une seule fois le dimanche : je ne puis ni visiter mon troupeau ni m’en occuper.

Que l’Esprit du Seigneur soit avec vous.

S. R.


Cet article est tiré du livre : Lettres aux chrétiens affligés de Samuel Rutherford