5 mythes sur les diacres (Matt Smethurst)

Mythe n° 1 : Les diacres sont des anciens en formation.

« J’ai appris que tu allais être nommé diacre – encore combien de temps avant que tu deviennes un ancien, à ton avis ? »

Pierre a l’habitude qu’on lui pose ce genre de questions à l’Église. Cela ne le gêne pas ; à vrai dire, il trouve cela plutôt flatteur.

Nous avons déjà vu qu’au IVe siècle et jusqu’au Moyen Âge, le diaconat s’était calcifié pour n’être plus qu’un simple échelon sur l’échelle de la fonction ecclésiastique, un arrêt de ravitaillement sur la route vers la prêtrise. Ce modèle du « prêtre en formation » reste répandu dans l’Église catholique romaine ainsi que dans la majeure partie de la Communion anglicane (malgré plusieurs différences clés). Certains évangéliques peu avertis ont également leur propre version de cette approche : les anciens en formation. S’il est évident que certains diacres doivent un jour ou l’autre devenir des anciens, il faut néanmoins qu’ils satisfassent aux exigences bibliques requises pour le devenir (1 Ti 3.1-7 ; Tit 1.5-9). Et comme nous le verrons au chapitre 3, les listes de qualifications pour les deux rôles sont similaires mais non identiques. La fonction de diacre n’est pas un entraînement pour celle d’ancien. Il s’agit d’un rôle différent aux objectifs différents – et qui, dans bien des cas, requiert des dons différents. Pour ne citer qu’un seul exemple, un homme pourrait très bien ne pas être capable d’enseigner – et donc ne pas être qualifié pour la position d’ancien (1 Ti 3.2 ; Tit 1.9) – tout en étant un diacre absolument remarquable.

Pierre le diacre peut-il aspirer à un ministère pastoral ? Bien sûr, mais ce ne devrait pas être la raison pour laquelle il est diacre aujourd’hui. Oui, tout berger est avant tout un serviteur ; cependant, tout serviteur n’est pas appelé à devenir un berger officiel. Le service diaconal est trop important – trop glorieux – pour ne constituer qu’un tremplin vers un autre rôle.

Mythe n° 2 : les diacres sont des magiciens administratifs, de calcul ou des bricoleurs.

« Tu es doué pour réparer tout un tas de choses. Tu devrais être diacre. »

Jean, le pasteur, est reconnaissant de la présence de Benjamin dans l’Église. Benjamin est entrepreneur dans le domaine de la construction ; il possède à lui seul sans doute plus d’outils que tous les autres membres de la petite assemblée réunis. Quand le chauffe-eau de l’Église est tombé en panne en plein hiver il y a trois ans, Jean a appelé Benjamin. Quand le système de ventilation et de climatisation a cessé de fonctionner en juin, alors que la température était déjà étouffante, c’est encore Benjamin qu’il a appelé.

Il n’y a rien que Benjamin ne puisse réparer, semble-t-il. Pour ce qui est de l’entretien du bâtiment et du terrain de l’église, son savoir-faire est inégalable.

Benjamin ne ferait-il pas un diacre idéal ? Pas si vite. Je n’ai jamais précisé s’il était un croyant mature. Un diacre ne doit pas seulement être capable de manier des outils. Il doit aussi être capable de se servir de sa bible.

Mythe n° 3 : les diacres sont des gestionnaires d’entreprise avisés.

« Les facultés de théologie enseignent peut-être les langues anciennes (et c’est une bonne chose !), mais pas les compétences pour diriger. Cette Église a vraiment besoin de diacres avec un bon sens des affaires, des gens capables de prendre des décisions. »

Denis est membre de son Église depuis trente ans. Il y sert en tant que diacre depuis presque vingt ans. À l’époque où il a rejoint l’Église, il venait de lancer sa propre entreprise – dans son garage. Aujourd’hui, celle-ci est basée dans un gratte-ciel en plein centre-ville. Ce n’est un secret pour personne : Denis s’est tracé une carrière brillante. Après plusieurs décennies, c’est un homme d’affaires avisé à la tête d’une multitude d’employés.

Denis ne ferait-il pas un diacre idéal ? Là encore, pas si vite. Je ne vous ai pas encore précisé s’il était un croyant mature. Une expérience dans le leadership et les affaires peut être un atout de taille, mais ce n’est pas un indicateur d’une quelconque aptitude spirituelle.

Mythe n°4 : Les diacres doivent garder le pasteur dans l’humilité.

« Quel est l’intérêt d’être diacre si c’est pour dire oui à tout ? Évidemment, je dois dire ses quatre vérités au pasteur David – sinon, qui le fera ? Mon but est simplement qu’il reste humble. On n’a pas besoin d’un pasteur imbu de sa personne. »


Le service diaconal est trop important, trop glorieux pour être un simple tremplin vers autre chose.


Victor aime bien être à contre-courant. Son but n’est pas de rendre la vie de son pasteur misérable, mais c’est pourtant ce qui arrive bien souvent. Son rôle, selon lui, est de s’assurer que le pasteur garde les pieds sur terre. Pour être honnête, Victor n’a pas envie que les choses changent dans son Église ; son pasteur, lui, aimerait bien innover – Victor le sent. La semaine dernière, David « rêvait » de lancer un stage pastoral. Puis – voilà, juste comme ça –, il a annoncé qu’ilprévoyait d’arrêter deux programmes d’Église qui existaient depuis toujours afin de financer ce projet.

Victor prend toujours soin de bien présenter ses doléances. « Il y a des gens qui disent que » fait partie de ses phrases préférées (le pasteur doit savoir qu’il ne s’agit pas uniquement des griefs de Victor).

Victor ne ferait-il pas un diacre idéal ? Je pense que nous sommes d’accord sur la réponse : non.

Mythe n° 5 : Les diacres doivent diriger les choses.

« Bienvenue dans notre Église ! Ici, les pasteurs parlent et les diacres gèrent. (Plus sérieusement, si vous avez une idée ou une proposition, ce sont les diacres qu’il vous faudra convaincre.) »

Quentin est membre du conseil de plusieurs organisations, mais aucune n’est plus gratifiante pour lui que son rôle de diacre au sein de son Église. Il aime l’assemblée et veut qu’elle soit en meilleure santé possible. Quentin laisse volontiers le pasteur s’occuper des affaires spirituelles de l’Église – un papier sur le mur de son bureau atteste de son diplôme en théologie, après tout – mais c’est aux diacres de superviser tout le reste, n’est-ce pas ?

Cette situation n’est pas rare. Je pense à un ami pasteur qui m’a décrit l’état d’esprit dont il a hérité en arrivant dans son Église : « En fait, anciens et diacres ont des sphères d’autorité séparées mais égales. Les anciens gouvernent la sphère “spirituelle”, et les diacres la sphère “physique”. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Les diacres ne peuvent pas dicter aux anciens la conduite à adopter dans le domaine spirituel, puisque c’est la responsabilité des anciens ; et les anciens ne peuvent rien imposer aux diacres pour tout ce qui relève du pragmatique, puisque c’est la responsabilité des diacres. »

Lorsque les diacres se mettent à fonctionner soit comme des bergers qui conduisent l’ensemble de l’assemblée, soit comme un conseil d’administration qui superviserait le personnel et les différents comités, la description biblique du rôle de diacre s’en trouve brouillée. De plus, toute structure qui encourage les diacres à faire contrepoids aux pasteurs ou anciens – comme une sorte de deuxième chambre législative chargée de contrôler et de réguler les décisions pastorales – outrepasse sa mission biblique[1]. Même si l’intention initiale était autre, c’est là trop souvent la conséquence.

La cavalerie des serviteurs

Que le rôle des diacres ait été abusivement amplifié ou au contraire minimisé dans votre Église, la solution n’est pas de passer d’un extrême à l’autre, mais de rétablir les diacres dans leur finalité et leur rôle bibliques. Ce dernier est irremplaçable. Les diacres ne sont ni le comité directeur spirituel de l’Église, ni le conseil d’administration auquel le pasteur-PDG doit rendre des comptes. Ils sont plutôt la cavalerie des serviteurs chargée de concrétiser la vision des anciens en coordonnant les différents ministères de l’Église. Les diacres sont un peu les Forces spéciales de l’assemblée : remplis de force morale et de joie, c’est dans l’ombre qu’ils effectuent leurs missions.

Notes :

[1] Ce modèle demeure une pratique courante, en particulier au sein de la Southern Baptist Convention, la plus grande dénomination protestante aux États-Unis – elle représente plus de quarante-sept mille Églises –, et ce malgré des décennies de critiques en interne. S’adressant à ces Églises baptistes au milieu du XXe siècle, Robert Naylor lance cet avertissement : « Il existe un complexe du “comité” et un sentiment général que les diacres sont les “directeurs” de l’Église. Rien n’est moins éloigné du génie baptiste ou du plan néotestamentaire » (Robert E. Naylor, The Baptist Deacon: From a Pastor with a Special Heart for Deacons [Le diacre baptiste : lettre d’un pasteur ayant les diacres particulièrement à cœur], trad. libre, Nashville, B&H, 1955, p. 3). Howard Foshee, dans son ouvrage influent publié en 1975 et intitulé Now That You’re a Deacon, renchérit : « En tant que nouveau diacre, il vous faut comprendre que vous n’avez pas été élu au “conseil officiel” afin d’exercer une autorité dans la vie de l’Église. Le rôle de diacre n’est pas une position d’autorité mais de service » (Howard B. Foshee, Now That You’re a Deacon [Maintenant que vous êtes diacre], trad. libre, Nashville, B&H, 1975, p. 13). De même, Henry Webb décrit quelle sera la situation dans les Églises matures dans son livre Deacons: Servant Models in the Church – sans doute le plus influent des ouvrages des baptistes du Sud sur le sujet des diacres au cours des quarante dernières années : « Les diacres rejetteront le rôle de comité de direction qui, finalement, semble responsable de tout, y compris de dire au pasteur comment faire son travail » (Henry Webb, Deacons: Servant Models in the Church [Les diacres : des modèles du serviteur dans l’Église], trad. libre, éd. rév., Nashville, 1980, B&H, réimpr., 2001, p. 61).


Cet article est adapté du livre : « Les diacres » de Matt Smethurst