Une théologie biblique de la maternité (James M. Hamilton, Jr.)

 

En regardant par la fenêtre, Bellatrix méprisait ce qu’elle voyait : ces abrutis tout enjoués avec leurs enfants et Prudentia, au milieu du lot, au sourire idiot, son mari amoureux pendu à son bras et le troupeau d’enfants qui envahit la maison avec leurs propres enfants. D’un air satisfait, Bellatrix tourna le regard de la fenêtre au miroir. Elle avait été la célibataire la plus courue du village. Approchant les 70 ans, elle se considérait comme une femme préservée. Elle avait évité les douleurs de l’enfantement et gardait une haute estime de son visage. Son domicile, épargné du désordre des enfants, restait calme et bien entretenu. Maintenant veuve, elle pouvait passer ce jour de congé en paix, à l’abri du trouble des tâches et du bruit. Elle n’avait pas à jouer l’esclave ni à faire le ménage pour personne et personne ne pouvait déranger son calme : elle était seule.

 

IL N’EST PAS BON QUE L’HOMME SOIT SEUL

Qu’est-ce qu’une théologie biblique de la maternité? Une théologie biblique cherche à expliquer l’histoire et le réseau d’hypothèses, de sous-entendus et de croyances partagés par les auteurs de la Bible lorsqu’ils écrivaient. Le seul accès aux pensées de ces auteurs que l’on possède se trouve dans leurs écrits. S’adonner à la théologie biblique, c’est tenter de saisir la vision du monde représentée dans les suppositions des auteurs, de laquelle jaillissent leurs affirmations et dans laquelle ces affirmations trouvent leur sens1. Lorsqu’on essaie d’établir une théologie biblique de la maternité, on veut définir comment la maternité s’incruste dans les grandes lignes de l’histoire biblique , comment elle interagit avec d’autres aspects de son récit et comment cela fait la lumière sur les passages qui traitent directement du sujet dans les chants des psalmistes, dans les proverbes des sages et dans les instructions des apôtres. L’histoire et les affirmations se complètent en s’exposant, en se renchérissant et en s’expliquant réciproquement. La présente étude traitera de la maternité dans l’histoire biblique avant de se pencher sur les déclarations de la Bible sur la maternité.

 

LA MATERNITÉ DANS LE RÉCIT BIBLIQUE

Le récit biblique commence en disant que la postérité de la femme écraserait la tête du serpent (Ge. 3 : 15) et termine avec la description d’un dragon qui essaie de dévorer une femme et son fils (Ap. 12 : 1-17). Cet enfant, la postérité de la femme, est le personnage principal de la Bible2, et sa vie dépend du fait que sa mère lui donne naissance. Ce fait seul démontre le caractère primordial de la maternité dans l’histoire principale de la Bible, mais ce n’est pas seulement dans cette partie de l’histoire qu’elle l’est.

Le premier homme et la première femme ont reçu la commission d’être féconds et de se multiplier (Ge. 1 : 28). Être parent est donc une responsabilité fondamentale pour l’humanité. C’est la première chose que Dieu a dite à Adam et Ève après les avoir bénis. Ils devaient être féconds et se multiplier pour accomplir le prochain commandement de Dieu : « remplissez la terre et l’assujettissez; et dominez » (1 : 28). À deux, ils n’auraient pas pu remplir la terre, l’assujettir et dominer sur elle. La maternité est essentielle à ce mandat que Dieu a donné à l’humanité.

Dieu a mis l’homme dans le jardin pour qu’il y travaille et le garde (2 : 15). Il y a aussi mis la femme pour aider l’homme (2 : 18, 20). Les deux portent l’image de Dieu et sa ressemblance (Ge. 1 : 27) et ils ne peuvent accomplir leur tâche séparément. Autrement dit, sans la maternité, ils ne peuvent remplir le commandement de Dieu.

La femme n’était pas présente lorsque l’interdiction de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal a été donnée (Ge. 2 : 17), mais la mort rattachée à sa transgression empêcherait Adam et Ève de se multiplier, de remplir et d’assujettir la terre, ainsi que de dominer sur elle. La mort empêcherait aussi l’homme de garder le jardin et d’y travailler, tout comme la femme de l’aider. L’humanité doit obéir au commandement de Dieu si elle veut accomplir sa volonté, si elle veut remplir et assujettir la terre. La désobéissance la rendra inapte à le faire : l’humain ne peut remplir la commission de Dieu s’il ne peut obéir au seul commandement de Dieu de ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Il n’a pas obéi. Sans la grâce de Dieu, la maternité aurait donc terminé avant même d’avoir commencé.

Quand le serpent a tenté la femme, il a mis en doute l’idée qu’une telle transgression mènerait à la mort (Ge. 3 : 4; cf. 2 : 17). Dieu avait déterminé les limites et ce qui se passerait si ces limites étaient dépassées. En niant la conséquence de la désobéissance, le serpent cherchait à écrire sa propre histoire dans celle que Dieu était en train d’établir. Pour des raisons évidentes, le projet du serpent tombera à l’eau. C’est Dieu qui a façonné l’histoire par ses propres mots et ce ne sont pas les simples paroles du serpent qui peuvent l’emporter sur eux.

Après la transgression de l’homme et de la femme, Dieu les a convoqués auprès de lui. Il a rendu les tâches qu’il leur a accordées difficiles (Ge. 3 : 16-19) et il a maudit le serpent (Ge. 3 : 14-15). Le rôle de la femme dans la fécondité a été maudit à cause de l’augmentation des douleurs de l’enfantement et celui d’aider son mari a été compliqué par un nouveau désir de dominer sur lui (Ge. 3 : 16)3. La malédiction envers la femme concerne précisément la maternité : elle y touche autant au niveau physique que relationnel. Physiquement, elle subira de la douleur durant l’enfantement et dans ses relations, elle ne voudra plus se soumettre, mais elle voudra dominer. Une partie de l’histoire de la rédemption est la maternité, où la compassion et la bénédiction de Dieu passeront par-dessus sa malédiction contre le péché afin de donner la vie au lieu de la mort.

Dieu a lancé la promesse de la vie au visage de la mort alors même qu’il prononçait la malédiction contre le serpent. Seul le serpent a entendu les mots : « tu seras maudit » (Ge. 3 :14). Il a aussi entendu que Dieu mettrait inimitié entre lui et la femme, entre sa postérité et la sienne. Lui, le serpent, blessera le talon de la postérité de la femme, mais celle-ci lui écrasera la tête (3 : 15).

Dieu poursuivit en s’adressant à la femme, puis à l’homme (Ge. 3 : 16-19), mais il avait lancé deux paroles de vie à l’encontre de la mort : Dieu a dit en Genèse 2 : 17 : « le jour où tu en mangeras, tu mourras. » L’homme et la femme ont mangé de l’arbre et ils entendent dans la parole adressée au serpent qu’ils ne mourront pas physiquement le jour même. Ils apprennent plutôt dans cette malédiction qu’ils auront une postérité. En plus de continuer à vivre, ils auront des enfants. Ils se multiplieront et leur postérité de la femme4 frappera la tête du serpent, où l’on porte les coups mortels, en se blessant au talon, ce qui ne mène généralement pas à la mort.

Après avoir raconté la justice de Dieu contre les contrevenants et la promesse de sa compassion (que l’homme et la femme ne mourront pas, mais qu’ils auront une postérité qui fera plus de dommage au serpent que ce qu’ils subiront), Moïse raconte immédiatement la réponse de l’homme, une réponse qui montre toute la signification de la maternité : « Adam donna à sa femme le nom d’Ève, car elle a été la mère de tous les vivants » (Ge. 3 : 20). Face au jugement que Dieu a prononcé au serpent, Adam a répondu par la foi5. Il croyait que Dieu avait parlé avec justice et que dans cette parole, il a avait entendu une promesse pour lui, pour celle qui allait s’appeler Ève et pour leur postérité.

Si la femme ne devient pas une mère, personne n’écrasera la tête du serpent. La justice de Dieu envers la femme, la douleur de l’enfantement (Ge. 3 : 16), rend son triomphe difficile, mais pas impossible. La maternité rend possible le salut du monde. En effet, ce salut ne pourra se réaliser sans elle.

La maternité, cette partie des malédictions rapportées dans Genèse 3 : 14-19 est une grâce. Elle n’est garantie à personne, personne ne la mérite et personne n’a pu l’acquérir. Personne ne peut l’exiger ou la réclamer justement. La mort était méritée et Dieu a exercé sa justice, mais il a aussi accordé la grâce de la maternité6. C’est un privilège sacré donné selon le bon plaisir de Dieu.

La réaction d’Ève à la naissance de Caïn et à celle de Seth démontre sa compréhension de toute la signification de la maternité, de la postérité qui lui a été donnée. À la naissance de Caïn, elle a dit : « J’ai formé un homme avec l’aide de l’Éternel. » (Ge. 4 : 1). En tuant Abel, Caïn se montre comme la postérité du serpent, et non celle de la femme (4 : 8). En conséquence, il reçoit la même parole : « tu seras maudit » (4 : 11), que son père le diable avait entendu (Ge. 3 : 14; cf. Jn. 8 : 44 ; 1 Jn. 3 : 9-12). Les paroles d’Ève à la naissance de Seth montrent qu’elle comprend bien cela : « elle l’appela du nom de Seth », car « Dieu m’a donné un autre fils à la place d’Abel, que Caïn a tué » (4 : 25). Ève semble attendre la postérité de la femme qui vaincra le serpent.

La promesse d’une postérité cause le souci de préserver une lignée : les généalogies font foi de l’attente de la postérité promise à la femme, et Genèse 5 rapporte la descendance d’Adam jusqu’à Noé à travers dix générations (Ge. 5 : 1-32). C’est la maternité qui rend possible la descendance.

Au milieu de la généalogie de Genèse 5, les paroles de Lémec à la naissance de Noé indiquent que ces gens attendent la postérité de la femme qui se chargera de frapper le crâne du serpent : «Celui-ci nous consolera de nos fatigues et du travail pénible de nos mains, provenant de cette terre que l’Éternel a maudite » (Ge. 5 :29; cf. 3 : 17-19). Les propos d’Ève à la naissance de Caïn et à celle de Seth témoignent de l’espoir de la descendance qui brisera le crâne du serpent. Ceux de Lémec montrent que ceux qui croient à cette promesse pensent aussi que sa réalisation lèvera aussi la malédiction de la terre et rétablira le chemin vers Éden, la présence de Dieu, la vie bénie7.

Dans Genèse 11, une autre généalogie rendue possible par la maternité rapporte les dix générations à partir de Sem, fils de Noé, jusqu’à Abram (Ge. 11 : 10-26). Peu après cette généalogie, par contre, on apprend qu’Abram a une femme stérile (11 : 30). Comme la parole de Dieu a prévalu sur la mort dans son jugement contre le serpent en Genèse 3 : 15, sa parole a triomphé sur la stérilité de Saraï quand il a prononcé la bénédiction d’Abram en Genèse 12 : 1-3.

Le livre de la Genèse décrit comment sa bénédiction se transmet à son fils Isaac (Ge. 26 :3-4), puis d’Issac à Jacob (28 : 3-4). Pour que cela arrive, il a toutefois fallu qu’il accorde la grâce de la maternité aux femmes stériles Sara et Rebecca (Ge. 21 : 1; 25 : 21). Leur stérilité n’était pas le seul obstacle. Abraham et Isaac ont tous deux essayé de livrer leur femme par une manigance égoïste (12 : 10-20; 20 : 1-18; 26 : 6-11). S’ils avaient réussi, la source de bénédiction se serait tarie. La promesse de Dieu : la bénédiction, la vie et la postérité, contrecarre l’inaptitude physique des femmes et l’errance morale des hommes. Dieu a béni Abraham, et Sara, Isaac et Rebecca de la grâce de la maternité malgré leur incapacité et leur péché.

Des naissances remarquables qui nécessitaient une intervention divine inondent le paysage de l’Ancien Testament : Rachel a eu peine à devenir mère (Ge. 30 :1-2), et c’est seulement lorsque Dieu a entendu sa prière qu’il l’a rendue féconde et que Joseph a pu naître (Ge. 30 : 22-24)8. Les circonstances de la naissance de Pérets et Zérach sont tout simplement inouïes (Ge. 38). La mère de Samson était stérile, jusqu’à ce que l’ange de l’Éternel lui apparaisse et lui dise qu’elle donnerait naissance à un enfant naziréen dès le ventre de sa mère (Jg. 13 : 2-5). Le texte de Ruth ne mentionne pas clairement qu’elle était stérile, mais elle avait était mariée dix ans avec Machlon sans avoir d’enfant (Ru. 1 : 4; 4 : 10). Quand elle a marié Boaz, L’Éternel lui fit le don de la conception et elle donna naissance au grand-père de David (4 : 13, 17). Yahvé avait rendu Anne stérile (1 S. 1 : 5-6), mais il a entendu sa prière, il s’est souvenu d’elle et elle a pu enfanter Samuel (1 : 11, 19-20). Ce type de naissances hors du commun qui n’auraient pas eu lieu sans l’aide du Seigneur trouve son apogée quand le Messie Jésus naît de la vierge Marie (Mt. 1 : 18-23; Lu. 34-38). Le père du Messie n’était pas un homme (et je ne parle pas ici d’Ulysse !). Ce n’est pas un homme qui a assuré la que la descendance ne serait pas brisée d’Adam à Noé, de Sem à Abram, d’Abram à Pérets, de Pérets à David à travers Obed et de David au fils de David, Jésus de Nazareth. Dieu a supervisé la postérité de la femme et les mères ont donné naissance à des fils pour garder l’espoir en vie et rendre possible l’accomplissement de la promesse.

Sans la maternité, l’histoire de la Bible ne va nulle part, puisque son héros, la postérité de la femme, n’aurait pu naître pour triompher de l’ennemi, le grand dragon, le serpent ancien, qui est le démon, Satan (Ap. 12 : 9; cf. 12 : 1-5)9.

Nous avons vu que la maternité est une grâce et, du fait que le Messie est né d’une femme (Ga. 4 : 4), nous voyons qu’il s’agit d’un honneur. Seule Marie a enfanté le Messie lui-même, mais toute femme qui porte un enfant expérimente ce qu’elle a vécu. Toute femme qui donne naissance apporte la vie dans le monde en passant près de la mort. Chacune d’elles prend part aux douleurs de l’enfantement et les tribulations eschatologiques qui feront place aux nouveaux cieux et à la nouvelle terre sont liées à ces douleurs qu’ont subies les prophètes (par ex : És. 26 : 17-19), Jésus (Jn. 16 : 21-22) et Paul (Ro. 8 : 18-25). Tout comme la souffrance d’une femme apporte une nouvelle vie dans le monde, les meurtrissures messianiques donneront naissance à une nouvelle création.

Nous pouvons aussi observer que la maternité est l’une des choses faibles que Dieu a choisies pour confondre les fortes (1 Co. 1 :27). Dieu a mis en place l’adoration de la bouche des bébés et des enfants afin de réduire au silence ses ennemis (Ps. 8 : 2). Une mère n’a peut-être pas l’air d’une puissance militaire, mais ce sont les faibles bébés sans défense qu’elle engendre que Dieu utilise pour démontrer sa puissance et réduire ses adversaires au silence, non pas quand ils deviennent de grands guerriers, mais quand ils expriment leurs pleurs, quand leur vie même témoigne que Dieu donne la victoire à la vie sur la mort, le triomphe à la bénédiction sur la malédiction et le petit enfant annonce la ruine du dragon ancien.

Dieu répond à la rébellion et à la désobéissance de Satan avec l’obéissance volontaire d’une femme qui fait ce pour quoi Dieu l’a créée : aider son mari à se multiplier, à remplir la terre et à l’assujettir. C’est ce qu’elle fait lorsqu’elle devient mère. Par la maternité, Dieu répond aux prétentions de Satan avec les pleurs d’un bébé. Il répond à son orgueil avec l’humilité de l’enfant.

La signification de la maternité dans le récit biblique devrait changer notre interprétation d’un passage comme 1 Timothée 2 : 1511. Ève a eu des enfants, les matriarches d’Israël en ont eu et la vierge Marie a donné naissance au Messie. Ce que Paul dit à propos des femmes et sur l’enfantement dans 1 Timothée 2 : 15, sur les jeunes veuves dans 5 : 14 et sur les femmes jeunes et âgées dans Tite 2 :3-5 signifie que la venue de la postérité de la femme, Jésus le Messie n’abdique pas la responsabilité de la femme d’avoir des enfants. Au contraire, comme Loïs, la grand-mère de Timothée et sa mère Eunice (2 Timothée 1 : 5), les mères doivent transmettre la foi à leurs enfants (cf. 3 : 14-15).

Le récit biblique ne met pas l’accent sur la maternité, mais c’est plutôt la maternité qui rend possible sa réalisation : ce fils qui a échappé au dragon alors que sa mère lui donnait naissance dans Apocalypse 12 revient pour réclamer son épouse sans Apocalypse 19. Il se trouve une sorte de prévision des noces de l’agneau dans la scène de mariage dans le Cantique des Cantiques, où l’on peut lire :

Sortez, filles de Sion, regardez Le roi Salomon, Avec la couronne dont sa mère l’a couronné Le jour de ses fiançailles, Le jour de la joie de son cœur. (Ca. 3 : 11).

 

LES DÉCLARATIONS DE LA BIBLE SUR LA MATERNITÉ

Les passages de la Bible qui traitent de la maternité cadrent dans les grandes lignes du récit raconté par les auteurs de la Bible. Cette histoire commence avec un homme et une femme nus et sans honte dans un jardin, qui finissent bannis de la présence de Dieu, d’une intimité sans inhibition entre eux et d’une terre fertile. Dépourvus de leur innocence et de leur nudité12, Adam et Ève ont été chassés du jardin pour se trouver dans les épines et les ronces, hors de la bénédiction de Dieu pour rejoindre les douleurs de l’enfantement. Par contre, comme mentionné plus tôt, ils s’en sont sortis avec une promesse de vie.

La Bible utilise le lot de métaphores présentes dans les Psaumes pour illustrer ce qu’est une belle vie. Le Psaume 128, par exemple, décrit la façon dont ceux qui craignent l’Éternel et marchent dans ses voies vivront la bénédiction de Dieu qui leur permettra de prospérer en dépit de la malédiction.

Ce cantique des degrés débute avec une bénédiction pour tous ceux qui craignent l’Éternel, pour tous ceux qui marchent dans ses voies (Ps. 128 : 1). C’est comme si le psalmiste songeait à la façon dont cette attitude apportait à l’homme une bénédiction malgré la malédiction sur le sol et sur le travail de Genèse 3 : 17-19. De plus, lorsqu’il déclare que ceux qui craignent l’Éternel mangeront le fruit de leur labeur, qu’ils seront bénis et que les choses iront bien pour eux, le psalmiste utilise des termes qui rappellent les bénédictions de l’alliance mosaïque (cf. De. 28 : 1-14).

Puis, il semble décrire la façon dont ceux qui connaissent Dieu connaîtront des mariages heureux malgré les difficultés relationnelles et physiques énoncées dans Genèse 3 : 16. L’homme béni qui tirera sa joie de la Torah de l’Éternel sera lui-même comme l’arbre du Psaume premier, sa femme sera une vigne féconde et ses enfants, des plants d’olivier autour de sa table, comme dans Psaume 128 : 3. Cette comparaison d’enfants à des plants d’olivier s’inspire peut-être de la promesse que la vie triomphera de la mort de Genèse 3 : 15, qui n’est pas nécessairement un référence à un seul descendant de la femme, mais de sa postérité en général (cf. Ge. 22 : 17-18)13.

Cette expérience de vie, de prospérité et de bénédictions divines qui transcendent les malédictions de Dieu est promise à ceux qui craignent l’Éternel dans Psaume 128 : 4, puis une prière est adressée pour elle dans les versets 5 et 6. Ce bref Psaume sert de portrait d’une belle vie : un travail sain dans un monde qui fonctionne comme il devrait, qui porte le fruit en saison, fruit dont bénéficient ceux qui ont travaillé et gardé la terre. Tout cela accompagné d’un mariage harmonieux avec une femme épanouie, qui porte le fruit de l’alliance du mariage : des enfants, qui sont eux-mêmes des promesses de prospérité future.

Ce sont les bénédictions que connaissent ceux qui craignent assez l’Éternel pour éviter de transgresser ses commandements, même dans le pays maudit à l’est de l’Éden. La maternité est une bénédiction dont peuvent jouir ceux qui connaissent et craignent Dieu, ceux qui vivent sa bonté. La terre qui produit son fruit est en quelque sorte un retour vers la raison pour laquelle elle a été créée et il en va de même pour une femme qui, de pair avec son mari, est féconde et se multiplie.

Le récit et les propos bibliques renforcent aussi les déclarations des Proverbes sur la maternité. Lire les Proverbes de Salomon comme des éléments séparés, c’est omettre la façon dont ils construisent tout au long du livre un ensemble indivisible pour présenter deux voies : celles de la vie et celle de la mort. Ce livre doit être lu comme un tout, dans sa forme finale et canonique­­14. Cette façon de faire permet de comprendre chaque déclaration à la lumière des autres. Elle permet de saisir comment chaque proverbe ainsi que chaque métaphore se complémente, et s’interprète à la lumière des autres pour dresser un grand portrait de la façon d’éviter la misère et de jouir d’une belle vie.

On pourrait pratiquement dire que les Proverbes montrent le chemin de la vie, qui ramène au jardin d’Éden et ce livre enseigne qu’il n’y a pas de raccourci vers ce chemin, qui mène vers le pays où l’on jouit de la bénédiction de Dieu. Il y a une façon de goûter à tous les plaisirs que les gens cherchent lorsqu’ils commettent de mauvaises œuvres, mais ces derniers ne bénéficieront pas des plaisirs qu’ils cherchent par la transgression.

Les parents doivent obéir à Deutéronome 6, c’est-à-dire enseigner leurs enfants (Pr. 1 : 8)15. Une bonne mère est un peu comme madame Sagesse, dont on peut entendre l’invitation dans les rues (1 : 20; 8 : 1) : elle est la femme sage qui bâtit sa maison (14 : 1). Madame folie, au contraire, est une séductrice (7 : 10; 9 : 13), qui renverse sa maison de ses propres mains (14 : 1).

Les enfants sages font la joie de leur père  et les insensés font le chagrin de leur mère (Pr. 10 : 1 ; 17 : 25). Les insensés méprisent leur mère (15 : 20) et ceux qui chassent leur mère s’attirent la honte ainsi que le reproche (19 : 26) : ils sont destructeurs, (28 : 24) et les ténèbres les attendent (20 :20). Le chemin de la méchanceté est ouvert aux enfants indisciplinés, qui courent le danger de n’avoir aucune raison d’honorer son père et sa mère (30 : 11). Les corbeaux perceront leurs yeux (30 : 17), alors qu’ils périront sous la malédiction de Dieu.

Les parents qui veulent délivrer les enfants de la folie doivent les aimer suffisamment pour les discipliner par la verge (13 : 24 ; 19 : 18; 22 : 15; 23 : 13-14). Les enfants indisciplinés apporteront la honte à leur mère (29 : 15). Les enfants disciplinés feront la joie de leurs parents (29 : 17; cf. 22 : 23-25). Les bons rois ont de bonnes mères (31 : 1).

Celui qui reçoit le don d’une femme intelligente reçoit une faveur de l’Éternel (Pr. 18 : 22; 19 : 14), mais une femme querelleuse est une gouttière sans fin pour son mari (19 : 13). Il vaut mieux habiter à l’angle d’un toit ou dans le désert qu’avec elle (21 : 9, 19; 25 : 24). Il est plus facile de retenir le vent que sa langue (27 : 15-16).

Une femme vertueuse n’a pas de prix (Pr. 31 : 10). Son mari ne s’inquiète pas pour elle et sa bonté l’aide à prospérer (31 : 11). Elle lui apporte du bien et non du mal (31 : 12). Elle est travaillante (31 : 13), entreprenante (31 : 14), vaillante (31 : 15), sage (31 : 16), habile (31 : 17), douée (31 : 18-19), généreuse (31 : 20) et c’est pour toutes ces raisons qu’elle peut être confiante (31 : 21). Elle prend soin de son lit et s’habille convenablement (31 : 22). Son mari n’a pas à avoir honte d’elle (31 : 23). Elle est une bénédiction pour les autres aussi (31 : 24). Elle reste digne, forte et joyeuse même quand l’adversité menace (31 : 25). Elle enseigne avec sagesse (31 : 26) et ne gaspille pas son temps (31 : 27). Excellente et digne d’éloges, elle est bénie d’enfants, louée par son mari, elle craint l’Éternel et reçoit sa récompense (31 : 10, 28-31).

Les enseignements de l’Ancien Testament appuient les principes qu’apportent les auteurs du Nouveau Testament sur les épouses et les mères. Pierre encourage les femmes croyantes qui ont un mari incroyant de ne pas l’irriter constamment (1 Pi. 3 : 1), mais de faire preuve d’un bon caractère (3 : 2-4) en suivant l’exemple des femmes pieuses de l’Ancien Testament, particulièrement Sara (3 : 5-6).

L’enseignement de Paul sur le mariage dans 1 Corinthiens 7 comprend les enfants : les époux qui ne se privent pas l’un de l’autre (7 :1-5) deviendront des parents. L’homme et la femme sont égaux devant Dieu, unis en Christ par la foi en lui (Ga. 3 : 28), mais cela n’annule pas les rôles pour lesquels il les a créés (Ép. 5 :21-33, Col. 3 : 18-19)16. Après ses instructions sur le mariage, Paul poursuit naturellement avec des instructions sur les enfants. Les mères doivent en effet se joindre aux pères pour élever leurs enfants dans la crainte et la réprimande du Seigneur, afin qu’ils honorent leurs parents et qu’ils vivent la belle vie décrite dans les Psaumes et les Proverbes (Ép. 6 : 1-4; Col. 3 : 20-21).

Partout, les auteurs de la Bible présument que le mariage, une union complète interpersonnelle entre un homme et une femme, qui doit être exclusive, monogame, permanente et qui doit produire des enfants, est le contexte approprié de la maternité17. Ils reconnaissent aussi que ce n’est pas tout le monde qui se marie et que ce n’est pas tout le monde qui est capable d’avoir des enfants. La Bible fait l’éloge de ceux qui s’occupent des veuves et des orphelins, et comme Dieu notre Père nous a adoptés (par ex. : Ro. 8 : 15), l’adoption est toujours une occasion pour les enfants qu’il chérit de l’imiter (Ép. 5 : 1)18. Les descriptions bibliques des veuves (par ex. : 1 Ti. 5 : 3-16) et des femmes âgées (Tit. 2 : 3-6)  et les instructions pour elles sont aussi pertinentes dans cette discussion, comme les autres instructions pour tous ceux qui font partie de la famille de Dieu. Les femmes célibataires peuvent ne pas être mères de leur propre famille, mais elles n’ont pas à être seules. La famille de Dieu leur donne une variété de relations dans lesquelles elles peuvent jouer leur rôle matriarcal et l’importance de l’évangile leur donne une raison remarquable de vivre (1 Co. 7 : 8, 26).

 

CONCLUSION

De l’autre côté de la rue où habitait Bellatrix, les petits cyclones étaient couchés, les adultes s’étaient écrasés dans leurs chaises. Un silence tranquille tombait dans la noirceur, qui grandissait en cette fin de journée19. Ils étaient assis autour du feu, un petit sourire aux lèvres démontrant en silence leur épuisement.

« Tu sais, chérie, nous aurions pu éviter tout cela. »

Prudentia sourit à l’humour taquin derrière les paroles de son mari. Aucun des deux ne s’était privé de la moindre parcelle d’amour.

« Quand nous avons appris que nous étions infertiles, poursuivit-il, je me suis demandé si nous aurions pu un jour avoir quoi que ce soit de tout cela ».

« Si vous aviez renoncé à tout cela, dit leur fils aîné, le premier qu’ils avaient adopté, moi non plus je n’aurais eu part à rien du tout. »

« Ni moi. »

« Ni moi. »

« Et je suis content que vous n’ayez pas arrêté à trois», ajouté le plus jeune, leur lançant un large sourire. Prudentia regarda son mari et cita la première ligne de Proverbes 17 : 6 : « Les enfants des enfants sont la couronne des vieillards. »

Durant cette pause, leur fille regarda sa mère et son père et ajouta le reste du passage : « Et les pères sont la gloire de leurs enfants. »

Le mari de Prudentia, réchauffé par les mots plus que par le feu, regarda sa femme dans les yeux et cita des parties de Proverbes 11 : 16 et 12 : 4 : « Une femme qui a de la grâce obtient la gloire… Une femme vertueuse est la couronne de son mari. »

Comme s’ils n’attendaient que cela, ses enfants, non de son ventre, mais de son cœur, joignirent leur père dans la louange de leur mère : « Ses fils se lèvent, et la disent heureuse » (Pr. 31 : 28).

 


NOTES

1 Pour en savoir plus : James M. Hamilton, God’s Glory in Salvation Through Judgement : A Biblical Theology (Wheaton : Crossway, 2010).

2 Pour l’importance de Genèse 3 : 15, voir : James M. Hamilton, « The Skull Crushing Seed of the Woman: Inner-Biblical Interpretation of Genesis 3:15 », The Southern Baptist Journal of Theology 10, n02 (2006) : 30-54; et pour le lien entre Genèse 3 : 14 et 12 : 1-3, voir : James M. Hamilton, « The Seed of the Woman and the Blessing of Abraham », Tyndale Bulletin 58 (2007) : p.253–73.

3 Cette interprétation du passage : « tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi » (Ge. 3 : 16) est fondée sur l’usage des mêmes mots dans Genèse 4 : 7.

4 Pour la légitimité de ne voir qu’une seule postérité en Genèse 3 : 15, voir : Jack Collins, «A Syntactical Note (Genesis 3:15): Is the Woman’s Seed Singular or Plural? », Tyndale Bulletin 48 (1997) : p.139–48.

5 Stephen G. Dempster, Dominion and Dynasty: A Biblical Theolog y of the Hebrew Bible, New Studies in Biblical theology (Downers Grove : InterVarsity, 2003), p.68.

6 Pour en savoir plus : Hamilton, God’s Glory in Salvation Through Judgement, p.75-89.

7 Dans le même ordre d’idée : T. Desmond Alexander, From Eden to the New Jerusalem: Exploring God’s Plan for Life on Earth (Nottingham England: InterVarsity, 2008), p.27.

9 Voir mon commentaire sur Apocalypse 12 : James M. Hamlton, Revelation: The Spirit Speaks to the Churches, Preaching the Word ( Wheaton : Crossway, 2012), p.245–56.

10 Pour les promesses messianiques dans l’Ancien et le Nouveau Testament, voir : Hamilton, Hamilton, God’s Glory in Salvation Through Judgement, p.492-94.

11 À propos de ce passage, voir plus précisément : Thomas R . Schreiner, « An Interpretation of 1 Timothy 2:9–15: A Dialogue with Scholarship », dans Women in the Church: An Analysis and Application of 1 Timothy 2:9–15, éd. Andreas J. Köstenberger and Thomas R . Schreiner, 2e éd. (Grand Rapids: Baker, 2005), p.85–120.

12 Pour une réflexion approfondie sur la nudité et le vêtement, voir : John Piper, This Momentary Marriage: A Parable of Permanence (Wheaton: Crossway, 2009), p.36–38.

13 Voir : T. Desmond Alexander, « Further Observations on the Term “Seed” in Genesis, » Tyndale Bulletin 48 (1997): p.363–67.

14 Pour en savoir plus sur la lecture des Proverbes dans le contexte du canon, voir : Hamilton, Hamilton, God’s Glory in Salvation Through Judgement, p.290-301.

15 Voir : James M. Hamilton « That the Coming Generation Might Praise the Lord », Journal of Family Ministry 1 (2010) : p.10–17.

16 Pour une réflexion sur le rôle des sexes, voir : James M. Hamilton, « What Women Can Do in Ministry: Full Participation Within Biblical Boundaries », dans Women, Ministry and the Gospel: Exploring New Paradigms (Downers Grove : InterVarsity, 2007), p.32–52.

17 Cette définition du mariage vient de : Sherif Girgis, Robert George et Ryan T. Anderson, « What Is Marriage? », Harvard Journal of Law and Public Policy 34 (2010) : p.245–87; et pour des réponses à certaines objections, voir : Robert P. George, Sherif Girgis, and Ryan T. Anderson, « The Argument Against Gay Marriage: And Why It Doesn’t Fail », Public Discourse, The Witherspoon Institute, 17 décembre 2010, http:// www.thepublicdiscourse.com/2010/12/2217. Les auteurs de la Bible sont conscients de la polygamie et ils ne cachent pas le fait que certains des acteurs principaux de la Bible ont eu plus d’une femme (par ex., Abraham et David).

18 Voir : Russell D. Moore, Adopted for Life: The Priority of Adoption for Christian Families and Churches (Wheaton : Crossway, 2009).La Bible montre aussi les problèmes qui accompagnent toujours cette pratique. Ces mariages ne sont jamais décrits comme heureux. De plus, Jésus affirme que l’homme et la femme ne formeront qu’une seule chair, ce qui exclut la polygamie (Mt. 19 : 5–6).

19 Ces paroles fait écho à une description faite dans une lettre de C.S. Lewis, que Tony Reinke a souligné dans un publication de son blogue : « C. S. Lewis on “Little Cyclones” ( Young Boys) », Miscellanies., 30 janvier 2012, https://spurgeon.wordpress.com/2012/01/30/c-s- lewis-on-little-cyclones-young-boys/.