Toute réalité découle de la Trinité (Matt Crutchmer)

Note de l’éditeur : Ceci est le deuxième chapitre de la série le Symbole des apôtres, Ce que nous croyons et croirons encore

Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. (Le Symbole des Apôtres)

Selon la confession chrétienne, il y a un seul Dieu, le Seigneur, celui qui déclare que son nom est « Je suis », « le premier et le dernier », « le Dieu vivant », le « saint d’Israël ». La déclaration selon laquelle « en dehors de moi il n’y a que néant. C’est moi qui suis l’Éternel et il n’y en a pas d’autre. » (Ésaïe 45.6) ne signifie pas que notre Dieu est meilleur que les autres divinités qui occupent la catégorie des « dieux ». Elle signifie que le Dieu unique est dans une classe à part, sans aucun autre être dans sa catégorie : « A part moi, il n’y a pas de Dieu. » (Ésaïe 45, 5)

En même temps, la foi chrétienne comprend ce Dieu unique comme étant simultanément trois : le Dieu d’Israël, qui est « un » (Deutéronome 6.4), a sauvé son peuple pécheur en envoyant Dieu le Fils et Dieu l’Esprit. Ces trois-là ne sont pas trois dieux, et ne font pas en sorte que Dieu cesse d’être unique. Il y a un seul nom qui nous est révélé et dans lequel nous sommes baptisés : le nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (Matthieu 28.19). Comment cela est-il possible ?

La doctrine de la Sainte Trinité est la voie par laquelle la foi chrétienne a explicité la réalité de la révélation et de la rédemption divines, et c’est cette doctrine qui est « la règle et le juge de toutes les autres doctrines chrétiennes » (John Webster, God Without Measure, 1.159 ; trad. Dieu sans mesure). Toute doctrine chrétienne est trinitaire de part en part, il est donc très important que cela soit clair. Lorsque nous confessons le Symbole des Apôtres, que voulons-nous dire – et ne voulons-nous pas dire ?

Une seule essence

Beaucoup d’entre nous ont appris à dire brièvement que Dieu est une seule essence en trois personnes. Ce début admirable exige que nous sachions ce que nous disons par le terme essence, le terme personnes, et les relations entre les différents termes (voir Herman Bavinck, Reformed Dogmatics, 2.298 ; trad. Dogmatique réformée). Par essence, les chrétiens entendent « ce qu’est » Dieu, sa nature ou son être. Mais en raison de la transcendance totale de Dieu par rapport à notre monde et à nos facultés de connaissance, il doit nous dire comment il est en nous déclarant son nom et en manifestant sa nature dans ses œuvres.

C’est l’écoute du témoignage biblique qui a conduit l’Église à décrire la nature de Dieu de quatre façons importantes (bien qu’il y en ait beaucoup d’autres !). Premièrement, Dieu a la vie en lui-même, de lui-même et par lui-même. Plus qu’une simple « indépendance » ou « absence de cause », cette conception (appelée aseité) est positive et indique l’existence sans mesure et bienheureuse de Dieu lui-même, sans origine, cause, changement ou dépendance – d’éternité en éternité, Dieu est inimaginablement vivant.

Deuxièmement, Dieu est simple, ou il n’est pas composé de parties. C’est une façon de décrire l’unicité radicale de Dieu, qui ne devient pas bon, qui n’est pas bon en une seule de ses parties, et qui n’est pas mesuré par une norme du Bien autre que sa propre nature. Dieu est simplement bon, puisqu’il est simplement lui-même.

Troisièmement, Dieu est parfait. La perfection de Dieu ne fait pas référence aux propriétés de la grandeur du monde magnifiées un milliard de fois et ensuite attribuées à Dieu. Au contraire, Dieu est parfait en lui-même, en tant que Sainte Trinité, il est un être à qui « rien ne fait défaut de sa perfection propre. » (Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, Ia.4.1).

Quatrièmement, Dieu est bon. Si nous sommes appelés bons (par lui !), nous le sommes dans un sens analogue, au niveau des créatures. Mais Dieu est la bonté même – purement, parfaitement, simplement – en lui-même, et il n’a besoin d’aucun autre à qui répandre cette bonté.

De toutes ces quatre manières, il est lui-même. Cette nature particulière est l’essence divine que les trois personnes trinitaires sont (ou partagent). De manière unique, la confession chrétienne affirme ces vérités de Dieu en lui-même avant et en dehors de sa relation avec nous.

Les trois personnes

Qui sont ces trois personnes qui sont le Dieu unique ? Nous confessons dans le Symbole ce que nous entendons dans l’Écriture : Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit. Ces trois personnes ne sont pas des parties du Dieu unique, qui s’assemblent pour former l’unique ; elles ne sont pas non plus l’unique divisé en trois. Chaque personne est le Dieu unique, mais seulement en relation avec les deux autres personnes. Penser à une personne divine isolée est une sorte de non-sens : les noms sont, comme Augustin l’a démontré, des termes « relationnels » et sont donc mutuellement constitutifs. Le Père est celui qui engendre éternellement le Fils et qui, avec le Fils, souffle éternellement l’Esprit. De même, le Fils et l’Esprit sont identifiés par leurs relations respectives avec le Père et entre eux.

Lorsque nous confessons dans le Symbole : « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre », nous n’entendons nullement que la personne divine singulière du Père soit uniquement le Créateur, et que le Fils et l’Esprit ne fassent pas partie de cette œuvre divine. Le Père qui crée est éternellement Père-du-Fils, et Père-avec-le-Fils-qui-est-en-relation-avec-l’Esprit. La création de l’univers est une action trinitaire, exécutée par les trois personnes dans l’essence divine singulière et parfaite. Dieu est trinitaire avant et en dehors de sa relation avec nous dans ses œuvres.

Cette perfection divine et cette unité trinitaire signifient quelque chose de profond. Le Dieu qui, éternellement, ne manque d’aucune perfection et qui, en lui-même, est bonté, joie, paix et amour, en tant que Père qui aime le Fils dans l’Esprit, ce Dieu nous crée quand même. C’est pourquoi, au cœur de ce monde, au-dessous de son existence même, ne se trouve pas le chaos, pas la violence, pas le vide, mais l’Amour. Un Amour qui se réjouit de son propre être, un Amour qui s’aime dans un infini inimaginable. Et cet Amour est, comme l’a dit Isaak Dorner, aussi un amoureux de la vie.

L’élection à la rédemption

Confesser que Dieu est « tout-puissant » est une manière abrégée d’évoquer les nombreux noms et actes de Dieu dont témoigne la Bible, de dire que Dieu est le Seigneur et que Dieu a sauvé sa création de la destruction. Qui peut dire pourquoi il fait de tels prodiges ?

Heureusement, Dieu lui-même nous l’a dit, et il nous l’a dit pour que nous nous réjouissions et soyons heureux, pour que nous bénissions son saint nom. Le fait que nous soyons sauvés de la mort est dû à l’activité de la Sainte Trinité – une activité qui a commencé avant la fondation du monde. La doctrine de l’élection est une bonne Nouvelle, car c’est Dieu le Père qui veut que son peuple soit avec lui pour l’éternité, mais il ne pourra l’être qu’une fois sa réconciliation accomplie par Dieu le Fils en Jésus Christ et appliquée à chacun d’entre eux par Dieu le Saint-Esprit. De même qu’Israël n’était pas une possession précieuse de Dieu avant qu’il ne le choisisse, de même que le cosmos n’existait pas avant que Dieu ne le veuille, de même les pécheurs n’ont pas en eux-mêmes la capacité ou le mérite nécessaire pour échapper au péché et à la destruction. 

La source de l’élection

Cependant, pour connaître et aimer plus profondément cette réalité de l’élection, il faut qu’elle ne soit pas isolée ; en effet, la description ci-dessus n’est pas compréhensible si elle est isolée. Qui est l’agent de cette action élective ? C’est le Dieu Trinité qui élit au salut. Ce Dieu qui élit est de lui-même (c’est l’aséité) parfait, bon et simple. L’élection est donc une œuvre qui découle de l’éternelle vivacité de Dieu, de sa vie majestueuse qui atteint les pécheurs ruinés depuis ses profondeurs sans mesure et sans cause. On ne peut pas dire que la grâce de l’Évangile en Jésus Christ soit causée par quelque chose ou quelqu’un d’autre que ce Dieu.

L’élection est une œuvre de la perfection de Dieu, ce qui implique que Dieu n’a pas besoin de faire ce choix gracieux pour être ce qu’il est. Il est la plénitude de la vie et de l’amour, et rien ne fait défaut de sa perfection propre – il n’a besoin ni de nous sauver ni de nous créer pour être lui-même. Ainsi – et seulement ainsi – l’élection (comme la création) est un acte de l’amour de Dieu.

L’élection est une œuvre de la bonté de Dieu et, dans son infinie générosité, « le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ … nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éphésiens 1.3). Le but final de l’élection, y compris tous les moyens intermédiaires qu’il a ordonnés pour que nous atteignions ce but, est de recevoir ce que toutes choses désirent proprement : Dieu lui-même, qui s’est donné à nous.

L’élection est une œuvre de la simplicité de Dieu, de son unicité absolue et non composée en tant que Sainte Trinité. Ce n’est pas exclusivement le Père qui élit, le Fils qui rachète et l’Esprit qui perfectionne. Non – l’élection, comme toutes les autres œuvres extérieures de Dieu, est indivisible et trinitaire. Dieu le Père nous choisit pour être en communion avec lui en Jésus Christ, Dieu le Fils dans la chair humaine comme notre Médiateur, et pour être unis au Père par le Fils dans le lien, la présence, de Dieu le Saint-Esprit en nous.

La fin de l’élection

Qui sont les bénéficiaires de cette miséricorde et de cet amour électifs ? L’interconnexion de toutes les œuvres de Dieu apparaît clairement ici. L’expression « élus de Dieu » désigne, bien sûr, les pécheurs qui sont en danger de destruction et qui ne peuvent s’en sortir seuls. Mais ces pécheurs sont les premières créatures, celles avec lesquelles Dieu, dans sa générosité sans limites, a voulu être en communion, afin qu’elles soient, comme leur Créateur et Ami, « bonnes ». Ils sont élus « en Christ » en tant que pécheurs parce que c’est seulement par la personne et l’œuvre de Jésus Christ que leur péché est effacé et que la justice est assurée en leur nom. Et ils sont élus « en Christ » en tant que créatures parce que ce n’est que par la personne et l’œuvre de Jésus Christ que la mort est vaincue « de l’intérieur », comme le dit Ivor Davidson (voir « Gospel Holiness » dans Sanctification, 203 ; trad. « La sainteté de l’Évangile » dans Sanctification) – et ce n’est qu’en lui que la vie humaine est renouvelée, vécue correctement et amenée à son véritable but : la communion vivante avec le Dieu vivant.

Il en est ainsi parce que Dieu est simple ou un, et que, dans l’éternité, son décret est lui aussi simple et un. L’élection n’est qu’un aspect de cette vision unique, grandiose et artistique de tout ce que Dieu décrète librement. L’élection se situe à côté de la volonté de Dieu de créer le monde, de faire les choses selon leur nature, de gouverner providentiellement toutes les choses jusqu’à leurs fins décrétées, de consommer toutes choses au jour du jugement et de la résurrection, menant à la vie éternelle avec son peuple. L’élection amène la rédemption, mais l’élection renvoie aussi à la création et, de là, à la nouvelle création et à la vie éternelle. Le dessein de Dieu dans chaque élément est singulier : que la Trinité elle-même soit en communion – une communion remplie de joie, irradiée de gloire – avec son peuple.


Cet article est une traduction de l’article anglais « All Reality Flows from the Trinity » du ministère Desiring God par Timothée Davi.