Réponses aux quatre raisons couramment invoquées en faveur d’un salut universel (John Owen)

Depuis les débuts du christianisme, quatre raisons sont souvent invoquées par ceux qui défendent à tort un salut universel. Analysons ces raisons une par une.

Raison 1

Il existe des passages dans les Écritures qui parlent de façon très générale et en termes plutôt vagues, de ce que Christ a accompli par sa mort. Par conséquent, certains concluent à la lumière de ces passages que sa mort n’a pas pu avoir de but particulier ou circonscrit.

Par exemple, les Écritures témoignent de la valeur infinie de la mort de Christ. Il est dit que c’est « par son propre sang » que Dieu s’est acquis l’Église (Actes 20.28). La mort de Christ est dépeinte comme une offrande « sans tache », offerte « par l’Esprit éternel » (Hébreux 9.14). Il est écrit que le sang de Christ est « précieux », plus précieux que l’argent ou l’or (1 Pierre 1.18). Dans ces conditions, puisque la mort du Fils de Dieu possède une valeur aussi incontestable et infinie, n’est-elle pas suffisante pour tous les hommes?

Nous ne nions pas que la mort de Christ ait constitué une valeur suffisante pour sauver tous les hommes. Nous affirmons plutôt que les Écritures énoncent clairement que sa mort n’était pas destinée à servir de rançon à tous les hommes. Certains pourront s’objecter : si Christ n’est pas mort pour tous les hommes, il est donc inutile d’obéir au commandement de prêcher à tous les hommes (Matthieu 28.19). À cela, je réplique :

a. Des croyants de toutes les nations seront rachetés, mais pour ce faire, l’évangile doit être prêché à toutes les nations.
b. Puisqu’il n’y a maintenant aucun privilège particulier accordé à la nation juive, l’évangile doit être prêché à tous, sans distinction.
c. L’appel à croire, lancé aux hommes, n’est pas un appel à croire que Christ est mort pour chacun d’eux en particulier, mais un appel à croire que Jésus est le seul par qui le salut est prêché.
d. Les prédicateurs ne peuvent jamais savoir qui sont les élus de Dieu parmi les membres de leurs congrégations. Ils doivent donc lancer l’appel à tous, et donner l’assurance du salut à ceux qui y répondent, car la mort de Christ suffit à sauver tous ceux qui croient.

Ces éléments devraient suffire à prouver que l’évangile doit être prêché à tous, mais que tous ne seront pas sauvés.

Raison 2

Les Écritures donnent parfois l’impression que parmi les rachetés, certains ne sont pas réellement sauvés. À partir de cette perception, certains suggèrent que Christ est en fait mort pour tous, mais que seuls quelques-uns parviennent à remplir les conditions adéquates.

Il nous faut comprendre que les Écritures présentent souvent les individus selon leur apparence, et non selon leur réalité intérieure. Par exemple, Jérusalem est nommée la « ville sainte » (Matthieu 27.53). L’intention n’est pas de nous laisser entendre que Jérusalem était réellement un lieu saint.

De même, les Écritures décrivent des personnes comme étant « saintes » ou « des saints » ou comme des « élus », parce qu’ils entretenaient un lien visible avec une communauté de croyants. En écrivant aux Philippiens, Paul dit : « il est juste que j’aie pour vous de telles pensées » (Philippiens 1.7). Nous ne devons pas conclure
d’après ces quelques mots que tous ses lecteurs étaient de véritables croyants. Paul les jugeait selon les connaissances limitées qu’il avait d’eux. Si quelques-uns se sont égarés, nous ne pouvons en déduire que Dieu a eu a priori l’intention de les sauver tous, mais que seuls certains sont demeurés fermes. Celui qui se perd n’a jamais été un vrai croyant, même si les apparences donnaient une telle impression.

Raison 3

Les Écritures suggèrent parfois que le salut est offert de façon générale à tous les hommes, à la condition qu’ils croient. Certains insinuent par la suite que Christ est certainement mort pour tous les hommes. Il est vrai que la foi et le salut sont toujours liés ensemble dans les Écritures. Celui qui croit sera sauvé. Cette affirmation, par contre, veut simplement dire que ceux qui croient seront assurément sauvés. Elle ne signifie pas forcément que Dieu ait l’intention de sauver tous les hommes s’ils voulaient croire, et ce, pour les raisons suivantes :

a. Dieu, en réalité, n’offre pas la vie éternelle à tous les hommes. Une part importante de l’humanité n’a jamais entendu l’évangile.

b. Dans la plupart des cas, il est impossible de connaître les intentions précises de Dieu en nous basant sur ses commandements. De façon générale, Dieu nous commande de lui obéir. Mais dans le cas particulier du Pharaon par exemple, les intentions de Dieu étaient fort différentes de ses commandements, car il a endurci le cœur du Pharaon (Exode 4.21) tout en lui ordonnant d’obéir.

c. La promesse de l’évangile nous enseigne qu’il existe un lien qui ne peut se rompre entre la foi et le salut. Cependant, elle ne peut représenter une intention de la part de Dieu que tous se repentent et croient, car quel serait alors le but du plan divin de l’élection? Si Dieu avait formé le dessein de sauver tous les hommes, pourquoi aurait-il choisi seulement quelques élus? Et si son intention était de les sauver tous, pourquoi n’a-t-il pas exécuté ce plan? (Il est inutile de prétendre que Dieu ait échoué parce que les hommes ont refusé de croire; il devait sûrement savoir au préalable que tel serait le cas; pourquoi donc aurait-il déterminé un plan, sachant qu’il ne pourrait le mettre à exécution?)

Il faut également considérer le fait que les croyants et les non croyants se côtoient et que celui qui prêche ne peut savoir qui est ou n’est pas élu de Dieu. Il doit donc prêcher à tous, de façon générale. Cela ne veut pas dire que la promesse de l’évangile soit pour tous, mais elle est proclamée à tous. Puisque l’on reçoit Christ par la foi, et que la foi est le don de Dieu, qu’il distribue selon son bon plaisir, il est manifeste que Dieu n’a pas l’intention de sauver ceux à qui il n’accorde pas la foi.

Raison 4

Si Christ n’est pas mort pour tous les hommes, toutes les exhortations à croire adressées à tous dans les Écritures sont-elles alors sans valeur?

Il faut comprendre que les Écritures décrivent plusieurs degrés de développement de la foi et obéissent à un ordre logique dans l’usage. Il ne faut pas penser que ces exhortations à la foi cherchent à convaincre tout homme que Christ est mort pour lui en particulier. Il existe d’autres éléments nécessitant la foi, que tous peuvent recevoir. Personne n’est tenu de croire une chose s’il juge ne pas avoir de preuve suffisante. Par exemple :

a. La première chose que les hommes doivent croire est qu’ils ne peuvent se sauver eux-mêmes, parce qu’ils sont pécheurs. Chaque homme en possède l’évidence en lui-même, comme Paul le démontre aux chapitres 1 à 3 de l’Épître aux Romains. Combien d’entre les hommes ne parviendront jamais à atteindre ce degré de foi, malgré l’abondance de preuves!

b. L’évangile appelle les pécheurs à croire que Dieu a pourvu un moyen de salut en Jésus-Christ. Des millions de personnes ont entendu ce message, mais refusent de le recevoir, malgré l’abondance de preuves!

c. L’évangile appelle les pécheurs à croire qu’il n’y a de salut en aucun autre que Jésus-Christ. C’est précisément ce que les Juifs ont refusé de croire, percevant plutôt Christ comme l’ennemi de Dieu!

Ces appels globaux ne sont pas lancés parce que Christ est mort pour tous, mais parce que ces vérités sont évidentes pour tous. C’est seulement après avoir franchi les étapes de la foi, en rapport avec ces vérités, qu’un individu est appelé à croire que Jésus est mort pour lui en particulier. Quelques-uns ont souligné que le Symbole des apôtres (ce résumé ancien de la religion chrétienne) se termine en déclarant que la foi concerne « le pardon des péchés et la vie éternelle ». En d’autres termes, avant d’en arriver à ce point, il faut croire à tout ce qui précède, étant donné la profusion d’évidences offertes. 

 

Cet article est extrait de La vie par sa mort par John Owen.