Qui a donné autorité à Christ ? (John MacArthur)

Qui a nommé Christ chef de l’Église ? Dans Éphésiens 1.17, Paul prie : « afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation dans sa connaissance ». Paul prie que Dieu nous donne une compréhension complète de Christ. Il poursuit aux versets 18 et 19 : « qu’il illumine les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la richesse de la gloire de son héritage qu’il réserve aux saints, et quelle est envers nous qui croyons l’infinie grandeur de sa puissance ». Essentiellement, Paul prie sa propre christologie tandis qu’il prie que Dieu façonne et rende parfaite notre christologie. Dans les versets 19 et 20, il écrit : « se manifestant avec efficacité par la vertu de sa force. Il l’a déployée en Christ, en le ressuscitant des morts, et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes ». Paul décrit un Christ majestueux, exalté et transcendant, « au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui peut être nommé, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir » (v. 21).

Réfléchissons : le Dieu souverain qui nous a choisis et appelés, le Dieu souverain qui nous a donné un héritage éternel, le Dieu souverain qui nous a régénérés et nous a rendus aptes à avoir part au salut, le Dieu souverain qui nous sanctifie et nous glorifiera un jour, ce Dieu souverain veut que nous ayons une compréhension complète de la gloire de Christ. Dieu l’a ressuscité des morts et l’a fait asseoir dans sa gloire « au-dessus de tout ». Paul emploie un vocabulaire extrême ici. Christ n’est pas seulement au-dessus des autres dominations et autorités, il est infiniment plus élevé. Et ce, « non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir » (v. 21). Maintenant et à jamais, Jésus est Seigneur.

Les versets 22 et 23 poursuivent la même idée : « Il a tout mis sous ses pieds, et il l’a donné pour chef suprême à l’Église, qui est son corps. » Le choix de mots est très précis : « Il […] l’a donné pour chef suprême à l’Église. » Dieu a donné à l’Église Celui qui était déjà à la tête de l’univers pour être son chef. Colossiens 1.18 dit : « Il est la tête du corps de l’Église ; il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. » Dieu a donné comme chef à son Église rachetée et bien-aimée le Roi de l’univers.

Par l’intermédiaire de Paul, le Saint-Esprit utilise ce vocabulaire glorieux pour exprimer l’amour de Dieu envers son Église rachetée. Il ne nous a pas donné d’ange comme Gabriel ou Micaël pour être chef de l’Église. Il ne nous a pas soumis à l’autorité d’un pasteur ou d’un prophète mondial. Il ne nous a pas non plus simplement laissés aux soins de prédicateurs, d’enseignants, de théologiens et d’évangélistes talentueux et fidèles, ou en d’autres termes, ses aides-bergers.

Dans sa sagesse infinie et son amour sans limites, Dieu nous a donné son Fils, le Seigneur de l’univers, pour être notre chef, notre époux et notre berger. Nous sommes son corps, comme Colossiens 2.19 le déclare, Jésus est le « chef, dont tout le corps, assisté et solidement assemblé par des jointures et des liens, tire l’accroissement que Dieu donne ». Christ règne sur nous selon l’autorité directe du Père.


Cet article est tiré du livre : La Bonne Nouvelle de John MacArthur

Qu’est-ce qui prédomine au ciel ?

Cet article est tiré du livre : La gloire du ciel de John MacArthur

Il est tout à fait vrai que le ciel est un lieu de bonheur absolu, dépourvu de toute tristesse et de tout péché, empli d’allégresse et de plaisirs, où la grâce et la paix règnent sans contestation aucune. C’est là que se trouvent tous les véritables trésors et les récompenses éternelles réservés aux rachetés. Quiconque est destiné au ciel connaîtra indéniablement une joie et un honneur qui dépassent toute compréhension humaine et qui surpassent ce que toute créature déchue pourrait mériter. Mais si vous aviez véritablement vu le ciel et que vous viviez pour en témoigner, ce ne sont pas ces choses qui captureraient votre cœur et votre imagination.

Vous seriez plutôt saisis par la majesté et la grâce de celui dont la gloire remplit cet endroit.

Y a-t-il encore quelqu’un qui est émerveillé par la gloire du ciel ? Avons-nous été tellement surexposés aux effets spéciaux hollywoodiens que le spectacle du Dieu tout-puissant, élevé et exalté, semble moins impressionnant qu’à l’époque d’Ésaïe ? Vivons-nous dans une ère tellement sophistiquée et technologique que la gloire du ciel paraît quelque peu pâle en comparaison ?

Je ne pense pas. Pour quiconque croit fermement au récit biblique, il est difficile de ne pas conclure que ces témoignages modernes, obsédés par le « moi » et accordant peu d’attention à la gloire de Dieu, sont tout simplement faux. Ils sont soit le fruit de l’imagination humaine (rêves, hallucinations, faux souvenirs, fabulations et, dans le pire des cas, mensonges délibérés), soit d’une tromperie démoniaque.

Nous sommes absolument certains que ces récits ne sont pas vrais, car l’Écriture affirme clairement que personne ne monte au ciel et n’en revient : « Qui est monté aux cieux, et qui en est descendu ? » (Pr 30.4.) Réponse : « Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme » (Jn 3.13, italiques pour souligner). Tous les témoignages sur le ciel dans l’Écriture sont des visions, non des voyages effectués par des personnes décédées. De plus, de telles visions sont extrêmement rares dans l’Écriture ; on peut les compter sur les doigts d’une main.

Il est absolument clair que les histoires racontées et lues avec avidité par la communauté évangélique aujourd’hui ne ressemblent en rien aux récits des témoins directs que nous trouvons dans la Bible.

Toutes les fois qu’un prophète de l’Écriture a été béni par une vision céleste, ses yeux étaient uniquement fixés sur Dieu et sur la gloire incommensurable qui entoure son trône. L’Écriture décrit la scène céleste comme si magnifique que rien dans l’univers, pas même la vaste splendeur de l’univers lui-même, ne pourrait détourner l’attention d’un simple être humain de la gloire de Dieu. Les anges magnifiques qui demeurent en sa présence ne détournent jamais leur regard (Mt 18.10).

De plus, dans chaque exemple de la Bible où un simple mortel a une vision céleste, cette personne (quand elle parle d’elle-même) est prise de peur, profondément consciente de sa propre médiocrité, de sa culpabilité et de sa déchéance. Certains des plus grands prophètes de la Bible ont témoigné que lorsqu’ils ont contemplé la gloire du ciel, ils ont immédiatement ressenti un sentiment de honte et d’indignité, et ont eu l’impression de ne pas être à leur place.

Ésaïe s’est exclamé : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures » (És 6.5). L’apôtre Jean a raconté : « Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort » (Ap 1.17). Ézéchiel a eu la même réaction : « Je tombai sur ma face » (Éz 1.28).

Daniel a reçu une leçon d’humilité similaire grâce à une vision de la gloire de Christ avant son incarnation. Il a rapporté : « les forces me manquèrent, mon visage changea de couleur et fut décomposé, et je perdis toute vigueur. […] et comme j’entendais le son de ses paroles, je tombai […] la face contre terre » (Da 10.8,9). Tremblant, Daniel est parvenu à se relever sur ses genoux. Après un moment, il s’est mis debout, toujours tremblant, et a écouté (v. 10,11). Lorsque la voix a eu fini de parler, Daniel a confié : « je dirigeai mes regards vers la terre, et je gardai le silence » (v. 15). Lorsqu’il a enfin recouvré suffisamment de force pour parler, il n’a pu le faire qu’avec une grande douleur : « la vision m’a rempli d’effroi, et j’ai perdu toute vigueur. […] Maintenant les forces me manquent, et je n’ai plus de souffle » (v. 16,17).

Chaque vision céleste rapportée dans l’Écriture souligne ce même sentiment de majesté à couper le souffle et d’éclat intimidant. Pourquoi en serait-on étonné ? La gloire de Dieu lui-même éclaire tout le ciel ; aucune autre lumière n’est nécessaire (És 60.19 ; Ap 21.23 ; 22.5). Cette luminescence rend la lumière de notre soleil terne et insignifiante en comparaison. La gloire du ciel est infiniment plus riche, transcendante, belle, impressionnante, pleine d’émerveillement et d’enchantement. Si vous pouviez l’admirer pour l’éternité, vous ne vous en lasseriez jamais. En tant que croyants, c’est précisément ce qui nous attend.

Or, la gloire du ciel n’est pas un spectacle qui devrait susciter l’excitation ou l’assurance chez le simple mortel. Au contraire, c’est une manifestation si puissante que même un simple aperçu direct de la pleine gloire de Dieu serait littéralement fatal pour la chair humaine non glorifiée. Dieu a dit à Moïse : « Tu ne pourras pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre » (Ex 33.20). L’apôtre Paul a décrit cette gloire comme « une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir » (1 Ti 6.16).

Néanmoins, le désir ardent de contempler la gloire de Dieu est l’un des signes de la véritable foi en lui. Il s’agit là, bien sûr, de l’attrait le plus puissant et de la récompense la plus prestigieuse du ciel : La gloire de Dieu y brille dans toute sa splendeur et de manière permanente. Nous pourrons la contempler sans craindre d’être anéantis. Les rachetés auront des corps glorifiés, parfaitement adaptés au ciel. Ils pourront admirer la gloire de Dieu, l’étudier et s’en imprégner, être son reflet et en jouir pour l’éternité : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ! » (Mt 5.8.) Leur vision de la gloire ne sera pas obscurcie, elle n’aura pas besoin d’un filtre et ne sera pas entravée par les effets du péché ou de la culpabilité. « Nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3.2). Cette anticipation est l’un des éléments principaux d’une foi salvatrice authentique (Hé 11.1‑6).

Moïse désirait ardemment voir la gloire de Dieu, même au péril de sa vie. L’Éternel a donc consenti à cacher Moïse dans le creux d’un rocher et lui a permis de l’observer brièvement alors qu’il passait devant lui. Après avoir vu le dos de Dieu, sous la protection de la main divine, le visage de Moïse a lui aussi brillé de gloire, mais cette lumière s’est atténuée rapidement. La simple vision d’une petite partie de la gloire divine a suffi à terrifier les Israélites (Ex 34.30) : Moïse a dû se couvrir le visage d’un voile !

Si la lueur déclinante réfléchie sur le visage de Moïse a pu susciter une telle terreur, il n’est guère surprenant que tous les personnages de la Bible qui ont eu une vision du ciel et en ont témoigné aient affirmé qu’elle avait provoqué en eux une peur paralysante. Bien sûr, c’est précisément ce que décrirait quiconque ayant réellement vu le ciel.

En revanche, les expériences gnostiques de mort imminente contemporaines semblent rehausser l’image que le visiteur céleste se fait de lui-même à travers des illusions de grandeur. Alors que tous les prophètes et apôtres des temps bibliques qui ont vu le ciel ont été profondément troublés et honteux et ont souhaité se cacher en présence de la gloire divine, Colton Burpo affirme que les autres habitants du ciel l’ont accueilli avec beaucoup d’honneur : « On a amené une petite chaise pour moi, a-t-il dit en souriant. Je me suis assis à côté de Dieu le Saint-Esprit[1]. »

Tous les récits de l’au-delà actuellement en vogue contiennent une bonne dose de ce genre d’arrogance et semblent indifférents à la véritable gloire du ciel. Ainsi, Mary Neal raconte que son arrivée au ciel a été célébrée par « un grand comité d’accueil » et prétend que ce groupe comprenait plusieurs de ses défunts amis et voisins, notamment « Mme Sivits, mon ancienne baby-sitter ». Selon elle, ils ont été « envoyés par Dieu et m’ont accueillie avec une joie débordante que je n’avais jamais connue ni même imaginée. De la joie à l’état pur[2]. » Kevin Malarkey, dans son livre The Boy Who Came Back from Heaven (Le garçon qui est revenu du ciel), affirme quant à lui que son fils Alex visite encore régulièrement le ciel (« la plupart du temps dans son sommeil ») :

Il se tient à l’intérieur des portes et s’entretient avec les anges qui montent la garde. […] Ensuite, Alex entrera dans le temple et parlera à Dieu lui-même.

En chemin, il peut parler à d’autres anges, ou non. […] Alex continue sa conversation avec Dieu jusqu’à ce que le Seigneur lui dise que la visite est terminée. Parfois, d’autres anges sont présents lors des rencontres, parfois Alex reste seul avec Dieu[3].

Le récit que fait Malarkey de l’expérience de son fils se distingue des autres sur ce point précis. Bien qu’il évoque la manière dont la Bible décrit la gloire de Dieu, citant même quelques exemples où ceux qui l’ont vue ont été saisis de crainte, la gloire de Dieu semble être un élément plutôt secondaire que central de l’histoire de Kevin Malarkey. En réalité, en abordant ce sujet, il semble chercher à mettre en avant à quel point son jeune fils n’est pas effrayé en présence de la gloire de Dieu[4]. D’après Kevin, les anges rassurent continuellement l’enfant en lui disant de ne pas avoir peur, mais le jeune Alex Malarkey demeure de lui-même courageux et intrépide face à toute la gloire du ciel.

Le profond sentiment d’indignité et l’impression de ne pas être à la hauteur, qui caractérisent tant de récits bibliques de personnes ayant vu le ciel, semblent totalement absents de ces histoires. De même, on n’y trouve aucune description de l’émerveillement ressenti à la vue de la gloire, qui constitue pourtant l’attrait principal du ciel.

Comparez l’un de ces récits avec la description détaillée qu’Ézéchiel donne des roues au milieu d’autres roues (Éz 1.16) ; des « animaux [qui] couraient et revenaient comme la foudre » (v. 14) ; des créatures qui allaient « de leurs quatre côtés, et [qui] ne se tournaient point dans leur marche » (v. 17) ; leurs ailes faisant un bruit « pareil au bruit de grosses eaux, ou à la voix du Tout-Puissant ; c’était un bruit tumultueux, comme celui d’une armée » (v. 24) ; et par-dessus tout, cette gloire indescriptible, « tel l’aspect de l’arc qui est dans la nue en un jour de pluie, ainsi était l’aspect de cette lumière éclatante, qui l’entourait : c’était une image de la gloire de l’Éternel » (v. 28).

Ce n’est pas une scène qui nous invite « à prendre place et à nous installer confortablement ». En fait, c’est à ce moment précis qu’Ézéchiel a déclaré : « À cette vue, je tombai sur ma face » (v. 28).


[1] Todd Burpo et Lynn Vincent, Heaven Is for Real [Le ciel ça existe pour de vrai : L’histoire étonnante de l’aller-retour au ciel d’un petit garçon], trad. libre, Nashville, Nelson, 2010, p. 102.

[2] Mary C. Neal, To Heaven and Back: A Doctor’s Extraordinary Account of Her Death, Heaven, Angels, and Life Again [Aller-retour au ciel : Le récit extraordinaire d’une médecin sur sa mort, le ciel, les anges, et le retour à la vie], trad. libre, Colorado Springs, Waterbrook, 2012, p. 69.

[3] Kevin Malarkey et Alex Malarkey, The Boy Who Came Back from Heaven: A Remarkable Account of Miracles, Angels, and Life beyond This World [Le garçon qui est revenu du ciel : un récit remarquable de miracles, d’anges et de la vie dans l’au-delà], trad. libre, Carol Stream, Ill., Tyndale, 2010, p. 182. Voir l’annexe 2 pour une critique plus approfondie.

Bien que Kevin et Alex Malarkey soient cités comme coauteurs sur la couverture du livre, Alex a publiquement désavoué en ligne l’écriture du livre, le qualifiant de « l’un des livres les plus trompeurs qui soient ». Beth Malarkey, la mère d’Alex et l’épouse de Kevin, a qualifié le livre de « beau témoignage déformé, tordu, présenté et utilisé à des fins commerciales », < http://amomonamission.blogspot.com/2012/11/following-is-post-that-my-son-alex.html > (page inactive).

[4] Ibid.

Jésus est venu pour la joie qui l’attendait

Le bonheur du Christ

Thomas Goodwin a écrit ceci : « La joie, la consolation, le bonheur et la gloire de Christ sont accrus et élargis par… »

Comment finiriez‑vous cette phrase ?

Il existe diverses réponses bibliques à cette question, et nous devrions éviter d’opter pour un portrait de Christ unidimensionnel, qui en favorise une au détriment des autres. Nous aurions raison de dire que Jésus se réjouit de voir ses disciples renoncer à tout pour le suivre (Mc 10.21‑23). Il serait également pertinent de voir Christ se réjouir du fait que la fidélité des croyants en peu de chose les prépare à se montrer fidèles lorsqu’il leur en confiera beaucoup (Mt 25.21,23). Nous pouvons affirmer qu’il se réjouit du fait que son Père révèle ses vérités divines à ceux qui ressemblent à des enfants plutôt qu’à ceux dont l’intelligence est exceptionnelle (Lu 10.21).

Il y a toutefois une vérité tout aussi biblique que nous mettons plus facilement à l’écart lorsque nous pensons à Christ. Nous, les chrétiens, savons intuitivement que nous sommes agréables à Christ lorsque nous l’écoutons et lui obéissons. Et s’il s’intéressait à nos faiblesses et à nos échecs, et qu’il se réjouissait de nous aider ?

Voici dans son intégralité la phrase de Goodwin : « La joie, la consolation, le bonheur et la gloire de Christ sont accrus et élargis lorsqu’il procure aux membres de son corps ici‑bas grâce, miséricorde, pardon, apaisement et consolation[1]. »

Un médecin compatissant se rend au cœur de la jungle afin d’apporter des soins médicaux à une tribu primitive luttant contre une maladie contagieuse. Il fait venir son équipement par avion. Il diagnostique correctement le problème et obtient les antibiotiques nécessaires, qu’il met à la disposition de la tribu. Étant financièrement autonome, il n’a nul besoin qu’on le rémunère. En revanche, lorsqu’il s’apprête à offrir ses soins, les malades s’y refusent. Ils veulent se soigner eux‑mêmes. Ils veulent guérir selon leurs propres conditions. Finalement, quelques jeunes hommes courageux acceptent de recevoir les soins qui leur sont offerts gratuitement.

Que ressent alors le médecin ?

De la joie.

Sa joie augmente proportionnellement au nombre de malades qui viennent à lui pour obtenir de l’aide et la guérison. C’est précisément pour cette raison qu’il est venu auprès d’eux. Et sa joie sera d’autant plus grande si les malades en question ne sont pas des étrangers, mais bien des membres de sa propre famille. Ainsi en va‑t‑il pour nous avec Christ. Il n’est ni irrité ni contrarié lorsqu’au milieu de la détresse, dans le besoin et avec un sentiment de vide intérieur, nous venons à lui pour implorer une fois de plus son pardon. C’est justement ce qu’il est venu guérir. Il est descendu dans les horribles tréfonds de la mort et en est ressorti pour offrir à son peuple sa miséricorde et sa grâce d’une infinie richesse.

Le désir profond du Jésus

Goodwin va toutefois plus loin en affirmant que Jésus ne veut pas que nous puisions dans sa grâce et sa miséricorde uniquement parce qu’elles justifient son œuvre expiatoire. Il le veut parce qu’elles le définissent. Il s’est approché de nous par son incarnation afin que sa joie et la nôtre correspondent – lui en nous procurant sa miséricorde, et nous en la recevant. Goodwin va jusqu’à dire que Christ éprouve plus de joie et de réconfort que nous lorsque nous venons à lui afin d’obtenir son aide et sa miséricorde. De la même manière qu’un mari aimant puise un plus grand soulagement et un plus grand réconfort dans la guérison de sa femme que dans la sienne, Christ « éprouve un plus grand réconfort […] que celui que nous en tirons » lorsqu’il voit nos péchés disparaître sous son propre sang[2].

En réfléchissant à Christ comme notre Médiateur céleste – c’est‑à‑dire celui qui élimine tout ce qui nous empêcherait de jouir d’une amitié avec Dieu –, il écrit :

[La] gloire et le bonheur de Christ [sont] élargis et accrus dans la mesure où les membres de son corps s’approprient toujours plus sa mort rédemptrice, de sorte que, lorsque leurs péchés sont pardonnés, leur cœur est plus sanctifié et leur esprit est réconforté, il voit le fruit de son labeur, et il en tire du réconfort, car il en est d’autant plus glorifié, oui, il en éprouve beaucoup plus de plaisir et de joie qu’eux. Et cela nourrit dans son cœur l’intérêt et l’amour qu’il voue à ses enfants ici‑bas, ainsi que son désir de les rafraîchir constamment[3].

Traduction : Lorsque l’on se présente à Christ pour implorer sa miséricorde, son amour et son aide alors que l’on se sent anxieux, perplexe et impie, on abonde dans le sens de ses propres souhaits, plutôt que d’aller à leur encontre.

Nous avons tendance à penser que, lorsque nous nous approchons, miséreux, de Jésus pour implorer sa miséricorde en raison de nos péchés, nous le dévalorisons, nous le diminuons, nous l’appauvrissons. Or, Goodwin est d’un autre avis. Jésus nous étonne en « accomplissant des actes de grâce, et du fait qu’il recherche toujours le bien des membres de son corps […] qu’il leur accorde pleinement miséricorde, grâce, consolation et félicité, il devient lui‑même d’autant plus riche en les remplissant[4] ». Étant le vrai Dieu, Christ ne peut connaître une plénitude plus grande ; il a part à la plénitude immortelle, éternelle et immuable du Père. Toutefois, comme Christ est pleinement homme, le fait que nous venions à lui n’a pas pour effet de le lasser, mais plutôt de le combler.

Autrement dit, lorsque nous hésitons à nous approcher de Christ, en restant tapis dans les ténèbres, apeurés et défaillants, nous nous privons non seulement d’un grand réconfort, mais nous privons aussi Christ du sien. Il vit précisément dans ce but. C’est ce qu’il se plaît tant à faire. Sa joie et la nôtre correspondent.

Mais cette notion est‑elle biblique ?

Considérons Hébreux 12. L’auteur dit de Jésus qu’il « suscite la foi et la mène à la perfection ; en échange de la joie qui lui était réservée, il a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu » (v. 2).

« [En] échange de la joie. » Quelle joie ? Qu’est‑ce qui attendait Jésus de l’autre côté de la croix ?

La joie de voir son peuple être pardonné.

Rappelez‑vous tout le sujet de l’épître aux Hébreux : Jésus est le Souverain Sacrificateur ayant mis fin à la succession des principaux sacrificateurs, qui a accompli le sacrifice expiatoire final servant à couvrir entièrement les péchés de son peuple afin que ce dernier reçoive « parfaitement » son pardon (7.25). Et n’oubliez pas le message que l’auteur veut transmettre à la fin d’Hébreux 12.2, quand il déclare que Jésus s’est assis à la droite de Dieu. Ailleurs, l’auteur de l’épître aux Hébreux s’explique :

Il a fait la purification des péchés et s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts (1.3).

Le point capital de ce qui vient d’être dit, c’est que nous avons un tel souverain sacrificateur, qui s’est assis à la droite du trône de la majesté divine dans les cieux (8.1).

[Lui], après avoir offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu (10.12).

Dans tous ces passages, l’auteur associe le fait que Jésus est assis à la droite de Dieu avec son œuvre expiatoire et sacerdotale. Le sacrificateur faisait le pont entre Dieu et l’humanité. Il rétablissait la connexion entre le ciel et la terre. C’est ce que Jésus a accompli au suprême degré par le sacrifice inégalable et ultime de sa personne, purifiant ainsi son peuple une fois pour toutes, le lavant de ses péchés. C’est la joyeuse anticipation de voir son peuple être purifié de manière irrévocable qui l’a accompagné tout au long de son arrestation, sa mort, son ensevelissement et sa résurrection. Lorsque nous participons aujourd’hui à son œuvre expiatoire – en venant à Christ pour obtenir son pardon, en communiant avec lui malgré notre état de pécheur, nous nous approprions la joie et le désir les plus profonds de Christ même.


Cet article est adapté du livre : « Doux et humble de coeur » de Dane Ortlund


[1] Thomas Goodwin, The Heart of Christ, trad. libre, Édimbourg, Banner of Truth, 2011, p. 107. Sibbes écrit similairement : « Nous ne saurions plus plaire à Christ qu’en accueillant avec joie sa générosité et en y participant. Nous faisons ainsi honneur à sa richesse. » Richard Sibbes, « Bowels Opened, or A Discovery of the Near and Dear Love, Union, and Communion, Between Christ and the Church », dans The Works of Richard Sibbes, trad. libre, A. B. Grosard, éd., 7 vol., réimpr., Édimbourg, Banner of Truth, 1983, vol. 2, p. 34.

[2] Goodwin, The Heart of Christ, p. 108.

[3] Goodwin, The Heart of Christ, p. 111‑112.

[4] Goodwin, The Heart of Christ, p. 111. Le mot félicité est un terme ancien qui désigne le bonheur. Un autre pasteur âgé en parle de manière émouvante : « Si vous rencontrez ce malheureux qui m’a percé le côté, dites‑lui qu’il existe une autre façon, une meilleure façon, de toucher mon cœur : qu’il se repente, lève les yeux sur celui qu’il a percé et pleure. Je le chérirai dans le sein même qu’il a blessé ; il trouvera dans le sang qu’il a fait couler une expiation suffisante pour son péché. Et dites‑lui pour moi qu’il aggravera ma souffrance et mon déplaisir s’il refuse l’offre de mon sang plus que lorsqu’il l’a fait couler. » Benjamin Grosvenor, « Grace to the Chief of Sinners », dans A Series Of Tracts On The Doctrines, Order, And Polity Of The Presbyterian Church In The United States Of America, vol. 3, trad. libre, Philadelphie, Presbyterian Board of Publication, 1845, p. 42‑43. Je suis reconnaissant envers Drew Hunter d’avoir attiré mon attention sur cette référence.

Le Saint-Esprit, celui qui oint

La présence du Saint-Esprit revient de manière éphémère tout au long de l’Ancien Testament. Il apparaît de temps à autre, mais son ministère n’est jamais décrit en détail. Le seul rôle qu’il joue à plusieurs reprises consiste à pourvoir aux dirigeants israélites les moyens d’accomplir les tâches qui leur ont été confiées par Dieu. Ces dirigeants faisaient partie de ceux qui avaient été « oints » pour remplir les fonctions de prophètes, de sacrificateurs et de rois. L’Esprit reposait sur ces hommes, même si sa présence avec eux était généralement temporaire ; il les oignait pour les rendre capables d’accomplir des tâches bien précises.

L’Ancien Testament regorge de nombreux exemples de dirigeants qui ont été oints par l’Esprit : « L’Esprit de l’Éternel fut sur [Othniel]. Il devint juge en Israël » (Jg 3.10a) ; « L’Esprit de l’Éternel fut sur Jephthé » (11.29a) ; « [Saül] fut saisi par l’Esprit de Dieu » (1 S 11.6a) ; « Samuel prit la corne d’huile, et l’oignit au milieu de ses frères. Et l’Esprit de l’Éternel saisit David, à partir de ce jour-là » (16.13). Nous voyons également des exemples de l’Esprit Saint reposant sur les prophètes lorsqu’ils recevaient leur appel à parler pour Dieu (1 R 17.2 ; Jé 1.4). Et l’onction de l’Esprit sur les sacrificateurs est décrite par leur onction d’huile (Ex 29.21). Encore une fois, cependant, ces exemples montrent que l’onction du Saint‑Esprit pour le ministère était limitée. Mais l’Ancien Testament fournissait tout de même des indices que la nature de l’onction de l’Esprit allait devenir un jour bien plus importante et durable.

L’un de ces indices se trouve dans le livre des Nombres, où nous lisons :

Le ramassis de gens qui se trouvaient au milieu d’Israël fut saisi de convoitise ; et même les enfants d’Israël recommencèrent à pleurer et dirent : « Qui nous donnera de la viande à manger ? Nous nous souvenons des poissons que nous mangions en Égypte, et qui ne nous coûtaient rien, des concombres, des melons, des poireaux, des oignons et des aulx. Maintenant, notre âme est desséchée : plus rien ! Nos yeux ne voient que de la manne. » La manne ressemblait à de la graine de coriandre, et avait l’apparence du bdellium. Le peuple se dispersait pour la ramasser ; il la broyait avec des meules, ou la pilait dans un mortier ; il la cuisait au pot, et en faisait des gâteaux. Elle avait le goût d’un gâteau à l’huile. Quand la rosée descendait la nuit sur le camp, la manne y descendait aussi (No 11.4‑9).

Permettez-moi de vous situer le contexte. Dieu avait racheté Israël de l’esclavage en Égypte. Tout en les conduisant à travers le désert vers la Terre promise, il a pourvu à leurs besoins quotidiens, leur procurant des provisions miraculeuses venant du ciel sous la forme de la manne. Au début, le peuple d’Israël s’est réjoui de sa liberté et de la main bienveillante de la providence qui lui donnait à manger tous les jours. Mais très vite, ils se sont montrés insatisfaits. Ils avaient déjà oublié les coups de fouet, les tortures, la sueur et l’appauvrissement dû à l’esclavage ; à présent, leurs rêves les plus profonds étaient remplis de visions des poissons, des concombres, des melons, des poireaux, d’oignons et d’ail qu’ils avaient mangés en Égypte. Ils étaient mécontents de devoir manger la même chose à chaque repas, c’est-à-dire la manne, encore et toujours de la manne. En lisant le récit de leur mécontentement, je ne peux m’empêcher de sourire. L’herbe est toujours plus verte chez le voisin, du moins c’est ce que nous pensons.

Dans le récit qui nous est donné dans Nombres, nous pouvons lire ensuite : « Moïse entendit le peuple qui pleurait, chacun dans sa famille et à l’entrée de sa tente. La colère de l’Éternel s’enflamma fortement. Moïse fut attristé » (v. 10). Il semble que tout le monde ait été mécontent à ce moment-là. Dans le cas de Moïse, cependant, c’était bien plus que cela. Il était bouleversé :

Moïse fut attristé, et il dit à l’Éternel : « Pourquoi affliges-tu ton serviteur, et pourquoi n’ai-je pas trouvé grâce à tes yeux, que tu aies mis sur moi la charge de tout ce peuple ? Est-ce moi qui ai conçu ce peuple ? Est-ce moi qui l’ai enfanté, pour que tu me dises : “Porte-le sur ton sein, comme le nourricier porte un enfant”, jusqu’au pays que tu as juré à ses pères de lui donner ? Où prendrai-je de la viande pour donner à tout ce peuple ? Car ils pleurent auprès de moi, en disant : “Donne-nous de la viande à manger !” Je ne puis pas, à moi seul, porter tout ce peuple, car il est trop pesant pour moi. Plutôt que de me traiter ainsi, tue-moi, je te prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, et que je ne voie pas mon malheur » (v. 11‑15).

Nous pouvons juger de la profondeur du désespoir de Moïse par les paroles désespérées qu’il a formulées dans sa prière à ce moment-là : « Dieu, si tu m’aimes un tant soit peu, si tu te fais un minimum de soucis pour moi, tue-moi tout de suite, car je n’en peux plus. » Des milliers de personnes lui criaient de leur procurer un aliment qu’il n’avait aucun moyen de leur donner. Pour lui, en cet instant, il était préférable de mourir plutôt que de continuer à diriger le peuple d’Israël.

La réponse de Dieu n’a pas été celle qu’attendait Moïse :

L’Éternel dit à Moïse : « Assemble auprès de moi soixante-dix hommes des anciens d’Israël de ceux que tu connais comme anciens du peuple et ayant autorité sur lui : amène-les à la tente d’assignation, et qu’ils s’y présentent avec toi. Je descendrai, et là je te parlerai ; je prendrai de l’Esprit qui est sur toi, et je le mettrai sur eux, afin qu’ils portent la charge du peuple, et que tu ne la portes pas à toi seul. Tu diras au peuple : Sanctifiez-vous pour demain, et vous mangerez de la viande, puisque vous avez pleuré aux oreilles de l’Éternel, en disant : “Qui nous fera manger de la viande ? Car nous étions bien en Égypte. L’Éternel vous donnera de la viande, et vous en mangerez. Vous en mangerez non pas un jour, ni deux jours, ni cinq jours, ni dix jours, ni vingt jours, mais un mois entier, jusqu’à ce qu’elle vous sorte par les narines et que vous en ayez du dégoût, parce que vous avez rejeté l’Éternel qui est au milieu de vous, et parce que vous avez pleuré devant lui, en disant : “Pourquoi donc sommes-nous sortis d’Égypte ?” » (v. 16‑20.)

Je pense que nous pouvons en tirer la leçon suivante : réfléchissez bien avant de demander une chose quelconque. Le peuple réclamait de la viande, alors Dieu leur a dit : « D’accord, vous voulez de la viande, je vais vous en donner. Je vous en donnerai au petit déjeuner, au déjeuner, au dîner et même comme goûter en fin de soirée. Et ce ne sera pas seulement pendant un ou deux jours, mais pendant un mois entier, jusqu’à ce que la viande vous sorte par les narines. » Dieu leur a fait savoir qu’il leur donnerait de la viande jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus en supporter la vue.

Moïse aurait dû se sentir soulagé par cette nouvelle. Dieu allait donner au peuple ce qu’il voulait, le déchargeant ainsi de toute pression. Il aurait été logique que Moïse dise : « Merci, Seigneur, d’avoir pris en main cette situation. Je t’en suis très reconnaissant. » Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Au lieu de cela, Moïse a traversé une véritable « crise de foi ». Il a adressé à Dieu les paroles suivantes : « Si cent mille hommes de pied forment le peuple au milieu duquel je suis, et tu dis : “Je leur donnerai de la viande, et ils en mangeront un mois entier ! Égorgera-t-on pour eux des brebis et des bœufs, en sorte qu’ils en aient assez ? Ou rassemblera-t-on pour eux tous les poissons de la mer, en sorte qu’ils en aient assez ? » (v. 21,22.)

Quand Moïse parle de six cent mille hommes de pied, il fait référence à la taille de l’armée israélite, aux hommes prêts pour le combat. Ce chiffre n’incluait pas les jeunes garçons, les enfants, les personnes âgées, les gens infirmes et les femmes. Il était probablement responsable de plus de deux millions de personnes. Moïse ne voyait pas comment Dieu pouvait tenir sa promesse et donner à cette multitude de la viande à manger pendant un mois.

J’aime beaucoup la réponse de Dieu : « L’Éternel répondit à Moïse : “La main de l’Éternel serait-elle trop courte ? Tu verras maintenant si ce que je t’ai dit arrivera ou non” » (v. 23). Dieu a essentiellement demandé à Moïse : « Suis-je Dieu, oui ou non ? » Puis il l’a mis au défi de se contenter d’observer ce qu’il allait faire.

Après avoir entendu cela, Moïse n’a rien ajouté. Il a accepté de faire ce que Dieu lui avait ordonné : « Moïse sortit, et rapporta au peuple les paroles de l’Éternel. Il assembla soixante-dix hommes des anciens du peuple, et les plaça autour de la tente. L’Éternel descendit dans la nuée, et parla à Moïse ; il prit de l’Esprit qui était sur lui, et le mit sur les soixante-dix anciens. Et dès que l’Esprit reposa sur eux, ils prophétisèrent ; mais ils ne continuèrent pas » (v. 24,25).

Les assistants de Moïse

Alors que nous commençons à explorer cet événement majeur, il est utile de se pencher sur un fait antérieur qui nous est relaté au chapitre 18 d’Exode. Il nous est dit dans ce texte qu’après que Dieu ait fait sortir le peuple d’Israël d’Égypte, Jéthro, le beau-père de Moïse, sacrificateur de Madian, est venu lui rendre visite dans le camp israélite du Sinaï. Au cours de sa visite, celui-ci a constaté que Moïse siégeait du matin au soir pour trancher les litiges entre les membres du peuple (v. 1‑13).

Nous lisons ensuite :

Le beau-père de Moïse vit tout ce qu’il faisait pour le peuple, et il dit : « Que fais-tu là avec ce peuple ? Pourquoi sièges-tu seul, et tout le peuple se tient-il devant toi, depuis le matin jusqu’au soir ? » Moïse répondit à son beau-père : « C’est que le peuple vient à moi pour consulter Dieu. Quand ils ont quelque affaire, ils viennent à moi ; je prononce entre eux, et je fais connaître les ordonnances de Dieu et ses lois. » Le beau-père de Moïse lui dit : « Ce que tu fais n’est pas bien. Tu t’épuiseras toi-même, et tu épuiseras le peuple qui est avec toi ; car la chose est au-dessus de tes forces, tu ne pourras pas y suffire seul. Maintenant écoute ma voix ; je vais te donner un conseil, et que Dieu soit avec toi ! Sois l’interprète du peuple auprès de Dieu, et porte les affaires devant Dieu. Enseigne-leur les ordonnances et les lois ; et fais-leur connaître le chemin qu’ils doivent suivre, et ce qu’ils doivent faire. Choisis parmi tout le peuple des hommes capables, craignant Dieu, des hommes intègres, ennemis de la cupidité ; établis-les sur eux comme chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix. Qu’ils jugent le peuple en tout temps ; qu’ils portent devant toi toutes les affaires importantes, et qu’ils prononcent eux-mêmes sur les petites causes. Allège ta charge, et qu’ils la portent avec toi. Si tu fais cela, et que Dieu te donne des ordres, tu pourras y suffire, et tout ce peuple parviendra heureusement à sa destination. » Moïse écouta la voix de son beau-père, et fit tout ce qu’il avait dit. Moïse choisit des hommes capables parmi tout Israël, et il les établit chefs du peuple, chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix. Ils jugeaient le peuple en tout temps ; ils portaient devant Moïse les affaires difficiles, et ils prononçaient eux-mêmes sur toutes les petites causes (v. 14‑26).

Moïse a suivi les conseils de Jéthro et il a nommé des hommes pour servir de juges sous ses ordres, tandis que lui-même avait le rôle de juge en chef, examinant les cas les plus complexes.

Dans le récit du livre des Nombres, Dieu a fait quelque chose de similaire. Il a dit à Moïse de rassembler soixante-dix hommes parmi les anciens du peuple et de les amener au tabernacle (No 11.16). Dieu voulait ainsi lui dire : « Je vais alléger le fardeau de la direction qui pèse sur toi. Je vais te donner non pas un seul assistant, mais soixante-dix. » Lorsqu’ils se sont rassemblés, Dieu a pris une partie de l’Esprit qui était sur Moïse et l’a placé sur les soixante-dix anciens. Ainsi, il n’y avait plus seulement un chef oint dans le camp, mais soixante et onze.

Moïse avait été oint par le Saint‑Esprit pour agir en tant que médiateur de l’ancienne alliance. Dieu avait maintenant oint soixante-dix autres personnes pour participer à cette œuvre. Il est intéressant de noter qu’il n’a pas donné à chacun sa propre onction, mais qu’il a réparti l’Esprit qui était sur Moïse entre les soixante-dix anciens. Dès que cela a été fait, ils ont tous commencé à prophétiser d’une manière unique, comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant et ne l’ont jamais refait par la suite. Cette manifestation extérieure montrait qu’ils avaient été habilités par le Saint‑Esprit.

Nous lisons ensuite, telle une note en bas de page, le récit suivant : « Il y eut deux hommes, l’un appelé Eldad, et l’autre Médad, qui étaient restés dans le camp, et sur lesquels l’Esprit reposa ; car ils étaient parmi les inscrits, quoiqu’ils ne soient point allés à la tente, et ils prophétisèrent dans le camp. Un jeune homme courut l’annoncer à Moïse, et dit : Eldad et Médad prophétisent dans le camp » (v. 26,27). Il s’agissait là d’un scandale. Le peuple ne savait pas encore que Dieu avait ordonné cette effusion du Saint‑Esprit sur des gens autres que la personne de Moïse, c’est-à-dire les soixante-dix anciens. Lorsqu’ils ont vu Eldad et Médad prophétiser, ils étaient horrifiés à l’idée que cela pouvait être le signe d’un faux prophète. Ils ont donc couru en informer Moïse.

Lorsque la nouvelle est parvenue à Moïse, son assistant, Josué, a été particulièrement bouleversé : « Et Josué, fils de Nun, serviteur de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole et dit : “Moïse, mon seigneur, empêche-les !” » (v. 28.) Pourquoi Josué a-t-il fait cette demande ? Était-il opposé à la prophétie ou à la puissance du Saint‑Esprit ? Non, il était simplement préoccupé par la menace qui pesait sur le leadership de Moïse. Il y voyait une tentative de soulèvement contre l’autorité dûment constituée de l’Église vétérotestamentaire.

La réponse de Moïse est capitale pour comprendre l’action du Saint‑Esprit. Nous lisons : « Moïse lui répondit : “Es-tu jaloux pour moi ? Puisse tout le peuple de l’Éternel être composé de prophètes ; et veuille l’Éternel mettre son Esprit sur eux !” » (v. 29.) Alors que Josué protestait contre l’expansion de l’onction du Saint‑Esprit pour habiliter le peuple de Dieu au ministère, Moïse s’en est réjoui. Il a même exprimé le désir que Dieu place son Esprit sur chaque personne de son peuple.

Du temps de Moïse dans l’Israël de son époque, cette idée que l’Esprit Saint puisse reposer sur chaque croyant n’était qu’un espoir ou une prière sur les lèvres de Moïse. Plus tard, cependant, cette espérance est devenue prophétie. Le prophète Joël a en effet écrit : « Après cela, je répandrai mon Esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, et vos jeunes gens des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes, dans ces jours-là, je répandrai mon Esprit » (Joë 2.28,29). Sous l’inspiration de l’Esprit, Joël a déclaré que dans les derniers jours, Dieu répandrait son Esprit sur « toute chair », c’est-à-dire sur tout le peuple de Dieu. La puissance du Saint‑Esprit pour le ministère ne serait pas limitée à des individus isolés ou à un petit groupe de gens, mais chaque personne de la communauté de Dieu serait ainsi équipée.

La prière et la prophétie accomplies

Ce qui était une prière pour Moïse et une prophétie pour Joël est devenu une réalité historique le jour de la Pentecôte, lorsque Dieu a pris l’Esprit qui était sur Jésus, le médiateur de la nouvelle alliance, et qu’il l’a distribué non pas à soixante-dix personnes, mais à tous les croyants.

Jésus avait annoncé aux disciples que cela se produirait. Dans le livre des Actes, Luc a écrit : « Comme [Jésus] se trouvait avec eux, il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, ‟ce que je vous ai annoncé, leur dit-il ; car Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit” » (Ac 1.4,5). L’une des dernières choses que Jésus a dites à ses disciples avant de monter vers son Père, c’est qu’ils devaient rester quelque temps à Jérusalem afin de recevoir l’accomplissement d’une promesse que le Père leur avait faite. Il faisait allusion à la promesse du baptême du Saint‑Esprit, énoncée dans la prophétie de Joël. Il leur a rappelé que cela se produirait dans un avenir très proche.

Luc poursuit ainsi : « Alors les apôtres réunis lui demandèrent : “Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ?” Il leur répondit : “Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez une puissance, le Saint‑Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre” » (v. 6‑8). Jésus associe ici le baptême de l’Esprit à la capacité d’être ses témoins.

Dans tous les passages que nous avons examinés – Nombres 11, Joël 2 et surtout ici, Actes 1 –, l’onction du Saint‑Esprit est associée à une sorte de dotation, à un don provenant de la grâce divine. Le mot grec employé pour désigner ce type de don est charisma. Ainsi, les dons que l’Esprit Saint apporte sont connus sous le nom de dons « charismatiques » ou de charismata. L’Esprit de Dieu octroie ces dons à l’Église de Christ afin de fournir au peuple de Dieu la capacité d’accomplir la mission qu’il a confiée à son peuple : témoigner de lui jusqu’aux extrémités de la terre.

Telle était donc la promesse. Le jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint est effectivement venu sur les disciples avec puissance :

Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint‑Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres : « Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? […] Comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu ? » (Ac 2.1‑7,11.)

La Pentecôte était une fête annuelle qui se tenait à Jérusalem. Des pèlerins juifs du monde entier venaient à Jérusalem pour cet événement. Il y avait donc une grande assemblée de juifs venus de nombreuses contrées et parlant diverses langues. Mais la fête a été interrompue par un événement surnaturel marqué par une manifestation visible du Saint‑Esprit – des langues de feu se sont posées au-dessus de la tête des disciples – et un signe audible – les disciples ont parlé des « merveilles de Dieu » dans les langues de tous ceux qui étaient présents.

Après cette onction de l’Esprit Saint, les disciples ont été transformés. Ils ont commencé à prêcher que Jésus est le Christ, le Sauveur, et ils ne se laissaient pas réduire au silence, même sous la menace de l’exécution. Rapidement, ils ont commencé à porter partout le message de l’Évangile, comme Jésus le leur avait ordonné, et il a bientôt été dit d’eux qu’ils avaient « bouleversé le monde » (Ac 17.6). Telle est la puissance de l’onction que l’Esprit donne à chaque personne qui se confie en Jésus‑Christ dans le cadre de la nouvelle alliance. Martin Luther, le grand réformateur allemand du xvie siècle, a parlé du « sacerdoce de tous les croyants ». Certains en déduisent qu’il ne doit pas y avoir de distinction dans l’Église entre le clergé et les laïcs, mais ce n’est pas ce que Luther cherchait à exprimer. Il voulait dire que l’œuvre du royaume de Dieu n’est pas donnée uniquement à ceux qui ont une vocation de prédicateur, d’enseignant, de diacre ou d’ancien. Au contraire, chaque chrétien est appelé à participer au ministère de Christ et de l’Église. Cela peut être intimidant, mais cet appel s’accompagne du don du Saint‑Esprit, qui oint et qui rend tous les membres du peuple de Christ capables de le servir.


Cet article est extrait du livre : «Qui est le Saint-Esprit ?» de R.C. Sproul

Le Saint-Esprit, celui qui sanctifie

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le Saint‑Esprit est appelé ainsi ? Certes, il est saint, mais Dieu le Père est également connu pour sa sainteté sans faille, et cet attribut appartient également à Dieu le Fils. Il n’y a aucune raison qui permette de dire que le Saint‑Esprit aurait un degré de pureté supérieur à celui des deux autres membres de la Trinité. Ce n’est donc pas sa sainteté surabondante qui nous amène à l’appeler le Saint‑Esprit. De même, il est bel et bien un esprit, mais Dieu le Père l’est aussi et Dieu le Fils est un esprit dans son être, en tant que logos, la deuxième personne de la Trinité. Ce n’est donc pas parce qu’il est un esprit que nous désignons cette troisième personne en Dieu comme le Saint‑Esprit.

Il y a plusieurs raisons qui justifient qu’il soit connu sous le nom de Saint‑Esprit. Tout d’abord, le terme « saint » est rattaché à son titre en raison de la tâche particulière que l’Esprit accomplit dans notre rédemption. Parmi les personnes de la Trinité, l’Esprit est l’acteur principal dans le domaine de notre sanctification, mettant en œuvre le processus par lequel nous sommes rendus conformes à l’image de Christ et rendus saints.

Il arrive fréquemment que des chrétiens me demandent : « Quelle est la volonté de Dieu pour ma vie ? » Ils se posent toutes sortes de questions sur le choix de la personne qu’ils devraient épouser, la carrière qu’ils devraient embrasser et une myriade d’autres décisions. Mais la Bible est très claire quant à la volonté principale de Dieu pour notre vie. L’apôtre Paul a écrit : « Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification » (1 Th 4.3a). À d’autres moments, j’entends des chrétiens parler d’être poussés par l’Esprit Saint à faire telle ou telle chose. Oui, le Saint‑Esprit conduit parfois les gens vers des objectifs ou des tâches spécifiques, mais sa mission première, telle qu’elle est définie dans les Écritures, est de nous conduire à la sainteté. C’est sa puissance, agissant en nous, qui nous aide à grandir dans la sainteté. Nous devons nous assurer de consulter les Écritures et d’y être très attentifs pour connaître la volonté de Dieu ainsi que la direction de l’Esprit Saint, et ne pas nous contenter d’écouter les enseignements populaires de la sous-culture chrétienne dans laquelle nous vivons. Ainsi, l’une des principales raisons pour lesquelles le Saint‑Esprit est appelé ainsi tient au fait qu’il a pour tâche spécifique de rendre possible la sanctification des disciples de Christ.

Par ailleurs, la troisième personne de la Trinité est appelée le Saint‑Esprit parce qu’il existe plusieurs types d’esprit. Les Écritures font une distinction entre l’esprit de l’homme et l’Esprit de Dieu. Mais ce qui est plus important encore pour notre étude, c’est que la Bible parle d’esprits mauvais qui ne sont pas de Dieu, d’entités démoniaques qui veulent entraver le progrès du chrétien dans sa marche vers la sanctification. La différence essentielle entre ces mauvais esprits et le Saint‑Esprit se situe précisément au niveau de la sainteté. Les esprits mauvais sont impies, alors que le Saint‑Esprit est entièrement saint. C’est à cause de cette distinction que l’apôtre Jean nous a ainsi avertis : « N’ajoutez pas foi à tout esprit, mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu » (1 Jn 4.1a).

Justifier notre péché

J’insiste sur ces points pour la raison suivante : dans le monde chrétien, plusieurs d’entre nous sont passés maîtres dans l’art de justifier leur péché, et l’une des façons les plus courantes de le faire est de dire que nous avons été conduits à faire ceci ou cela par le Saint‑Esprit. Ce n’est pas un phénomène que je rencontre seulement une fois tous les dix ans ; il m’arrive au moins une fois par semaine de discuter avec quelqu’un qui se dit chrétien et qui m’affirme qu’il ou elle va divorcer sans que ses raisons soient bibliques, qu’il ou elle s’apprête à s’engager dans un mariage qui contrevient aux enseignements des Écritures, ou encore qu’il ou elle dirige une entreprise sans se conformer aux principes qui se trouvent dans la Bible. Quel que soit le sujet, ils ne manquent pas de me dire qu’ils se sentent libres de le faire et ils ajoutent : « J’ai prié à ce sujet et Dieu m’a donné la paix » ou bien « le Saint‑Esprit m’a conduit à agir de la sorte ».

Lorsque j’entends ce genre de justifications pour un comportement non biblique, je me rends compte que les gens croient sans doute réellement ce qu’ils me disent, mais qu’ils ne parlent pas selon la vérité. Ils sont dans l’erreur – une erreur très grave. Je sais cela pour deux raisons, et celles-ci sont fondées sur deux affirmations cruciales quant au caractère de l’Esprit de Dieu. La première, c’est qu’il est le Saint‑Esprit. La seconde, c’est que Jésus l’a appelé à plusieurs reprises « l’Esprit de vérité » (Jn 14.17 ; 15.26 ; 16.13). Il ne nous incite jamais à faire quelque chose d’impie ou à accepter un mensonge.

Nous nous référons à la Bible comme étant la Parole de Dieu, et c’est bien le cas. L’une des raisons pour lesquelles l’Église a confessé sa foi dans le fait que les Écritures sont la Parole de Dieu est l’affirmation biblique selon laquelle les textes des saintes Écritures ont été inspirés à l’origine par Dieu le Saint‑Esprit. Naturellement, la Bible enseigne qu’il n’a pas seulement inspiré la rédaction des livres bibliques, mais qu’il travaille à éclairer les Écritures et à nous les faire comprendre. Paul a écrit à ce propos : « Dieu n’est pas un Dieu de désordre » (1 Co 14.33a), et cela vaut également pour le Saint‑Esprit. Cela signifie qu’il ne nous prescrit jamais de faire quelque chose qu’il interdit expressément dans les saintes Écritures.

Ainsi, lorsque la Bible dit que nous devons éprouver les esprits pour voir s’ils sont de Dieu, comment devons-nous procéder ? Quel genre de test pouvons-nous utiliser ? Il est évident qu’il doit être biblique, car nous savons que l’enseignement de l’Esprit de vérité se trouve dans les Écritures. Par conséquent, si j’ai en moi un penchant, un pressentiment ou un désir, et que je veux associer cette direction interne au Saint‑Esprit, mais que je vois aussi que cette aspiration dans mon cœur est clairement opposée à ce qui est enseigné dans les Écritures, j’ai la preuve formelle que je suis en train de confondre la luxure, la convoitise ou tout autre sentiment interne avec la direction du Saint‑Esprit. Voilà bien une chose terrible à commettre.

Nous n’entendons presque jamais parler de cela dans la communauté chrétienne de nos jours parce que les chrétiens se donnent facilement une apparence spirituelle en disant que Dieu leur a mis à cœur ceci ou cela ou qu’il les a conduits à faire telle ou telle chose. Chaque fois que j’entends ce genre d’affirmation, j’ai envie de demander à la personne concernée : « Comment sais-tu que c’est Dieu qui a incliné ton cœur vers cela ? Comment peux-tu être certain que ce n’est pas une manifestation de ta propre ambition ou de ta propre avarice ? » Je veux que la personne me montre le fondement biblique de son affirmation. Comme je l’ai dit plus haut, je ne doute pas que le Saint‑Esprit puisse placer un fardeau dans le cœur d’un croyant et le conduire de manière surnaturelle, mais il le fait toujours dans le cadre et par le biais des Écritures. Il ne va jamais à l’encontre de sa propre révélation dans la Bible. Ainsi, le meilleur moyen d’éprouver les esprits est de les juger d’après la vérité de l’Esprit Saint lui-même.

L’hostilité envers la doctrine

Une part importante de notre croissance dans la sanctification est constituée de la progression de notre compréhension des choses de Dieu. Je me sens malheureusement très préoccupé par un mouvement qui semble se répandre dans le monde chrétien. Je trouve en effet que l’étude de la doctrine ou de la théologie fait l’objet d’une indifférence généralisée, voire d’une hostilité. J’ai même entendu dire qu’il y aurait deux sortes de personnes dans l’Église : celles qui croient que la théologie est importante et celles qui ne le pensent pas. Mais j’entends aussi ce commentaire corollaire : il est dit que les personnes qui s’intéressent à la théologie ne sont pas aimantes, et que cela est réellement un problème parce que Dieu tient davantage à ce que nous nous aimions les uns les autres qu’à ce que nous ayons des connaissances théologiques.

J’ai été profondément bouleversé lorsque ces choses sont venues à mes oreilles. J’avais certes déjà entendu des gens exprimer de l’antipathie à l’égard de la doctrine, et j’admets que l’étude de celle-ci peut conduire à une orthodoxie sans vie qui n’a aucune piété. Je crois que nous savons également tous qu’il est possible d’étudier la doctrine comme un exercice intellectuel, en n’ayant pas une once d’amour pour Dieu ou pour autrui. Mais c’est une autre affaire que de généraliser ce problème et de conclure que si nous poursuivons l’étude de la théologie chrétienne, nous ne pourrons absolument pas faire preuve d’amour, et que le meilleur moyen d’y parvenir est donc d’éviter de considérer la théologie. Pensez aux implications d’une telle conclusion. Cela signifierait que la meilleure façon de manifester de l’amour est d’éviter autant que possible de comprendre les choses de Dieu. L’étude théologique est simplement l’étude du caractère de Dieu, dont la vertu suprême est l’amour. Une saine théologie enseigne l’importance centrale de l’amour et nous incite à aimer le Dieu des Écritures ainsi que les autres personnes.

Cette antipathie à l’égard de la doctrine s’exprime généralement dans le contexte d’une controverse théologique. Les gens peuvent devenir méchants d’un côté comme de l’autre. Certains évitent donc tout différend. Il peut leur arriver de dire : « Je n’ai aucun intérêt pour cette controverse et pour la doctrine en général ; je pense simplement que nous devons davantage faire preuve d’amour les uns envers les autres. » Mais est-ce que l’on démontre de l’amour si on laisse perdurer de graves erreurs théologiques sans qu’elles soient contestées ? Paul manquait-il d’amour lorsqu’il débattait quotidiennement des questions relatives à Dieu sur la place publique (Ac 17.17) ? Jésus a-t-il manqué d’amour lorsqu’il a contredit l’enseignement des pharisiens ? Les prophètes de l’Israël d’autrefois manquaient-ils d’amour lorsqu’ils réprimandaient et avertissaient les faux prophètes ? Élie a-t-il fait preuve d’un manque d’amour lorsqu’il s’est disputé avec les prophètes de Baal (1 R 18) ? Il m’est impossible d’imaginer qu’un membre de la foule sur le mont Carmel ait pu dire ce jour-là : « Vous pouvez suivre Élie si vous le voulez, mais je ne le ferai pas. Il a peut-être la vérité, mais il ne démontre pas d’amour. Regardez ce qu’il a fait à ces prophètes de Baal. Quel manque d’amour ! » Lutter pour la vérité de Dieu est un acte d’amour, et non le signe que l’on n’en a pas. Si nous aimons Dieu, si nous aimons Christ, si nous aimons l’Église, nous devons aimer la vérité qui définit l’essence même du christianisme.

J’ai entendu un jour un autre commentaire troublant : « Le christianisme est une affaire de relations et non d’assertions. » Celui qui parlait ainsi a poursuivi en disant que le christianisme se préoccupe également de la vérité, mais je n’arrivais pas à voir la cohérence entre ces deux affirmations. Si la foi chrétienne n’est pas une question d’assertions, de quel type de vérité s’agit-il ? Je crois que l’influence de l’existentialisme dans la culture en général et dans l’Église en particulier a produit une chose inconnue des générations précédentes : la théologie relationnelle. Autrement dit, cette dernière est un système théologique dont le contenu et la signification sont déterminés par les relations. Elle n’est qu’à un doigt du relativisme pur et dur. C’est le genre de théologie qui déclare que si vous croyez que Dieu est un et que je crois que Dieu est trois en un, ce qui compte vraiment, c’est la relation qui existe entre nous. La vérité est déterminée par les relations, et non par les assertions. Par exemple, si je dis que la mort de Jésus sur la croix est notre expiation et que quelqu’un d’autre dit que ce n’est pas le cas, nous n’en discutons pas, de peur de rompre notre relation. Celle-ci doit être préservée même si l’on y perd la vérité.

Le but de connaître de Dieu

Emil Brunner, théologien suisse du xxe siècle et l’un des pères de la théologie néo-orthodoxe, a écrit un petit livre intitulé Truth as Encounter (La vérité en tant que rencontre). Sa thèse repose sur le fait que lorsque nous étudions des questions relatives à Dieu, nous n’explorons pas la vérité dans l’abstrait. Nous ne cherchons pas à la comprendre simplement pour obtenir un excellent résultat à un examen de théologie, mais pour saisir la doctrine divine, afin de rencontrer le Dieu vivant dans sa Parole et d’approfondir notre relation personnelle avec lui. Nous ne pouvons améliorer une relation avec quelqu’un si nous ne savons rien de lui. Les assertions des Écritures ne sont donc pas une fin en soi, mais un moyen pour atteindre une fin. Elles constituent toutefois un moyen nécessaire à la réalisation de cette fin. Ainsi, dire que le christianisme n’est pas une affaire d’assertions, mais de relations, c’est établir une fausse dichotomie extrêmement dangereuse. C’est insulter l’Esprit de vérité, duquel viennent ces assertions. Celles-ci devraient être notre nourriture, car elles définissent la vie chrétienne.

J’ai lu récemment quelques lettres adressées au rédacteur en chef d’un magazine chrétien. L’une d’entre elles dénonçait les érudits chrétiens titulaires de diplômes de haut niveau. L’auteur de la lettre accusait ces hommes d’aimer creuser les études linguistiques des enseignements de Christ dans les langues anciennes afin de démontrer qu’il n’a pas vraiment dit ce qu’il semble dire dans nos Bibles occidentales. Il s’agit manifestement d’une attitude négative à l’égard de toute étude sérieuse de la Parole de Dieu. Il est vrai qu’il existe de tels érudits, qui étudient un mot dans six langues différentes et qui finissent toujours par échouer à en saisir le sens réel, mais cela ne signifie pas que nous ne devons pas nous engager dans une étude approfondie de la Parole de Dieu, de peur de finir comme ces érudits impies. Un autre correspondant exprimait l’opinion que les personnes qui s’engagent dans l’étude de la doctrine ne se préoccupent pas de la douleur que les gens éprouvent dans ce monde. D’après mon expérience, il est pratiquement impossible de ne pas se poser des questions sur la vérité lorsque l’on se trouve devant le malheur. Nous voulons tous connaître la vérité sur la souffrance et, plus précisément, savoir où Dieu se trouve quand nous en subissons. Il s’agit là d’une question théologique. La réponse nous vient des Écritures, qui révèlent la pensée de Dieu lui-même par l’intermédiaire du Saint‑Esprit, appelé l’Esprit de vérité. Nous ne pouvons aucunement aimer Dieu si nous n’aimons pas sa vérité.

Cela m’attriste vraiment de constater que, dans la culture occidentale avancée d’aujourd’hui, les gens connaissent mieux les douze signes du zodiaque que les douze tribus d’Israël ou les douze apôtres. Notre monde aime se considérer comme étant sophistiqué et évolué sur le plan technologique, mais il demeure rempli de superstitions. Les chrétiens n’y échappent pas. Nous pouvons nous aussi succomber au désir qu’a cette nouvelle génération de pouvoir manipuler son environnement. Nous ne sommes pas obligés d’aller jusqu’à accepter l’idée stupide selon laquelle le parcours des étoiles déterminerait notre destin, notre prospérité, nos réalisations et nos succès. Cependant, il est tout aussi superstitieux d’assimiler nos sentiments et nos penchants à la direction du Saint‑Esprit. Il peut sembler tellement plus excitant de vivre cette ouverture totale plutôt que de pratiquer la discipline laborieuse de la maîtrise de sa Parole. C’est un terrain extrêmement dangereux. Si nous voulons faire la volonté du Père, nous devons étudier les Écritures qu’il nous a fournies et laisser la magie aux astrologues.


Cet article est extrait du livre : «Qui est le Saint-Esprit ?» de R.C. Sproul

Le Saint-Esprit, notre avocat

Au xixe siècle, deux philosophes européens ont exercé une influence considérable sur leur culture et sur l’histoire après eux. Tous deux se sentaient très concernés par la corruption de la civilisation occidentale et ils décrivaient l’Europe de leur époque comme étant décadente. Mais ce qu’ils croyaient être les raisons de cette décadence ainsi que les solutions qu’ils proposaient étaient très différentes chez l’un et chez l’autre.

L’un d’eux, Søren Kierkegaard (1813-1855), était un philosophe danois. Il se plaignait du fait que l’on n’appliquait plus le christianisme de manière constante à la vie quotidienne et il voyait en cela ce qui provoquait la décadence de la civilisation à son époque. Il croyait qu’une grande part du christianisme était devenu une orthodoxie sans vie, sans passion et détachée des problèmes quotidiens. Comme il le disait, son époque était « pitoyable ». C’est la raison pour laquelle il réclamait le retour de la passion dans la vie chrétienne. Lorsqu’il se sentait découragé, il aimait se tourner vers les pages de l’Ancien Testament, car il y trouvait des personnes lui apparaissant plus réelles. Il y voyait des saints et des pécheurs, et il n’y avait rien de factice, de trompeur ou d’artificiel en eux. Dieu travaillait vraiment dans leur vie, et eux, à leur tour, éprouvaient une véritable passion pour lui.

Un collègue professeur m’a un jour demandé : « Comment évalues-tu la solidité de l’Église aujourd’hui ? » J’ai répondu qu’il m’apparaissait de plus en plus clairement que de nombreux membres de l’Église ont une foi vibrante, qu’ils croient aux doctrines fondamentales de l’Écriture, et ainsi de suite, mais que peu d’entre eux considèrent la foi chrétienne comme une mission, comme une préoccupation profonde dans leur vie. Or, c’est justement ce que Kierkegaard aurait souhaité voir.

L’autre philosophe qui décriait la mort de la civilisation était l’Allemand Friedrich Nietzsche (1844-1900). Ce dernier croyait fermement que le plus grand problème de la civilisation occidentale était l’influence néfaste du christianisme. Il était convaincu que l’éthique de ces croyances, avec ses vertus de douceur et de bonté, avait émasculé la race humaine. Il estimait que le christianisme niait et minait la passion humaine la plus fondamentale – la volonté de puissance. La vie, disait Nietzsche, est une lutte de pouvoir. Nous sommes tous engagés dans une entreprise compétitive, cherchant à dominer autrui.

Nietzsche appelait donc à une nouvelle civilisation qui serait portée par un nouveau type d’être humain, une sorte de héros existentiel, qu’il appelait l’Übermench, le « surhomme ». Il le décrivait comme étant une personne qui construirait sa maison sur les pentes du volcan Vésuve et qui habiterait donc à un endroit pouvant être détruit à tout moment, si le volcan entrait en éruption. De même, il naviguerait sur des mers inconnues. Il pourrait rencontrer des monstres marins ou des tempêtes qui feraient chavirer son navire et qui le tueraient, mais cela ne freinerait pas le surhomme.

Selon la conception de Nietzsche, le surhomme serait avant tout un conquérant dont la principale vertu est le courage, car ce philosophe pensait que c’était cette qualité qui manquait essentiellement dans la culture du xixe siècle. Mais lorsque Nietzsche parlait de courage, il lui donnait un sens inhabituel. Il réclamait un « courage dialectique ». En philosophie, le terme dialectique se rapporte à un état de contradiction, dans lequel une chose constitue l’antithèse d’une autre. Ces éléments ne peuvent jamais être réconciliés. Qu’est-ce donc que le courage dialectique ? Nietzsche était arrivé à la conclusion que la vie est, en fin de compte, nihiliste, c’est-à-dire dénuée de sens. Il croyait que Dieu était mort et que, puisqu’il n’y a pas de divinité, il n’existe pas de bonté ou de vérité absolues. Ainsi l’existence humaine n’aurait pas de signification objective ; le sens de la vie ne serait que celui que nous voulons lui donner. Dans un monde qui n’est pas tant hostile qu’indifférent, nous devrions donc faire preuve de courage et c’est ce que ferait le surhomme. C’est le courage dialectique, face à l’indifférence de l’univers. Nietzsche disait en substance : « La vie n’a pas de sens, alors armez-vous de courage. Et même si ce dernier n’a pas plus de sens, ayez-en quand même. »

« Un autre aide »

Quel est le lien entre Kierkegaard et Nietzsche d’une part, et l’action du Saint‑Esprit d’autre part ? Dans la chambre haute, la nuit précédant sa crucifixion, Jésus a donné à ses disciples quelques promesses essentielles concernant l’Esprit Saint. Il leur a dit qu’il était sur le point de partir et qu’ils ne pouvaient pas l’accompagner, mais il leur a promis ceci : « Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre aide, afin qu’il soit éternellement avec vous » (Jn 14.16, BAN). Certaines traductions utilisent le mot « aide », tandis que d’autres utilisent le mot « consolateur ». Le mot grec traduit par l’un ou l’autre de ces vocables est parakletos ; c’est de lui que vient le terme français paraclet. Ce mot comprend un préfixe, para-, qui signifie « à côté », et une racine qui est une forme du verbe kletos et qui signifie « appeler ». Un parakletos est donc une personne appelée à se tenir aux côtés d’une autre. Ce terme s’appliquait généralement à un avocat, mais pas à n’importe lequel. D’un point de vue technique, le parakletos était l’avocat de la famille qui avait un mandat permanent. Chaque fois qu’un problème survenait dans la famille, le parakletos était appelé, et il venait immédiatement pour aider à trouver une solution. Il en va de même dans notre relation avec le Saint‑Esprit. Nous faisons partie de la famille de Dieu, et l’avocat de la famille est le Saint‑Esprit lui-même. Il est toujours présent pour nous accompagner et nous aider dans les moments difficiles.

Je pense que la plupart des traductions françaises du Nouveau Testament ne traduisent pas correctement parakletos, en particulier celles qui le traduisent par « consolateur ». Ce choix de mot passe à côté de l’essentiel. Lorsque Jésus a dit qu’il demanderait au Père d’envoyer aux disciples un autre paraclet, il ne parlait pas de quelqu’un qui viendrait guérir leurs blessures lorsqu’ils seraient meurtris et affligés. Bien sûr, l’une des tâches principales du Saint‑Esprit est d’apporter la consolation aux cœurs brisés ; il est un baume en Galaad lorsque nous sommes en proie au chagrin et dans le deuil. Nous devons toutefois nous rappeler le contexte dans lequel Jésus a promis d’envoyer l’Esprit Saint – il était en train d’annoncer à ses disciples qu’il était sur le point de les quitter. Ils allaient se retrouver sans lui au cœur d’un monde hostile, où ils seraient haïs comme il l’avait lui-même été. Chaque instant de leur vie serait rempli de pression, d’hostilité et de persécution de la part du monde. Personne ne serait prêt à vivre un tel scénario sans un aide à ses côtés.

L’idée est que le Saint‑Esprit vient vers le peuple de Christ non pas pour guérir ses blessures après une bataille, mais pour le fortifier avant et pendant le combat. L’Église ne fonctionne pas tant comme un hôpital que comme une armée, et le Saint‑Esprit vient pour renforcer les chrétiens, pour leur assurer la victoire ou la conquête.

« Plus que vainqueurs »

Nietzsche disait donc : « La vie n’a pas de sens, mais ayez quand même du courage. » Jésus a également exhorté son peuple à être courageux face aux difficultés, à l’adversité et à l’hostilité, mais il ne l’a pas appelé à un courage sans fondement. Comme nous le savons, Jésus a dit à ses disciples : « Prenez courage » (Jn 16.33). Cependant, il ne leur a pas simplement dit de faire cela sans raison. Il leur a expliqué pourquoi ils devraient avoir un sentiment de confiance et d’assurance vis-à-vis de la vie chrétienne. Il a dit : « Prenez courage, j’ai vaincu le monde. »

Nietzsche voulait un surhomme, un conquérant. Il aurait dû tourner son regard vers Christ. Jésus a vaincu le monde, et il l’a fait par la puissance du même Esprit que celui qu’il envoie à son peuple. Le Saint‑Esprit vient donner force et puissance au peuple de Dieu. C’est pourquoi les Écritures disent : « Nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Ro 8.37). Cette affirmation se trouve un cran au-dessus de celle de Nietzsche.

L’œuvre du Saint‑Esprit complète donc celle de Christ, qui a été le premier paraclet, venu nous fortifier par sa mort expiatoire. Aujourd’hui, c’est le Saint‑Esprit qui nous donne les moyens de vivre la vie à laquelle Christ nous a appelés.


Cet article est extrait du livre : «Qui est le Saint-Esprit ?» de R.C. Sproul

Le Saint-Esprit, celui qui donne la vie

Lors de la campagne présidentielle de 1976 aux États-Unis, Jimmy Carter a déclaré être « né de nouveau ». À peu près à la même époque, l’ancien conseiller du Président Nixon, Charles Colson, a publié un livre relatant sa conversion au Christ, simplement intitulé Born Again (Né de nouveau). Ce terme connu principalement des chrétiens évangéliques a soudainement été propulsé sur le devant de la scène nationale.

Depuis lors, l’expression « né de nouveau » a été adoptée pour toutes sortes d’usages qui n’ont rien à voir avec le type de conversion spirituelle que Carter et Colson avaient à l’esprit. Par exemple, un athlète qui connaît un retour en force dans sa carrière peut dire qu’il est « né de nouveau » quant à ses compétences. D’une certaine manière, la véritable signification de cette locution importante a été obscurcie par son utilisation fréquente et abusive.

L’idée de naître de nouveau, de faire l’expérience d’une renaissance spirituelle, vient directement de l’enseignement de Jésus que nous trouvons dans le troisième chapitre de l’Évangile selon Jean, où ce dernier rapporte une rencontre entre Jésus et un dirigeant juif du nom de Nicodème.

Jean a écrit : « Mais il y eut un homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des Juifs, qui vint, lui, auprès de Jésus, de nuit, et lui dit : “Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de Dieu ; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n’est avec lui” » (Jn 3.1,2). Nicodème est venu voir Jésus de nuit, probablement parce qu’il ne voulait pas être vu en sa compagnie. Cependant, son discours était flatteur, puisqu’il présentait Jésus comme étant « un docteur venu de Dieu ». Mais Jésus l’a interrompu et lui a dit : « En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu » (v. 3). Jésus affirmait ainsi que la nouvelle naissance est une étape nécessaire à l’entrée dans le royaume de Dieu. C’est la condition sine qua non. Si vous n’êtes pas régénéré, vous ne pouvez pas y entrer.

Nicodème ne l’a pas bien compris ; il a interprété les paroles de Jésus de manière un peu niaise et d’un point de vue physique. C’est pour cette raison qu’il lui a ensuite demandé : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? » (v. 4.) Jésus lui a répondu une seconde fois : « En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (v. 5). L’idée de naître de nouveau ou de faire l’expérience de la nouvelle naissance n’a donc pas été inventée par Jimmy Carter, Chuck Colson ou les chrétiens évangéliques en général. Elle se trouve dans l’enseignement de Christ lui-même. Ce précepte est extrêmement important, car en cela Jésus mentionne une condition nécessaire à l’entrée dans le royaume de Dieu.

J’ai un peu de mal à entendre des gens dire : « Je suis un chrétien né de nouveau. » Quel est le problème d’une telle affirmation ? Eh bien, existe-t-il un autre type de chrétien ? Si la nouvelle naissance est absolument essentielle pour entrer dans le royaume de Dieu, comme Jésus l’a dit, il ne peut pas y avoir de chrétien qui ne soit pas né de nouveau. Dire « chrétien né de nouveau » revient à dire « chrétien chrétien ». C’est une redondance, une sorte de bégaiement théologique.

Par ailleurs, est-il possible d’être un « non-chrétien né de nouveau » ? Il m’est arrivé d’entendre des gens dire : « Je suis un musulman né de nouveau » ou « Je suis un bouddhiste né de nouveau ». Je voudrais leur dire que s’ils sont nés de nouveau au sens néotestamentaire, ils ne sont plus musulmans ou bouddhistes. Les seules personnes qui soient nées de nouveau sont les chrétiens.

De la mort spirituelle à la vie

Il est essentiel de bien comprendre l’action du Saint‑Esprit dans la nouvelle naissance spirituelle. L’un des meilleurs passages pour acquérir cette compréhension se trouve dans le deuxième chapitre de la lettre de l’apôtre Paul aux Éphésiens. Nous y lisons ce qui suit :

Vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés, dans lesquels vous marchiez autrefois, selon le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air, de l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion. Nous tous aussi, nous étions de leur nombre, et nous vivions autrefois selon les convoitises de notre chair, accomplissant les volontés de la chair et de nos pensées, et nous étions par nature des enfants de colère, comme les autres… Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus vivants avec Christ (c’est par la grâce que vous êtes sauvés) ; il nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus‑Christ (v. 1-6).

Le langage et les images utilisés par l’apôtre dans ce texte ont trait à la vie et à la mort. Il affirme que les chrétiens ont été « rendus vivants ». Mais s’ils sont maintenant vivants, qu’étaient-ils auparavant ? Ils étaient « morts par [leurs] offenses et par [leurs] péchés ». Paul parle donc d’une sorte de résurrection, d’une transformation de personnes qui étaient mortes vers une vie nouvelle.

Nous devons comprendre de quel type de mort il s’agit ici. Paul ne parle pas d’une résurrection physique puisqu’il ne parle pas de mort physique. Ceux qui ont été rendus vivants par le Saint‑Esprit étaient des êtres vivants, des organismes biologiques qui respiraient avant cette expérience de la nouvelle naissance. Avant de devenir chrétien, mon cœur battait, mes poumons se remplissaient d’air et se vidaient, et mon cerveau était actif (même si mes professeurs se posaient parfois des questions). Mais j’étais spirituellement mort. J’étais mort aux choses de Dieu parce que j’existais uniquement et entièrement dans ce que Jésus et les apôtres appellent « la chair ».

Dans sa conversation avec Nicodème, après lui avoir expliqué que nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu s’il ne naît d’eau et d’Esprit, Jésus a poursuivi en affirmant : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : “Il faut que vous naissiez de nouveau”. Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais pas d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit » (Jn 3.6‑8).

Jésus fait ici la distinction entre la puissance du Saint‑Esprit et celle de la chair humaine. Il déclare : « Ce qui est né de la chair est chair. » Il parlait des gens et il disait que non seulement les êtres humains viennent au monde avec un corps physique, mais aussi qu’ils naissent déchus. Cela signifie qu’ils n’ont pas de vie spirituelle. Au contraire, ils naissent en étant spirituellement morts.

Il n’y a peut-être rien dans les Écritures qui rebute davantage l’homme moderne que cette affirmation selon laquelle tout être humain naît dans un état de mort spirituelle. Cette idée répugne même la communauté chrétienne dans son sens large. La plupart des gens qui se disent chrétiens reconnaissent qu’il y a des défauts dans la race humaine, que nous sommes tous pécheurs et qu’aucun d’entre nous n’est parfait. Mais moins d’un pour cent des chrétiens croient vraiment que chaque être humain est déjà spirituellement mort lorsqu’il vient au monde. Même Billy Graham avait l’habitude de dire que l’homme naturel est mortellement malade, au point qu’il est à quatre-vingt-dix-neuf pour cent mort, mais l’orateur n’allait jamais jusqu’à dire « cent pour cent ». Le rejet de cette idée est si répandu que certains des principaux porte-parole du christianisme sont prêts à la contredire. Ils n’acceptent pas l’idée d’une mort spirituelle totale.

Pourtant, c’est clairement ce qu’a affirmé Paul. Nous sommes morts à l’arrivée dans ce monde sur le plan spirituel – pas seulement faibles, souffrants, gravement malades ou comateux. Nous n’avons ni pouls spirituel, ni respiration, ni activité cérébrale spirituelle. Nous sommes spirituellement mort-nés, et nous le restons, à moins que le Saint‑Esprit nous donne vie.

Suivre une voie et un prince

Paul a déclaré aux Éphésiens : « Vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés, dans lesquels vous marchiez autrefois, selon le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air » (Ép 2.1). Il s’adressait à des chrétiens, mais ceux-ci ont tous été, à un moment donné de leur vie, des non-chrétiens, et chacun d’eux manifeste un certain type de comportement. Paul affirme ici que ceux qui sont spirituellement morts suivent une voie et un prince.

Dans l’épître aux Romains, au chapitre 3, Paul a écrit : « Il n’y a point de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu. Tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul » (v. 10b‑12). Il déclare ici que tous sont « égarés », qu’ils ont quitté le chemin. Si, par nature, nous ne cherchons pas Dieu, est-il surprenant que nous nous écartions du chemin qui mène à lui ? Je trouve fascinant le fait que dans le Nouveau Testament, les disciples de Christ ne s’appelaient pas « chrétiens ». C’est à Antioche qu’ils ont été ainsi appelés pour la première fois (Ac 11.26), mais ce terme semble avoir été créé par des non-chrétiens pour se moquer d’eux. Au départ, les chrétiens se décrivaient comme des gens qui suivent « la voie » (voir Ac 19.9,23), parce qu’ils avaient entendu Christ parler de deux chemins, l’un spacieux et l’autre étroit (Mt 7.13,14). La grande majorité des gens empruntent la mauvaise voie. En réalité, nous commençons tous sur ce chemin spacieux, car la route large est celle du monde. Paul dit encore : « Nous tous aussi, nous étions de leur nombre » (voir Ép 2.3). Être mort spirituellement, c’est être du monde. C’est adhérer et suivre de manière servile les valeurs et les coutumes de la culture séculière.

Non seulement ceux qui sont morts spirituellement empruntent le chemin de ce monde, mais ils suivent aussi « le prince de la puissance de l’air » (v. 2). Y a-t-il un doute quelconque sur l’identité de celui duquel Paul parle ici ? C’est le titre qu’il donne à Satan, « l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion » (v. 2). Tous ceux qui sont spirituellement morts suivent les désirs de Satan en rejetant Dieu et ses exigences qui sont pourtant justes.

Tel est donc notre état naturel. Il s’agit là d’une image de ce que l’on appelle, en théologie, le péché originel, cet état de corruption mortelle, de mort spirituelle, dans lequel nous naissons tous.

Une œuvre de recréation

C’est le ministère et l’œuvre du Saint‑Esprit que d’aller vers des personnes spirituellement mortes, qui marchent selon le courant de ce monde en suivant le prince de la puissance de l’air, qui accomplissent les désirs de leur chair et de leurs pensées, afin de les recréer en les régénérant. « Régénérer » signifie « générer de nouveau ». Par la régénération, l’Esprit donne la vie à des personnes qui n’ont pas de vie spirituelle.

La régénération est une œuvre que le Saint‑Esprit accomplit immédiatement dans l’âme des humains. Quand je dis « immédiatement », je ne veux pas dire « rapidement », mais « sans aucun intermédiaire ». Il ne donne pas à l’individu une dose d’un médicament, mais, dans cette mort spirituelle, il apporte directement la vie. Cette action immédiate est exprimée dans les paroles que l’ange Gabriel a adressées à Marie : « Le Saint‑Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très‑Haut te couvrira de son ombre » (Lu 1.35a). Dans cette situation, la vie de Jésus a été générée immédiatement et directement, et non via les processus habituels de reproduction.

Dans ce sens, nous voyons dans la rédemption une sorte de récapitulation de la puissance que le Saint‑Esprit a manifestée dans la Création. Le même Dieu qui a créé le monde le rachète également. L’œuvre de la Création était trinitaire, de même que l’œuvre de la rédemption. Nous le voyons clairement dans Genèse 1, où nous lisons : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme » (v. 1,2a). Ce sont les premières phrases des Saintes Écritures. Immédiatement après ces versets, nous lisons une brève description de l’activité de Dieu au milieu de ces ténèbres, de ce vide et de cette absence de forme : « L’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux » (v. 2b). Dans le Nouveau Testament, le Saint‑Esprit apparaît sous la forme d’une colombe ; ici, il est peut-être représenté comme une mère oiseau planant au-dessus de ses oisillons pour les protéger. Jésus a évoqué ce concept lorsqu’il s’est lamenté devant la ville de Jérusalem et qu’il s’est écrié : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapide ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Lu 13.34.) L’Esprit se tenait au-dessus de la création pour la guider et la protéger, et il en est de même dans l’œuvre de la régénération.

Les Écritures montrent clairement que faire surgir la vie là où tout est mort et créer quelque chose à partir du néant est l’une des choses que Dieu seul peut accomplir. L’étape suivante dans la Création a été celle de la lumière : « Dieu dit : “Que la lumière soit”, et la lumière fut » (Ge 1.3). Dieu n’a pas eu besoin d’appuyer sur un interrupteur ou de frotter deux bâtons l’un contre l’autre pour créer une étincelle afin de produire la lumière. C’est son ordre souverain qui a fait naître la lumière. De la même manière, sa puissance divine introduit la vie là où il n’y en a pas.

Jésus s’est approché du tombeau de Lazare, mort depuis quatre jours, et a crié d’une voix forte : « Lazare, sors » (Jn 11.43b). Lorsque Jésus a prononcé ces mots, le cœur de Lazare s’est instantanément mis à battre et à pomper du sang. L’activité cérébrale a repris. La vie est revenue dans son corps et il est ressorti de sa tombe. C’est exactement ce qui se produit en nous lors de notre renaissance. Le même Esprit qui a fait surgir la vie de l’abîme et Lazare du tombeau nous arrache à la mort spirituelle en nous faisant naître une seconde fois.


Cet article est extrait du livre : «Qui est le Saint-Esprit ?» de R.C. Sproul

Le Saint-Esprit, la troisième personne de la trinité

En tant que chrétiens, nous acceptons cette formule historique de la nature de Dieu selon laquelle « Dieu est un en essence et trois en personne ». Autrement dit, Dieu est trinitaire, c’est-à-dire qu’il constitue une trinité. Cela signifie qu’il y a trois personnes au sein de la divinité. En théologie, ces trois personnes sont considérées comme étant distinctes. Les différences entre les trois, le Père, le Fils et le Saint‑Esprit sont réelles sans être intrinsèques. Cela revient à dire qu’il n’y a qu’une seule essence dans la divinité, et non pas trois. En tant qu’êtres humains, chaque personne que nous rencontrons est un être distinct. Une personne constitue un être, et l’inverse est aussi vrai. Mais en Dieu, il n’y a qu’un seul être avec trois personnes. Nous devons maintenir cette distinction afin de ne pas glisser vers une forme de polythéisme, considérant les trois personnes de la divinité comme étant trois dieux distincts.

Aucun d’entre nous ne peut sonder les profondeurs de la Trinité de manière exhaustive, mais nous pouvons avancer petit à petit vers une meilleure compréhension. Les mots existence et subsistance peuvent nous aider à cet égard.

Existence et subsistance

L’un des jeux auxquels j’aimais jouer avec mes étudiants séminaristes consistait à leur poser la question suivante : « Dieu existe-t-il ? » Ce à quoi ils répondaient tous : « Bien sûr que Dieu existe. » Je leur disais alors : « Non, Dieu n’existe pas, » et c’était toujours amusant de voir les regards horrifiés qui apparaissaient sur leur visage alors qu’ils commençaient à se demander si leur professeur avait renoncé au christianisme et à sa foi. Mais j’avais rapidement pitié d’eux et je leur expliquais alors qu’en affirmant que Dieu n’existe pas je jouais à un petit jeu philosophique.

Le mot « exister » vient du latin existare, qui signifie « ressortir de ». Il signifie donc littéralement « se démarquer ». Cela ne veut pas nécessairement dire que si vous existez, vous êtes exceptionnel dans ce que vous faites. La question évidente est la suivante : de quoi un être qui existe se démarque-t-il ?

Le concept de l’existence trouve ses racines dans la philosophie de l’Antiquité, à l’époque où les philosophes se souciaient de la question de l’être. Cette dernière nous préoccupe également aujourd’hui ; en effet, lorsque nous faisons une distinction entre Dieu et nous-mêmes, pour nous il est l’être suprême, et nous sommes des êtres humains. Toutefois, cette distinction prête quelque peu à confusion. Les deux descriptions utilisent le mot être, et nous nous tournons donc vers des adjectifs qualificatifs pour trouver la dissimilitude qu’il y a entre Dieu et nous : il est suprême et nous sommes humains. En réalité, la grande différence entre Dieu et l’homme se trouve dans l’être lui-même. Dieu est purement être, ayant sa vie en lui-même et par lui-même de toute éternité. L’être humain est une créature, quelqu’un dont l’existence même dépend à chaque instant de la puissance de l’être suprême. En revanche, Dieu ne dépend de rien et il ne tire son existence de rien. Il a en lui-même le pouvoir d’être.

Quand les philosophes de l’Antiquité parlaient de l’existence en utilisant le mot latin qui signifie « ressortir de », ils entendaient par là qu’exister, c’est ressortir de l’être. Qu’est-ce que cela veut dire ? Imaginez deux cercles qui ne se chevauchent pas. Le premier cercle représente « être » et le second le « non-être, » un terme sophistiqué qui veut dire « rien ». Imaginez maintenant un bonhomme-allumette placé entre les deux cercles avec les bras tendus d’un côté et de l’autre. L’un des bras touche le cercle « être » et l’autre, le cercle « non-être ». C’est là une image de l’humanité. Nous participons à l’être, mais en même temps, nous sommes toujours à un pas de l’anéantissement. La seule façon pour nous de survivre est de maintenir notre lien avec le cercle intitulé « être », car il représente celui en qui, comme l’a dit l’apôtre Paul, « nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17.28a) – c’est-à-dire Dieu. Mais même si nous participons à cet être et que nous sommes soutenus par lui, nous nous trouvons à deux doigts du non-être.

Notre croquis de ce personnage imaginaire illustre ce que les philosophes avaient à l’esprit lorsqu’ils parlaient de ressortir de l’être. Nous pourrions dire que les êtres humains sont en état de « devenir ». Nous subissons des changements. Ce que nous sommes aujourd’hui est différent de ce que nous étions hier et de ce que nous serons demain, ne serait-ce que par cette réalité que nous vieillissons de vingt-quatre heures lorsque nous passons d’un jour à un autre. C’est cette facette de l’état d’être humain, le changement, qui définit l’existence. Le changement, les générations, la décomposition, la croissance et le vieillissement sont autant de caractéristiques de notre vie. Dieu, en revanche, est éternellement constant. Il est le même hier, aujourd’hui et éternellement.

En somme, lorsque les philosophes parlaient d’existence, ils définissaient ce que signifie être une créature. Ainsi, quand je me livrais à mon petit jeu avec mes étudiants au séminaire, quand j’affirmais que Dieu n’existe pas, je ne voulais pas dire qu’il n’y a pas de Dieu, mais je déclarais simplement que Dieu n’est pas une créature. Il n’est pas assujetti à l’espace et au temps, soumis au changement, aux différentes générations et à la décomposition. Il est toujours et éternellement ce qu’il est. Il est « JE SUIS ».

Lorsque nous parlons des trois personnes en Dieu, nous n’utilisons généralement pas le mot existence, mais plutôt le mot subsistance. Quelle est la différence entre ces deux mots ? Dans notre vocabulaire habituel, nous utilisons le mot subsistance pour parler de quelqu’un qui vit dans la pauvreté. Nous parlons d’une économie de subsistance, dans laquelle on ne reçoit qu’un maigre salaire, ou d’un régime alimentaire de subsistance, qui n’apporte que les nutriments de base. Notons toutefois que ce mot comporte le préfixe sub-, qui signifie « sous ». Ainsi, la subsistance est une existence qui se trouve sous une entité autre que la sienne. Cette idée est implicite dans le concept de la Trinité. Dieu est un seul être ayant trois subsistances, trois personnes distinctes. Elles subsistent au sein de l’être qu’est Dieu.

La nature personnelle de l’Esprit Saint

Le fait que le Saint‑Esprit soit une personne se voit de multiples façons dans les Écritures. L’une des principales preuves de cette réalité tient au fait que la Bible utilise de manière répétée et cohérente des pronoms personnels pour se référer à lui. Il est appelé « il », « lui », et cetera, et non « ça ». Il accomplit également des choses que nous associons à sa personnalité. Il enseigne, il inspire, il guide, il conduit, il est affligé, il nous convainc de péché, et bien d’autres choses encore. Les objets impersonnels ne se comportent pas de cette manière. Seule une personne peut faire tout cela.

Dans les Écritures, le Saint-Esprit est considéré non seulement comme une personne, mais aussi comme pleinement divin. C’est ce qui ressort d’une étonnante histoire tirée du livre des Actes des Apôtres :

Mais un homme nommé Ananias, avec Saphira sa femme, vendit une propriété, et retint une partie du prix, sa femme le sachant ; puis il apporta le reste, et le déposa aux pieds des apôtres. Pierre lui dit : Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu mentes au Saint‑Esprit, et que tu aies retenu une partie du prix du champ ? S’il n’avait pas été vendu, ne te restait-il pas ? Et, après qu’il a été vendu, le prix n’était-il pas à ta disposition ? Comment as-tu pu mettre dans ton cœur un pareil dessein ? Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu (Ac 5.1‑4).

Ananias et Saphira ont péché en prétendant que le don qu’ils apportaient à l’Église revêtait plus de valeur qu’il n’en avait en réalité. Ils ont menti sur la nature de leur offrande à Dieu. Je pense que Pierre était davantage préoccupé par l’état de leur âme que par la somme d’argent qu’ils venaient d’offrir. Remarquez cependant les mots que Pierre emploie dans son reproche à Ananias et à Saphira. Il commence par demander : « Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu mentes au Saint‑Esprit ? » Mais il conclut en disant : « Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu. » Ainsi, le mensonge qu’Ananias a dit au Saint‑Esprit a, en réalité, été adressé à Dieu. Cela signifie clairement que le Saint‑Esprit est Dieu.

Les attributs et les œuvres de Dieu

En outre, le Nouveau Testament décrit souvent le Saint‑Esprit comme ayant des attributs qui sont clairement divins. Par exemple, il est éternel (Hé 9.14) et omniscient (1 Co 2.10,11). De plus, il s’agit d’attributs incommunicables, d’attributs divins qui ne peuvent pas être présents chez l’homme.

Nous voyons dans les Écritures que l’Esprit a participé aux œuvres trinitaires de la Création et de la rédemption. Le chapitre 1 de Genèse montre que le Père a ordonné que le monde vienne à exister. Le Nouveau Testament nous dit que l’agent par lequel le Père a fait naître l’univers est le Logos, la deuxième personne de la Trinité, notre Seigneur Jésus‑Christ : « Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle » (Jn 1.3). Cependant, l’Esprit a également été impliqué dans la Création : « L’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux » (Ge 1.2b). C’est de l’action énergisante de l’Esprit qu’est née la vie.

Le plus important, c’est que la rédemption est une œuvre trinitaire. Le Père a envoyé le Fils dans le monde (1 Jn 4.14). Le Fils a accompli toute l’œuvre nécessaire à notre salut – en menant une vie d’obéissance parfaite et en mourant pour obtenir en notre faveur une satisfaction parfaite (Ph 3.9 ; 1 Co 15.3). Mais toutes ces choses ne nous sont d’aucune utilité tant qu’elles ne s’appliquent pas à nous personnellement. C’est pourquoi le Père et le Fils ont envoyé le Saint‑Esprit dans le monde pour nous accorder le salut (Jn 15.26 ; Ga 4.6). Dans le Nouveau Testament, le rôle du Saint‑Esprit consiste principalement à appliquer l’œuvre de Christ aux croyants.

Savez-vous qui est le Saint-Esprit ? Avez-vous une conception du Saint-Esprit qui implique une relation personnelle ? Ou bien reste-t-il pour vous un concept vague, brumeux, abstrait ou une force illusoire et informe ? En elle-même, une force est impersonnelle, abstraite. Mais le Saint‑Esprit est tout autre. Il est une personne qui fournit au peuple de Dieu les moyens de vivre la vie chrétienne. Dans les prochains chapitres, nous examinerons quelques-unes des manières par lesquelles il s’acquitte de cette mission.


Cet article est extrait du livre : «Qui est le Saint-Esprit ?» de R.C. Sproul

Comprendre la nature de la sagesse

Cela me trouble toujours lorsque j’entends quelqu’un dire : « J’aimerais lire la Bible, mais chaque fois que j’essaie, je n’arrive pas à comprendre ce que je lis. C’est trop compliqué pour moi. » En général, la Bible n’est pas rédigée dans un vocabulaire si technique ou philosophique qu’on ne puisse la comprendre qu’avec un niveau d’études élevé. En réalité, l’un des grands principes de la Réforme est celui de la clarté des Écritures. Cela signifie que le message central de la Bible est exposé de manière simple, claire et répétée pour que même un enfant puisse comprendre ce qui est nécessaire à la foi et à la vie dans la présence de Dieu.

Cependant, nous devons admettre que les textes des Écritures ne présentent pas tous le même niveau de clarté. Certaines sections étant considérablement difficiles à comprendre, il peut être utile d’apprendre à reconnaître dans les Écritures les structures et récurrences permettant de discerner plus facilement le but principal du texte. La Bible ne contient pas que des histoires. Elle est remplie de récits historiques, de poésie, de paraboles, de lettres et de passages relevant d’une littérature symbolique très imaginative (appelée « littérature apocalyptique »), comme le livre de l’Apocalypse ou le livre de Daniel. Une telle variété de styles et de structures exige l’utilisation de certaines règles d’interprétation de base afin de comprendre les Écritures correctement.

Nous allons nous pencher plus particulièrement sur les Livres de sagesse, qui sont principalement composés de poésie. Cette dernière est présente dans notre langue et notre culture. Il existe différentes formes de poèmes : des poèmes courts, des poèmes longs, des poèmes épiques, des poèmes qui riment et d’autres qui ne riment pas. L’une des caractéristiques typiques de notre poésie (et de celle que l’on retrouve dans d’autres pays du monde) est sa structure métrique. Une ligne est composée de plusieurs temps, tout comme une œuvre musicale. Elle possède presque une cadence, car les syllabes sont disposées de manière que les accents soient répartis de façon mathématiquement proportionnelle.

Toutefois, les Juifs utilisaient une autre technique significative dans leur poésie. Il est important de comprendre la nature de cette technique et d’apprendre à l’identifier, car elle constitue la clé permettant d’accéder aux trésors cachés dans les profondeurs des Écritures sacrées. Cette technique particulière (ou procédé littéraire) s’appelle le « parallélisme ». Les mathématiques nous enseignent que des éléments parallèles sont placés côte à côte et suivent la même direction. Les Livres de sagesse de la Bible présentent plusieurs types de parallélismes. Il est toutefois important de mentionner qu’ils ne se retrouvent pas exclusivement dans les livres que nous appelons « Livres de sagesse ». On les retrouve partout dans les Écritures, y compris dans les prophéties d’Ésaïe, et même dans les enseignements de Jésus dans le Nouveau Testament.

Bien qu’il existe plusieurs types de parallélismes, les Écritures, en particulier les Livres de sagesse, en contiennent principalement trois. Le premier est le parallélisme synonymique. Il est caractérisé par l’expression de la même idée sur deux lignes consécutives, mais avec une formulation différente. Autrement dit, l’auteur utilise différents mots pour exprimer la même idée.

La bénédiction aaronique que l’on retrouve dans Nombres 6.24‑26 est un exemple classique de ce type de parallélisme : « Que l’Éternel te bénisse, et qu’il te garde ! Que l’Éternel fasse luire sa face sur toi, et qu’il t’accorde sa grâce ! Que l’Éternel tourne sa face vers toi, et qu’il te donne la paix ! » Cet exemple est formé de trois lignes qui contiennent chacune deux idées. La première ligne dit : « Que l’Éternel te bénisse, et qu’il te garde ! » La deuxième ligne répète le même couplet, mais avec des mots différents. La première partie, « Que l’Éternel fasse luire sa face sur toi », a le même sens que : « Que l’Éternel te bénisse ». La seconde partie, « qu’il t’accorde sa grâce », signifie exactement la même chose que : « qu’il te garde ». La dernière ligne, « Que l’Éternel tourne sa face vers toi, et qu’il te donne la paix ! », réitère ce que les deux premières lignes avaient déjà exprimé. Elles sont synonymes.

Pourquoi est-il important de savoir reconnaître ce type de parallélisme ? Lorsque nous lisons les Écritures, il arrive parfois que nous comprenions le sens d’une ligne, mais que nous soyons perplexes face au sens de la ligne suivante (ou de la troisième ligne, lorsque le texte contient plusieurs lignes de parallélisme). Si nous saisissons le sens d’au moins une des lignes et que nous comprenons que nous sommes en présence d’un parallélisme, nous détenons la clé de l’interprétation du texte. Si nous comprenons une des lignes, nous savons alors que les autres lignes, qui sont plus difficiles à comprendre, veulent dire essentiellement la même chose, mais en d’autres mots.

Prenons, par exemple, le « Notre Père ». Lorsque Jésus a enseigné à ses disciples comment prier, il a dit ceci : « … ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin » (Mt 6.13). Cette affirmation pourrait créer une certaine confusion chez le lecteur puisque le livre de Jacques nous enseigne ceci : « Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise : C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne » (1.13). L’affirmation selon laquelle Dieu ne tente personne signifie qu’il n’attire ou n’incite personne à pécher. Une telle chose jetterait une ombre sur la sainteté de Dieu. Pourquoi Jésus dirait-il « ne nous induis pas en tentation » si la Bible présentait cette idée comme erronée ?

Cette apparente contradiction se dissipe lorsque nous lisons la suite de la phrase : « mais délivre-nous du malin » qui renforce la demande « ne nous induis pas en tentation » (Mt 6.13). Le mot grec communément utilisé pour faire référence au malin est ponēros. Lorsque ce mot est utilisé de manière abstraite dans la Bible, il est mis à la forme neutre, ponēron. Toutefois, dans la prière du « Notre Père », lorsque Jésus dit : « mais délivre-nous du malin », il n’utilise pas la forme neutre ponēron,mais plutôt la forme masculine avec le déterminant « le ». Il serait donc plus juste de traduire ainsi cette phrase : « Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous de celui qui est le malin. » Le mot ponēros est souvent utilisé dans les Écritures pour désigner Satan.

Durant sa vie sur terre, Jésus a été conduit par le Saint-Esprit dans le désert pour y être tenté (Mt 4.1‑11). Jésus a été isolé et exposé aux attaques débridées de Satan. Le ponēros est venu l’attaquer, mais la mission de Jésus était de réussir l’épreuve, de vaincre Satan et de remporter la victoire, non seulement pour lui, mais aussi pour ceux qui devaient recevoir la rédemption en sa mort. Dans la prière du « Notre Père », Jésus déclare d’une certaine manière : « Mon père m’a éprouvé. Mon Père m’a demandé de combattre pendant quarante jours et quarante nuits les attaques débridées de Satan. Lorsque vous priez, demandez-lui qu’il vous préserve d’une telle épreuve. » Lorsque nous demandons au Père de ne pas nous induire en tentation, nous lui disons : « Père, ne me fais pas vivre une telle épreuve et ne m’expose pas à une telle difficulté, mais délivre-moi plutôt du ponēros, le malin. » Tout ceci nous aurait échappé si nous n’avions pas reconnu le parallélisme dans le texte.

La deuxième forme de parallélisme, qui est encore plus fréquente, est le parallélisme antithétique. Lorsqu’une thèse ou une proposition est présentée, le point de vue opposé, contraire à cette thèse ou la défiant, est appelé l’« antithèse » – elle contredit la thèse originale. Lorsque des énoncés en contraste direct l’un avec l’autre sont placés l’un après l’autre, il s’agit de parallélisme antithétique. Tout comme le parallélisme synonymique, le parallélisme antithétique a pour fonction de répéter la même idée, à la différence qu’il le fait en énonçant tout d’abord l’idée sous forme d’un énoncé positif, suivi de son pendant négatif.

Prenons, par exemple, Proverbes 10.1, qui dit : « Un fils sage fait la joie d’un père, et un fils insensé le chagrin de sa mère. » Il s’agit d’une antithèse ou d’un contraste. Un fils sage cause de la joie à son parent tandis qu’un fils insensé cause du chagrin à son parent. Le verset 2 contient un autre exemple de parallélisme antithétique : « Les trésors de la méchanceté ne profitent pas, mais la justice délivre de la mort. » Voyez-vous le contraste ? Voici un autre exemple dans le verset 3 : « L’Éternel ne laisse pas le juste souffrir de la faim, mais il repousse l’avidité des méchants. » Le Psaume 1 contient aussi un exemple de parallélisme antithétique mettant en contraste l’homme pieux, qui est comme un arbre planté près d’un courant d’eau et qui donne son fruit en sa saison, et les méchants, qui sont comme la paille que le vent dissipe.

Proverbe 11.1 dit ceci : « La balance fausse est en horreur à l’Éternel, mais le poids juste lui est agréable. » La sagesse de Dieu, présentée dans les Proverbes, n’est pas simplement constituée de jolis aphorismes. Les Proverbes nous enseignent des principes de vertu et de justice qui influencent notre façon de faire des affaires. Ce verset est un avertissement contre l’usage de poids et de mesures inexactes afin de nous garder de tromper notre prochain ; nous devons traiter avec lui en toute honnêteté.

Les paroles que l’on trouve dans Ésaïe 45.7 en ont troublé plus d’un, particulièrement dans les traductions anciennes. « Je forme la lumière, et je crée les ténèbres, je donne la prospérité, et je crée l’adversité ; moi, l’Éternel, je fais toutes ces choses. » Ce passage semble enseigner que Dieu est l’auteur du mal, qu’il crée le mal. Si cela était effectivement le cas, Dieu serait mauvais. Cependant, il existe environ huit termes hébreux qui peuvent être traduits par le mot « mal ». Une lecture attentive du passage nous permet d’identifier la présence d’un parallélisme antithétique. La première phrase dit : « Je forme la lumière, et je crée les ténèbres… » La lumière et les ténèbres sont mises en contraste. La phrase se poursuit ainsi : « … je donne la prospérité, et je crée l’adversité… » Cette idée pourrait aussi être exprimée de cette manière : « Je donne la prospérité et j’apporte le jugement. » Si nous reconnaissons la présence de parallélisme antithétique dans le passage, nous verrons clairement qu’il ne dit pas que Dieu fait quelque chose de moralement mauvais.

Prenons Proverbes 28.1 comme dernier exemple de parallélisme antithétique : « Le méchant prend la fuite sans qu’on le poursuive, le juste a de l’assurance comme un jeune lion. » Les Écritures utilisent souvent des images étonnamment vives pour mettre en évidence le contraste entre le sage et l’insensé, le juste et l’impie. Le méchant prend la fuite sans que personne ne le poursuive. Il tremble au bruissement d’une feuille. Ces caractéristiques sont celles d’une personne ayant une mauvaise conscience. Or le juste – celui qui n’est ni paralysé ni terrassé par sa propre conscience – a l’assurance d’un lion. C’est un contraste merveilleux.

Le troisième type de parallélisme est le parallélisme synthétique, qui est une progression par niveaux. Le texte de Proverbes 6.16‑19 est un exemple de ce type de parallélisme : « Il y a six choses que hait l’Éternel, et même sept qu’il a en horreur : les yeux hautains, la langue menteuse, les mains qui répandent le sang innocent, le cœur qui médite des projets iniques, les pieds qui se hâtent de courir au mal, le faux témoin qui dit des mensonges, et celui qui excite des querelles entre frères. » L’intensité de ces versets énumérant des péchés que Dieu déteste monte en crescendo.

Lire les Écritures en portant attention à ces types de parallélisme donne accès à un trésor précieux. En repérant les parallélismes synonymiques, antithétiques et synthétiques dans les Livres de sagesse, nous parviendrons à une bien meilleure compréhension de la Parole écrite de Dieu.


Cet article est extrait du livre : «Qu’est-ce que la sagesse biblique?» de R.C. Sproul

Dieu est-il responsable de la méchanceté humaine ?

Le 12 février 1938, deux hommes se sont rencontrés en privé dans un refuge de montagne. Au cours de leur conversation, l’un des hommes a dit à l’autre : « J’ai une mission historique, et cette mission, je la remplirai, car la Providence m’a destiné à la faire3. » Cet homme avait compris que le but de sa vie était sous l’influence de la providence divine. Il a poursuivi en affirmant à son compagnon, au cours de leur discussion : « Quiconque ne sera pas avec moi sera écrasé4. »

L’homme qui a fait cette revendication d’un destin providentiel était Adolf Hitler. De la même manière, lorsque Joseph Staline est arrivé à la tête de l’Union soviétique, les évêques de l’Église orthodoxe russe se sont réjouis de ce signe de la providence, car ils étaient convaincus que Dieu avait élevé Staline à cette position pour être un instrument divin à la tête du peuple russe. Et pourtant, aujourd’hui, lorsque les gens discutent des infâmes maux qui ont été perpétrés sur la race humaine, deux des noms les plus fréquemment associés à la méchanceté humaine sont ceux d’Hitler et de Staline.

Chaque fois que nous étudions la doctrine de la providence et que nous nous penchons sur la question du gouvernement divin, nous entendons immanquablement dire que les Écritures nous enseignent que Dieu élève les nations et les fait tomber (voir Da 2.21 ; 4.17 ; Ro 13.1). Cela soulève une question : quel est le rapport entre la providence divine et les gouvernements mauvais, les individus mauvais, et de manière générale ce qui a trait au mal ? Dans le chapitre précédent, j’ai cité le troisième chapitre de la Confession de foi de Westminster qui dit : « De toute éternité et selon le très sage et saint conseil de sa propre volonté, Dieu a librement et immuablement ordonné tout ce qui arrive. » Cela signifie-t-il, alors, que Dieu a envoyé délibérément Hitler et Staline ? Le mal est-il ordonné par la providence de Dieu ?

Certains affirment que l’existence du mal, et la difficulté à l’expliquer à la lumière du concept d’un Dieu souverain censé être bon, constituent le « talon d’Achille » du christianisme. Selon la mythologie grecque, à la naissance d’Achille, sa mère a plongé son corps dans les eaux du Styx pour tenter de le rendre immortel. Mais comme elle le tenait par le talon, cette partie du corps d’Achille n’a pas été sous l’eau et n’a donc jamais été rendue invincible. Achille a finalement été tué en recevant une flèche à cet endroit précis durant la guerre de Troie. Ceux qui affirment que le problème du mal est le talon d’Achille du christianisme entendent par là que c’est le point le plus vulnérable du christianisme. Si Dieu ordonne tout ce qui se passe, cela sous-entend qu’il ordonne également le mal. Et si Dieu ordonne le mal, cela doit signifier qu’il est lui-même mauvais.

Le philosophe John Stuart Mill (1806-1873) a utilisé cet argument dans ses objections au christianisme. Il a écrit ceci : « Non, même avec la théorie la plus forcée et la plus étroite qu’ait jamais forgée le fanatisme religieux ou philosophique, il ne nous est pas possible de voir dans le gouvernement de la nature rien qui ressemble à l’œuvre d’un être à la fois bon et tout-puissant5. » Il disait qu’en raison de la réalité indéniable du mal, il ne pouvait concevoir un Dieu à la fois tout-puissant et totalement juste.

Naturellement, certains tentent de résoudre cette difficulté en niant la réalité du mal. Mary Baker Eddy, la fondatrice de la Science chrétienne, a déclaré que le mal était une illusion. J’ai eu un jour un débat avec un professeur de Science chrétienne sur la question du mal. Il insistait sur le fait que le mal est une illusion, qu’il n’existe pas vraiment, tandis que je continuais à affirmer que pour moi le mal est bien réel. À un moment de la discussion, je lui ai dit : « Voyons si nous pouvons récapituler où nous en sommes. Vous prétendez que le mal est une illusion. J’affirme qu’il est réel. Pensez-vous que je sois réel ? » Il m’a répondu par l’affirmative. Je lui ai ensuite demandé : « Comprenez-vous que je suis en train de dire que le mal est réel et que vous êtes en train de dire que c’est une illusion ? » Il m’a affirmé qu’il le comprenait bien. J’ai alors poursuivi : « Pensez-vous que ce soit une bonne chose que j’enseigne aux gens que le mal est réel ? » Il m’a répondu qu’il ne le pensait pas. Je lui ai finalement demandé : « Pensez-vous que ce soit mal de ma part d’enseigner aux gens que le mal est réel ? » Il n’a pas su quoi répondre à ce moment-là. Il a dû conclure que j’étais aussi une illusion.

La cause et l’effet

J’ai fait remarquer dans le premier chapitre que la question clé pour l’homme moderne est celle de la causalité, et cette question devient d’autant plus sensible lorsque nous abordons le problème du mal. Un jour, alors que j’étais étudiant en première année, quelques mois seulement après ma conversion au christianisme, je jouais au ping-pong dans mon dortoir, et en plein milieu d’une volée, une pensée (qui n’avait rien d’original) m’est venue : « Si Dieu est totalement juste, il n’est capable que du bien ; alors, comment aurait-il pu créer un monde entaché par le mal ? Si Dieu est la source de toutes choses et qu’il est bon, comment le mal peut-il exister ? » Cette question m’a profondément troublé à l’époque, elle me trouble encore davantage depuis, et je suis loin d’être le seul à être troublé.

Lorsque j’ai commencé à réfléchir sérieusement à ces choses et à examiner la question de la causalité, j’ai étudié, et par la suite enseigné, la philosophie du xviie siècle. Le philosophe le plus éminent de cette époque était le mathématicien et savant français René Descartes. Il se souciait beaucoup d’inclure le concept de causalité dans ses raisonnements. À propos de l’existence du monde, il a soutenu l’idée que l’univers a besoin d’une cause suffisante, une cause capable de donner le résultat que nous observons aujourd’hui. Il a donc appliqué la dynamique cause-effet pour remonter jusqu’à l’existence de Dieu, en raisonnant à rebours depuis l’univers jusqu’à Dieu. L’un des principes qu’il a utilisés dans cette argumentation en faveur de l’existence de Dieu était le suivant : « Il ne peut rien y avoir dans l’effet qui ne soit d’abord dans la cause. » Pour le dire autrement : « Il ne peut y avoir davantage dans l’effet que ce qui est inhérent à la cause. »

Ce principe, qui est adopté par des théoriciens depuis des millénaires, est tout à fait valable, et il est essentiel pour d’autres arguments en faveur de l’existence de Dieu. Par exemple, l’un des arguments que nous utilisons pour prouver l’existence de Dieu est l’argument de la personnalité humaine. Nous pouvons prouver qu’il doit forcément y avoir une première cause, que cette première cause doit être auto-existante et éternelle, et ainsi de suite. Mais ensuite, les gens demandent souvent : « Comment savons-nous que cette première cause est personnelle ? » Je réponds alors généralement à cette question par une autre question : « Sommes-nous des personnes ? Avons-nous une personnalité, une volonté, une intelligence, de l’affection – ces choses qui font partie intégrante de ce que nous sommes en tant qu’êtres humains ? » Si les gens sont d’accord pour dire que les êtres humains sont personnels, qu’ils ont une intelligence, une intentionnalité, une volonté, et ainsi de suite, je peux alors leur dire : « Eh bien, la source de la personnalité ne peut pas être impersonnelle. Il faut qu’il y ait une personnalité dans la cause pour qu’il y ait une personnalité dans l’effet. »

Toutefois, cet argument, aussi valable soit-il, peut se retourner contre le chrétien. Les critiques du christianisme ont répondu que s’il ne peut y avoir davantage dans l’effet que ce qui est inhérent à la cause, alors Dieu doit être mauvais, parce que si nous avons ici sur terre un effet qui est mauvais, et s’il ne peut y avoir davantage dans l’effet que ce qui est inhérent à la cause, le mal doit forcément exister dans la cause. 

Comment répondre à cet argument ? La réponse simple consiste à dire qu’il y a dans la créature quelque chose qui ne réside pas dans le Créateur – le péché. Cela ne signifie pas que la créature a quelque chose de plus grand que le Créateur, mais plutôt que la créature a en elle quelque chose de bien inférieur au Créateur.

Une définition du mal

Pour expliquer ce que je veux dire, j’aimerais me référer à la définition historique du mal. Qu’est-ce que le mal ? Pour être clair, je ne parle pas ici du mal naturel ou du mal métaphysique ; je parle plutôt du mal moral. Les êtres humains ont au moins ceci en commun avec Dieu : nous sommes des créatures morales. Nous sommes capables d’actions qui peuvent être considérées comme bonnes ou mauvaises. Certes, nous vivons à une époque où de nombreuses personnes nient cette allégation. Elles affirment que rien n’est objectivement bon ou mauvais. Selon elles, c’est une question de point de vue, ce qui signifie que tout est relatif. Le bien et le mal sont simplement des conventions sociétales que nous avons reçues par le biais de diverses traditions.

Il y a quelques années de cela, j’ai subi une véritable tragédie : on m’a volé mes clubs de golf. Ce vol a été particulièrement pénible pour moi, car ils se trouvaient dans un nouveau sac de golf que ma femme m’avait offert et qui avait donc une valeur sentimentale pour moi. De plus, il y avait dans ce sac deux clubs spécialement fabriqués qu’un ami du PGA Tour m’avait offerts. Bien entendu, je suis un théologien. Je suis donc censé m’y connaître en matière de péché. Je pense que j’ai vu à peu près tout ce qui existe sous le soleil en matière de fragilité humaine, et je suis bien conscient que notre humanité nous rend vulnérables aux tentations. Mais franchement, je n’ai jamais été capable de comprendre la mentalité des gens qui volent, qui ont le culot de s’approprier le bien de quelqu’un d’autre. Imaginons un homme qui travaille de longues heures chaque semaine à la sueur de son front pour pouvoir acheter quelque chose dont il a envie ou besoin. Un autre homme, voyant cette chose dont il a aussi envie ou besoin, se l’approprie tout simplement sans investir de temps ou d’effort. Je n’arrive pas à comprendre cet état d’esprit. Bien que nous soyons des maîtres de l’autojustification, des experts pour trouver des excuses à nos péchés, je n’arrive pas à saisir comment un voleur fait pour se regarder dans le miroir et voir autre chose qu’une personne indiciblement égoïste et égocentrique. Bref, je suis parfois outré de voir le comportement de certaines personnes. Comme vous pouvez le constater, je ne suis pas de ceux qui croient que le vol n’est pas objectivement mauvais.

Nous n’avons pas besoin d’arguments philosophiques complexes pour prouver que le vol est mauvais. C’est une évidence. Les gens savent instinctivement que voler la propriété de quelqu’un d’autre est mal. Je pourrais défendre l’idée que le mal n’existe pas et débattre à ce sujet avec philosophie, mais mon argumentation prendrait fin dès lors que quelqu’un se servirait dans mon portefeuille. Dans ces cas-là, je ne pourrais m’empêcher de dire : « Ce n’est pas correct. Ce n’est pas bien. C’est mauvais. »

Mais qu’est-ce que le mal ? Le Petit catéchisme de Westminster définit le péché de la manière suivante : « Le péché est tout manque de conformité à la loi de Dieu ou toute transgression de celle-ci » (question-réponse 14). Ici, la confession définit le péché ou le mal à la fois de manière négative et positive. Il existe des péchés d’omission et des péchés de commission. Mais je veux me concentrer sur la première partie de la définition, « tout manque de conformité à la loi de Dieu. » Le mot « manque » ici signifie bien « absence ». Ainsi, le péché est un manque de conformité à la norme que Dieu établit pour la justice.

Les philosophes de l’Antiquité définissaient le mal en termes de « négation » et de « privation ». Autrement dit, le mal est la négation du bien et une privation (ou un manque) de bien. Tout ce qui n’est pas à la hauteur de la plénitude de la justice est mal. Les philosophes ont montré qu’il n’est possible de décrire et de définir le mal qu’en termes négatifs. Cela signifie que le mal, par sa nature même, est parasitaire. Il dépend de son hôte pour exister. C’est ce qu’Augustin avait à l’esprit lorsqu’il a dit que seule une chose bonne peut faire ce qui est mal, car le mal requiert de la volonté, de l’intelligence et un sens ou une conscience morale ; or tous ces éléments sont bons. Par conséquent, il arrive à un être bon un événement qui indique une perte, un manque ou un déni de bonté.

Augustin a adopté la position selon laquelle il est impossible de concevoir un être qui soit complètement mauvais. Oui, Satan est radicalement mauvais, mais il a été créé en tant qu’ange, ce qui signifie qu’il faisait partie de la création que Dieu considérait comme très bonne. Ainsi, même Satan a été créé bon, tout comme les hommes ont été créés bons. Par conséquent, au moment de la création, le Dieu éternel, qui est tout à fait bon, a agi en tant qu’agent moral afin de créer d’autres agents moraux qui étaient bons. Cependant, la grande différence entre le Créateur et la créature, c’est que Dieu est éternellement et immuablement bon, alors que la créature a été créée bonne, mais avec la possibilité de changer quant à sa conformité à la loi de Dieu.

Nous voyons donc que la désobéissance dépend de l’obéissance pour exister. L’anarchie se définit par rapport à la légalité. L’injustice dépend d’une existence préalable de justice. L’antéchrist ne peut exister en dehors de sa relation antithétique à Christ. Nous comprenons que le mal est défini comme une négation ou un manque de conformité aux normes du bien.

Dieu ordonne-t-il le mal ?

La question ultime est la suivante : « Dieu fait-il le mal ? » La Bible est absolument claire sur ce point : Dieu est absolument incapable de faire le mal. Et pourtant, nous avons affirmé que Dieu ordonne tout ce qui arrive, et que certaines de ces choses sont mauvaises. Dieu ordonne-t-il donc le mal ? Il n’y a qu’une seule réponse biblique à cette question : oui. Si Dieu n’avait pas ordonné le mal, il n’existerait pas, car Dieu est souverain.

Nous butons et trébuchons sur le mot ordonner. Nous pensons que le fait de déclarer que Dieu ordonne toutes choses doit signifier que Dieu fait le mal ou qu’il l’impose à des créatures justes, forçant des personnes innocentes à faire des actes pécheurs. Non. Il a ordonné que ses créatures aient la capacité de faire le mal. Il ne les a pas forcées à exercer cette capacité, mais il savait qu’elles l’exerceraient. À ce moment-là, il avait le choix. Il pouvait détruire la création afin de ne pas permettre au mal de se produire. Au moment où le serpent est venu vers Adam et Ève pour les inciter à désobéir, Dieu aurait pu anéantir le serpent ou supprimer Adam et Ève. Il n’y aurait alors jamais eu de péché. Mais Dieu, pour des raisons connues de lui seul, a pris la décision de laisser les choses se produire. Il n’a pas cautionné le péché, mais il ne l’a pas non plus arrêté. En choisissant de ne pas l’arrêter, il l’a ordonné.

Je dois dire que je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle Dieu a permis que le mal souille son univers. Cependant, je sais que lorsque Dieu ordonne quelque chose, son but est tout à fait bon. Cela signifie-t-il que je pense qu’en fin de compte, le mal est bon ? Non. Je dis qu’il doit être bon que le mal existe, car d’un point de vue souverain et providentiel, Dieu n’ordonne que ce qui est bon. Dans le cadre de son dessein éternel, Dieu a jugé bon que le mal puisse exister dans ce monde.

Cela ne signifie pas que les péchés que je commets, dans la mesure où ils contribuent au plan providentiel de Dieu et à son gouvernement de l’histoire du monde, sont en réalité des vertus. La trahison de Judas faisait partie de la providence divine dans le plan de Dieu pour racheter le monde. Judas n’aurait pas pu livrer Christ à Pilate sans le décret providentiel de Dieu. Nous savons que cela s’est fait selon le conseil prédéterminé de Dieu, et pourtant Dieu n’a pas mis le mal dans le cœur de Judas. Dieu n’a pas contraint Judas à commettre son péché diabolique. Ainsi, Judas ne pourra pas arguer avec fierté à la fin des temps : « Si je n’avais pas été là, il n’y aurait pas eu de croix, pas d’expiation et pas de salut – je suis celui qui a rendu tout cela possible. » Ce que Judas a fait était totalement abject. Toutefois, nous savons que Dieu ordonne toutes choses, qu’il ordonne non seulement les fins, mais aussi les moyens de parvenir à ces fins, et qu’il se sert de tous ces éléments pour atteindre son juste but.

L’un des versets les plus réconfortants des Écritures est celui de Romains 8.28 : « Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. » Seul un Dieu à la providence souveraine pouvait faire une telle promesse. Cette déclaration ne signifie pas que toutes choses sont bonnes, mais qu’elles concourent toutes à notre bien. Elles ne peuvent concourir à notre bien que parce qu’au-delà de tout le mal, de tous les actes commis par la méchanceté humaine, se tient un Dieu souverain qui a fixé un destin à la fois pour l’univers et pour nous en tant qu’individus. Et cette destinée est parfaitement cohérente avec sa justice.


3 Adolf Hitler, cité dans William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich: A History of Nazi Germany [Le Troisième Reich : des origines à la chute], trad. libre, 3e éd., New York, Simon & Schuster, 1990, p. 326.

4 Ibid.

5 John Stuart Mill, Essais sur la religion, < http://classiques.uqac.ca/classiques/Mill_john_stuart/essais_sur_la_religion/Essais_sur_la_religion.pdf > (page consultée le 7 novembre 2022).


Cet article est extrait du livre : « Dieu contrôle-t-il toutes choses?  » de R.C. Sproul

Qu’est-ce que la providence ?

Un jour, alors que je regardais un programme d’information, une publicité est apparue à propos d’une série de livres abordant le sujet des difficultés de la vie d’autrefois. L’une des images représentait un soldat confédéré de la guerre de Sécession allongé sur une civière et recevant les soins d’une infirmière et d’un médecin du front. Le narrateur de la publicité a alors indiqué que la lecture d’un de ces livres m’aiderait à comprendre combien il s’avérait difficile d’être malade dans les années 1850. Cette information a attiré mon attention, car il me semble que la plupart des gens aujourd’hui se focalisent sur leur époque et réfléchissent rarement à la façon dont les générations précédentes menaient leur vie quotidienne.

C’est un sujet sur lequel je me trouve en décalage avec mes contemporains. Je pense assez régulièrement au quotidien des générations précédentes, car j’ai pour habitude de lire des ouvrages écrits par des personnes qui ont vécu, dans de nombreux cas, bien avant le xxie siècle. J’aime particulièrement lire les écrits d’auteurs des xvie, xviie et xviiie siècles.

Je remarque invariablement chez ces auteurs une perception prononcée de la présence de Dieu. Ces hommes avaient conscience de la providence qui les entourait. Ils croyaient fermement que notre vie entière est sous la direction et la gouvernance du Dieu tout-puissant. Cela se voit par exemple dans le nom qui a été donné à l’une des premières villes de ce qui constitue aujourd’hui les États-Unis d’Amérique, à savoir Providence (fondée en 1636). La notion de providence était également omniprésente dans les correspondances personnelles d’hommes ayant vécu dans les siècles précédents, tels que Benjamin Franklin et John Adams. Les gens parlaient de « providence bienveillante » ou de « providence furieuse ». Dieu était directement impliqué dans la vie quotidienne des gens.

La situation est très différente à notre époque. Mon défunt ami James Montgomery Boice avait l’habitude de raconter une anecdote humoristique qui illustrait bien la mentalité actuelle à l’égard de Dieu et de son implication dans le monde. Dans cette anecdote, un alpiniste glisse sur une corniche et il est sur le point de faire une chute mortelle de plusieurs milliers de mètres. Mais alors qu’il commence à tomber, il s’accroche à la branche d’un arbre minuscule et tout rabougri qui pousse dans une fissure de la falaise. Cependant, tandis qu’il s’accroche comme il peut à cette branche, les racines de l’arbre commencent à se détacher, et le grimpeur se retrouve face à une mort certaine. Alors, il crie vers le ciel : « Y a-t-il quelqu’un là-haut qui puisse m’aider ? » Il entend alors une voix forte de baryton provenant du ciel lui répondre : « Oui. Je suis là et je vais t’aider. Lâche la branche et fais-moi confiance. » L’homme lève alors les yeux vers le ciel, puis les fait retomber vers l’abîme. Il élève finalement de nouveau la voix pour demander : « Y a-t-il quelqu’un d’autre là-haut qui puisse m’aider ? »

J’aime cette histoire, car je trouve qu’elle illustre bien la mentalité culturelle de notre époque. Dans un premier temps, le grimpeur demande : « Y a-t-il quelqu’un là-haut ? » La plupart de ceux qui vivaient au xviiie siècle partaient du principe qu’il y avait effectivement quelqu’un là-haut. Il ne faisait guère de doute dans leur esprit qu’un Créateur tout-puissant régissait l’univers. Mais nous vivons à une période de scepticisme sans précédent quant à l’existence même de Dieu. Oui, de nombreux sondages indiquent qu’entre 95 et 98 % des personnes interrogées en Amérique du Nord croient en une sorte de dieu ou de puissance supérieure. Je suppose que cela s’explique en partie par l’impact de la tradition ; il est difficile d’abandonner des idées qui ont été précieuses pendant des générations. Par ailleurs, dans notre culture, l’athéisme débridé entraîne encore une certaine stigmatisation. Je crois aussi que nous ne pouvons échapper à la logique qui nous force à supposer qu’il doit y avoir une sorte de cause fondamentale et ultime à ce monde tel que nous le connaissons. Mais de manière générale, lorsque l’on interroge davantage les gens et que l’on commence à discuter avec eux de ce qu’ils entendent par « puissance supérieure » ou « être suprême », il s’avère qu’ils croient davantage en un « ça » qu’en un « il » – une sorte d’énergie ou de force indéfinie. C’est pour cette raison que le grimpeur demande : « Y a-t-il quelqu’un là-haut ? » À ce moment-là de sa vie, il reconnaît son besoin d’un être personnel qui ait la charge de l’univers.

Il y a un autre aspect de cette anecdote qui est, à mon avis, significatif. Alors qu’il est sur le point de tomber, l’alpiniste ne se contente pas de demander : « Y a-t-il quelqu’un là-haut ? » Il précise : « Y a-t-il quelqu’un là-haut qui puisse m’aider ? » Nous voyons bien là le genre de question que se pose l’homme moderne. Il veut savoir s’il existe quelqu’un en dehors de la sphère de sa vie quotidienne qui pourrait lui venir en aide. Mais je pense que cet alpiniste pose en réalité une question encore plus fondamentale. Il veut non seulement savoir si quelqu’un peut l’aider, mais aussi si cette personne est prête à l’aider. C’est la question qui est au cœur de l’esprit de l’homme et de la femme modernes. Autrement dit, ils veulent non seulement savoir s’il y a une providence, mais également si elle est froide et insensible, ou bien bonne et compatissante.

Par conséquent, dans cet ouvrage, je chercherai à déterminer non seulement si oui ou non il y a quelqu’un, mais également si ce quelqu’un est capable et disposé à intervenir dans ce monde dans lequel nous vivons.

Un univers fermé et mécaniste

Parmi les idées qui ont façonné la culture occidentale, l’une des plus importantes est l’idée d’un univers fermé et mécaniste. Cette vision du monde a persisté pendant quelques siècles et exercé une influence considérable sur la façon dont les gens conçoivent la vie. Je dirais que dans le monde séculier, l’idée dominante est celle d’un univers fermé à toute forme d’intrusion extérieure, un univers qui fonctionne purement grâce à des forces et des causes mécaniques. En un mot, la question qui se pose à l’homme moderne est celle de la causalité.

L’influence négative de la religion dans la culture occidentale semble susciter un tollé croissant. La religion est considérée comme une force qui maintient les gens enfermés dans les sombres époques de la superstition, fermant leur esprit à toute compréhension des réalités du monde que la science a dévoilées. La religion paraît de plus en plus considérée comme le pôle opposé de la science et de la raison. Il semblerait que la science soit réservée à l’esprit, à la recherche et à l’intelligence, tandis que la religion serait une affaire d’émotions et de sentiments.

Il existe pourtant une certaine tolérance à l’égard de la religion. Les médias expriment souvent cette idée que chacun a le droit de croire ce qu’il veut ; l’essentiel est de croire en quelque chose. En définitive, il importe peu que vous soyez juif, musulman, bouddhiste ou chrétien.

Quand j’entends de tels commentaires, j’ai terriblement envie de m’écrier : « Et la vérité alors, a-t-elle une quelconque importance ? » L’essentiel, à mon humble avis, est de croire la vérité. Cela ne me satisfait pas de croire n’importe quoi simplement pour le plaisir de croire. Si ce que je crois n’est pas vrai – si c’est superstitieux ou fallacieux – je veux en être libéré. La mentalité de notre époque semble pourtant affirmer qu’en matière de religion, la vérité est insignifiante. C’est dans la science que nous pouvons trouver la vérité. De la religion, nous ne retirons que de bons sentiments.

On avance parfois l’idée très simpliste qu’autrefois Dieu était considéré comme la cause de tout, car la superstition religieuse était monnaie courante. Si quelqu’un tombait malade, la maladie était attribuée à Dieu. À présent, on nous explique bien sûr que les maladies sont dues à des micro-organismes qui envahissent notre corps, et que ces petits organismes agissent selon leur nature, en faisant ce pour quoi ils ont évolué. De même, alors qu’autrefois, les gens croyaient qu’un tremblement de terre ou un orage était causé par la main de Dieu, aujourd’hui on nous assure qu’il y a des raisons naturelles à ces événements. Ils se produisent à cause de forces qui font partie de l’ordre naturel des choses.

Au xviiie siècle, un livre écrit par Adam Smith est devenu un classique de la théorie économique occidentale : La richesse des nations. Dans ce livre, Smith s’est efforcé d’appliquer la méthode scientifique au domaine de l’économie dans le but de découvrir les causes de certaines réactions et contre-réactions économiques sur le marché. Smith voulait couper court à la spéculation et identifier les causes fondamentales qui produisent des effets prévisibles. Mais même en appliquant cette recherche scientifique au réseau complexe des actions et réactions économiques, il a continué à parler de « main invisible ». « Autrement dit, affirmait-il, il y a des causes et des effets qui se produisent dans ce monde, mais nous devons reconnaître qu’il doit y avoir avant tout un pouvoir causal ultime, sinon il n’y aurait pas de pouvoirs causaux intermédiaires. Ainsi, l’univers entier est orchestré par la main invisible de Dieu. » De nos jours, cependant, nombreux sont ceux qui se focalisent si intensément sur l’activité immédiate de la cause et de l’effet qu’ils en ignorent ou nient la puissance causale globale qui est à l’origine de toute forme de vie. L’homme moderne a foncièrement éliminé toute notion de providence.

Le Dieu qui voit

La doctrine de la providence est l’une des plus fascinantes, mais aussi des plus importantes et des plus complexes de la foi chrétienne. Elle traite de questions délicates, telles que : « Comment le pouvoir causal de Dieu interagit-il avec le nôtre ? » ; « Le règne souverain de Dieu affecte-t-il nos libres choix ? » ; « Le gouvernement de Dieu a-t-il un lien avec la présence du mal et de la souffrance dans ce monde ? » et « La prière a-t-elle une influence sur les décisions providentielles de Dieu ? »  Autrement dit, quel impact la main invisible de Dieu a-t-elle sur notre manière de vivre ?

Commençons par une définition simple. Le mot providence a pour préfixe pro-, qui signifie « avant » ou « devant ». La racine vidence vient du verbe latin videre, qui signifie « voir » ; c’est de ce terme que provient notre mot français vidéo. Ainsi, le mot providence signifie littéralement « voir à l’avance ». La providence de Dieu fait donc référence au fait que Dieu voit les choses avant qu’elles ne se produisent.

Il ne faut pas confondre la providence et la préconnaissance ou prescience de Dieu. La préconnaissance est sa capacité à arpenter les couloirs du temps et à connaître le dénouement d’une action avant même qu’elle ne commence. Néanmoins, l’utilisation du mot providence en référence à la gouvernance active de Dieu dans l’univers est appropriée, car il est en effet un Dieu qui voit. Il voit tout ce qui se passe dans l’univers. Tout est visible à ses yeux.

Pour certains, cette éventualité est l’une des plus terrifiantes qui soient – l’idée que cette entité puisse être, comme le déplorait Jean-Paul Sartre, un voyeur cosmique ultime qui regarderait à travers le trou de la serrure céleste et observerait chaque action menée par chaque être humain. S’il y a quoi que ce soit dans le caractère de Dieu qui éloigne les gens de lui davantage que sa sainteté, c’est son omniscience. Nous éprouvons tous un profond désir d’intimité, le besoin que personne ne s’immisce dans les secrets de notre vie.

Lorsque le péché est entré dans le monde, lors de la première transgression, Adam et Ève ont immédiatement éprouvé un sentiment de nudité et de honte (voir Ge 3.7). Ils ont réagi en essayant de se cacher de Dieu (v. 8). Ils ont fait l’expérience du regard de la providence divine. Comme l’alpiniste dans mon anecdote précédente, nous voulons que Dieu nous regarde lorsque nous avons besoin d’aide. Mais le reste du temps, nous préférons qu’il nous ignore, car nous voulons garder notre intimité.

Dans un épisode marquant du ministère de notre Seigneur, les scribes et les pharisiens ont traîné devant Jésus une femme qu’ils avaient surprise en plein adultère. Ils lui ont rappelé que la loi de Dieu exigeait qu’elle soit lapidée, mais ils étaient curieux de voir comment il interviendrait. Pendant qu’ils lui parlaient, il s’est baissé et a commencé à écrire quelque chose par terre. Il s’agit là de la seule occurrence enregistrée de Jésus écrivant quelque chose, et nous ne savons pas ce qu’il a griffonné. Mais il nous est dit qu’il s’est remis debout et a déclaré : « Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle » (Jn 8.7b). Puis, il a recommencé à écrire sur le sol. Alors les scribes et les pharisiens ont commencé à s’en aller, l’un après l’autre.

Pure spéculation de ma part ici, mais je me demande si Jésus n’aurait pas écrit par terre certains des péchés secrets que ces hommes tentaient tant bien que mal de dissimuler. Peut-être a-t-il écrit « adultère » et l’un des hommes, infidèles à sa femme, l’a lu et s’est enfui. Il a peut-être écrit « fraude fiscale », et l’un des pharisiens, qui n’avait pas rendu à César ce qu’il lui devait, s’est empressé de rentrer chez lui. Du fait de sa nature divine, Jésus avait la capacité de voir de manière pénétrante derrière les masques que les gens portaient, dans les recoins où ils étaient les plus vulnérables. Cela fait partie du concept de providence divine. Il implique que Dieu sait tout de nous.

Comme je l’ai souligné plus haut, nous trouvons souvent cette vision divine inquiétante, mais le concept de la vision de Dieu, du Dieu qui nous voit, devrait plutôt nous réconforter. Jésus a un jour dit ceci : « Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père » (Mt 10.29). Cet enseignement a inspiré la chanson bien connue « His Eye Is on the Sparrow » (« Son œil est sur le moineau »). Vous rappelez-vous les paroles ? « Son œil est sur le moineau, et je sais qu’il me regarde1 ». Je crois que l’auteur de ce chant avait compris ce que Jésus voulait dire – chaque fois qu’un petit oiseau tombe au sol, Dieu le voit. Il ne néglige pas même le moindre détail de l’univers. Au contraire, il le gouverne en ayant une conscience totale de tout ce qui s’y passe.

Oui, ce genre de connaissance intime peut s’avérer effrayante. Toutefois, comme nous savons que Dieu est bienveillant et attentionné, sa profonde connaissance de toutes choses est un réconfort. Il sait ce dont nous avons besoin avant même que nous le lui demandions. Et lorsque nous sommes dans le besoin, il est à la fois apte et désireux de nous aider. Pour moi, il n’y a rien de plus réconfortant que de savoir qu’il existe un Dieu de providence qui est conscient non seulement de chacune de mes transgressions, mais aussi de chacune de mes larmes, de chacune de mes douleurs et de chacune de mes peurs.


1 Tiré de l’hymne « His Eye Is on the Sparrow » (Son œil est sur le moineau) de Civilla D. Martin et Charles H. Gabriel, 1905, trad. libre.


Cet article est extrait du livre : « Dieu contrôle-t-il toutes choses?  » de R.C. Sproul