Qu’est-ce qu’un chrétien ? (Jonathan Leeman)

Un chrétien est d’abord et avant tout quelqu’un qui a reçu le pardon de ses péchés et a été réconcilié avec Dieu le Père, par Jésus-Christ. Ce changement survient lorsque cette personne se repent de ses péchés et met sa confiance dans la vie parfaite de Jésus-Christ le Fils de Dieu, dans sa mort expiatoire et dans sa résurrection.

Autrement dit, un chrétien est quelqu’un qui est allé au bout de lui-même et de ses propres ressources morales. Il a reconnu qu’au mépris de la loi de Dieu clairement révélée, il a consacré sa vie à adorer et à aimer certaines réalités plus que Dieu comme sa carrière, sa famille, les possessions matérielles, l’opinion des gens, l’honneur de sa famille et de sa communauté, la faveur de faux dieux, les esprits de ce monde ou même les œuvres bonnes qu’il a pu faire.

Il a aussi admis que ces « idoles » constituent des maîtres qui font peser sur lui une double condamnation : d’abord, leurs appétits sont insatiables dans cette vie et ensuite, elles provoquent la juste colère de Dieu pour la vie à venir, une mort et un jugement dont le chrétien a eu un avant-goût (non sans miséricorde) par les douleurs et les souffrances de ce monde.

Par conséquent, un chrétien sait ce qu’il répondrait si, en mourant aujourd’hui, il paraissait devant Dieu et que celui-ci lui demande : « Pourquoi devrais-je t’admettre en ma présence ? »

Il dirait :

« Je ne suis pas digne que tu m’accueilles. J’ai péché et je ne peux te payer l’immense dette que je te dois ».

« Néanmoins, à cause de ta grâce et de tes promesses merveilleuses, je me repose sur le sang de Jésus-Christ versé pour moi. Il a payé ma dette morale pour satisfaire tes exigences justes et saintes et pour détourner ta colère contre le péché ! »

Suite à son plaidoyer pour être déclaré juste en Christ, le chrétien est quelqu’un qui a commencé à découvrir ce que représente la délivrance de l’esclavage du péché. Tandis que les idoles et les autres dieux ne peuvent jamais être satisfaits, leurs appétits n’étant jamais rassasiés, Dieu a trouvé pleine satisfaction dans l’œuvre de Christ, ce qui libère de la condamnation celui qui est racheté !

Pour la toute première fois, le chrétien est libre de tourner le dos au péché, non en le remplaçant de manière servile par un autre péché, mais par le désir que donne le Saint-Esprit, et qui le porte vers Jésus-Christ lui-même et son autorité dans sa vie. Alors qu’Adam a essayé de renverser Dieu de son trône pour se faire lui-même dieu, le chrétien se réjouit que Christ soit son Roi. Il examine la vie de soumission parfaite à la volonté et à la Parole du Père que Jésus a menée, et il cherche à être semblable à son Sauveur.

Ainsi, un chrétien est avant tout une personne réconciliée avec Dieu en Christ. Celui-ci a apaisé la colère de Dieu et le chrétien est maintenant déclaré juste devant Dieu, appelé à vivre une vie intègre, et il a l’espérance de paraître un jour devant la majesté divine dans le ciel.

Pourtant, ce n’est pas tout ! Le chrétien est également quelqu’un qui, en vertu de sa réconciliation avec Dieu, a aussi été réconcilié avec le peuple de Dieu. Vous rappelez-vous le premier récit que relate la Bible après la chute et l’expulsion d’Adam et Ève hors du jardin ? Il s’agit de l’histoire de l’assassinat d’Abel par son frère Caïn. Si le fait d’essayer de détrôner Dieu équivaut à tenter de nous placer nous-mêmes sur le trône, il est évident que nous n’avons aucunement l’intention de laisser qui que ce soit nous ravir cette place. Le geste d’Adam a entraîné la rupture de sa communion avec Dieu et a aussitôt amené la division entre les êtres humains. C’est maintenant chacun pour soi.

Nous ne devrions donc pas être surpris que Jésus ait dit : « De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes » (Voir Mt 22.34-40). Les deux commandements vont de pair. Le premier produit le second et qui est lui-même la confirmation du premier.

Par conséquent, puisque nous sommes réconciliés avec Dieu par Jésus-Christ, nous le sommes aussi avec tous ceux qui ont fait la même expérience. Dans la première partie d’Éphésiens 2, Paul décrit le grand salut que Dieu nous a donné en Jésus-Christ. Il détaille ensuite les conséquences de ce salut dans les relations entre les juifs et les païens et par extension, entre tous ceux qui sont en Christ : « Car c’est lui notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, en détruisant le mur de séparation, l’inimitié… pour créer en sa personne, avec les deux, un seul homme nouveau en faisant la paix, et pour les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul corps par sa croix, en faisant mourir par elle l’inimitié » (Ép 2.14-16).

Tous ceux qui appartiennent à Dieu sont maintenant « concitoyens des saints » et « membres de la famille de Dieu » (v. 19). Nous sommes « édifiés ensemble » avec Christ pour former un « temple saint » (v. 21). Que de belles analogies sur lesquelles baser notre vie chrétienne !

En réfléchissant à la métaphore de la famille, nous réussirons à mieux saisir qu’étant réconciliés avec Dieu, nous le sommes aussi avec son peuple. Si vous êtes orphelin, vous n’adoptez pas des parents, ce sont eux qui vous adoptent. Si vos parents adoptifs portent le nom de Martin, vous prenez vos repas avec la famille Martin. Vous partagez une chambre avec vos frères ou vos sœurs Martin. À l’école, lorsque le professeur fait l’appel et annonce « Martin ? » vous levez la main comme votre frère aîné l’a fait avant vous et comme votre sœur cadette le fera après vous. Vous faites ces choses, non parce que vous avez décidé de jouer le rôle d’un Martin, mais parce que des gens sont allés à l’orphelinat et ont dit : « Tu seras un Martin. » Ce même jour, vous êtes devenu l’enfant de quelqu’un et vous avez eu des frères et des sœurs.

La différence avec cet orphelin est que votre nom n’est pas Martin, mais chrétien, un nom qui vient de celui par qui vous avez été adopté, Christ (Ép 1.5). Vous faites maintenant partie de la grande famille de Dieu. « Car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous issus d’un seul » (Hé 2.11).

Cette famille n’est pas dysfonctionnelle, ou divisée. Elle est une communauté fraternelle. Quand Dieu vous « a appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur » (1Co 1.9), il vous a aussi appelés à la communion avec toute la famille (1Co 5.2).

De plus, cette union n’est pas seulement courtoise et de pure forme. Elle est composée de membres solidaires mais aussi rapprochés par la personne et l’œuvre de Christ. Il serait aussi insensé de dire : « Je ne fais pas partie de la famille », que de vous couper une main ou le nez. Paul l’a bien exprimé aux Corinthiens : « L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous » (1Co 12.21).

Bref, il est impossible de répondre à la question : Qu’est-ce qu’un chrétien, en omettant de parler de l’Église. Du moins en est-il ainsi dans la Bible. Il est difficile de se restreindre à une seule métaphore pour décrire l’Église, car le Nouveau Testament en utilise plusieurs : une famille et une communion, un corps et une fiancée, un peuple et un temple, une élue et ses enfants. D’ailleurs, le Nouveau Testament n’envisage jamais qu’un chrétien puisse vivre pendant une longue période en dehors de la communion d’une assemblée. L’Église fait référence au peuple de Dieu en Jésus-Christ, plutôt qu’à un lieu

Quand un individu devient chrétien, il ne se joint pas à une Église locale simplement parce que c’est une bonne habitude à prendre pour progresser dans la vie spirituelle. Il le fait parce que cette union est l’expression de ce que Christ a fait de lui : un membre de son Corps. Notre union avec Christ s’étend à tous les chrétiens. Mais cette communion universelle doit recevoir son souffle, prendre une forme vivante dans une Église locale.

Les théologiens établissent parfois une distinction entre l’Église universelle (tous les chrétiens, partout, à travers l’Histoire) et l’Église locale (les gens qui se rencontrent près de chez vous pour entendre la Parole de Dieu, être baptisés et prendre le repas du Seigneur). Il existe quelques références à l’Église universelle dans le Nouveau Testament (voir Mt 16.18 et l’Épître aux Éphésiens dans son ensemble), mais la plupart des passages sur l’Église parlent des assemblées locales, comme lorsque Paul écrit à « L’Église de Dieu qui est à Corinthe » ou « Aux Églises de la Galatie ».

Les concepts que j’exposerai maintenant sont assez ardus, et très importants. La relation entre notre appartenance à l’Église universelle et notre appartenance à une Église locale ressemble beaucoup à la relation qui existe entre la justice que Dieu nous donne par la foi et la mise en pratique de cette justice dans la vie de tous les jours. Quand nous devenons chrétiens par la foi, Dieu nous déclare justes. Pourtant, nous sommes appelés à être justes dans nos actions. Il est permis de se demander si une personne qui continue à mener avec joie une vie impie a déjà même possédé la justice de Christ (voir Rm 6.1-18 ; 8.5-14 ; Jc 2.14-15). Il en est de même pour ceux qui refusent de s’engager dans une Église locale, puisqu’un tel engagement est une conséquence naturelle de ce que Christ a fait pour nous. Si vous n’étiez nullement intéressé à vous joindre à un groupe de vrais chrétiens qui croient à l’Évangile et enseignent la Bible, cela pourrait mettre en doute votre appartenance réelle au Corps de Christ ! L’auteur de l’Épître aux Hébreux nous exhorte dans ce sens.

« Confessons notre espérance sans fléchir, car celui qui a fait la promesse est fidèle. Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à l’amour et aux œuvres bonnes. N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns, mais exhortons-nous mutuellement, et cela d’autant plus que vous voyez le Jour s’approcher. Car si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais une attente terrifiante du jugement et l’ardeur du feu prêt à dévorer les rebelles ! » (Hé 10.23-27).

Notre conversion à Christ, si elle est authentique, aura des répercussions dans nos décisions quotidiennes, même si le processus est lent et rempli de faux-pas. Dieu change vraiment son peuple, n’est-ce pas une bonne nouvelle ? C’est pourquoi, mes amis, ne vous contentez pas de la vague impression de posséder la justice de Christ, si vous ne recherchez pas une vie juste. De la même manière, ne vous laissez pas tromper par l’idée que vous appartenez à l’Église universelle si vous ne cherchez pas à vivre cette vie avec d’autres, dans une véritable Église locale.

Sauf circonstances exceptionnelles, un authentique chrétien associe sa vie à celles d’autres croyants par la communion concrète qu’offre l’Église locale. Il sait qu’il n’a pas encore « atteint la perfection ». Il est toujours pécheur et il a besoin de rendre des comptes et de recevoir des instructions de la part de ce groupe de personnes appelé l’Église. Et les autres ont aussi besoin de lui.

Lorsque nous nous assemblons pour adorer Dieu et pratiquer avec amour de bonnes œuvres, nous démontrons concrètement le fait que nous sommes réconciliés avec Dieu et avec nos semblables. Nous prouvons au monde que nous avons été transformés non seulement parce que nous mémorisons des versets bibliques, prions avant les repas, donnons la dîme ou écoutons des stations de radio chrétiennes, mais aussi parce que nous sommes, de plus en plus, aptes à supporter, à pardonner et même à aimer un groupe de pécheurs tels que nous.

Vous et moi sommes incapables de démontrer l’amour, la joie, la paix, la patience ou la bonté en vivant seul sur une île. En effet, nous ne pouvons l’expérimenter que lorsque les personnes que nous nous sommes engagés à aimer nous donnent de bonnes raisons de ne pas les aimer, mais que nous le faisons quand même.

Comprenez-vous cette idée ? C’est à ce moment-là, au beau milieu d’un groupe de pécheurs qui sont déterminés à s’aimer, que l’Évangile se manifeste. L’Église offre une véritable image de l’Évangile quand nous nous pardonnons comme Christ nous a pardonnés, quand nous nous engageons les uns envers les autres comme Christ s’est engagé envers nous et quand nous donnons notre vie pour les autres, comme Christ l’a fait pour nous.

Il nous est impossible d’expliquer et d’appliquer seuls l’Évangile de Jésus-Christ aussi efficacement que nous pouvons le faire lorsque nous sommes ensemble.

J’entends souvent les chrétiens parler de leurs différents dons spirituels. Pourtant, je me demande s’ils ont déjà considéré le fait que Dieu nous a communiqué toutes ces grâces précisément pour qu’elles soient utilisées en réponse aux péchés des autres chrétiens dans l’Église. Mes péchés vous fournissent l’occasion d’exercer vos dons.

Dès lors, rassemblez un groupe d’hommes et de femmes, jeunes et vieux, noirs et blancs, d’Asie et d’Afrique, riches et pauvres, instruits et ignorants, avec leurs divers talents, dons et capacités. Assurez-vous simplement que chacun sache qu’il est malade, pécheur et sauvé par grâce seulement. Qu’obtenez-vous ? Vous avez les ingrédients essentiels pour constituer une Église !

Si vous avez comme objectif d’aimer tous les chrétiens, je vous suggère de commencer par vous engager d’abord dans un groupe concret composé de vrais chrétiens, avec leurs petites manies et leurs folies. Restez attaché à eux quoi qu’il arrive pendant quatre-vingts ans. Ensuite, revenez me voir et nous discuterons des progrès que vous aurez faits pour aimer tous les chrétiens, en tout lieu.

Par conséquent, qui a la responsabilité de réfléchir à ce que devrait être cette union de personnes appelée Église ? Est-ce que ce sont les pasteurs et les responsables? Sans aucun doute. Mais les autres membres de l’Église sont tout aussi impliqués, car un chrétien prend soin de la vie et de la santé du Corps de Christ, l’Église. Il se préoccupe de ce qu’elle est et de ce qu’elle devrait être parce qu’il appartient à l’Église.

En fait, nous aimons l’Église parce qu’elle est le Corps de Christ, notre Sauveur. Avez-vous déjà remarqué quels mots Jésus a utilisé pour interpeller Saul sur la route de Damas, lui qui persécutait les chrétiens et dont le nom deviendrait bientôt Paul ? « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 9.4). Jésus s’identifie tellement à son Église qu’il y fait référence comme s’il s’agissait de lui-même ! Chrétiens, vous identifiez-vous à ceux qui sont l’objet d’une telle assimilation de la part de votre Sauveur ? Votre cœur partage-t-il les passions de son cœur ?

J’ai reçu récemment une lettre d’un pasteur me communiquant son désir de voir les membres de son assemblée comprendre ce qu’une Église devrait être. En toute humilité, cet homme veut que son assemblée l’aide à rendre des comptes, tandis qu’il les fait cheminer vers la grâce et la piété. Ce pasteur comprend bien le modèle du Nouveau Testament. Il sait qu’un jour, Dieu lui demandera des comptes sur la façon dont il a pris soin de sa communauté. De plus, en tant que berger fidèle, il désire que chaque brebis de son troupeau sache qu’un jour elle rendra aussi des comptes sur la manière dont elle aura aimé Christ et les autres chrétiens.

Dieu demandera à chaque membre du Corps : « T’es-tu réjoui avec ceux qui se réjouissaient ? As-tu pleuré avec ceux qui pleuraient ? As-tu traité les membres les plus faibles comme étant indispensables et ceux qui sont estimés les moins honorables avec un plus grand honneur ? As-tu jugé dignes d’un double honneur ceux qui te conduisent et t’enseignent ? » (Voir 1 Co 12.22-26 et 1 Tm 5.17).

Amis chrétiens, êtes-vous prêts pour le jour où Dieu vous demandera des comptes sur la façon dont vous avez aimé et servi la famille de l’Église, y compris ses dirigeants ? Savez-vous ce que Dieu dit au sujet de ce que devrait être l’Église ?

Et vous, pasteurs, avez-vous préparé votre Église locale pour ce jour en enseignant ce qu’elle devrait être ? Lui avez-vous montré qu’elle devra répondre du degré de son attachement à l’Évangile ?

Cet article est tiré du livre : Être membre d’une Église locale.