Qu’est-ce qui fait qu’une histoire est géniale ? (Jon Bloom)

Le secret caché dans nos cœurs

« Je me demande dans quelle sorte de conte nous sommes tombés ? » C’est ce que se demande Samwise Gamgee à son cher ami et maître, Frodon Sacquet, dans l’épopée bien-aimée de Tolkien, Le Seigneur des Anneaux (Les Deux Tours, 362). Et quel conte c’est. Il est aimé par tant de gens parce qu’il possède tous les éléments que nous aimons tant dans une grande histoire.

Dans un certain sens, il est vrai que ce qui fait une grande histoire a autant de descriptions qu’il y a de personnes. C’est l’un des aspects les plus glorieux de l’humanité : des milliards et des milliards de facettes uniques d’expression et de préférence. Mais beaucoup des plus grandes histoires ont des éléments similaires en commun, même si elles couvrent différentes cultures et générations. Et il y a une bonne raison pour cela.

Qu’est-ce qui fait qu’une histoire est géniale ?

Au cœur de presque toutes les grandes histoires se trouve une lutte désespérée entre le bien et le mal. Cette lutte fournit le contexte et la base pour comprendre tout le reste de l’histoire. Elle définit qui sont les héros et les héroïnes et qui sont les méchants.

Et bien que ces histoires puissent varier considérablement en termes d’époque et d’intrigue, elles présentent une cohérence remarquable en ce qui concerne la nature du bien et la nature du mal. Les héros, bien que généralement imparfaits, sont admirables et courageux, et recherchent le bien d’autrui, souvent au prix d’un lourd tribut. Les méchants sont méprisables et considèrent les autres comme un moyen de s’élever et de dominer les autres.

Et il y a des thèmes moraux communs et transcendants présents, à des degrés divers, dans ces histoires qui résonnent profondément en nous : la vérité, la droiture, la justice, la miséricorde, la grâce, la foi, l’intégrité, et toujours diverses expressions de l’amour. L’amour romantique (eros), oui, surtout dans les histoires des derniers siècles. Mais il y a aussi l’amour profond des amis (philio) et souvent l’amour familial (storge). « Mais la plus grande de ces » expressions d’amour dans les plus grandes histoires est celle où quelqu’un fait passer le bien des autres avant lui-même (agape) (1 Corinthiens 13.13). Nous sommes particulièrement touchés et inspirés par l’amour sacrificiel, lorsque quelqu’un « donne sa vie pour ses amis » (Jean 15.13).

Un conte vieux comme le monde

Ces histoires suivent souvent un arc narratif similaire. Pensez aux épopées récentes, outre Le Seigneur des Anneaux, qui ont captivé l’imagination de milliards de personnes dans le monde : The Avengers, Star Wars, Harry Potter, et Les Chroniques de Narnia. Quelle est l’histoire essentielle de ces séries ?

Une force maléfique, cherchant à soumettre les gens à sa domination, gagne en puissance et en ressources, et semble invincible, tandis que le bien se retrouve en position de faiblesse, dépassé par les effectifs, les armes et le temps. Et au moment où le mal est sur le point de porter le coup de grâce et de réaliser son désir, contre toute attente, le bien trouve un moyen inattendu, à travers des événements inattendus, de vaincre et de renverser la puissante menace maléfique et de délivrer ceux qui étaient en danger.

C’est une histoire racontée encore et encore et encore. Et elle a été racontée depuis des siècles. Cet arc narratif se retrouve dans l’histoire biblique d’Esther, vieille de quelque 2 500 ans.

Comment tirer profit de bonnes histoires

Mais il y a un élément supplémentaire que je n’ai pas encore mentionné. Il s’agit d’un élément omniprésent, d’un composant indispensable qui maintient l’ensemble de la trame de ces histoires : la providence.

Au début du Seigneur des Anneaux, le magicien Gandalf expliquait au hobbit Frodon, en proie à des troubles, pourquoi son oncle Bilbon et lui-même se retrouvaient soudainement en possession de l’anneau de pouvoir. Des forces obscures les entouraient, tandis que Sauron, le créateur de l’anneau, tentait désespérément de l’obtenir. Mais Gandalf lui a rappelé ceci :

Il y avait plus d’un pouvoir à l’œuvre, Frodon. L’Anneau essayait de retourner auprès de son maître. . . . pour finalement être ramassé par la personne la plus improbable qui soit : Bilbon du Comté ! Derrière ça, il y avait quelque chose d’autre à l’œuvre, dépassant les plans du créateur de l’Anneau. Je ne peux m’exprimer plus clairement qu’en disant que Bilbon devait trouver l’Anneau, et telle n’était pas la volonté de son créateur. Dans ce cas, tu étais aussi destiné à l’avoir. Et cela peut être une pensée encourageante. (La Communauté de l’Anneau)

Ce que nous aimons vraiment dans ces grandes histoires, c’est que la tournure apparemment improbable des événements et les délivrances apparemment inattendues se produisent parce que, qu’elle soit explicitement mentionnée ou non, il y a une providence à l’œuvre qui aide le bien et guide le résultat. Quelle que soit la façon dont elle est représentée, la providence est la lumière morale irisée qui éclaire les scènes de ces histoires, qui confère au bien sa beauté et donne un sens à son triomphe.

Dans la culture occidentale, le récit dominant sur les origines et la destination de l’homme est darwinien : nous sommes, ainsi que tout ce qui se passe dans notre vie, les produits de forces insensées, dénuées de sens et de morale. Mais au fond de nous, nous savons que c’est une explication simpliste. Les histoires que nous chérissons le plus révèlent nos véritables convictions. Supprimez la providence et remplacez-la par le hasard, une coïncidence non guidée, et toute la beauté que nous aimons, tout le sens dont nous avons besoin, sont évacués des histoires. Supprimez la providence, et une histoire cesse d’être une histoire.

Quelque chose au fond de nous sait que le bien est censé vaincre le mal en fin de compte. Nous le savons au plus profond de nous-mêmes.

Des échos de la véritable histoire

Pourquoi le savons-nous ? Pourquoi aimons-nous tant ce genre d’histoires ? Je crois que c’est parce que nous y entendons des échos de la Grande Histoire, l’histoire de la rédemption de l’humanité déchue par Dieu. L’arc narratif que nos cœurs reconnaissent comme glorieux est l’arc narratif de la Bible.

La Bible raconte une histoire épique, mais pas de la manière dont la plupart de nos épopées sont racontées. Elle est tout à fait unique – un mélange étrange et contre-intuitif de genres, d’auteurs et de perspectives. Nous en sortons avec une compréhension suffisante de l’origine et de l’objectif de l’histoire, mais pas quelque chose que nous pourrions considérer comme exhaustif. Et l’histoire est incomplète. Elle est incomplète parce que l’histoire est toujours en train d’être racontée – en ce moment même. C’est l’histoire réelle qui est racontée en temps réel, l’histoire dont nous faisons tous partie.

Et si nous aimons tant une histoire comme celle du Seigneur des Anneaux, c’est parce qu’elle touche les profondeurs de notre cœur, là où nous aspirons à une véritable espérance – la véritable « bienheureuse espérance » du retour réel du vrai Roi (Tite 2.13) et du renversement final réel du terrible mal dans la vie réelle dont nous subissons réellement l’ombre noire (1 Jean 3.8 ; 5.19).

Dans quel chapitre êtes-vous ?

Peut-être que, là où nous nous trouvons en ce moment dans l’Histoire réelle, nous nous sentons comme Frodon dans cette conversation avec Samwise Gamgee au sujet de l’histoire dans laquelle ils se trouvent :

Toi et moi, Sam, sommes encore coincés dans les pires moments de l’histoire, et il n’est que trop probable que certains diront à ce stade : « Ferme le livre maintenant, papa ; nous ne voulons plus continuer à lire. » (Les Deux Tours, 363)

Certains en font l’expérience de manière plus atroce que d’autres, même si, en vérité, nous vivons tous ici, aux abords du Mordor. Les grandes épopées fictives comportent des parties horribles parce que l’épopée réelle comporte des parties horribles, parfois indescriptibles.

Mais les jours de Sauron sont comptés, le sort hivernal de la Sorcière blanche est en train de fondre, la lumière pénètre dans le Côté Obscur, le contrôle de Voldemort s’affaiblit, la pression de Thanos se défait, et Haman sera pendu à sa propre potence. Jésus est venu « détruire les œuvres du diable » (1 Jean 3.8).

Peu importe ce que nous devons affronter, l’espoir est réel parce que l’Histoire est réelle : « Or tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction afin que, par la persévérance et par le réconfort que donnent les Écritures, nous possédions l’espérance. » (Romains 15.4) Par conséquent, « que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, pour que vous débordiez d’espérance, par la puissance du Saint-Esprit ! » (Romains 15.13).


Cet article est une traduction de l’article anglais « What Makes Any Story Great? » du ministère Desiring God par Timothée Davi.