Qu’est-ce que l’argent ?

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On définit généralement l’argent comme « un moyen d’échange ». Le terme « moyen » fait ici référence à quelque chose qui se situe entre deux ou plusieurs parties – un mode ou une fonction intermédiaire par laquelle les choses se déroulent et interagissent. Un moyen d’échange fait référence à un système utilisé pour servir de médiateur dans un échange de biens et de services. Cette pratique se substitue au troc, qui est un échange direct. En d’autres termes, l’argent est une forme indirecte d’échange.

La monnaie s’est développée naturellement et progressivement au fil de milliers d’années de troc et de commerce, car les gens cherchaient quelque chose qui simplifierait ce processus. C’est une chose d’examiner un exemple de troc portant sur des biens ou des services de valeur similaire, comme lorsqu’un cordonnier échange des chaussures contre la viande d’un éleveur. Mais que fait le cordonnier lorsqu’il veut échanger des chaussures contre une maison ? Il est très difficile de calculer le coût d’une maison en nombre de paires de chaussures, ce qui rend encore plus difficile un échange équitable, d’autant plus si l’on prend en compte que la construction d’une maison implique une diversité de main-d’œuvre, avec la contribution de maçons, de charpentiers, de couvreurs, d’électriciens, etc. Comment troquer tout cela de manière pratique ?

La monnaie est née de la nécessité de simplifier l’échange de biens et de services. Il fallait trouver un moyen qui ait de la valeur pour tout le monde et qui puisse être transporté et divisé facilement. Tout au long de l’histoire, les civilisations ont utilisé divers objets comme monnaie. Certaines ont utilisé des coquillages. Les peuples autochtones utilisaient des perles colorées, car tout le monde utilisait des perles dans les tenues vestimentaires. Dans les colonies américaines, le tabac est devenu la monnaie d’échange pendant un certain temps. Mais les perles peuvent être facilement perdues ou cassées, et le tabac peut pourrir. La durabilité est donc également devenue un critère important dans l’instauration d’une monnaie stable. Finalement, deux matériaux ont émergé dans la dynamique du marché comme moyens d’échange privilégiés : l’or et l’argent. Ils présentaient une stabilité, une utilité, et juste assez de rareté pour conserver une valeur stable dans le temps.

Lorsque Joseph a été vendu comme esclave dans Genèse 37.28, il a été vendu pour 20 pièces d’argent. Déjà à cette époque, l’argent était utilisé comme moyen d’échange dans le bassin méditerranéen, et nous savons que l’or l’était aussi. Dans d’autres passages, la Bible évoque la frappe de la monnaie, comme lorsque Jésus fait référence à une image et à une inscription sur une pièce de monnaie (voir Mt 22.17-21 ; Mc 12.14-17 ; Lu 20.22-25). L’utilisation de l’or et de l’argent en tant que monnaie a une longue histoire et une longue tradition. La monnaie a été instaurée afin que les gens n’aient plus besoin de s’engager dans le troc ou le commerce direct. Au lieu d’échanger des steaks contre des chaussures, on pouvait échanger de l’or contre des chaussures ou contre des steaks.

Une fois ce système de transaction via l’argent et l’or mis en place, la phase suivante du développement de la monnaie a été le développement de ce que l’on pourrait appeler des entrepôts d’or et d’argent. Les gens n’avaient pas toujours d’endroits sûrs pour conserver leur argent et leur or, alors quelqu’un s’est mis à occuper un entrepôt où d’autres personnes pouvaient, moyennant des frais, déposer leur or et leur argent en lieu sûr. Lorsque les gens déposaient de l’or et de l’argent dans l’entrepôt, ils recevaient un reçu pour le montant qu’ils avaient en dépôt. Plus tard, l’argent est devenu encore plus sophistiqué quand, au lieu d’échanger directement l’or ou l’argent contre des biens ou des services, les gens ont simplement commencé à échanger leurs reçus. C’est ainsi qu’est né le chèque, un morceau de papier qui n’a pas de valeur intrinsèque, mais qui devient précieux parce que c’est une trace écrite ou un reçu qui donne le droit à quelqu’un de l’échanger contre de la vraie monnaie stockée dans l’entrepôt. C’est ainsi que nous sommes arrivés à la monnaie papier. Le papier-monnaie est une sorte de chèque, bien qu’il en soit une forme plus directe. Aux États-Unis, les billets de banque étaient des « certificats d’or » ou des « certificats d’argent », ce qui signifie qu’ils certifiaient que le porteur possédait une certaine quantité d’or ou d’argent.

Au fil du temps, notre système économique a délaissé l’or et l’argent comme normes monétaires. De nos jours, il est établi que les chèques ou les reçus en papier (billets) constituent légalement la monnaie, bien qu’ils n’aient aucune valeur intrinsèque et qu’ils ne soient plus des certificats indiquant une possession d’or ou d’argent. Ce type de monnaie est connu sous le nom de monnaie « Fiat », du latin qui signifie « qu’il en soit ainsi ». Le gouvernement accorde à cette monnaie le statut de « monnaie légale », ce qui veut dire que dans des circonstances ordinaires, elle doit être acceptée comme paiement. En d’autres termes, si quelqu’un entre dans un magasin où sont vendus des téléviseurs pour 300 dollars et qu’il propose 300 morceaux de papier portant la mention « monnaie légale » – sans avancer de certificats d’argent ou d’or – la personne qui vend le téléviseur est tenue par la loi d’accepter ces morceaux de papier comme paiement intégral des biens qu’il vend. Deux choses soutiennent la monnaie fiduciaire : premièrement, l’autorité du gouvernement. Le gouvernement décrète que vous devez l’accepter comme un moyen d’échange pour des biens et des services même s’ils ne renferment aucune valeur réelle. Cela lui confère une force juridique. Deuxièmement, il y a la confiance du public dans le fait que le gouvernement ne permettra pas au système de s’effondrer.

Mais deux problèmes surgissent immédiatement : premièrement, la confiance placée dans la monnaie est limitée aux frontières du gouvernement qui lui donne autorité. Le second problème est que l’histoire a montré que les gouvernements ont tendance à manquer à leurs obligations. Les gens prennent des risques énormes lorsqu’ils échangent des biens et des services contre un papier qui ne certifie rien en soi. Tant que tout le monde a confiance, le système fonctionne, mais il n’en reste pas moins dangereux, et, d’ailleurs, il est clairement interdit par la Bible. Dieu a institué dans la nation d’Israël une loi contre la dévalorisation de la monnaie. Dans le monde antique, où l’or et l’argent étaient utilisés comme moyen d’échange, il arrivait que des personnes peu scrupuleuses « écrêtent » une pièce de monnaie ; ils prélevaient un petit morceau d’or d’une pièce d’or et le gardaient pour eux. Il en résultait qu’une pièce d’une certaine valeur nominale, disons 100 dollars, ne contenait plus réellement 100 dollars d’or. Dieu considérait cela comme un péché grave, car cela revenait tout simplement à escroquer d’autres personnes dans le cadre d’échange de biens et de services. La loi biblique contre la dépréciation de la monnaie est donc extrêmement claire et ferme.

Il y a une autre loi économique appelée la loi de Gresham, qui dit simplement : « La mauvaise monnaie chasse la bonne. » J’ai fait un jour une expérience avec des collégiens pour enseigner ce principe. Un élève avait un billet de cinq dollars, et je lui ai demandé si je pouvais faire un marché avec lui pour acheter son argent. En échange de son billet, je lui ai proposé une pièce de 5 cents, puis une pièce de 10 cents, puis une pièce de 25 cents. J’ai ensuite tenté de l’échanger contre 75 cents – soit une pièce de 25 cents et une de 50 cents. Enfin, j’ai tenté de l’échanger contre un dollar, et pour finir cinq dollars. Il a refusé toutes ces offres, car il ne voyait aucun avantage à me vendre son billet de cinq dollars contre les offres que je lui faisais. J’ai demandé à tous les élèves de la classe : « Est-ce un bon homme d’affaires ? » et ils ont tous répondu par l’affirmative. J’ai alors rétorqué : « Non, il n’en est pas un », et j’ai attiré l’attention sur le moment où je lui avais offert une pièce de 25 cents et une pièce de 50 cents. J’ai révélé que la pièce de 50 cents que je lui avais proposée était un demi-dollar Liberty datant de 1939, dont la valeur en argent était bien plus élevée que sa valeur nominale (je l’avais achetée pour 40 dollars). Il ne l’avait pas reconnue ; il n’avait jamais vu un demi-dollar comme celui-ci parce qu’il avait été retiré de la circulation longtemps auparavant. S’il n’était plus en circulation, c’était à cause de la loi de Gresham.

Pour comprendre la loi de Gresham, nous devons comprendre ce que sont la bonne et la mauvaise monnaie. La mauvaise monnaie est une pièce de monnaie qui a été alliée à une autre substance, ce qui la rend moins précieuse, ou du papier-monnaie qui n’est pas garanti. La bonne monnaie est une monnaie forte qui a une valeur intrinsèque, comme l’argent et l’or. La mauvaise monnaie fait disparaître la bonne monnaie de la circulation pour la simple raison que les gens ont tendance à accorder à la monnaie forte une valeur supérieure à sa valeur nominale. Les gens considèrent qu’il est inutile de dépenser une pièce Liberty de 50 cents pour un article valant 50 cents sur le marché. Donc, si on leur donne le choix, les gens préfèrent dépenser de la monnaie ayant moins ou peu de valeur intrinsèque et garder leur monnaie forte. Cela a tendance à écarter la monnaie forte de la circulation.

Ce ne sont là que quelques-uns des principes élémentaires de la monnaie, mais ce sont des choses que nous devons comprendre. L’argent, en termes de valeur monétaire actuelle, n’a presque aucune valeur intrinsèque. Comment se fait-il que des nations entières échangent de belles peintures, des maisons, des vêtements, de la nourriture, des télévisions, ou des automobiles contre du papier ? Parce que nous oublions que le papier n’a pas de valeur intrinsèque – et que tant que tout le monde agit de la sorte, cela a tendance à fonctionner. Mais les leçons de l’histoire indiquent également que la monnaie qui n’est pas soutenue par une valeur réelle quelconque finit par s’effondrer. C’est pourquoi l’intendant avisé prend ce papier non précieux et le convertit aussi rapidement et intelligemment qu’il le peut en biens de valeur réelle.


Cet article est extrait du livre : « Que dois-je penser de l’argent ? » de R.C. Sproul