Qu’est-ce que la sanctification ? Un aperçu théologique (Owen Strachan)

Le terme « sanctification » peut donner l’impression qu’il s’agit d’un concept sinistre. Or, il ne l’est pas du tout. Voici la définition qu’en donne le théologien Wayne Grudem : « La sanctification est une œuvre progressive à la fois de Dieu et de l’homme, qui nous rend de plus en plus libres à l’égard du péché et de plus en plus semblables à Christ dans le contexte de notre existence quotidienne1. » Nous apprenons que la sanctification est « progressive », ce qui signifie qu’elle se déroule tout au long de la vie. Elle ne sera achevée qu’au moment où le croyant entrera au ciel. De plus, Dieu et l’être humain participent conjointement à cette œuvre. Contrairement à la justification qui résulte uniquement de l’initiative et de la puissance de Dieu, la sanctification suppose un effort de notre part. Nous ne pouvons tendre vers une conformité croissante à la volonté de Dieu sans déployer d’efforts et sans implication personnelle, même si toute notre énergie provient finalement et gratuitement de Dieu (Ph 2.12,13). Comme le déclare John Murray, « parce que Dieu agit, nous agissons2 ».

La sanctification est essentiellement une guerre contre le péché, une lutte en faveur de la sainteté. L’évêque anglican du xixe siècle, J. C. Ryle, explique :

La sanctification est l’œuvre intérieure spirituelle que le Seigneur Jésus-Christ accomplit par la puissance du Saint-Esprit dans l’être humain qu’il appelle à devenir un véritable croyant. Non seulement il le lave de ses péchés par son sang, mais de plus, il le sépare de son amour naturel du péché et du monde, inscrit un nouveau principe dans son cœur, et en fait, de façon pratique, un individu pieux dans la vie. L’instrument dont l’Esprit se sert pour opérer cette œuvre est généralement la Parole de Dieu. […] L’Écriture appelle homme « sanctifié » l’objet de cette œuvre de Christ par son Esprit3.

Être sanctifié, c’est devenir saint. La sanctification est un combat. Dieu et ses enfants s’unissent pour combattre Satan et le péché. Le croyant est « lavé » de son péché par la foi dans l’œuvre de justification. Dans la sanctification, le Seigneur « sépare » le croyant de son « amour naturel du péché ». La lutte contre notre injustice intrinsèque n’a rien d’un coup d’éclat unique ; c’est plutôt une guerre à vie. Satan s’efforcera constamment de nous décourager lorsque nous chancelons, mais nous devons persévérer dans notre lutte contre lui en nous chargeant journellement de notre croix dans notre marche vers le repos qui nous attend (Lu 9.23).

Dans ce sens, nous reconnaissons que nous sommes fortement brisés par le péché et incapables de nous en sortir par nous-mêmes sans l’intervention du Dieu de grâce. Il nous faut passer par l’humiliation et la confession avant de nous délecter de la douceur de la grâce. Nous devons donc reconnaître notre corruption totale et notre dépendance envers le Seigneur. Sans son aide, tous nos efforts visant à nous rendre, par nous-mêmes, purs et saints aux yeux de Dieu sont voués à l’échec. Nous le savons en tant que chrétiens, mais nous l’oublions fréquemment et devons donc passer continuellement par la repentance et le brisement pour être relevés.

Souvenons-nous aussi que ce combat n’est pas équitable. En effet, les tentations de Satan ont beau être fortes et notre chair faible, Dieu a triomphé de ces deux ennemis par la mort de son Fils. Par sa crucifixion et sa résurrection, Jésus-Christ a vaincu le péché et écrasé Satan. Le Saint-Esprit unit à Christ tous ceux qui ont fait l’expérience de la nouvelle naissance par la foi en Jésus-Christ et qui se sont repentis de leurs péchés.

La sanctification procède des réalités de l’Évangile. Elle ne peut s’accomplir sans lui. C’est comme un ordinateur placé sur un bureau. S’il n’est pas relié à une source d’énergie, il ne peut rien faire. À partir du moment où l’utilisateur le branche sur une prise de courant, l’appareil peut accomplir des prodiges. Il en est de même pour nous. Sans la puissance du Saint-Esprit reçue par la foi dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ, nous ne pouvons rien faire qui puisse plaire à Dieu, et nous nous exposons à sa juste colère et au jugement éternel. Lorsque nous prêtons foi à l’Évangile et que le Saint-Esprit habite en nous, nous avons accès au courant puissant de sainteté qui jaillit de la Divinité et se répand dans l’âme du croyant. La sanctification ne ressemble pas à un jeu non violent, il ne s’agit pas de petites retouches apportées dans la vie spirituelle. Elle s’apparente davantage à un électrochoc, à une expérience grisante du pouvoir de Dieu en nous. Elle provoque une faim et une soif des choses de Dieu que lui seul peut combler. En croyant journellement à l’Évangile et en le mettant en pratique dans notre vie, nous goûtons à l’essence de la sanctification biblique.

Résumons : la sanctification est progressive ; elle implique notre collaboration avec Dieu ; elle s’enracine dans l’Évangile et fait appel à la foi. Elle est l’expérience de la puissance de Dieu dans le cœur du croyant. Toute cette œuvre est orientée vers un but : que notre vie glorifie Dieu. La sanctification poursuit un but doxologique, elle est motivée par un objectif dominant qui transcende tous les autres : la glorification du Dieu dont la sainteté parfaite n’exige rien de moins. La sanctification vient de Dieu et elle est pour lui.

Qu’est-ce que la sanctification ?

Après avoir posé le fondement théologique nécessaire pour comprendre ce qu’est la sanctification, examinons plus attentivement le texte biblique lui-même. La sanctification est une réalité aux multiples facettes, et la Bible la considère sous plusieurs angles dont chacun précise notre conception de la sainteté.

Quand Jésus se présente comme l’accomplissement de l’Ancien Testament, de ses enseignements et de ses prophéties (Lu 24.44,45), il apparaît comme le Messie, celui dont le sacrifice personnel va purifier les coupables et les rendre purs aux yeux du Seigneur (voir És 53). Jésus inaugure une nouvelle ère dans laquelle tous ceux qui placent leur confiance dans le Seigneur croîtront en sainteté en suivant Christ par la foi, et non en obéissant à la Loi qui l’annonçait. Jésus réitère l’appel à la sainteté, mais il a entrepris une nouvelle œuvre en accordant le Saint-Esprit à ceux qui croient en lui en tant que Messie. L’Esprit rend les disciples de Christ capables de laisser leur vie de péché derrière eux pour adopter un nouveau style de vie, une vie de sainteté et de conformité à Christ (voir Ro 8.1-4).

Paul présente la sanctification comme une guerre sans relâche contre « les ruses du diable », ce qui requiert de se revêtir de « toutes les armes de Dieu » (Ép 6.11,13). Notre panoplie inclut « la vérité pour ceinture », « la cuirasse de la justice », les « chaussures » de « l’Évangile de paix », le « bouclier de la foi », « le casque du salut » et « l’épée de l’Esprit » (Ép 6.14-17). La prière est la logistique qui nourrit notre combat contre Satan ; nous devons prier « en tout temps par l’Esprit » pour les progrès et la victoire de l’Évangile (Ép 6.18). Comme nous le rappelle 1 Thessaloniciens 5.17, nous devons prier « sans cesse ».

Colossiens 3.1-17 brosse un tableau mémorable de la recherche de la sainteté. Paul y déclare que nous devons chercher « les choses d’en haut », non celles qui sont « sur la terre » que nous devons faire « mourir » (Col 3.1,2,5). C’est un tableau guerrier. La sanctification ne fait pas appel à un remède homéopathique. C’est un combat impitoyable et sanglant qui n’est pas pour les âmes sensibles. Pour plaire au Seigneur, il ne faut pas rester les bras croisés et laisser Dieu agir seul. Nous devons nous avancer et tuer le péché qui menace de nous tuer. Il ne s’agit pas d’un devoir facultatif. Après tout, l’Écriture ne suggère nullement que notre vie change automatiquement par la puissance de l’Esprit pour la gloire de Dieu. Les rédacteurs de l’Écriture, et son Auteur suprême nous ordonnent d’agir concrètement, ce qui s’accorde avec la nature générale de la Bible. Inspirée par Dieu (2 Ti 3.16), elle ne s’offre pas passivement comme un accessoire que l’humanité peut soupeser. Elle s’impose à nous comme « un feu dévorant », pour reprendre une image de l’Ancien Testament (De 4.24). Elle est une réalité transcendante qui nous engloutit tout entier.

Dans 1 Timothée, Paul exhorte son jeune disciple Timothée à « fuir » les tentations du siècle présent et à saisir « la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé » (1 Ti 6.11,12). Le mentor cherche à ranimer le courage de son protégé en déclarant : « Je te recommande, devant Dieu […] de garder le commandement, et de vivre sans tache, sans reproche, jusqu’à l’apparition de notre Seigneur Jésus-Christ » (1 Ti 6.13,14). Cet appel donne à réfléchir. La sainteté est rarement le genre d’expérience soudaine que Paul a faite sur le chemin de Damas. Elle ressemble davantage aux quarante années de pérégrinations d’Israël dans le désert, au cheminement des apôtres qui ont suivi les indications de l’Esprit de Christ vers la croix du martyre, au combat quotidien que livrent aujourd’hui les chrétiens de Chine, de Dubaï et du Soudan pour leur survie. La sanctification consiste essentiellement à s’accrocher avec ténacité à la tunique de Christ, à lutter avec l’Éternel en implorant sa bénédiction, à séjourner dans la vallée de la mort à la recherche d’une cité qu’on n’aperçoit pas.

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1 Wayne Grudem, Théologie systématique, Charols, Excelsis, 2010, p. 822.

2 John Murray, Redemption Accomplished and Applied, Grand Rapids, Eerdmans, 1955, p. 149.

3 J. C. Ryle, Holiness : Its Nature, Hindrances, Difficulties, and Roots [1877], réimpr., Moscow, ID, Charles Nolan, 2001, p. 19.


Cet article est un extrait de Introduction à la théologie évangélique édité par Kevin DeYoung